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! If
mot Fa t a l i t é ; nous nous bornerons donc à <fire 1
ici quelque chofe fur le mot fortune, pris dans la fécondé
acception.
Il y a des moyens vils de faire fortune, c’eft-à-dire
d’acquérir des richefles ; il y en a de criminels, il y
en a d’honnêtes. _
Les moyens vils confiftent en général dans le talent
méprifable de faire baffement fa cour ; ce talent
fe réduit, comme le difoit autrefois un prince
de beaucoup d’efprit, à favoir être auprès des grands
fans humeur & fans honneur. Il faut cependant obfer-
v er que les moyens vils de parvenir à l’opulence,
ceffent en quelque maniéré de l’être lorfqu’on ne les
employé qu’à fe procurer l’étroit néceflaire. Tout eft
permis, excepté le crime, pour fortir d’un état de
mifere profonde ; de-là vient qu’il eft fouvent plus
facile de s’enrichir, en partant de l’indigence abfo-
lue, qu’en partant d’une fortune étroite & bornée.
La néceffité de fe délivrer de l ’indigence, rendant
prefque tous les moyens excufables, familiarife in-
fenfiblement avec ces moyens ; il en coûte moins
enfuite pour les faire fervir à l’augmentation de fa
fortune.
. Les moyens de s’enrichir peuvent être criminels
en morale, quoique permis par les lois ; il eft contre
le droit naturel 6c contre l’humanité que des millions
d’hommes foient privés du néceflaire comme ils le
font dans certains pays, pour nourrir le luxe fean-
daleux d’un petit nombre de citoyens oififs. Une in-
juftice fi criante & fi cruelle ne peut être autorifee
par le motif de fournir des reflources à l’état dans
des tems difficiles. Multiplier les malheureux pour
augmenter les reflources, c’eft fe couper un bras
pour donner plus de nourriture -à l’autre. Cette iné-r
galité monftrueufe entre la fortune des hommes, qui
fait que les uns périffent d’indigence, tandis que les
autres regorgent de fuperflu , étoit un des principaux
argumens des Epicuriens contre la providenc
e , & devoit paroître fans réplique à des philofo-
phes privés des lumières de l’évangile. Les hommes
engraifles de la fubftance publique , n’ont qu’un
moyen de réconcilier leur opulence avec la morale
, c’eft de rendre abondamment à l’indigence ce
qu’ils lui ont enlevé, fuppofé même que la morale
foit parfaitement à couvert, quand on donne aux
uns ce dont on a privé les autres. Mais pour l’ordinaire
ceux qui ont caufé la mifere du peuple, croyent
s’acquitter en la plaignant, ou même fe difpenfent
de la plaindre.
Les moyens honnêtes de faire fortune, font ceux
qui viennent du talent 6c de l’induftrie ; à la tête de
ces moyens, on doit placer le Commerce. Quelle
différence pour le fage entre la fortune d’un sourti-
fan faite à force de baffeffes 6c d’intrigues, 6c celle
d’un négociant qui ne doit fon opulence qu’à lui-
même , & qui par cette opulence procure le bien de
l’état ! C ’eu une étrange barbarie dans nos moeurs,
6c en même tems une contradiction bien ridicule,que
le commerce, c’eft-à-dire la maniéré la plus noble
de s’enrichir, foit repardé*par les nobles avec mépris
, & qu’il ferve neanmoins à acheter la noblefle.
Mais ce qui met le comble à la contradiction & à
la barbarie, eft qu’on puiffe fe procurer la noblefle
avec des richefles acquifes par toutes fortes de voies.
V o y e { N o b l e s se .
Un moyen fur de faire fortune, c’eft d’être continuellement
occupé de cet objet, 6c de n’être pas
fcrupuleux fur le choix des routes qui peuvent y conduire.
On demandoit à Newton comment il avoit pû
trouver le fyftème du monde : c'ejl, difoit ce grand
philofophe, pour y avoir penféfanscejfe. A plus forte
raifon réuflira-t-on par cette opiniâtreté dans des en-
treprifes moins difficiles, fur-tout quand on feraré-
folu d’employer toutes fortes de voies. L ’efprit d’in-
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trigue & de manège eft donc bien méprifable, puif-
que c’eft l’efprit de tous ceux qui voudront l’ayoir,
6c de ceux qui n’en ont point d’autre. Il ne faut d’autre
talent pour faire fortune, que la réfolution bien
déterminée de la faire., de là patience, & de l’audace.
Difons plus : les moyens honnêtes de s’enrichir,
quoiqu’ils fuppofent quelques difficultés réelles
à vaincre , n’en préfentent pas toujours autant qu’on
pourroit le penfer. On fait l’hiftoire de ce philofophe
, à qui fes ennemis reprochoient de ne méprifer
les richefles , que pour n’avoir pas l’efprit d’en, acquérir.
Il fe mit dans le commerce, s’y enrichit en
un an, diftribua fon gain à fes amis, 6c fe remit en-
fuite à philofopher. (O)
F o r t u n e , ( M y t h o l . L i t t é r . ) fille de Jupiter, divinité
aveugle, bifarre, 6c fantafque, qui dans le fyftème
du Paganifme préfidoit à tous les évenemens,,
6c diftribuoit les biens 6c les maux félon fon caprice.
Il n’y en eut jamais de plus révérée, ni qui ait
été adorée fous tant de différentes formes. Elle n’eft.
pas cependant de la première antiquité dans le monde.
Homere ne l’a pas connue, du-moinsil n’en parle
point dans fes deux poèmes ; 6c l’on a remarqué que
le mot ne s’y trouve pas une feule fois. Héfiode
n’en parle pas davantage, quoiqu’il nous ait laiffé
une lifte très-exaéle des dieux, des déefles, 6c de
leurs généalogies.
Les Romains reçurent des Grecs le culte de la For-
tune, fous le régné de Servius Tullius, qui lui dédia
le premier temple au marché public ; & fa ftatuede
bois refta, dit-on, toute entière, après un incendie
qui brûla l’édifice. Dans la fuite la Fortune devint à
Rome la déeffe la plus fêtée : car elle eut à elle feulo
plus de temples que les autres divinités réunies. Tels
font ceux de Fortune favorable, Fortune primigénie,
bonne Fortune, Fortune virile, Fortune féminine,
Fortune publique, Fortune privée, Fortune libre,
Fortune forte, Fortune affermie , Fortune équeftre ,
Fortune de retour, ou Réduce, redux • Fortune aux
mammelles, mammofa ; Fortune ftable, manens ; Fortune
nouvelle, grande & petite Fortune, Fortune dou-
teufe, & jufqu’à la mauvaife Fortune. La Fortune virile
, virilis, étoit honorée par les hommes ; 6c la
Fortune féminine, muliebris, l’étoit par les femmes.
Il ne faut pas s’étonner de ce grand nombre de
temples confacrés à la Fortune fous divers attributs,
chez un peuple qui la regardoit comme la difpenfa-
trice des biens & des maux.
Néron lui fit bâtir un temple. Elle en avoit un autre
à Antiüm, patrie de cet empereur, aujourd’hui
Anzo-Rovinato, petite place maritime auprès de
Capo d’Auzo, à 7 lieues d’Oftie vers l’orient d’hy-
v e r , 6c à environ une demi-lieue de Nettuno. On
appelloit ce temple, le temple des Fortunes, ou des
foeurs Antiati'nes. L’églife de fainte Marie égyptienne
à Rome, étoit un des temples de la Fortune virile,
dont Palladio a donné la defeription & les deffeins.
Mais le temple de la Fortune le plus renommé dans
l ’antiquité , étoit à Prænefte , la froide Prænefte
d’Horace , aujourd’hui Paleftrine, à 18 milles de
Rome. Il ne refte plus de ce fameux temple, qui ren-
doit cette ville fi célébré, que le feul premier mur
inférieur, bâti de briques, oii on voit une grande
quantité de niches pofées les unes fur les autres en
deux lignes. Ce temple occupoit toute la partie de
la montagne, dont les différentes terraffes étoient
ornées de différens bâtimens à l’ufage des prêtres 6c
des filles deftinées aufervice de la déeffe.L’autel étoit
prefqu’au haut de la montagne, 6c il n’y avoit au-
deffus qu’un bois confacré, 6c au-deffus du bois, un
petit temple dédié à Hercule. C ’eft le palais Barbé-
rin, peu digne d’attention, excepté par fa belle vue,
qui occupe aujourd’hui l ’ancien temple de la Fortune
de Prænefte, 6c qui eft bâti, à ce qu’on prétend,
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dans l’endroit même où étoit la ftatue de cette divî- |
ni té , 6c la caffette des forts.
Voflius a ramaffé toute la mythologie de la Fortune
dans fon I I . livre de idolol. cap. xlij. & xliij.
6c Struvius, dans fon fynt. antiq. rom.- a recueilli
tous les différens titres généraux & particuliers- que
lesRomainsdonnoientà cette déeffe. Les médailles,
les inferiptions, 6c les autres monumens des Grecs
font remplis du nom & de l’effigie de la Fortune. On
la voit tantôt en habit de femme,avec un bandeau fur
les yeux & les piés fur une rouejtantôt portant fur fa
tête un des pôles du monde,& tenant en main la corne
d’Amalthée ; ici Plutus enfant eft entre fes bras ; ailleurs
elle a un foleil & un croiffant fur le front ; mais
il eft inutile d’entrer là-deffus dans un plus long détail.
Les attributs de la Fortune font trop clairs pour
qu’on puiffe s’y tromper. (D. J.)
Fo r t u n e d e v e n t , ( Marine. ) c’elbà-dire un
gros tems oit les vents font forcés. (Z )
F o r t u n e de M e r , (Marine.) ce font les acci-
dens qui arrivent à la mer, comme d’échoiier, de
couler-bas d’eau, d’effuyer quelque violente tempête
,& c . (Z )
F o r t u n e , V o il e d e F o r t u n e ; (Marine.') la
voile de fortune eft la voile quarrée d’une tartane ou
d’une galere; car leurs voiles ordinaires font latines,
ou à tiers point ; & elles ne portent la voile de fortune.,
qu’on nomme aufli tréou, que pendant l’orage:
les galiotes en ont aufli. Voye^ T r e o u . (Z )
FORTUN É, adj. voyei F o r t u n e .
FORTUNÉES, ( Is l e s - ) Géog. anc. Les anciens
décrivent ces îles comme fituées au-delà du détroit
de Gibraltar, dans l’Océan atlantique ; on les regarde
ordinairement chez les modernes comme les îles
Canaries : 6c cette opinion eft fondée principalement
fur la fituation 6c la température de ces île s ,
6c fur l’abondance d’oranges, de limons, de raifins,
6c de beaucoup d’autres fruits délicieux qui y croif-
fent. Les oranges étoient fans doute les mala aurea
qui croiffoient, félon les anciens, dans les îles fortunées.
Il eft affez vraiffemblable que ces îles font le ref-
te de la fameufe atlantique de Platon. Voye£ A t l a n t
iq u e & C a n a r ie s .
FORUM. y (Littéral.) ce mot très-commun dans
les auteurs, défigne plufieurs chofes qu’il eft bon de
diftinguer ; il fignifie i°. les places publiques, dans lef-
quelles fe tenoient les divers marchés à Rome pour
la fubfiftance de cette ville ; i° . les places où le peuple
s’affembloit pour les affaires, pour les éleftions,
&c. 30. les places où l’on plaidoit, 6c qui étoient au
nombre de trois principales ; 40. finalement une ville
de la dépendance de l’empire romain ,& dans laquelle
l ’on tenoit des foires : tels étoient le forum Li-
vii,forum Julii, &c. comme il fe trouvoit un grand
concours de négocians qui venoient perpétuellement
à ces foires, on fut obligé d’y conftruire plufieurs
mailons & bâtimens pour la commodité du public ;
& dans la fuite des tems, ces lieux s’aggrandirent, fe
peuplèrent, & devinrent des villes allez confidéra-
bles. Voye{ Ma r c h é , Pl a c e s d e Ro m e , C o m i c
e s , F o ir e s . (D . J.)
* F O R U R E , f . f. (Serrurerie.) On entend en général
par ce mot les trous percés au foret pour l’af-
fcmblage, tant des grands ouvrages de lerrurerie
que des petits ; mais il fe dit principalement du trou
pratiqué à l’extrémité d’une c lé , vers le panneton,
qui reçoit une broche à fon entrée dans la ferrure.
Il y a de ces forures d’une infinité de figures poflî-
bles. Les rondes font les plus faciles ; elles le font au
foret, fans exiger d’autre attention de la part de
l’ouvrier, que d’avoir un foret de la julle groffeur
dont il veut percer fa forure, 6c de prendre bien le
milieu de la groffeur de la tige. Cela fait, la broche
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entrera droit & jtifte dans la forure, & le bout de la.
cle ira bien perpendiculairement s’appliquer fur le
palatre, à l’origine de la broche, ce qui n’arriveroit
pas fi la broche ou la forure étoit un peu verfée de
cote ; mais un autre inconvénient, c’eft que pour-
peu que la forure fût commencée obliquement, ou la
tige de la clé feroit percée en-dehors, avant que la
forure eût la profondeur convenable, ou la broche,
fur-tout fi elle eft jufte, ne pourroit y entrer : ce qui
l’empêcheroit encore , ce feroit le canon qui eft
monté fur la couverture ou le foncet de la ferrure,
& dont la broche occupe le centre fur toute fa longueur.
Si l’on perce au. bout de la tige huit petits trous
de foret, & qu’on en pratique un neuvième au centre
de ces huit, qu’on évuide ce qui refte de plein,
& qu’on finiffe le tout enfuite avec un. mandrin fait
en croix de chevalier, on aura la forrire en croix de
chevalier.
Si l’on perce au centre de la tige un trou de foret
; & qu’en évuidant avec un burin , on pratique
autour des petits rayons, 3c qu’on finiffe le tout avec
le mandrin en étoile, on aura une forure en étoile.
Si l’ouvrier, après avoir bien dreffé le bout de fa
tig e, y trace la forme d’une fleur-de-lis, 6c qu’aux
centres des quatre fleurons les plus forts de la fleur-
de-lis , il perce quatre trous de foret ; qu’il évuide
le refte avec de petits burins faits exprès, 6c qu’il
finiffe le tout avec un mandrin en fleur-de-lis, qu’il
fera entrer doucement dans la forure, de peur de l’y
caffer,il aura une forure en fleur-de-lis.
Il en eft de même de la forure en tiers-point y de' la
forure en trefe, & d’une infinité d’autres qu’on peut
imaginer.
FOSSAIRE, f. m. (Hift. eccléftafliq.) les fojfaires
étoient autrefois des officiers de l’églife d’Orient,
qui a voient foin de faire enterrer les morts.
Ciaconius rapporte que Conftantin créa neuf
cents cinquante fojfaires, qu’il tira de différens collèges
ou corps de métiers ; il ajoûte qu’ils étoient
exempts d’impôts & de charges publiques.
Le P. Goar infinue, dans fes notes fur Ceucologue
des Grecs, que les fojfaires ont été établis dès le tems
des apôtres ; & que ces jeunes hommes qui emportèrent
le corps d’Ananie, 6c ces perfonnes remplies
de la crainte de D ie u , qui enterrerent celui de S.
Etienne, étoient des fojfaires
S. Jérôme dit que le rang de fojfaires eft le premier
parmi les clercs ; ce qui doit s’entendre de ceux
qui étoient prépofés pour faire enterrer les fideles.
Foye[ C l e r c ; voyeç les dictionn. de Trévoux & de
Chaàibers. (G)
FOSSANO,(Géog.) ville récente d’Italie dans le
Piémont, avec une citadelle 6c un évêché fuffragant
de Turin: elle eft fur la Sture, à deux lieues E. de Sa-
villan, quatre N. E. de C ô n i, dix S. de Turin , onze
S. E. de Pignerol. Longit. zS d. 2 3'. Luit. 44^. 2J '.
v>. j .) . „ r
FOSSE, f. f. en Architecture , fe dit de toute profondeur
en terre, qui fert à divers ufages dans les
bâtimens, comme de citerne, de cloaque, &c. dans
une fonderie, pour jetter en cire perdue des figures,
des canons, &c. & dans un jardin, pour planter des
arbres. ÇP)
Fo s se d’a i s a n c e , lieu v oû té au-deffous de l ’aire
des cav es d’un bâtiment, le plus fouvent p a v é de
g r è s , av e c contre-mur, s’il eft trop près d’un p u its ,
de crainte que les excrémens qui font reçûs dans la
fojfe ne le corrompent. (P)
F osse à C h a u x , cav ité feuillée quarrémenten
terre,où l ’on conferve la chaux é tein te, pour en faire
du mortier, à mefurc qu’on é le v e un bâtiment. (P)
* Fo s s e , (Hift. eccléfafl.) c’eft un lieu creufé en
terre, foit dans l’églife foit dans le cimetiere, de la