
dure la meilleure partie de l’année. Elle eft (impie,
quand elle fe réfout parfaitement, & qu’elle ne lai lie
aucune trace après la folution parfaite de l’accès.
Elle efl: noiiée, Iorfqu’elle contourne les articulations
, qu’elle les déplace, les gonfle, en détruit le
mouvement, 6c qu’elle y laide des concrétions plâtreufes,
pierreufes, &c.
On fait encore plufieurs différences de la goutte ;
Tune eft récente ou douteufe ; l’autre ancienne ou
•confirmée. L’une efl: fixe 6c fédentaire, quand elle
s’attache à la partie qu’elle occupe pendant toute la
durée du paroxyfme. L ’autre eft vague, ambulante 6c
indéterminée, quand elle parcourt plufieurs articulations
fucceflivement, fans fe décider pour aucune.
L ’une eft particulière, quand elle n’attaque qu’une
articulation ou un feul membre. L’autre eft universelle
, quand elle les attaque tous ou prefque tous à-
la-fois. Enfin l’une eft héréditaire, quand elle eft
tranfmife par les parens. L’autre eft accidentelle,
quand elle eft acquife & née d’elle-même.
Il a plu à Mufgrave, on ne fait pas pourquoi, de
confidérer la goutte ou comme maladie eflentielle 6c
indépendante, ou comme maladie fubordonnée 6c
produite par une autre, de diftinguer par confé-
quent la goutte en idiopatique 6c en Symptomatique,
6c fe bornant à cette derniere, de donner un traité
détaillé de la filiation de la goutte par le rhûmatifme,
le (corbut, la chlorofe, l’afthme , &c. Comme s’il
n’étoit pas plus raifonnable de croire que la goutte
eft une maladie toujours première, idiopatique &
effentielle ; qu’elle n’eft engendrée par aucune autre
, 6c que celles dont il la fait defeendre ne font
qu’une goutte déguifée, ou tout-au-plus compliquée
avec elles, puifqu’on connoît la propriété qu’elle a
de fe métamorphofer fous toute forte de formes, 6c
que félon Mufgrave même, elle eft très - difficile,
pour ne pas dire impoffible, à reconnoître avant
qu’elle ait pris celle qui lui eft propre.
Caufes. Nous recevons’de nos parens au moment
de la conception, ou nous engendrons en nous-mêmes
& de notre propre fond, o u , comme le penfe
Boerhaave, nous acquérons par la communication
& la contagion, le levain propre à former la goutte.
Ce levain, comme bien d’autres auxquels le corps
eft fujet, produit tantôt un effet prompt & prématuré,
tantôt il n’agit qu’après plufieurs années. Quand
il s’eft une fois annoncé, 6c qu’il a donné des marques
certaines de fon exiftence, fon propre eft de fe
renouveller chaque année, foit que le corps une fois
infeélé foit capable d’en engendrer une nouvelle
quantité, foit que quelque parcelle du premier dompté
pour un teins fans etre détruit, reprenne vigueur
& fe multiplie pour former un nouvel accès.
On connoît mieux les effets de ce maudit levain,
qu’on n’en connoît ni la nature ni les qualités. A
en juger par les principaux, la douleur excelïive,
la chaleur, les concrétions plâtreufes ou pierreufes
; par les urines épaifles , chargées de caroncules
& d’un fédiment tartareux ou plâtreux; & par fon
affociation avec la pierre dans la veflie : on peut
croire que fa nature eft faline, tartareufe, ac re,
mordante, & peut-être pierreufe, comme l’a avancé
Qùercetan dans une confultation fur la goutte 6c
le calcul, 6c comme n’ofe le décider Sydenham.
On ne connoît guere mieux les caufes éloignées
de la goutte, que la qualité du levain ; la multitude
de celles qu’on accufe , ne prouve que trop bien
qu’on ignore la plus coupable. Hippocrate a écrit
que les buveurs d’eau, les eunuques , les enfans
avant l’âge de puberté, & les femmes avant d’avoir
perdu leurs réglés, n’étoient point fujets à la goutte.
Il en a conclu qu’elle étoit fille de Bacchus 6c de
Vénus. Mais l’expérience a démenti tout ce qu’il a
avancé à cet égard ; & tous ceux qui étoient de fon
tems favorifés d’une heureufe exemption, avoient
déjà perdu leur privilège du tems de Galien, & ne
joiiiflènt plus d’aucun parmi nous, où le nombre
des goutteux tant hommes que femmes, eft devenu
prodigieux.
On ne fauroit douter que les excès dans tous les
genres ne foient capables d’attirer la goutte, comme
ils le font de produire toute autre maladie, telle que
l’afthme , la migraine, la néphrétique, &c. mais on
ne voit pas affez clairement qu’ils ayent le pouvoir
de l’engendrer, non plus que les autres maladies
qu’on vient de citer. Tous les excès nuifent, en ce
qu’ils épuifent ou qu’ils dérangent les fondions du
corps, 6c qu’un levain qui feroit peut-être demeuré
caché toute fa vie , fe trouve par-là difpofé à germer
comme une femence, à fe développer & à pro-
duiré fon aftion. On ne fauroit pourtant aflùrer
qu’un tel excès, par exemple celui du v in , ait engendré
la goutte. Le nombre des goutteux ivrognes
eft très-petit, 6c celui des ivrognes non-goutteux
très-grand. S’il y a des vins propres à fomenter ou
à irriter la goutte , comme on le prétend des vins
de Moravie, de Bohème, du Champagne mouffeux,
&c. il y en a auffi, tels que les vins d’Efpagne, de
Bourgogne, &c. qui non-feulement ne lui font point
contraires de l’aveu de tout le monde ; mais qui en
font plutôt le préfervatif & le remede, fi l’on en
croit M. Liger dans fon traité de La goutte, & Am-
broife Paré qui, liv. X V I I I . chap. x jv . rapporte un
exemple de guérifon par la crapule qu’on n ’avoit pu
obtenir par aucun autre moyen, 6c qui la confeille
deux ou trois fois le mois pour fe préferver de la
goutte. La Bourgogne & la Champagne font prefque
exemptes de la goutte, félon M. Liger, à caufe de
leurs vins ; tandis qu’elle eft endémique en Flandres
6c en Normandie, où l’on n’en cueille point. S’il eft
vrai que ces heureufes provinces n’enfantent point
de goutteux, elles deviendront bien-tôt la,patrie de
ceux qui le font ; l’agrément du remede autant que
fes vertus, augmenteront chaque jour le nombre de
fes partifans & de leurs citoyens. Le vin ne doit
pourtant pas fe trop glorifier encore de fa nouvelle
fortune ; l’eau dont perfonne ne fait excès , 6c qui
avoit été accufée, félon Sennert, de donner la goutte
à ceux qui en bûvoient par goût ou par néceflité >
joüiffoit depuis long-tems de l’honneur d’être un fpé-
cifique , quand le vin convaincu d’être le feul coupable
eft venu le lui enlever ; s’il manque de pouvoir
pour foûtenir fa nouvelle réputation, il fera bien-tôt
dépoffédé. La gloire vraie ou fauffe que l’eau & le
vin ont eus en différens tems d’être tantôt les auteurs •
& tantôt les libérateurs de la goutte, marque trop
bien qu’ils font auffi indifférens à fon égard que les
autres chofes non-naturelles, 6c qu’on ignore parfaitement
toutes les vraies caufes de cette cruelte-’
maladie.
Il en eft des excès de Vénus comme de ceux de
Bacchus ; les intempérans font malades après leurs
débauches, de toute autre maladie que de la goutte ;
s’ils deviennent goutteux, ils ont cela de commun
avec les plus retenus. Il y a plus de goutteux modérés
en amour, qu’il n’y en a de débauchés. On peut
raifonner tout de même de la bonne-chere 6c de
tous les excès, 6c conclure qu’il n’en eft aucun en
particulier qui ait la propriété de produire la goutte;
maïs que chacun peut tellement difpofer le corps,'
que le levain engendre de lui-même ou par une
caufe inconnue, & cachée, fe réveille 6c fe mette en
aftion pour former la maladie.
Les gens de la campagne 6c ceux qui s’occupent
à des travaux pénibles, font moins fujets à la goutte
que ceux de la ville 6c que les fainéans : mais ce n’eft
pas à raifon de leur fobriété ; ils font des excès de
yin 6c fouvent de femmes, comme ceux de la ville.
La
La pureté 6c la falubrité de l’air dans lequel ils vivent
, les mettent fans doute à couvert ; s’ils refpi-
rent quelque portion du levain goutteux, ou qu’il en
naiffe dans leur fang, leurs travaux pénibles le diffi-
pent avec la fueur 6c les autres évacuations, avant
qu’il ait eu le tems de fe manifefter.
Non-feulement la nature du levain goutteux eft
inconnue, non-feulement on ignore les caufes éloignées
qui lui donnent naiffance, on n’eft pas même
d’accord tpuchant le vrai fiége de la goutte. Il eft décidé
que c’eft fur l’articulation qu’elle fe jette : mais
fur quelle partie de l’articulation ? eft-ce fur les liga-
mens, fur les glandes fynoviales, fur le période ?
voilà fur quoi les Médecins font partages. Il eft cér-
tain que dans les violentes attaques de goutte,dans la
goutte ancienne 6c confirmée, toutes ces parties font
attaquées, ainfi que la peau 6c tout ce qui compofe
le membre affligé ; mais elles ne l’ont pas été toutes
dans le même inftant, il en eft une qui a été la première
occupée, la préférée , fur laquelle le levain
a commencé à fe dépofer, 6c de laquelle, comme
d’un centre, il a rayonné 6c s’eft étendu tout-autour
dans le voifinage. Cette partie favorite paroît être
le période de la tête des os principalement ; enforte
que la goutte peut être regardée comme une vraie
maladie des os.
La première preuve de la préférence du levain
goutteux pour le période, eft que dans les premiers
momens d’un accès de goutte avant le gonflement,
6c dans les derniers après qu’il eft diffipé, on peut
fentir avec le doigt en prefiant, le point de la douleur
fur le corps ae l’os, 6c qu’on peut faire joiier
l’articulation avec la main fans peine & fans fouf-
france, quoiqu’elle ne puiffe pas exercer librement
fes fondions.
La deuxieme, c’eft que la douleur gagne 6c s’étend
tout du long des os , le long des phalanges, 6c
du métatarfe ou du métacarpe, félon qu’elle eft aux
piés ou aux mains ; ce qui met le comble à l’impuif-
fance de l’exercice du membre malade.
La troifieme, c’eft que les os fe tordent, 6c que
leurs têtes fe gonflent dans certaines gouttes d’un
mauvais cara&ere, indépendamment de toute concrétion
ou dépôt.
La quatrième, c’eft que la goutte attaque fouvent
le talon, où il n’y a ni fynovie ni ligamens.
La cinquième enfin, c’eft que dans l’odontalgie,
qui eft une des plus cruelles gouttes, l’humeur ne
peut tomber que fur le période de la dent attaquée,
& qu’il n’y a ni fynovie ni ligament pour la recevoir.
Il ne paroît donc pas que ce foit la fynovie qui
foit l’humeur infeâée du levain goutteux, comme
plus analogue avec lui qu’aucune autre. L’expérience
prouve au contraire qu’elle eft la derniere attaquée
, & que l’intérieur de l ’articulation eft en bon
état, tandis que l’extérieur fouffre beaucoup. Ce
n’eft qu’après un long-tems & dans les gouttes nouées,
que les articulations fe déplacent, 6c qu’elles reçoivent
des dépôts dans leur intérieur.
Diagnofiic. On ne fauroit méconnoître la goutte,
lorfqu’une douleur vive vient fubitement, en pleine
fante, 6c fans favoir pourquoi, attaquer quelqu’une
des articulations, principalement quand elle commence
par une feule, par le pié ou la main, & qu’elle
n’eft accompagnée en naiuant d’aucune tumeur :
quand cette douleur fe déclare la première fois dans
le coeur de l’hyver, au milieu de la nuit, ou qu’elle
redouble dans le lit ; quand elle prive la partie attaquée
de la force 6c de la liberté de l’exercice qui
lui convient, 6c qu’elle la rend impuiffante 6c foi-
b le , même quelque tems après fa diffipation ; quand
elle produit après les premières vingt-quatre heures
un gonflement, de la chaleur, des battemens fans
aucune fuppuration, une rougeur v ive qui dégénéré
Tome V II.
bien-tôt en violet ; quand elle fe renouvelle chaque
année au milieu de l’hÿver, ou vers la fin du prin-
tems ; enfin lorfqu’elle dépofe & qu’elle laiffe des
noeuds, des concrétions plâtreufes ou pierreufes aux
parties qu’elle a martyrifées.
La goutte irrégulière 6c remontée n’eft pas moins
évidente que la régulière , quand le levain dépofé
dans fon fiége naturel, l’abandonne, après le paroxyfme
commencé , pour aller occuper quelqu’autré
partie ou quelque vifeere. Il n’en eft pas de même
lorfque le levain goutteux s’empare de quelque partie
intérieure, avant de s’être fait fentir fur les extérieures
qu’il avoit coutume d’attaquer ; il fe cache
trop bien fous les nouvelles formes qu’il emprunte
pour qu’on ne s’y méprenne pas quelquefois : cepen».
dant le tempérament goutteux du malade, la nature
des fymptomes qui carattérifent la maladie formée
par le levain irrégulier, le tems 6c la faifon des attaques,
la déclaration brufque, fubite & fans caufe de la
maladie, le décelent le plus fouvent ; mais on n’en eft
bien convaincu qu’au moment que la goutte deve-;
nant régulière, fait ceffer la maladie anomale en reprenant
fon pofte naturel. A l’égard de cette efpece
de goutte anomale qui commence par être telle fans
s’être annoncée par aucune attaque régulière, ni
meme par aucune forte de prélude, capable de faire
foupçonner l’exiftence du levain goutteux dans le
fang, le malade n’étant pas né d’ailleurs de parens
goutteux, il n’eft pas poffible de la reconnoître par
aucun ligne ; il faut la deviner.
Prognojiic. C ’eft le fort des maladies les plus dou-
loureufes de n’être point mortelles, fi ce n’eft par
accident. La goutte, quand elle n’eft point troublée
dans fon cours, ne le devient qu’après un long-tems,
lorfque des attaques longues & répétées ont entièrement
épuifé les forces ; lorfque le levain ne pouvant
plus fe débarraffer de la maffe du fang, ni être chafle
vers les articulations, s’arrête ou fe dépofe dans les
vifeeres , & fait la goutte remontée. C ’eft proprement
l’état de la vieilleffe, 6c la fin de prefque tous
les goutteux.
Mais fi le levain contrarié, trouble, interrompu
dans fon cours, ne peut fe dépofer ou fe fixer dans
fon fiége naturel, foit par la mauvaife conduite des
goutteux, par leurs imprudences, par des remedes
mal adminiftrés, par des applications repereuffives,
ou parce qu’il eft trop abondant 6c d’un cara&ere
malin, il forme alors la goutte if régulière ou remontée,
qui eft une maladie prefque toujours mortelle;
6c la mort qui en réfulte, eft plus ou moins fubite,
plus ou moins certaine, félon la qualité du vifeere
attaqué, & félon la nature & l’abondance du levain
remonte.
La goutte eft une maladie intermittente, dont les
accès reviennent tous les ans au-moins une fois, 6c
durent plus ou moins, font plus ou moins violens,
félon qu’elle eft plus nouvelle ou plus ancienne, d’un
cara&ere bénin ou malin. Il arrive cependant quelquefois
que les intermittences font de deux ou trois
ans, 6c même davantage ; mais on remarque que
quand les accès ont manqué un an, ou deux, ou
trois, &c. le premier qui furvient eft très-fort, 6c
d’autant plus violent, qu’il a différé plus long-tems.
Les goutteux aguerris ne regardent pas ces longs in-*
tervalles comme un heureux fuccès ; ils ont raifon
de fe méfier du retard de leur goutte, 6c d’en craindre
l’irrégularité, ou du-moins de redouter la violence
du premier accès, qui ne leur devient fuppor*
table qu’en diffipant leurs alarmes par fon retour.
C’eft peut-être la fufpenfion des accès de goutte
qui a fait croire à quelques goutteux qu’ils en étoient
guéris ; ils ont fait honneur de leur guérifon à quelque
dernier moyen qu’ils avoient employé , dont
on a enrichi le catalogue des fpççifiques; peut-être
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