
-déjà apperçus qu’en coupant un cône de différentes
maniérés, on formoit des courbes différentes du
cercle, qu’ils nommèrent ficelions coniques. Voy. C on
iq u e & Se c t io n . Les différentes propriétés de
■ ces courbes, que plufieurs mathématiciens découvrirent
fucceffivement, furent recueillis en huit livres
par Apollonius de Perge, qui vivoit environ
250 ans avant J. C . Voyt{ A p o l l o n ie n . Ce fut lui,
à ce qu’on prétend, qui donna aux trois feâions coniques
les noms qu’elles portent, de parabole, d'ellip-
fie, & d'hyperbole, & dont on peut voir les raifons à
leurs articles. A-peu-près en même tems qu’Apol-
lonius, floriffoit Archimede, dont nous avons de fi
beaux ouvrages fur la iphere & le cylindre, fur les
•conoides & les fphéroïdes, fur la quadrature du cercle
qu’il trouva par une approximation très-fimple
& très-ingénieufe ( Voye{ Q u a d r a t u r e ) , & fur
•celle de la parabole qu’il détermina exactement.
Nous avons auffi de lui un traité de la fpirale, qui
peut paflér pour un chef-d’oeuvre de fagacité & de
•pénétration. Les démonftrations qu’il donne dans
cet ouvrage , quoique très - exaétes, font fi difficiles
à embrafl'er, qu’un favant mathématicien moderne,
Bouillaud, avoue ne les avoir jamais bien entendues
, & qu’un mathématicien de la plus grande force
, notre illuftre V iete, les a injuftement foupçon-
nées de paralogifme, faute de les avoir bien com-
prifes. Voye{ la préface de l'analyfe des infiniment petits
de M. de l ’Hôpital. Dans cette préface, qui eft
l ’ouvrage de M. de Fontenelle, on a rapporté les
deuxpailages de Bouillaud & de Viete, qui vérifient
ce que nous avançons ici. On doit encore à Archimede
d’autres écrits non moins admirables, qui ont
rapport à la Méchanique plus qu’à la Géométrie, de
cequiponder antibus , de infidendbus hu mi do; & quelques
autres dont ce n’eft pas ici le lieu de faire mention.
Nous ne parlons dans cette hiftoire que des Géomètres
dont il nous refte des écrits que le tems a
épargnés ; car s’il falloit nommer tous ceux qui dans
l’antiquité fe font diftingués en Géométrie, la liffe en
feroit trop longue ; il faudroit faire mention d’Eudo-
xe de Cnide, d’Archytas de Tarente, de Philolaiis,
d’Eratofthene, d’Ariftarque de Samos , de Dinof-
trate fi connu par fa quadratrice fifioye( Q u a d r a -
t r i c e ) , de Menechme fon frere, difciple de Platon,
des deux Ariftées, l’ancien 6c le jeune, de Conon,
de Thrafidée, de Nicotele, de Leon, de Theudius,
d’Hermotime, de Nicomede, inventeur de la con-
choïde ( V. C o n c h o ïd e ) , 6c un peu plus jeune qu’-
Archimede 5c qu’Apollonius, 6c de plufieurs autres.
Les Grecs continuèrent à cultiver la Philofophie,
la Géométrie, 6c les Lettres, même après qu’ils eurent
été fubjugués par les Romains. La Géométrie 6c
les Sciences en général, ne furent pas fort en honneur
chez ce dernier peuple qui ne penfoit qu’à fub-
juguer 8c à gouverner le monde, ôc qui ne commença
guere à cultiver l’éloquence même que vers la fin
de la république. On a vû dans l'article Er u d it io n
avec quelle legereté Cicéron parle d’Archimede,
qui pourtant ne lui étoit point inférieur ; peut - être
même eft-ce faire quelque tort à un génie auffi fubli-
me qu’Archimede, de ne le placer qu’à côté d’un bel
efprit, qui dans les matières philofophiques qu’il a
traitées, n’a guere fait qu’expofer en longs 6c beaux
difeours, les chimères qu’avoient penfées les autres.
On étoit fi ignorant à Rome fur les Mathématiques,
qu’on donnoit en général le nom de mathématiciens,
comme on le voit dans Tacite, à tous ceux qui fe mê-
loient de deviner, quoiqu’il y ait encore plus de distance
des chimères de la Divination 6c de l’Aftrologie
judiciaire aux Mathématiques, que de la pierre philo-
fophale à la Chimie. Ce même Tacite, un des plus
grands efprits qui ayent jamais écrit, nous donne par
fes propres ouvrages une preuve de l’ignorance des
Romains,dans les qu eft ions de Géométrie 8c d’Aftrono-
mic les plus élémentaires 8c les plus Amples. Il dit dans
la vie d’Agricola, en faifant la deferiptionde l’Angleterre,
que vers l’extrémité feptentrionale de cette
île, les grands jours d’été n’ont prefque po'int de nuit ;
6c voici la raifon qu’il en apporte : ficilicet extrema &
plana terrarum humili umbrâ non erigunt tenebras, in-
fraque cedum & jydera nox cadit. Nous n’entreprendrons
point avec les commentateurs de Tacite, de
donner un fens à ce qui n’en a point ; nous nous contenterons
d’avoir montré par cet exemple, que la
manie d’étaler un faux favoir 6c de parler de ce
qu’on n’entend pas, eft fort ancienne. Un traducteur
de Tacite dit que cet hiftorien regarde la Terre
dans ce paffage comme une J'phere dont la bafe ejl environnée
d'eau, 6cc. Nous ne favons ce que c’eft que
la bafe d’une fphere.
Si les Romains cultivèrent peu la Géométrie dans
les tems les plus floriflàns de la république, il n’eft
pas furprenant qu’ils Rayent encore moins cultivée
dans la décadence de l’empire. Il n’en fut pas de même
des Grecs ; ils eurent depuis l’ere chrétienne même
, 6c affez long - tems après la tranflation de l’empire,
des géomètres habiles. Ptolomée grand aftro-
nome 6c par conlèquent grand géomètre, car on ne
peut être l’un fans l’autre, vivoit fous Marc-Aurele ;
6c on peut voir au mot A s t r o n o m ie , les noms de
plufieurs autres.’Nous avons encore les ouvrages de
Pappus d’Alexandrie, qui vivoit du tems de Théo-
dofe; Eutocius Afcalonite, qui v ivoit après lui vers
l’an 540 de l’ere chrétienne, nous a donné un commentaire
fur la mefure du cercle par Archimede.
Proclus qui vivoit fous l’empire d’Anaftafe au cinquième
6c fixieme fiecles, démontra les théorèmes
d’Euclide, 8t fon commentaire fur cet auteur eft parvenu
jufqu’à nous. Ce Proclus eft encore plus fameux
par les miroirs ( vrais ou fuppofés) dont il fe
fervit, dit-on, pour brûler la flotte de Vitalien qui
affiégeoit Conftantinople. Voye{ A r d e n t & Mi r
o ir . Entre Eutocius 6c Pappus, il y a apparence
qu’on doit placer Dioclès , connu par fa ciffoïde
C is s o Ïd e ) , mais dont on ne connoît guere
que le nom, car on ne fait pas précifément le tems
oit il a vécu.
L ’ignorance profonde qui couvrit la furface de la
Terre 8t fur-tout l’Occident, depuis la deftruttion
de l’empire par les Barbares, nuifit à la Géométrie
comme à toutes les autres connoiffances; on ne trou-;
ve plus guere ni chez les Latins, ni même chez les
Grecs, d’hommes verfés dans cette partie ; il y en eut
feulement quelques-uns qu’on appelioit fa vans, parce
qu’ils étoient moins ignorans que les autres, &
quelques-uns de ceux-là, comme Gerbert, pafferent
pour magiciens ; mais s’ils eurent quelque connoif-
fance des découvertes de leurs prédéceffeurs, il n’y
ajoutèrent rien, du-moins quant à la Géométrie; nous
ne connoiffons aucun théorème important dont cette
fcience leur foit redevable : c’étoit principalement
par rapport à l’Aftronomie qu’on étudioit alors le
peu de Géométrie qu’on vouloit favoir, 8t c’étoit principalement
par rapport au calendrier 6c au comput
eccléfiaftique qu’on étudioit l’Aftronomie ; ainfi î’é-
tude de la Géométrie n’étoitpas pouflee fort loin. On
peut voir au mot A s t r o n o m ie , les noms des principaux
mathématiciens des fiecles d’ignorance. II
en eft un que nous ne devons pas oublier ; c’eft Vi-
tellion favant polonois du treizième fiecle,dont nous
avons un traité d'Optique très-eftimable pour ce
tems-là, & qui fuppofe des connoiffances géométriques.
Ce Vitellion nous rappelle l’arabe Alhazen,
qui vivoit environ un fiecle avant lu i, 6c qui culti-
voit auffi les Mathématiques avec fuccès. Les fiecles
d’ignorance chez les Chrétiens ont été les fiecles de
lumière
lumière 5c de favoir chez les Arabes ; cette nation a
produit depuis le 9e jufqu’au 14e fiecle, des aftrono-
mes, des géomètres, des géographes, des chimif-
tes , &c. Il y a apparence qu’on doit aux Arabes les ;
premiers élémens de l’Algebre : mais leurs ouvrages j
de Géométrie dont il eft ici principalement queftion, j
ne font point parvenus jufqu’à nous pour la plupart, f
ou font encore manuferits. C ’eft fur une tradu&ion
arabe d’Apollonius qu’a été faire en 1661 l’édition
du cinquième, du fixieme 6c du feptieme livre de cet
auteur. Voyeç A p o l l o n ie n . Cette tradu&ion étoit
d’un géomètre arabe nommé Abalphat, qui v ivoit à
la fin du dixième fiecle. Il n’y avoit peut-être pas
alors parmi les Chrétiens un feul géomètre qui fût ;
en état d’entendre Apollonius; il auroit fallu d’ailleurs
pour le traduire favoir en même tems le grec
6c la Géométrie, ce qui n’eft pas fort commun, même
dans notre fiecle.
A la renaiffance des lettres, on fe borna prefque
uniquement à traduire 6c à commenter les ouvrages
de Géométrie des anciens ; & cette fcience fit d’ailleurs
peu de progrès jufqu’àDefcartes: ce grand homme publia
en 1637 fa géométrie,6c la commença parlafolu-
tiond’un problème oii Pappus dit que les anciens mathématiciens
étoient reftés. Mais ce qui eft plus précieux
encore que la folution de ce problème , c’eft
l’inftrument dont il fe fervit pour y parvenir, 6c qui
ouvrit la route à la folution d’une infinité d’autres
queftions plus difficiles. Nous voulons parler de l’application
ae l’Algebre à la Géométrie; application dont
nous ferons fentir.le mérite 6c l’ufage dans la fuite
de cet article : c’étoit là le plus grand pas que la Géométrie
eût fait depuis Archimede ; 8c c’eft l’origine
-des progrès furprenans que cette fcience a faits dans
la fuite.
On doit à Defcartes non-feulement l’application
de l’Algebre à la Géométrie, mais les premiers effais
de l’application de la Géométrie à la Phyfique, qui a
été pouffée fi loin dans ces derniers tems. Ces effais
qui fe voyent principalement dans fa dioptrique, 6c
dans quelques endroits de fes météores, faifoient dire
à ce philotophe que toute fa phyfique n’étoit autre
chofe que Géométrie: elle n’en auroit valu que mieux
fi elle eût eu en effet cet avantage ; mais malheureu-
fement la phyfique de Defcartes confiftoit plus en
hypothèfes qu’en calculs ; 8c l’Analyfe arenverfé depuis
la plupart de ces hypothèfes. Ainfi la Géométrie
qui doit tant à Defcartes, eft ce qui a nui le plus à fa
phyfique. Mais Ce grand homme n’en a pas moins la
gloire d’avoir appliqué le premier avec quelque fuccès
la Géométrie à la fcience de la nature ; comme il
a le mérite d’avoir penfé le premier qu’il y avoit des
lois du mouvement, quoiqu’il fe foit trompé fur ces
lois. Voye^C o m m u n ic a t io n du Mo u v e m e n t .
Tandis que Defcartes ouvroit dans la Géométrie
une carrière nouvelle, d’autres mathématiciens s’y
frayoient auffi des routes à d’autres égards , & pre-
paroient, quoique foiblement, cette Géométrie de l’infini
, qui à l’aide de l’Analyle, devoit faire dans la
fuite de fi grands progrès. En 1635, deux ans avant
la publication de la Géométrie de Defcartes, Bona-
venture Cavalérius, religieux italien de l’ordre des
Jéfuates,qui ne fubfifte plus, avoit donné fa géométrie
des indivifibles: dans cet ouvrage, il confidere les
plans comme form.és par des fuites infinies de lignes,
qu’il appelle quantités indivifibles , & les folides par
des fuites infinies de plans ; & par ce moyen, il parvient
à trouver la furface de certaines figures & la
folidité de certains corps. Comme l’infini employé
à la maniéré de Cavalérius étoit alors nouveau en
Géométrie, & q.ue ce religieux craignoit des contradicteurs
, il tâcha d’adoucir ce terme par celui éf indéfini
, qui au tond ne fignifioit en cette occafion que
la même chofe. Malgré cette efpeçe de palliatif, il
Tome FU .
trouva beaucoup d’adverfaires -, mais il ëut àiiffi dés
partifans ; ceux-ci en adoptant l’idée de Cavalérius
la rendirent plus exaCte, & fubftitnerent aux lignes
qui compofoient lès plans de Cavalérius,des parallélogrammes
infiniment petits ; aux plans indivifibles
de CavaleriuSjdes folides d’une épa-iffeur infiniment
petite : ils^ confidérerent les courbes comme des polygones
d’une infinité de côtés, 8c parvinrent par ce
moyen à trouver la furface de certains efpaces curvilignes
, la rectification de certaines courbes, la mefure
de certains folides, les centres de gravité des uns
8c des autres : Grégoire de Saint-Vincent, & fur-tout
Pafcal, fe diftinguefent l’un & l’autre en ce genre ;
le premier, dans fon traité intitulé, quadratura circuit
& hyperboles , / 647. où il mêla à quelques para-
logifines de très-beaux théorèmes ; 6c le fécond, par
fon traité de la roulette ou cycloïde (Jf. Cycloïde) ,
qui paroît avoir demandé les plus.grands efforts d’efi-
prit ; car on n’avoit point encore trouvé le moyen
de rendre la Géométrie de l’infini beaucoup plus facile
en y appliquant le calcul.
Cependant le moment de cette heureufe décOu-*
verte approchoit ; Fermât imagina le premier la méthode
des tangentes par les différences ; Barrow la
perfectionna en imaginant fon petit triangle différën*-
tiel, & en fe fervant du calcul analytique,pour dé*
couvrir le rapport des petits côtés de ce triangle, &C
par ce moyen la fous-tangente des courbes. Foyet
D ifférentiel.
D ’un autre côté on fit réflexion que les plans ou
folides infiniment petits , dont les furfaces ou les folides
pouvoient être fuppofés formés, croiffoient ou
décroifl'oientdans chaque furface ou folide, fuivant
différentes lois ; 8t qu’ainfi la recherche de la mefure
de ces furfaces ou de ces folides fe réduifoit à coir-
noître la fomme d’une férié ou fuite infinie de quantités
croiffantes ou décroiffantes. On s’appliqua donc
à la recherche de la fomme des fuites ;• c’eft ce qu’on
appella l'arithmétique des infinis; on parvint à en fom-
mer plufieurs,& on appliqua aux figures géométriques
les réfultatsde cette méthode. Wallis, Merca-
tor , Brouncker, Jacques Grégori, Huyghens, &
quelques autres fe fignalerent en ce genre ; ils firent
plus ; ils réduifirent certains efpaces & certains arcs
de courbes en fériés convergentes, c’ eft-à-dire dont
les termes alloient toujours en diminuant ; & par-là
ils donnèrent le moyen de trouver la valeur de ces
efpaces & de ces arcs, finon exaftement, au-moins
par approximation: car on approchoit d’autant plus
de la vraie valeur, qu’on prenoit un plus grand nombre
de termes de la fuite ou férié infinie qui l’expri-
moit. Voye{ Su it e , Série , Approximation,
&c.
Tous les matériaux du calcul différentiel étoient
prêts; il ne reftoit plus que le dernier pas à faire. M*'
Leibnitz publia le premier en 1684 les réglés de ce
calcul , que M. Newton avoit déjà trouvées de fon
côté: nous avons difeutéau mot D ifférentiel, la
queftion fi Leibnitz peut être regardé comme inventeur.
Les illuftres freres Bernoulli trouvèrent les démonftrations
des réglés données par Leibnitz ; &
Jean Bernoulli y ajoûta quelques années après, la
méthode de différentier.les quantités exponentielles,
Foyei Exponentiel.
M. Newton n’a pas moins contribué au progrès
de la Géométrie pure par deux autres ouvrages ; l’un
eft fon traité de quadratura curvarum , où il enfeigne
la maniéré de quarrer les courbes par le calcul intér
gral, qui eft l’inverfe du différentiel ; ou de réduire la
quadrature des courbes, lorfque 'cela eft poffible, à
celle d’autres courbes plus fimples , principalement
du cercle & de l’hyperbole : le fécond ouvrage eft
fon enumerado linearum tertii ordinis, où appliquant
heurçufemçnt le çalçul aux ççurbçs dont l’équatioa
LUI