de l’art des poètes qui lui fuccéderent. On peut s’ ëtï
convaincre par la leâure d’Æfchyle dans fon Pro-
méthée ; de Pindare, dans fes odes pythiques ; & de
Virgile, dans fon fixieme livre de l’Enéide : mais c’eft
Ovide qui brille le plus ; amateur des détails, 8c ne
maniant guere un fujet fans l’épuifer, il a rempli celui
ci de cent nouvelles fixions, que vous trouverez
dans fes métamorphofes ; il y feme les fleurs à
pleines mains fur la conquête de Médufe par Neptune
, l’expédition fameule de Perfée , 1a défaite de
la Gorgone & celle des généraux de Phinee.
Ce fut d’après tant de matériaux tranfmis par les
poètes grecs & latins, nue les Mythologues qui
écrivirent en profe, Phérecyde, Apollodore , Hy-
gin 8c autres, compoferent leurs diverfes compilations
, qui d’ailleurs n’ont rien d’intéreffant.
Loin de m’y arrêter, je cours à l’explication la
plus vraisemblable des myfteres prétendus que renferme
la fable des Gorgones; mais je ne la trouve pas
cette explication dans des allégories phyfiques, morales
ou guerrières ; je n’y vois que des jeux d’efprit.
M. le Clerc, à l’exemple de Bochart, a eu raifon de
chercher le mot de l’énigme dans les langues orientales
, quoiqu’il fe foit trompé en croyant prouver
dans fes notes favantes fur Héfiode, que par les Gorgones
il faut entendre des cavales d'Afrique, qu’enle-
verent les Phéniciens en commerçant dans cette
partie du monde. M. Fourmont fentant les défettuo-
lités d’un fyftème qui ne s’ajuftoit point aux détails
de la fable, s’eft retourné d’une autre maniéré ; 8c
nous allons voir le fruit de fes recherches.
Il a trouvé dans le nom des trois Gorgones & juf-
que dans le nom des cinq filles de Phorcus, celui des
vaifleaux de charge qui faifoient commerce fur les
côtes d’Afrique où l’on trafiquoit de l’o r , des dents
d’éléphant, des cornes de divers animaux, des yeux
d’hyene 8c autres marchandifes. L’échange qui s’en
faifoit en différens ports de la Phénicie 8c des îles de
la G rece, c’eft le myllere de la dent, de la corne &
de l’oeil, que les Gorgones fe prêtoient mutuellement :
ninfi les cinq Mes de Phorcus étoient les cinq vaif-
feaux qui compofoient la petite flotte de ce p rince,
comme le prouvent leurs noms phéniciens. Dans
toutes les langues orientales, les vaifleaux d’un prince
s’appellent fes filles ; enyo en phénicien lignifie un
vaifleau de charge, navis oneraria ;péphrédo par tranf-
pofition pour perphedo, un vaifleau qui porte l’ëau
douce, navis aquaria ; flheino , une galere , navis vie-
maria; curiale, une chaloupe, navis tranfitoria ; Me-
d u fa , on foufentend Sephina, le vaifleau amiral, navis
imperatoria. De ces cinq vaifleaux , trois étoient
de l’île de Choros, nommée enfuite Topyù, île des
P Iliaques, 8c deux étoient nommées ypcual, grées ,
vaifleaux gagnés fur les Grecs.
L’île de Cyrë ou Corcyre, Ithaque 8c autres voisines,
étoient des îles phéniciennes de nouvelle date.
Paléphate dit que Phorcus ou Phorcys étoit c y -
rénéen : cela fe peut ; mais alors comme chef de colonie
, il régnoit à Ithaque, à Céphalonie 8c à Choros.
Dans l’Odyffée, Minerve montre à Ulyffe & fa
patrie 8c le port du vieillard marin Phorcys ; voilà
le pere des Gorgones retrouvé : Phorcys roi d’Ithaque
8c des deux îles voifines, qui poffede 8c envoyé
-commercer cinq vaifleaux, trois de Choros, c’eft-
:à-dire les trois Gorgones, 8c deux qu’il a pris fur les
Grecs, qui font les grées, ypaia).
Le commerce de ce prince fe faifoit en Afrique
•avec les habitans de Cyrene, du mont Atlas, des
Canaries & de la côte de Guinée. Pline, Ptolomée,
Mêla, Paufanias, Hannon, Héfiode même, attef-
tent que ce commerce étoit fréquent dès le fiecle
de Perfée. Des cinq vaifleaux de Phorcys, Perfée
négligea le perphédo chargé d’eau douce, & Venyo
qui ne renfermoit que des chofes communes pour
lesbefoins-de la flotte ; il s’attacha aux trois Gorgo*
»« qui portoient une dent ou les dents, c’eft-à-dire
l’ivoire ; une corne, c’eft - à - dire les cornes d’animaux
; un oe il, c ’eft-à-dire les yeux d’hyene ou de
poiffon, & les pierres précieufes.
Le mot phénicien rofch fignifie également têtei
chef 8c venin. La tête de Médufe une fois coupée,
ou plutôt fon commandant une fois détruit (autra
équivoque qui autorife à dire que cette têtè eft un
venin), il fort fur le champ de cette tête Ghryfaor
ouvrier en métaux, 8c le Pégafe, c’eft-à-dire le Pa-
gaffe, efpece de bufle d’Afrique, dont les longues
oreilles quand il court paroiffent des aîles.
Enfin on nous parle de pétrifications étranges, 8c
elles fe préfentent d’elles-mêmes. Perfée vainquit
la flotte de Phorcys vers les Syrtes. On fait que cette
région a toujours été fameufe pour les pétrifications
, jufqu’à faire croire aux auteurs arabes, qu’il
fe trouvoit dans les terres des villes entières où les
hommes 8c les animaux pétrifiés, confervoient encore
la pofture qu’ils avoient lors de leur pétrification
fubite.
Voilà donc à quelques embelliffemens poétiques
près, le fond réel de la fable des Gorgones, qu’il fal-
loit remettre en phénicien, dit'M. Fourmont ; en effet
je ne fuis pas éloigné de croire que c’efl: à lui
qu’appartient la gloire d’avoir expliqué le plus probablement
l’énigme. (D . J .)
G O R I , ( Géog.) petite ville d’Afie en Géorgie,’
dans une plaine entre deux montagnes, furie bord
du fleuve K a r , à environ vingt lieues de Téflis du
côté du nord. Long. 62. 6. lat. 42. 8 . (D . J .)
GORICE , (C omté de) Géog. contrée d’Italie
comprife fous le Frioul en général ; elle eft bornée
au nord par la haute Carniole , à l’eft par la baffe
Camiole, & les Alpes la féparent du Frioul. Ce
comté eft entré dans la maifon d’Autriche en 151 ç ;
les principaux lieux font Gradifca , Gémund, ’8c
Gorice capitale. (JD. J .)
Gorice , Goritia , ( Géog. ) les Allemands écrivent
G o r t[, ville 8c capitale du comté de même
nom, entre le Frioul, la haute & la baffe Carniole,
au cercle d’Autriche fur le Lifonzo, à 6 lieues N. E.
d’Aquilée, 7 d’Udine, 28 N. E. de Venife. Long. 3 /.
18. lat. 46". 12. (JD. J .)
G O R LIT Z, GorHtium, ( Géog. ) ville d’Allemagne
, capitale de la haute Luface, 8c fujette à l ’électeur
de Saxe. Elle a été cent fois incendiée, comme
il arrive à la plupart des villes d’Allemagne. Voyeç
l’hiftoire que Zeyler en a donnée dans fa topographie
de Saxe. Gorlit{ eft fur la Neifs à 20 lieues de Dref-
d e, 6 de Budiffen, 28 N. E. de Prague. Longit. 32.
d o . lat. 5 i. 10. (JD. J .)
GORNARD, f. m, voye^ Rouget.
G O R T YN E , (Géog. anc.') ancienne ville de l’île
de Crete, au milieu des terres, félon Ptolomée. M.
de Tournefort après avoir été vifiter fes ruines, en
a joint l’hiftoire à la defeription : Life^-la dans fes
voyages.
L’origine de Gortyne eft aufîi obfcure que celle de
la plupart des autres villes du monde : on fait feulement
que Gortyne avoit partagé l’empire de l’île de
Cre te, avant que les Romains s’en fuffent emparés.
Les ruines de cette ville qui font à fix milles du
mont Ida, prouvent encore qu’elle a du être fa magnificence
, puifqu’on ne découvre de tous côtés que
chapiteaux & architraves , qui font peut-être des
débris de ce fameux temple de Diane, où Annibal
après la défaite d’Antiochus, fit femblant de cacher
fes thréfors : on y voyoit encore dans le fiecle paffé
plufieurS colonnes de jafpe rouge, femblable au jaf-
pe de Cône en Languedoc, & plufieurs autres fem-
blables au campan employé à Verfailles: mais comment
regarder-ces objets précieux fans quelque peiïie
? On -laboure-, On feme, on fait paître des troupeaux
au milieu des relies d’une prodigieufe quantité
de marbre, de jafpe & de granité, travaillés avec j
le plus grand foin : au lieu de ces grands hommes ;
qui avoient fait élever de fi beaux édifices, on ne
yoit que de pauvres bergers. En parcourant tant de
pays, autrefois le féjour des Arts, aujourd’hui celui #
de la barbarie, on le rappelle à chaque pas l'E t catip-
pos ubiTroja fu it,
A l’extrémité de la ville , entre le feptentrion &
le couchant, tout près d’un ruiffeau, qui fans doute
eft le fleuve Lethé, lequel au rapport de Strabon 8c
de Solin, fe répandoit dans les rues de Gortyne, fe
trouvent encore d’affez beaux reftes d’un temple du
Paganifme.
Théophrafte, Varron 8c Pline parlent d’une platane
qui fe voyoit à Gortyne, 8c qui ne perdoit fes
feuilles qu’à-mefure que les nouvelles pouffoient.
Peut-être en trouveroit-on encore quelqu’un de cette
efpece parmi ceux qui naiffent en grand nombre le
long du ruiffeau Lethé, qu’Europe remonta jufqu’à
Gortyne fur le dos d’un taureau. Ce platane toûjours
verd , parut autrefois fi fingulier aux Grecs, qu’ils
publièrent que les premières amours de Jupiter &
d’Europe s’étoient paffées fous fes feuillages.
Cette avanture, quoique fabuleufe, donna vralf-
femblablement occafion aux habitans de Gortyne de
frapper une médaille, qui eft dans le cabinet du roi.
On y voit d’un côté Europe affez trifte, aflife fur un
grbre moitié platane, moitié palmier, au pié duquel
eft une aigle à qui elle tourne le dos. La même prin-
ceffe eft repréfentée de l’autre côté aflife fur un taureau
, entouré d’une bordure de feuilles de laurier.
Antoine Auguftin archevêque de Taragone (dial. 1.),
parle d’un femblable type. Pline dit que l’on tâcha
de multiplier dans l’île l’efpece de ce platane ; mais
qu’elle dégénéra, c’eft-à-dire que les nouveauxpiés
perdirent leurs feuilles en hy v er , de même que les
communs.
Nous avons encore des médailles de Gortyne frappées
aux têtes de Germanicus, de Caligula, deTra-
jan, d’Adrien, dont peut-être la plus belle eft dans
le cabinet du roi. Elle marque qu’on s’ affembloit à
Gortyne pour y célébrer les jeux en l’honneur d’Adrien.
(D . J .)
G O SE , f. m. (Commerce.') nom que l’on donne en
Mofcovie aux principaux commerçans qui trafiquent
pour le fouverain ; ce font proprement les fafteurs
du prince. Les gofes, outre leurs fondions dans le
commerce, en ont aufli dans les cérémonies publiques
; 8c lorfque le fouverain donne audience aux
^mbaffadeurs étrangers ,\ e s gofes font tenus de s’y
trouver rêvetus de veftes magnifiques, & avec des
bonnets de martre qui font des marques de leur pro-
feflion, & en quelque forte de leur dignité parmi
line nation où le commerce eft honorable. Diction,
de Commerce & de Trévoux. (G )
GOSIER, f. m. (Anatomie.) la partie fupérieure
du canal qui conduit les alimens dans 1-eftomac,
appelle Voefophage. Foye^ (E s o p u a g e .
Gosier, Grand-Gosier. Voye^Pélican.
■ Gosier , (Manège Maréchal.) 1e gofier n’eft proprement
dans le cheval ainfi que dans 1 homme, que
le fac nuifculeux & membraneux qui eft colle à toute
la furface interne de l’arriere bouche, & que nous
çonnoiffons dans l’un comme dans l’autre, fous la
dénomination de pharynx. On a néanmoins très-malà
propos étendu cette exprefîion , relativement à
l’animal, de .maniéré qu’elle defigne non-feulement
ce fac, mais encore la tête cartilagincufe que préfente
l’extrémité fupérieure du conduit par lequel l’air
infpiré par les nafeaux , peut fanS ceffe s’infinuer
dans les vaifleaux aériens du poumon, & en fortir
enfuite avec la même liberté, lors de l’expiration.
C ’eft cette tète, cette extrémité fupéneure âppellée
le larynx , que les maquignons ou autres grands
connoifleurs preffent, & compriment avec force
pour exciter le cheval à touffer. (e)
Gosier ., ( Lutherie. ) ce font dans les foufllets
d ’orgue la partie O R , f i g . 2 3 , par où le vent pafle
du iouiflet dans le porte-vent ; cette portion de
tuyau a en-dedans une foupape X fig. 26 , Planch.
d ’orgue , qui laiffe paffer le vent du ioufflet dans le
porte-vent, & ne le laiffe point rentrer. Foyer l'article
Soufflets d’Orgue.
GOSLAR, Gofiaria, (Géogr.) ville de la baffer
Saxe où d ie eft enclavée dans l’état du due de
Brunfwick ; elle eft pourtant libre & impériale. Sa
fituation fe trouve entre les montagnes du Hartz
qui ont de famenfes mines d’argent, qu’on a découvertes
par hafard en 972. Suivant Dreffer, Gojlar
fut bâtie par Henri I. & fortifiée pour la première
fois en 1201 ; elle eft fur le ruiffeau de Gofc , à 19
lieues fud-eft d’Hildesheim , 1 2 fud-oiieft d’Alber-
ftadt, 10 fud-oiieft de Brunfwick. Long. 28 . 12. lat.
5 t . 5 5 . ( D . J . )
GOSSAMPIN , f. m. (Botan. exotiq.) arbre des
Indes, d’Afrique 8c d’Amérique , dont le fruit mûr
produit une efpece de laine ou de coton ; c’eft le
gojfampinus de Pline, arbor lanigera de Pifon , ceyba
aculeata viticis folio de Plumier, & le fromager de
nos îles françoifes. Il tire fon nom des deux mots
latins, gojjipium , coton, 8c pinu s , p in , parce qu’il
a quelque reffemblance avec le pin, êc qu’il porte
une efpece de coton.
Il s’élève fort haut, 8c fi l’on ne prend foin de le *
tailler, fes branches s’écartent au loin ; l’écorce eft
verte dans la jeuneffe de l’arbre , 8c a cinq ou fix
lignes d’épaiffeur: enfuite elle brunit 8c s’épaiflit
encore. Les feuilles font longues 8c paroiffent étroites
, parce qu’elles font divifées en trois parties
comme celle du tréfilé ; elles font tendres, minces,
d’un verd brillant dans leur naiffance, mais qui perd
bien-tôt fon éclat : elles tombent pour foire place à
d’autres feuilles qui leur fuccedent, de forte e u e dans
l’efpace de peu de tems cet arbre change de livrée.
L’écorce eft- hériffée d’épines droites, fortes, de
forme pyramidale, 8t d’un pouce 8c demi de longueur.
Elles n’ont pas leur racine au-delà de l’écorce
; elles y tiennent même fi peu , qu’il fuffit de les
toucher legerement avec un bâton pour les abattre
; 8c dans le lieu d’où elles tombent, il ne refte
qu’un veftige blanc à l’endroit qu’elles occupoient.
Quelques jours après que l’arbre a changé de feuilles
, ce qui arrive dans nos îles au commencement
de la faifon feche, les fleurs paroiffent en groffes
touffes ; elles font petites, blanches, fi délicates ,
qu’elles ne fubfiftent que huit ou dix jours. On
voit fuccéder à leur place une coque verte de- la
forme 8c de la groffeur d’un oeuf de poule, mais un
peu plus pointue par les deux bouts ; elle contient
.un duvet ou une forte de coton, qui n’eft pas plutôt
mûr que la coque creve avec quelque bruit, 8c le
coton feroit emporté aufli-tôt par le vent, s’il n’é-,
toit recueilli avec beaucoup de foin.
Ce coton eft de couleur gris de perle extrêmement
fin, doux, luftré, 8c plus court que le coton commun
on ne laifle pas cependant de le nier, 8c on
en fait des bas ; outre le coton, la coque renferme
plufieurs graines brunes & plates comme nos fèves
d’haricots : on ne s’amufe pas à les femer, parce
que l’arbre vient parfaitement bien de bouture 8c
plus vite. On fe fert de ce coton pour faire des oreillers,
des traverfins, & même des lits de plume.
Le bois du goffampin eft blanc, tendre , filaffeux ,' '
pliant, fouple, 8c fort difficile à couper quand il eft
-vieux. On plante cet arbre ordinairement devant
les maifons pour jouir de la fraîcheur de fqn ombre,