tipliés des rivières & lesVaftes lits des fleuves ; par
quel méchanifme enfin ces réfervoirs reparent abondamment
leurs pertes journalières.^
Enluite à mefure qu’on étudie plus en détail les
fontaines, on y obferve plufieurs fingularitcs tres-
ffoppantes, tant dans leur écoulement que dans leu«
eaux ; & ces difcufïions font par leurs objets aufli
agréables qu’utiles. D ’après cesconfidérations, nous
croyons devoir nous attacher dans cet article à deux
points de vue intéreffans fur 1 es fontaines : leur origine
6c leurs fingularitis. | '■
Origine des Fontaines. L ’origine d as fontaines
a de tout tems piqué la cunofite des Philofophes.Les
anciens ont leurs hypothèfes fur ce méchaniline, ainfi
que les modernes. Mais ce font pour la plupart des
plans informes, qui fur-tout dans les premiers, 6c
même dans certains écrivains de nos jours, ont le
défaut général que Séneque reprochoit avec tant de
fondement aux phyficiens de fon tems, dont il con-
noiffoit fi bien les reflburces philofophiques. ULud
ante omnia mihi dicendum efi, opinionts veterumpariim
exact as ejfe & rudes : circaverum adhuc errabatur : nova
omniaerantprimb tentantibus.QuoeJl. nat. lib. V î. c.jv.
Les anciens, en parlant de l’origine d es fontaines,
ne nous préfentent rien de précis 5c de fondé ; outre
qu’ils n’ont traité cette queftion qu’en paflant, 6c fans
infifter fur fes détails, ils ne paroiffent s’être attachés
ni aux faits particuliers ni à leur concert ; ces rai-
fons font plus que fuffifantes pour nous déterminer à
paffer legerement fur leurs hypothèfes. Quel fruit
peut-on retirer pour l’éclairciffement de la queftion
préfente ,en voyant Platon ou d autres anciens phi-
lofophes au nom defquels il parle, indiquer pour le
refervoir commun des fontaines 6c des fources , les
gouffres du Tartare, & faire remonter 1 eau par caf-
cades de ce gouffre à la furface de la terre |j Peut-
être que des érudits trouveront dans ces rêveries
populaires l’abyfme que Voodward prétend faire
fervir à la circulation des eaux foCiterraijies. Nous
ne croirons pas au refte devoir revendiquer pour
notre fiecle cette derniere hypothèfe comme plus appuyée
que l’ancienne. Quelles lumières 6c quelles
reffources trouve-t-on dansie fyftème embrafle par
Ariftote 6c par Séneque le naturalifte ? Ces philofo-
phes ont imaginé que l’air fe condenlost 6c fe chan-
geoit en eau par la ftagnation 6c l’humxdite qu il
éprouvoit dans les foûterrains. Ils fe fondoient fur
ce principe, que tout le fait de tout ; ainfi, félon eux
l’air fe change en eau 8c l’ eau en air par des tranf-
mutations, au milieu defquelles la nature fait garder
une jufte compenfation qui entretient toujours
l’équilibre entre les élémens. Ces tranfmutations li-
vreroient toute l’économie admirable de la nature à
une confufion 6c à une anarchie affreufe. L ’eau con-
fidérée fans mélange fera toujours eau & inaltérable
dans fes élémens. Voye[ E a u ,E l ém e n t . Il cft
vrai qu’on a obfervé de nos jours un fait qui femble-
roit autorifer ces prétentions. L’eau la plus pure
laiffe après plufieurs diftillations réitérées quelques
principes terreux au fond de la cucurbite. Ce fait
remarqué par Boyle 6c par Hook avoit donné lieu
à Newton de conclure que Veau fe changeoit en terre.
Mais Boerhaave qui a vérifié effectivement ce réful-
ta t , prétend avec beaucoup plus de raifon que les
molécules de l’eau font inaltérables, 6c que le réfidu
terreux eft le produit des corps légers qui flottent
dans l’air, ou la fuite d’une inexactitude indifpenfa-
ble dans la manipulation. Ainfi les anciens n’etoient
autorifés à fuppofer ces tranfmutations que par le
befoin qu’ils en avoient. Si après cela nous voyons
Ariftote avoir recours aux montagnes qui boivent
les eaux foùterraines comme des éponges ou d’autres
agens , ces fecours fubfidiaires ne nous offrent
aucune unité dans fes idées. Pline -nous rapporte
quelques faits, mais donne peu de vues. Vitruve a
entrevu le vrai en s’attachant au produit des pluies.
Saint Thomas 6c les Scholaftiques de Conimbre
tranchent plûtôt la queftion qu’ils ne la réfolvent,
en admettant pu l’afccndant des aftres, ou la faculté
attraûive de la terre qui raflemble les eaux dans fon
fein par une force que la Providence lui a départie
luivant fes vues 6c fes defleins. Van-Helmont prétend
que l’eau renfermée dans les entrailles de la
terre n’eft point affujettie aux réglés de l’hydrofta-
tique, mais qu’elle dépend alors uniquement de l’im-
preflion que lui communique cet efprit qui anime le
monde fouterrain, 6c qui la met en mouvement dans
les abyfmes profonds qu’elle remplit. En conféquen-
ce de ces idées il met en jeu ce qu’il appelle la pro<-
priétè vivifiante du fable pur, 6c la circulation animée
qui en réfulte des eaux de la mer vifible dans
une mer invifible, qu’il s’efforce de prouver par l’Ecriture.
Cet abus n’eft pas particulier à ce fameux
médecin : plufieurs autres écrivains ont cru décider
la queftion par des paflages des livres facrés qu’ils
interprétoient félon leurs caprices, ou fe font lervi
de cette autorité refpeCtable comme de preuve fub-
fidiaire. On ne peut trop s’élever contre ce procédé
religieux en apparence, mais qui aux yeux d’un phy-
ficien éclairé & chrétien, n’eft que l’emploi indécent
d’un langage facré fait pour diriger notre croyance
6c notre conduite, 6c non pour appuyer des préjugés,
des préventions, &C des indurions imaginaires,
en un mot des lyltèmes. Ces efpeces de théologies
phyfiques dérogeant à la majefté de l’Ecriture 5t aux
droits de la raifon, ne laiflent appercevoir'qu’un
mélange toujours ridicule de faits divins 6c d’idées
humaines.
L’érudition de Scaliger ne nous préfente que des
difcufïions vagues fur ce que les autres ont penfé 6c
fur ce qu’il fe croit en droit d’y ajoûter, mais ne nous
offre d’ailleurs aucun fait décifif. Cardan après avoir
examiné d’une vue allez générale les deux principales
hypothèfes qui étoient en honneur de fon tems ,
8c avoir .grofli les difficultés de chacune, finit par
les embrafler toutes les deux en aflignant à l’une Sc
à l ’autre fes opérations particulières. Dans l ’une on
attribuoit l’origine des fontaines uniquement aux
pluies ; dans l’autre on prétendoit qu’elles n’emprun-
toient leurs eaux que de la mer. Ces deux opinions
font prefque les feules qui ayent partagé les Phyficiens
dans tous les tems. Plufieurs écrivains depuis
Cardan ont adopté l’une des deux ; mais la plûpart
fe font bornés à des moyens très-imparfaits. Tels
font L ydia t, D a v ity , Gaflendi, Duhamel, Schot-
tus , 6c le pere François. On peut çonfulter fur ces,
détails le traité de Perrault de l’origine des fontaines ;
on y trouvera vingt-deux hypothèfes, qui toutes fe
rapportent aux deux principales dont nous venons
de parler. On ajoutera aux auteurs qui y figurent,
Plot, dont l’ouvrage eft une efpece de déclamation
où Fon trouve beaucoup de crédulité, peu derai-
fons, 6c encore moins de choix 6c de certitude dans
les faits. Cet anglois adopte les canaux foûterreins.
Bernard Palifly qui avoit plus vu 6c mieux vu que
tous ces favans, étoit fi perfuadé que les pluies for-
moient les fontaines, 6c que l’organilation des premières
couches de la terre étoit très-favorable à l’amas
des eaux, à leur circulation, 6c à leur émanation
, qu’il publioit hautement être en état de les imiter.
Il auroit organifé un petit monticule fuivant la
diftribution des couches qu’il avoit remarquées à la
furface delà terre dans les lieux qui lui avoient offert
des fources. On verra par la fuite que cette pro-
mefle n’étoit point l ’effet de ces charlatanifmes dont
les Savans ne font pas exempts, 6c que les ignorans
qui s’en plaignent Ôc qui en font les dupes , rendent
louvent néceffaires»
Là première chofe qui fe pré fente dans cette qiief-
tion, eft que les fleuves 6c les rivières vont fe rendre
dans dés golphes ou dans de grands lacs où ils portent
continuellement leurs eaux. Or depuis tant de
-fieelesque ces eaux fe raflemblent dans ces grands
réfervôirs , l’Océan 6c les autres mers atirdient débordé
de toutes parts 6c inondé la-terre, fi -les vaftes
canaux qui s’y déchargent y portoient des eaux
étrangères qui ajoûtaflent à leür immenfe volume. Il
faut donc qîie ce foit la mer qiii fburnifle aux fort*
laines cette quantité d’eau qui lui rentre ; & qu’en
conféquencè de cette circulation les fleuves puiflent
couler perpétuellement , 6c tranfporter une mafle
d’eau confidérable, fans trop remplir le vafte baflin
qui la reçoit. ‘
• Ce rail’onnément éft uii point fixe auquel doivent
fe réunir toutes les opinions qu’il eft poflible d’imaginer
fur cette matière, 6C qui fe préfente d’abord
dès Ou’on fe propofe de difeuter celles qui le font
déjà. Mais comment l’eau va-t-elle de la mer aux
fontaines ? Nous favons bien la route qu’elle tient
pour retourner dés fontaines à la m er, parce que les
canaux de conduite font pour la plûpart expofés à
la vue du peuple comme des Phyficiens : mais cés
derniers ne font pas d’accord fur le méchanifme qui
reporté fimmenfe quantité d’eau que les fleuves
charrient, dans les réfervoirs de leurs fources.
Je confidere en fecônd lieu que l’eau de la mer eft
falée, & que celle des fontaines eft douce, ou que. fi
elle eft chargée de matières étrangères, on peut fe
convaincre aifément qu’elle ne les tire pas de la mer.
Il faut donc que le méchanifme du tranfport, ou que
nos tuyaux de conduite foient organifés de façon à
faire perdre à l’eau de la mer, dans le trajet, fa fa-
:lure, fa vifeofifé, 6c fon amertume.
• En combinant les môyens que les auteurs qui Ont
écrit avec le plus de lumières 6c de fagefle fur Vorigine
des fontaines> ont effayé d*établir pour fe procurer
ce double avantage, on peut les rappeller à deux
clafles générâtes. Dans la première font ceux qui
prétendent qüe les vapeurs qui s’élèvent par évaporation
de deflus la furface de la mer, emportées
6c difloutes dans l’atntofphere, : voiturées enfuite
par les vents fous la forme-de nuages épais 6c.dé
brouillards , arrêtées par lés: fommets élevés des
montagnes , condenféeS en rofée , en neige , en
pluie, faififlant les diverfes ouvertures que les plans
inclinés des Collines leur offrent pour s’infinuer dans
les corps des montagnes ou-dans1 les couches» propres
à contenir l’e a ii, s’arrêtent 6c s’aflemblent fur
des lits de tuf & dé glaife, & forment en s’échap-i-
paht par la pente de ces lits & par leur, propre.poids,
une/o/7/ai«« paflagere ou perpétuelle, fuivant lte-
tenduë du baflin qui les raflemble, ou plûtôt fui-*
vant cellé des couches qui fourniflent ati»baflin. t
Dans la fecOndé clafle font ceux qui dmaginent
■ dans la mafle du globe des canaux foûterreins, par
lefquels les eaux de la mer s’iûfinuent, fe filtrent-, fe
diftillent,.& vont en s’élevant infeiifiblement remplir
les cavernes qui foumiffent ànlàidépenfe. des
fontaints, Ceux qui foûtiennént cette idemiere/opil
nion , l’expofent ainfi. La terre eft remplie de^ran1
des Cavités & de canaux foûtqrreins ,1 qui font corn*
hte autant d’aqueducs naturels, parlefquels l.es eaux
de la mer parviennent dans des; cavernes creufées
fous lès bafes des montagnes..Le feuifoûterreindfait
éprouver aux eaûx raflemblées dansées efpec.es de
cucurbites, tin degré' de chaleur capable de Ia>fairQ
monter en-vapeurs dans leicoips -mênie dc’l«1 montât
gn e, comme dans ,le cha'pdteaü dùiro alembic.iTkr
cette diftillation , l’ëau fâléeedépofe fes ftsls ail fdn’d
de ces grandes chaudières ; mais le; haut- des: caver*-
nés eft aflez-frpid pour condenfer-& fixer les vapéurs
«ui fe raffè]ublcnt'& s’ÿcçrQchcnt aux inégalùés .deS
fotne V I I%
rochers, fe filtrent à-trâvers les couchés dé térrèi
entrouvertes, coulent'fur les premiers lits qu’elléS
réneonfrertt, jufqu’à cè qu’elles puiflent fe moûtrer
en-dehors par des ouvertures favorables à un écoulement,
<ju qu’après avoir formé un amas * elles fè
creufent ün paffage 6c prodtiïfent Une fontaine.
Cette diftillation, cette efpece de laboratoire fou-
terrein, eft»de l’invention de Defcartes (Principe
TV.part. § . 6 4.) , qui dans les matierés de Phÿfiquè
imagina trop, calcula peu» & s’attacha encore mÔin§
à renfermer les faits dans'dé certaines limites - 6C à
s ’aider pour parvenir à la fôlution des queftions
obfcures de: ce qui étoit expofë-à fes yeuX. Avant
Defcartes, ceux qui avoient admis ces routes foû-*
terreines, nWoient pas diftillé pour dégager leâ
fels de l’eau de la mer ; & il faut avoiiér que Céttè
reflburce auroit Amplifié leur échafaudage, fans lé
rendre néanmoins plus folide;
Dans la fuite, M. de la Hire (Mêm. de l’acad. àhï
‘ 703. fcrut devoir abandonner les alembicsicommë
inutiles, & comme un travail imité de l’art toûjôüfs
fufpëâ dé fuppofition dans la nature. Il fe reftreignit
à d ire, qu’il fuffifoit qiie i’eau de la mer parvînt pat
des conduits foûterreins, dans de grands réfervoirs
placés fous,les continens au niveau de la mër » d’oît
la chaleur dü fein de la t e r r e o u même le feu centra
l, pût d’élever dans de pëtits canaux multipliés
qui vont fé terminer aux» couches de la furface dé
la terre, où les vapeurs, fe condenfent en partië par
le froid & en; partie pâr des feis qui les fixent. C ’eft
pour le dire en paflant, une méprife affez firiguliere
de prétendre que les féls qui fë diffolvërit dans les
vapeurs, puiffent les fixer. Selon d’autres phyficiens,
cette même force qui foûtient les liqueurs» amdeflùs
de leur niveau dans les tubes; capillaires, où entré
des plans contigus, peut faciliter confidérablëmenÉ
l’élévation de l ’eau' marine adoucie. Voÿèr Capillaire
, T ube , »Attr action j On a fait joixer aufli
par fupplément, l ’aûion du flux 6c reflux ; on a
Cru en tirer avantage, en fuppofânt que fdn impul-
fion étoit-capable dé faire monter à une très-grandé
hauteur, malgré les lois de l’équilibré, les eaux qui
circulent dans les canaux foûterreins ils ont cru
aufli que le ifeflbrt de l’âir ^dilaté par la,chaleur foû*
térreine, 6c qui foûleve les molécules du fluide paiv
mi lefqù'eUes il eft difpérfé, y entroit auffi poùr beau«
coup.- ' u ■ ■ *- . "il
La diftillationimaginééparDefcàrtës, avoit pour
but de deflalerFeaü delà mer j & de l’élever aurdef-i
fus de fon niveau : mais ceux i qui fe font contentés
de la faire filtrer au-travers des lits étroits & des.edu-,
ches delà terre, comme M. d e laHire, ont cru avec
l’aide,dé la chaleur, obtenir le même avantagé » 6û
ils fé font fait illufion. i° . L’eau de la mer que l’on
veut faire monter par Faftion des canaux capillai*»
res formés entre les interftices des fables bu autres’
terres.,.ne produit jamais aucun écoulement.; .parce
que les fables & les terres n’attirent point les:éaux
douces ou falées en affez gràhde quantité pour pro^
duire cet effet* M. Perrault forig. des font. pâg. iSq..)
prit un tuyau de plombrd’un! pouèe hiiit lignes de
diamètre , .& de deux pies de lOng ; il attachaun réticulé
de toile»pàrle b a s , l ’emplit de fable défi-*
yiere fée & paffé àuigros fasi Ce tuyau ayant été
placé perpendiculairemëht.dans un vafe d?eau^ à l a
profondeur de quatre lignés,,, lë liquide monta à 18;
pouces dans le fable^Boyle,Hauksbée 6c de la Hire ,
ont fait dé fembljables expéfiènees, & l’eau^’eft>éle3
vée de. même à une hauteur confidérable r. mais .»M*
Perrault alla plusloin. il fitàffon tuyau de piombime
ouverture latérale de fept à huit ligrtes de di?metre,^
& à deux po.uces.au - defliis delà fiirface dç. l’eau du;
vafe à iCetté ouverture^ il adapta dans une fituatioii
inclinée im .tuyau àuûi plein de; fable., & y,.plàça^
1