
!» fiere enfantant en l’air, comme ceux qui difputent
■ » le prix à la courfe.
Solon. » Ceux que tu vois-dans la boue ou dans
» la poufliere , combattent à la lutte ; les autres
» le frappent à coups de pié & de poing, au pan-
» crace; il y a encore d’autres exercices que tu ver*-
» ras, comme le palet, & le pugilat & tu fauras que
» par-tout le vainqueur elt couronné ».
Mais avant que de parler d e là couronne qu’obte-
noit l’athlete vainqueur, il importe d’expofer avec
quelque détail, la police, les lois, & les formalités
qu’on obfervoit dans la célébration des jeux folen-
nels, qui intérefloient fi fort & des villes fameufes à
tous égards, & des peuples entiers.
Il ne fuffifoit pas aux athlètes pour être admis à
concourir dans ces jeux, d’avoir foigneufement cultivé
les divers exercices du corps dès leur plus tendre
jcuneffe, & de s’être diftingués dans les gymna-
fes parmi leurs camarades : il falloit encore, du -
moins parmi les Grecs, qu’ils fubiffent d’autres
épreuves par rapport à la naiffance, aux moeurs, &
à la condition ; car les efclaves étoient exclus des
combats gymniques ; les agonothetes, autrement dits
les hdlancdiqucs, prépofés à l’examen des athlètes,
écrivoient fur un regiftre le nom & le pays de ceux
qui s’enrôloient pour ainli dire.
A l’ouverture des jeux, un héraut proclamoit pu*
bliquement les athlètes qui dévoient paroître dans
chaque forte de combats, & les faifoit paffer en re-
vûe devant le peuple, en publiant leurs noms à hau»
te voix. On travailloit enfuite à regler les rangs de
ceux qui dans chaque efpece de jeux, dévoient payer
de leur perfonne ; c’étoit le fort qui feul en décidoit ;
dans les jeux où plus de deux concurrens pou-
voient difputer en même tems le prix propofé, tels
que la courfe à pié, la courfe des chars, &c. les champions
fe rangeoient dans l’ordre félon lequel on avoit
tiré leurs noms ; mais dans la lutte, le pugilat, & le
pancrace, où les athlètes ne pouvoient combattre
que deux à deux, on apparioit les combattons en les
lirant au fort d’une maniéré différente ; c’eft Lucien
■ qui nous apprend encore toutes ces particularités»
Après avoir tiré les athlètes au fort, & les avoir
-animés à bien faire, on donnoit le fignal des divers
.combats, dont l’affemblage formoit les jeux gymniques
; c’étoit alors que les athlètes entroient en lice ,
.& qu’ils mettoient en oeuvre toute la force & la dextérité
qu’ils avoient acquife dans leurs exercices,
pour remporter le prix. Il ne faut pas croire cependant
qu’affranchis de toute fervitude, ils fuffeni en
droit de tout ofer & de tout entreprendre pour fe
procurer la viôoire ; les hellanodiques & les autres
•magiftrats, par des lois fagement établies, avoient
foin en conséquence de ces lois de refréner la licence
des combattans, en banniffant de ces fortes de
jeux la fraude, l’artifice, & la violence outrée. Tou-
tes.les lois athlétiques, & toutes celles de la police
des jeux, étoient obfervées d’autant plus exa&ement,
que l’on puniffoitaveefévérité ceux qui manquoient
d’y obéir. C’étoit-là d’ordinaire la fonélion des mafti-
.gophores. Voye^ Mastigo phore s.
Il étoit défendu de gagner fes juges & fes antago-
miftes par des préfens; & la violation de cette loi fe
puniffoit par des amendes, dont on employoit l’argent
à ériger des ftatues en l’honneur des dieux.
Enfin, ces hommes dévoués aux divertiffemens
publics, après avoir paffé par diverfes épreuves la-
borieufes & rebutantes ayant & pendant la célébration
des jeux, rece voient à la fin les récompenfes
qu’ils fe.propofoient pour but, & dont l’attente étoit
capable de les foûtenir dans ùne carrière auflx pénible
que la leur.
Ces récompenfes étoient de plus d’une efpece ; les
fpeâateurs célébroignt d’abord la vi&oire des athletcsjemportée
dans les jeux par des applaudiffemens
& des acclamations réitérées ; on faifoit proclamet
par un héraut le nom des vainqueurs ; on leur diftri-
buoit les prix qu’ils avoient mérités, des efclaves,
des chevaux, des vafes d’airain avec feurs trépiés,
des coupes d’argent, des v-êtemens, des armes, de
l’argent monnoyé ; mais les prix les plus eftimés con-
fiftoient en palmes & en couronnes qu’on leur met-
toit fur la tête, aux yeux des fpe&ateurs, & qu’on
gardoit pour ces occafions dans les thréfors des villes
de la Grece.
On les conduifoit enfuite en triomphe, revêtus
d’une robe de fleurs dans tout le flade, & ce triomphe
n’étoitque le préliminaire d’un autre encore plus
glorieux, qui les attendoit dans leur patrie. Le vainqueur
en y arrivant, étoit reçu aux acclamations de
fes compatriotes, qui accouroient fur fes pas; décoré
des marques de fa viftoire, & monté fur un char
à quatre chevaux, il entroit dans-fa ville par une
breche qu’on faifoit exprès au rempart; onportoit
des flambeaux devant lui, & il étoit fuivi d’un nombreux
cortège qui honoroit cette pompe. Le triom-
. phe de Néron à fon retour de Grece, tel que le décrivent
Suetone & Xiphilin, nous préfente une image
complété de tout ce qui compofoit la pompe dé
ces fortes de triomphes athlétiques*
La cérémonie fe terminoit prefque toujours par
des feftins, dont les uns fe faifoient aux dépens du public
, les autres aux dépens des particuliers connus
du vainqueur; enfuite, ce vainqueur régalojt à fon
tour fes parens & fes amis. Alcibiade pouffa plus loin
la magnificence lorfqu’il remporta le premier, le fécond
, & le quatrième prix de la courte des chars aux
jeux olympiques ; car après s’être acquitté des facri-
ficesdûs à Jupiter olympien, il traita toute l’affem-»
blée : l’athlete Léophron en ufa de même au rapport
d’Athénée: Empédocle d’Agrigente ayant vaincu aux
mêmes jeux, & ne pouvant comme Pythagoricien,
régaler le peuple, ni en viande , ni en poiffon, il fit
faire un boeuf avec une pâte compofée de myrrhe ,
d’encens, & de toutes fortes d’aromates, & le dif-
tribua par morceaux à tous ceux qui fe préfenterent.
Le feftin donné par Scopas, vainqueur dans un des
jeu x gymniques, eft devenu célébré par l’accident
qui le termina, & dont Simonide fut miraculeufe-
ment préfervé ; cette hiftoire nous a été tranfmife
par Cicéron, Phedre, & Quintilien, qui la racontent
dans toute fon étendue ; la Fontaine en a fait le fujet
d’une de fes fables.
Ces couronnes, ces palmes, ces triomphes, ces
acclamations, & ces feftins, qui donnoient d’abord
un fi grand relief à la vi&oire des athlètes dans les
jeux gymniques, n’étoient au fond que des honneurs
paffagers, dont le fouvenir fe feroit bien-tôt effacé,
fi l’on n’en eût fait fuccéder d’autres plus fixes, plus
folides, & qui duroient autant que la vie des vainqueurs
: ces honneurs-ci confiftoient en différens privilèges
qu’on leur a c cor doit, & dont ils joiiiffoient
paifiblement à l’abri des lois , & fous la protettion
des princes & des magiftrats ; l’un des plus honorables
de ces privilèges, étoit le droit de préféance
dans les jeux publics. Une telle préféance étoit bien
dûe à des hommes que les Grecs regardoient comme
des dieux ; palmaque nobilis, terrarum dominos evehit
addeos ; à des hommes pourlefquels ils avoient une
fi grande confidération, que c’étoit, dit Cicéron,
quelque chofe de plus glorieux en Grece d’avoir
vaincu dans les jeux olympiques, qu’à Rome d’avoir
obtenu les honneurs du triomphe.
Un autre privilège des vainqueurs dans les combats
gymniques, privilège où l’utile fe trouvoit joint à
l’honorable, c’étoit celui d’être nourri le refte de
leurs jours aux dépens de leur patrie;.Ce droit.leur
étoit acquis de toute ancienneté: mais dans la fuite,
feurs vr&oires fe multipliant aulîi-bien que les jeux
publics, cette dépenfe feroit devenue fort à charge à
leurs compatriotes, fi l’on ne l’eût refferrée dans les
bornes de la médiocrité; les empereurs conferverent
tous ces privilèges des vainqueurs aux jeux gymniques
, & même les accrûrent ; Augufte en montra
l ’exemple, fuivant le témoignage de Suetone.
L’exemption de toute charge & de toute fon&ion
civile, n’étoit pas une de leurs moindres prérogatives
; mais il falloit pour l’obtenir, avoir été couronné
au-moins trois fois aux jeux facrés.
Le defir d’immortalifer les viâoires des athlètes
remportées aux jeux gymniques, fit mettre en oeuvre
divers moyens qui conduifoient naturellement à ce
but : tels étoient les archives publiques , les écrits
des poètes, les ftatues, les inferiptions. La célébration,
des jeux finie, un des premiers foins des agonothetes
étoit d’inferire fur le regiftre public le nom ,
le pays des vainqueurs, & l’efpece de combat dont
ils étoient fortis vi&orieux. Leurs louanges devinrent
chez les Grecs un des principaux fujets de la poéfie
lyrique ; c’eft fur quoi roulent, comme l’on fait jo u tes
les odes de Findare, partagées en quatre livres,
chacun defquels porte le nom des jeux où fe font finales
les athlètes dont les victoires font célébrées
ans ces poèmes immortels.
Les peuples non contens du fecours qu’ils emprun-
toient des archives publiques & des poètes pour perpétuer
le fouvenir des viftoires des athlètes dans les
jeux gymniques, employèrent outre cela tout l’art
des Sculpteurs pour tranfmettre aux fiecles à venir
la figure & les traits de ces mêmes hommes, qu’ils
regardoient avec tant d’admiration. On peut lire dans
Paufanias un dénombrement de toutes les ftatues qui
fe voyoient de fon tems à Olympie, & ces ftatues
* ne dévoient pas être plus grandes que le naturel ; on
ornoit ces ftatues d’inferiptions, qui marquoient le
pays des athlètes vainqueurs, repréfentés par ces ftatues
, le genre, & le tems de leurs viâoires, & le prix
qu’ils avoient remporté. Oétavio Falconerii a recueilli
, publié, & éclairci par de lavantes notes plu-
fieurs de ces inferiptions qui nous reftent encore.
Enfin, malgré la défenfe des agonothetes, on eft
allé jufqu’à rendre des honneurs divins aux vainqueurs
dans les combats gymniques, & cette efpece
de culte peut paffer pour le comble de la gloire athlétique.
On en cite trois exemples tirés de l’hiftoire :
le premier rapporté par Hérodote, eft de Philippe
Crotoniate, vainqueur aux jeux olympiques , & le
plus bel homme de fon tems ; les Egeftains lui dref-
ferent après fa mort un monument fuperbe, & lui fa-
crifierent comme à un héros : le fécond exemple encore
plus extraordinaire, eft d’Euthime de Locres,
excellent athlete pour le pugilat, lequel pendant fa
vie reçut les honneurs divins ; Pline le naturalifte raconte
ce fait, liv. V il. ch. Ivij. de fon hiftoire : le
troifieme exemple eft celui de l’athlete Théagene,
qui au rapport de Paufanias, fut après fa mort non-
feulemcnt adoré par les Thafiens fes compatriotes,
mais par divers peuples tant grecs que barbares.
.Voilà quels étoient les fruits des combats gymniques,
ces exercices à jamais célébrés, & dont nous n’avons
plus d’idée. Article de M. le Chev. d e J a u c q u r t .
GYMNOPÉDIE, f. f. (Antiq. greq.') yvfxm'rtatS'ieL,
mot compofé de yvfxvU, nud, & «aret/ç, jeune homme;
danfe en ufage chez les Lacédémoniens, & qui de-
voit fon inftitution à Lycurgue. Cette danfe faifoit
partie d’une fête folennelle qu’on célébroit publiquement
à Lacédémone, en mémoire de la vi&oire remportée
près de Thyrée par les Spartiates fur les
Argiens. D eux troupes de danfeurs nuds, la première
de jeunes gens, la fécondé d’hommes faits, com-
pofoient la gymnopédie t & lui donnoient fon nom:
celui qui menoit chaque troupe, portoit fur la tête
une couronne de palmier, qu’on nommoit couronne
thyréatique, à caufe du fujet de la fête. Toute la bande
en danfant chantoit les poéfies lyriques de Tha-
letas & d’Aleman, ou les péanes de Dionyfodote.
Ces danfes fe faifoient dans la place publique ; & la
partie de cette place deftinée aux danfeurs s’appel-
loit le choeur, xûpoç.
La fêté étoit confacrée à Apollon pour la poéfie.
& à Bacchus pour la danfe ; cette danfe, félon Athé^
née, avoit quelque rapport à une forte d’exercice,
connu anciennement fous le nom d’ayet-sr«A», parce
les danfeurs par les démarches entre-coupées &
cadencées de leurs pies, & par les mouvemens figures
de leurs mains, offroient aux yeux une image
adoucie de la lutte & du pancrace. Meurfius a dif-
cuté cette matière avec érudition, dans fon livre intitulé
orchejlra; on y peut recourir. Il me fuffira d’a-
joûter qu’on paffoit ordinairement de cette danfe à
la pyrrhique, dont la gymnopédie étoit comme le prélude.
Le légiflateur de Lacédémone appliqua l’exercice
de la danfe aux vues qu’il avoit de porter la jeunef-
fe de Sparte à apprendre en fe joiiant l’art terrible de
la guerre: non-feulement Lycurgue voulut que les
jeunes garçons danfaffent nuds, mais il établit que
les jeunes filles, dans certaines fêtes folennelles, ne
danferoient que parées de leur propre beauté, &
fans autre voile que leur pudeur. Quelques perfon-
nes lui ayant demandé la caufe de cette inftitution t
c’eft afin, répondit-il, que les filles de Sparte faifant
les mêmes exercices que les hommes, elles ne leur
foient point inférieures ni pour la force & la fanté
du corps, ni pour la générofité de l’ame.
M. Giiillet, dans fa Lacédémone ancienne, entreprend
d’après Plutarque l’apologie de Lycurgue contre
ceux qui prétendent que cette inftitution étoit
plus capable de corrompre les moeurs que de les affiner.
« Outre, dit M. Guillet, qu’il eft impoflible
» d’imaginer que Lycurgue, qui regardôit I’éduca-
» tion des enfans pour la plus importante affaire d’un
» légiflateur, ait pû jamais fonder des ufages qui ten-
» diffent au déréglement, il n’eft pas douteux que la
» nudité étant commune à Lacédémone, ne faifoit
» point d’impreflion criminelle ou dangereufe. Il fe .
» forme par-tout naturellement une habitude de l’oeil
» à l’objet qui difpofe à l’infenfibilité, & qui bannit
» les defirs déréglés de l’imagination ; l’émotion ne
» vient guere que de la nouveauté du fpe&acle. En-
» fin (& c’eft la meilleure raifon de M. Guillet) dès
» qu’on s’eft mis une fois dans l’efprit l’intégrité des
» moeurs de Sparte, on demeure perfuadé de ce bon
» mot : les filles de Lacédémone n'étoient point nues ,
» /’honnêteté publique les couvrait. Telle étoit, dit Plu-
» tarque, la pudicité de ce peuple, que l’adultere y
» paffoit pour une chofe impoflible & incroyable.
Ces ufages nous paroiffent également étranges
& blâmables ; & nous fommes étonnés qu’un homme
aufli renommé pour fa fageffe ait pû les propo-
fer, ou qu’on ne les ait pas rejettés.
Après tout, quelque parti qu’on prenne pour ou
contre Lycurgue, gardons-nous bien de croire que
fon exeufe en fût une pour nous. Quoiqu’il y ait
quantité de lieux dans le monde où les femmes paroiffent
toûjours dans l’état de celles qui danfoient
à certaines fêtes de Sparte, & quoique nos voya?
geurs affûrent que dans ces lieux le déréglement des
moeurs eft très-rare ; le point important qu’il ne faut
jamais perdre de vûe fur cette matière, eft de recon-
noître que fi la force de l’éducation générale, établie
fur de bons principes, eft infinie, lorfque des exemples
contagieux n’en peuvent déranger les effets,
nous ne joüiffons malheureufement ni des avantage^