
quément, les eaux rejettéesfortentde defloiis lescôn-
îinens. Ces goufres-ne font que les larges orifices des
canaux foûterreins : l’eau de la mer engloutie d’abord
dans ces grandes 'bouches -, fe diftribue enfuite par
les branches -principales des conduits foûterreins ,
& fe porte julqu’au-deffous des continens. Elle .parvient
enfuite par des ramifications qu’ôn multiplie à
l ’infini, fous les montagnes, les cavernes , & les autres
cavités de la terre ; en vertu de la grande division
qu’èlle éprouve-pourlors -, ellefe trouve plus ex-
pofée à l’aâion de la chaleur foûterreine : elle eft réduite
en vapeurs, & s’élève dans les premières couches
de la terre, où elle forme des réfervoirs qui four-,
nifîeùt à l’écoulement des fources 6c des fontaines.
Mais ce qu’il faut bien remarquer , l ’eau, à l'extrémité
des branches principales, perd paf évaporation
à chaque inftant une fiLgrande quantité d’eau douce,
qu’elle acquiert une falure 6c une gravité fpécifique
plus confidérable que celle qui remplit les goufres : en
conféquence, cette eau plus falée eft déterminée par
Ion poids à refluer par les ramifications qui aboutif-
fentaux branches principales, parce que le fel ne fe
dépofe que dans les ramifications où l’évaporation
commence; & ces ramifications par lefquelles l’eau
falée coule, s’abouchent ordinairement aux branches
principales d’un autre goufre vomiflant. L ’eau fe décharge
par ce moyen dans la mer , en y reportant à
chaque inftant le réfidu falin des eaux évaporées &
dulcifiées. Ainfi les conduits foûtef reins fe débarraf-
fent du fel qui pôurroit s’y accumuler par l’évaporation
de ï’eau douce ; & la mer répare la falure qu’elle
perdroit inîenfiblement. A mefure que l’évaporation
s’opéré à l ’extrémité dés branches principales des
goufres abforbans, le produit de cette diftillation
trouve des conduits prêts à le recevoir pour le décharger
dans un goufre vomiflant* Quelquefois les
réfidus falins prendront la route des branches principales
du goufre abforbant ; 6c alors ce goufre fera ,
abforbant & vomiflant en même tems. Maïs de plus;
fouvent, le goufre vomiflant fera diftingué de l’àbfor-'
bant. Ainfi lès fontaines de la Sicile & du royaume de
Naples font entretenues par le goufre abforbant de
Sy lia, qui porte fes eaux dans les foûterreins de l’île
& de la pointe de l’Italie ; le réfidu falin de l’évaporation
eftreporté à la mer par Gharibde, goufre vomif-
fant , & par quelque autre ouverture. Les courans
que l’onobferve affez ordinairement darisles détroits,
font produits par la décharge des eaux falées qui refluent
des foûterreins : tels font les courans du Bof-
phore deThrace, produits par les eaux qui fe déchargent
des foûterreins de l’Afie mineure, & qui fe jettent
dans Je Pont-Euxin, pour réparer la quantité de
falure qu’il perd en coulant dans la Méditerranée par
l ’Hellelpont, & ne réparant-cette eau falée que par
l’eau douce des fleuves qu’il reçoit. D e même la mer
Cafpienne ayant de ces goufres abforbans qui lui enlèvent
de l’eau falée, répare cette perte par des goufres
vomiflans qui lui. viennent des foûterreins de la
Ruflie 6c de la Tartarie. Les goufres abforbans de l’Océan
feptentrional forment les fleuves de la Ruflie,
de la Tartarie ; & d’autres goufres vomiflans déchargent
une partie de leurs fels. dans la mer Cafpienne.
Il eft aifé de faire voir que cette complication de
nouveaux.agens introduits parM. Kuhn.dans l’hypo-
thèfe cartéftenne, les rend fufpe&s d’avoir été enfantés
par le befoin. Car cés goufres abforbans & vomiflans,
dont on.croit reconnoître 6c indiquer les bouches
dans le Maelftroom de Norvège,dans Sylla,dans
Charibde, ne font rien moins que des ouvertures
de canaux foûterreins , dont les conduits fé continuent
dans. lafolidité du globe, & fous la mafle des
continens. La tourmenté qù’y éprouve l’eau de la
mer eft dépendante des marées ; & ces mouvemens
réguliers qui balancent les eaux de l’Océan , n’ont
aucune correfpondance avec les befoins des cucurbi-
tes foûterreines.D’ailleurs après le calme on voit voltiger
fur la furface de l’eau les débris de ce qu’il a ab-
forbé. Il en eft demême de tous les autres, qui ne font
pas placés au hafard dans les détroits, ou pour répandre
les eaux de la mer fous les continens voifins :
mais parce que dans ces parages le fond de la mer.
étant parfemé de rochers 6c creufé inégalement, préfente
à la mafle des eaux refferrées dans un canal
étroit, des obftacles qui les agitent & les boulever-
fent; Struys .& le :P. Avril avoient prétendu avoir,
découvert des goufres.dahs la m erCafpienne, où les
eaux de ce grand lac s’engloutiflbiènt pour fe rendre
ou dans le Pont-Euxin, ou dans le golfe: Perfique :
mais les favans envoyés par le Czafr, qui nous ont
procuré la véritable figure de cette mer, n’en ont pas-
même trouvé les apparences. On a trouvé des eaux
chaudes 6c douces dans le goufre de Charibde. Enfin
tous les courans d’eau qu’on a découverts dans des
caftaux foûterreins., font dirigés vers la mer, & ne
voiturent abfolument que des eaux douces. Les eaux
qui fortent du fond de la mer dans les golfes Arabique
& Perfique, font douces. Ainfi tous les faits fem-
blent détruire les füppofitions des goufres abforbans
6c vomiflans.
J’obferve d’ailleurs qu’en fuppofant la réalité de
ces goufres, leur travail foûterrein eft contraire aux
principes de l’Hydrôftatique. Ces goufres ont été
formés avec le globe : car il ne faudroit rien redou-i
ter dans le genre des füppofitions , fi l’on chargeoit.
les eaux de produire de telles excavations.Je dis-donc
que les extrémités intérieures de ces canaux abforbans
6c vomiflans font inférieures au. niveau du fond
de la mer ; puifque le vomiflant prend l’eait où l’ab-
forbant la quitte, c’eft-à-dire dans le lieu où la diftillation
s’opère. Or ces deux canaux ont dû d’abord
être abforbans,puifque l’eau de la mer a dûs’englou-
tir également dans leur capacité, en vertu de la même
pentes .
De ce que les deux goufres s’abouchent l’un à l’autre
, leurs branches principales peuvent être eonfidé-
rées comme des tuyaux communiquans qui font adaptés
à un baflin commun, & remplis d’une liqueur ho-:
mogene. Il eft donc, confiant que les liquides ont dû y
refter en équilibre, jufqu’à ce qu’une nouvelle caufe
vînt le troubler ; & cette.caufe eft Pévaporation de
l’eau douce deftioée à former les fontaines. Mais l’on
fuppofe bien gratuitement que l ’évaporation ne s’opère
qu’à l ’extrémité du goufre abforbant. Pourquoi,
la chaleur foûterreine qui en eft la caufe, n’agira-t-
elle pas également à l’extrémité des branches principales
de ces deux goufres , puifqu’elJles font également
expofées à fon action ; car elles fe réuniffent
l’une à l’autre, l’une reportant à la mer le,réfidu falin
des eaux que l’autre àbforbe ? S’il n’y a plus d’inégalité
dans lapreflion, le jeu alternatif des goufres
abforbans 6c vomiflans eft entièrement déconcerté
6c réduit à la feule aélion d’abforber.
Malgré ces difficultés, nous fuppoferons que tout
le méchanifme que nous avons décrit ait pu recevoir
de l ’a&ivité.par des reflources que nous ignorons
dans la nature, mais qu’on imaginera; le travail
de la diftillation étant une fois commence^les-canaux,
abforbans feront toûjours pleins ; à jnefure.que l’eau
douce s’évaporera , une égale quantité d’eau falée
fuccédera fans violence ; & de même, Je goufre vo miflant
rejettera infenfiblement fes eaux falées. On
ne doit donc pas remarquer des agitations auflï terribles
à l’embouchure des. .conduits, foûterreins ; &
les agitations des goufres : de la mer. prouveroient
trop.
A-t-on au furplus penfé à nousraflurer fur des ob-,
ftaçles qu’on doit craindre à chaque inftant pour la
circulation libre des eaux? L’eau évaporée doit être
dégagée de toute fa falure avant que de s’infinuer
dans Tes ramifications étroites : car fi elleenconferve,
6c qu’elle la perde en route, .voilà un principe d’ob-
ftru&ion pour ces petits tuyaux capillaires. Comment
le réfidu falin eft-il déterminé à fe porter dans les
ramifications, des goufres vomiflans ? Comment l’eau
devenue plus falée conferve-t-èlle une fluidité aflez
grande pour refluer avec une célérité 6c une facilité
qui n’interrompra pas le travail de cette circulation
continuelle ? Comment l’eau divifée dans ces cavités
très-étroites n’y dépofe-t-elle pas des couches de fel
qui les bouchent; ou ne s’évapore-t-elle pas entièrement
, de telle forte que le fel fë durciflë en mafle
folide : car elle eft expofée à un feu capable d’agir fur
'des volumes d’eau plus conlïdérables? Pourquoi enfin
toute l’eau ne.fe fépare-t-elle pas des fels lors de la
première diftillation ; de forte que le réfidu falin foit
une mafle folide 6c incapable d’être entraînée par
des canaux étroits? Combien d’inconvéniens 6c d’embarras
n’éprouvent pas ceux qui veulent compliquer
leurs reflources à mefure que de nouveaux faits font
naître de nouvelles difficultés ? Ces fupplémens, ces
fecours étrangers, bien loin de foulager la foibleffe
d’une hypothèfe, la montrent dans un plus grand
jour , & la furchargent de nouvelles füppofitions,
qui entraînent la ruine d’un tout mal concerté.
III. Ceux que je place dans cette troifieme clafle
ont tellement réduit leurs prétentions d’après les
faits, qu’elles paroiffent être les feules de toutes celles
que j’ai expofées, qui puiffent trouver des parti-
fans parmi les perfonnes raifonnables 6c inftruites.
Pour jetter du jour fur cette matière, ils diftinguent
Cxafrement ce qui concerne l’origine des fontaines
d’avec l’origine des rivières. Lesfontaines proprement
dites font en très-petit nombre , & verfentune quantité
d’eau peu confidérable dans les canaux des rivières
: le furplus vient i° . des pluies qui coulent fur
la terre fans avoir pénétré dans les premières couches
; i° . des fources que les eaux pluviales font naître
, & dont l’écoulement eft vifiblement aflujetti aux
faifons humides ; j° . enfin des fources infenfibles qui
doivent être diftribuées le long du lit des rivières 6c
des ruifleaux. Perrault, quoiqu’oppofé aux phyfi-
ciens de cette clafle, a remarqué que quand les rivières
font groffes, elles pouffent dans les terres , bien
loin au-delà de leurs rivages, des eaux qui redefeen-
dent enfuite quand les rivières font plus baffes ; 6c
ce dernier obfervateur,.qui a beaucoup travaillé à
détruire les canaux foûterreins, & à établir l’hypo-
thèfedes pluies, va même jufqu’à prétendre que les
eaux des rivières extravafées remontent jufqu’au
fommet des collines 6c des montagnes, entre les couches
de terre qui aboutiffent au canal des rivières,
& vont former par cette afeenfion foûterreine les
réfervoirs des fontaines proprement dites : c’eft ce qui
fait le fond de tout fon fyftème, qu’il fuffira d’avoir
expofé ici.
Guglielmini, dans fon traité des rivières, a diftingué
toutes les chofes que nous venons de détailler.
Il a de plus obfervé plus précifément que Perrault ces
petites fources qui fe trouvent le long des rivières ; il
a remarqué que fi l’on creufoit dans le lit des ruif-
feaux qui font à fe c , plufieurs trous, on y trouvoit
de l’eau à une petite profondeur , 6c que la furface
de l’eau de ces trous fuivoit la pente des ruifleaux ;
enforte que les efpeces de fontaines artificielles font
des veftiges encore fubfiftans des fources qui don-
noient dans le tems que les ruifleaux couloient à plein
canal. Gn conclut de tous ces faits, que la plûpart
des eaux qui rempliffent les canaux des rivières,
proviennent des pluies ; 6c que les fources infenfibles
6c paflageres prifes dans la totalité , ont pour
principe de leur entretien les eaux plu via les, comme
les obfervations confiantes le prouvent à ceux qui
examinent fans préjugés.
Mais on fe retranche à dire qu’une partie dé l’eau
desfontaines, ou de quelques-unes des fontaines proprement
dites, eft élevée de la mer par des conduits
foûterreins. On infinue que la mer peut bien ne transmettre
dans leurs réfervoirs que le tiers ou le quart
des eaux qu’elles verfent dans les rivières. Ces physiciens
fe font déterminés à un parti auflï modéré, par
l’évidence des faits, & pour éviter les inconvéniens
que nous avons expofés ci-deffus: nous adoptons les
faits qu’ils nous offrent; mais certains inconvéniens
relient dans toute leur étendue : car i°. l ’Ôbftruc-
tion des conduits foûterreins par le fel eft toûjours
à craindre , fi leur capacité eft proportionnée à la
quantité d’eau qu’ils tirent de la met; un petit conduit
doit être aufli-tôt bouché par une petite quantité
d’eau falée qui y circule, qu’un grand canal par
une grande mafle : 20. la difficulté du deffaJlément
par les filtrations, &c. fubfifte toûjours. On ne peut
être autorifé à recourir à ce fupplément, qu’autant
qu’on feroit aflïîré, i°. que les pluies qui produifent
fi manifeftement de fi grands effets, ne feroient pas
affez abondantes pour fuffire à tant : 20. que certaines
fources ne pourroïent recevoir de la pluie en
vertu de leur fituation, une provifion fuffifante pour
leur entretien : c’eft ce que nous examinerons par la
fuite. Pourquoi percer à grands frais la mafle du globe
entier, pour conduiré une auflï foible provifion }
Seroit-ce parce qu’on tient encore à de vieilles prétentions
adoptées fans examen ?
Après l’expofition de tout ce qui concerne cette
hypothèfe, il fe préfente une réflexion à laquelle
nous ne pouvons nous refufer. En faifant circuler, à
force de füppofitions gratuites, les eaux falées dans
la mafle du globe, & en tirant cés eaux d’unréfervoir
auflï immenfe que la mer, on a été féduit fans doute
par l’abondance 6c la continuité de la provifion : mais
on a perdu de vue un principe bien important: la
probabilité d’une circulation libre 6c infaillible, telle
qu’on a dû la fuppofer d’après l’expérience, décroît
comme le nombre des pièces qui jouent pour concourir
à cet effet, 6c comme le nombre des obftacles
qui s’oppofent à leur jeu. Il n’y a d’avantageux que le
réfervoir: mais combien peu de fùretés pour la conduite
de l’eau? Cette défeâuofité paroîtra encore plus
fenfiblement,lorfque nous aurons expofédes moyens
Amples 6c faciles d e l’hypothèfe des pluies. Dans le
choix des plans phyfiques, on doit s’attacher à ceux
où l’on employé des agensfenfiblesSc apparens dont
on peut évaluer les effets & apprétier les limites, en
fe fondant fur des obfervations fufçeptïbles de préci-
fion. N’eft-on pas dans la réglé , lorfqu’on part de
faits , qu’on combine des faits pour en expliquer
d’autres, fur-tout aprèss’êrre allurés que les premiers
faits font les élémens des derniers ? D ’ailleurs, c’ eft
de l’enfemble de tous les phénomènes du globe, c’eft
de l’appréciation de tout ce qui fe rencontre en grand
dans les effets furprenans qui piquent notre curioft-
t é , qu’on doit partir pour découvrir les opérations
compliquées, où la nature étale fa magnificence en
cachant fes reflources ; où elle préfente, il eft vrai ,
affez d’ouvertures pour la fagacité 6c l’attention d’un
obfervateur qui a l’efprit de recherche, mais affez
peu de prife pour l’imagination 6c la legereté d’un
homme à fyftèmes.
Il y a certaines expériences fonda mentales fur lefquelles
toute une queftion eft appuyée ; il faut les
faire, fi l’on veut raifonner jufte fur cet objet : autrement
tous les raifonnemens font des foéculations
en l’air. Du nombre de ces expériences principales
eft l’obfervation de la quantité de pluie qui tombe
fur la terre ; 6c celle de la quantité d’évaporation.
Delà dépend la théorie des fontaines, celle des rivie-
' res, des vapeurs, & de plufieurs autres fujets aufli
curieux qu’intéreffans, dont il eft imppflible de rien