toit Jupiter furnommé oypioe , le difpenfateur des
Vents favorables. On ne connpiffoit dans tout le
monde que trois ftatues de Jupiter avec ce titre;
l ’une étoit au Capitole , où Quintus Flaminius Fa-
voït confacrée des dépouilles de la Macédoine ^’autre
dans un ancien temple bâti à l’endroit, le plus
iétroit du Bofphore de Thrace ; la troifieme avoit été
apportée de Syracufe dans la galerie de V errès.
La Diane de Ségefte n’étoit pas moins remarquable
; c’étoit une grande & belle ftatue de bronze. La
.déefle étoit voilée à la maniéré des divinités du premier
ordre,, pedes vejlis defiuxit ad imos ; mais dans
cette grande taille, & avec une draperie li majef-
lueufe , -on retrouvoit l’air &. la legereté de la jeu-
nefl'e. Elle portoit le carquois attaché fur l’épaule ;
de la main droite elle tenoit fon arc, & de la main
gauche elle avoit un flambeau allumé. L’antiquité
chargeoit de fy.mboles les figures de les dieux, pour
en exprimer tous les différens attributs ; en quoi elle
n’a peut-être pas eu toûjour-s allez d’égard au tout-
enfemble. Cette flatue de toute antiquité, avoit appartenu
à Ségefte, ville de Sicile fondée par Enée ; '
elle en étoit en même tems un des plus beaux orne-
mens, & la plus célébré dévotion ; les Carthaginois
l ’avoient enlevée. Quelques fiecles s’étant écoulés,
Je jeune S ci pion vainqueur de Carthage la rendit
aux. Ségeftains ; on la remit fur fa baie avec une
infeription en grands eara&eres, qui marquoit & le
bienfait 8c la piété de Scipion ; Verrès peu ferupu-
Jeux fe l’appropria.
Deux ftatues de Cerès qu’on voyoit enfuite,
étoient en ce genred’élite de celles de tous les temples
de la Sicile, où Verrès avoit commandé pendant
trois ans ; l’une venoit de Catane , l’autre
.d’Enna , deux villes qui gravoient fur leurs mon-
noies la tête de Cerès,. Celle de Catane avoit de
tous tems été révérée dansl’obfcùrité d’un lieufaint,
où les hommes n’entroient point ; les femmes 8c les
£11 es'étoient chargées d’y célébrer les myfteres de
la déefle : la Cerès d’Enna étoit encore plus remarquable,.
Mercure chez Verrès n’étoit que trop à fa place ;
.c’étoit celui-là même à qui les Tyndaritains offraient
tous les ans des facrifices réglés : la, ftatue
étoit d’un très-grand prix ; Scipion vainqueur de
l’Afrique l’avoit rendue au culte de fes peuples ;
Verrès fans vi&oires , la leur enleva.
L’Apollon étoit revenu de même à ceux d’Agri-
gente ; il étoit dans leur temple d’Efculape. Myron,
ce fameux ftatuaire fi connu, y avoit épuifé tout fon
art ; 8c pour rendre fon nom eternel, il l’avoit écrit
fur l’une des cuiffes en petits cara&eres d’argent. On
fent combien le nom de Myron , mis contre la dé-
fenfe dans quelque pli de cette ftatue, en rehauflbit
le prix dans la fantaifie des curieux.
L’Hercule de Verrès étoit de la main du même ar-
tifte; fon Cupidon étoit de la main de Praxitèle; 8c
Pline le met au rang des chefs-d’oeuvre de ce grand
maître.
Auprès de ces divinités, on voyoit les Canépho-
re s , qui avoient tant de part dans la pompe des fêtes
athéniennes. On appeUoit Canéphores à Athènes,
comme on l’a dit fous ce mot, de jeunes filles, qui
parées fuperbement, marchoient dans les procef-
îions folemnelles, portant fur leurs têtes & foûte-
nant avec leurs mains des corbeilles remplies de
chofes deftinées au culte des dieux ; telles on voyoit
celles-ci : c’étoient des figures de bronze, dont la
beauté répondoit à l’habileté & à la réputation de
Polyclete.
Je gliffe fur l’Ariftée, le Péon, & leTénès, autres
ftatues très-précieufes qui fe trouvoient dans cette
riche galerie ; parce qu’au milieu des dieux de toute
cfpece qui la décoraient, on admirait encore davantage
IaSapho de bronze de Silanion : rien dé plus
fini que cette ftatue ; c’étoit non un poète, mais là
Poéfie; non une femme paflionnée, mais la pafîion
en perfonne : Verres l’a voit tirée du prytanée de
Syracufe.
Quantité d’autres ftatues que l’orateur de Rome
n’a pas décrites, ornoientla galerie de Verrès ; S cio,
Samos, Perge, la Sicile, le monde entier, pour ainfi
dire, avoient fervi tous fes goûts. Cicéron prétend
que la curiofité de Verrès avoit plus coûté de dieux
à Syracufe, que la viftoire de Marcellus n’ÿ avoit
coûté d’hommes.
Un morceau unique que j’oubliois de citer, & que
Verrès ne montroit qu’à fes amis, c’étoit la ftatue du
joueur de lyre d’Afpende, dontla maniéré de toucher
cet infiniment avoit fondé un proverbe parmi les
Grecs.
Entre les raretés de goût d’un autre genre, que
Verrès avoit en grand nombre dans fa galerie, on
pourroit mettre plufieurs petites viftoires, telles que
nous les voyons dans les médailles fur la main des
divinités : il y en avoit de toutes fortes d’endroits ;
celles-ci avoient été tirées des ftatues de Cérès;
celles-là d’un ancien tempie de Junon bâti fur le promontoire
de Malte.
Un grand vafe d’argent en forme de cruche , hy-
dria, Ornoit une magnifique table de bois de citre :
ce grand vafe étoit de la façon de Boëthus, carthaginois,
dont Pline nous a tranlinis la gloire, avec la
lifte de fes principaux ouvrages. A coté de ce vafe,
on en voyoit un autre encore plus admirable ; c’étoit
une feule pierre précieufe creufée avec une
adrefle 8c un travail prodigieux : cette piece venoit
d’Orient ; elle étoit tombée entre les mains de Verrès
, avec le riche candélabre dont nous parlerons
dans la fuite.
II n’y avoit point alors en Sicile, difent les hifto-
riens, de maifon un peu accommodée des biens de la
fortune, qui n’eût fon argenterie pour fervir au culte
des dieux domeftiques ; elle confiftoit en patenes de
toutes grandeurs , foit pour les offrandes foit pour
les libations, & en caflblettes à faire fumer l’encens.
Tout cela prou voit que les Arts dans la Sicile avoient
été portés à un haut degré de perfeélion. Verrès aidé
de deux grecs qui s’étcÿent donnés à lu i , l’un peintre
, l’autre ftatuaire, avoit choifi parmi tant de ri-
cheffes, ce qui convenoit le mieux pour l’ornement
de fa galerie. Ici c’étoit des coupes de formes ovales,
feaphia, chargées de figures en relief, 8c de pièces de
rapport; là c’étoit des-vafes de Corinthe pofés fur
des tables de marbre, foûtenues fur trois piés, à la
maniéré du facré trépié de Delphes, 8c qu’on appel-
loit pour cela menfoe delphicoe.
Nous ne parlerons pas de plufieurs autres raretés
de cette galerie, qui ne laiflbient pas que de l’embellir
; comme de cuiraffes, de cafques, de grandes urnes
d’airain de Corinthe cifelé ;des dents d’éléphans
d’une grandeur incroyable , fur lefquelles on lifoit
en caraûeres puniques, que le roi Mafliniffa les avoit
renvoyées à Malte au temple de Junon, d’où le“général
de la flotte les avoit enlevées : on y trouvoit
jufqu’à l’équipage du cheval qui avoit appartenu
au roi Hiéron. A côté de cet équipage, deux petits
chevaux d’argent placés fur deux pie-d’eftaux , offraient
un nouveau fpeélacle aux yeux des connoif-
feurs.
Quoique les vafes d’or que Verrès avoit femés dans
fa galerie en très-grand nombre, fuffent modernes, il
avoit fçû les rendre 8c plus beaux & aufli refpeéla-
bles que l’antique ;-il avoit établi à Syracufe, dans
l’ancien palais .des rois, un grand attelier d’orfevre-
rie , où pendant huit mois, tous les ouvriers qui ont
rapport à cet a rt, foit pour defliner les vafes, foit
pour y ajouter des ornemens , travailioient conti*
nuellement pour Verrès, 8c ne travailioient qu’en or.'
■ Toutes les tapifleries de cette galerie étoient re-
hauffées de ce métal dont la mode venoit d’Attalus,
roi de Pergame ; le refte des meubles y répondoit : la
pourpre d eT y r y éclatait de tous côtés. Verrès pendant
le tems de fon gouvernement, avoit établi dans
les meilleures villes dè Sicile, 8c à Malte, des manufactures
où l’on ne travailloit qu’à fes meubles: toutes
les laines étoient teintes en pourpre. Il fournif-
foit la matière, dit Cicéron; la façon ne lui eoûtoit
rien.
Outre quantité de tableaux très-précieux qu’il
avoit tirés du temple de Minerve à Syracufe, pour
fa galerie , il y avoit placé vingt-fept portraits des
anciens rois de S icile, rangés par ordre, 8c qu’il avoit
aufli tirés du même temple.
La porte de la galerie étoit richement hiftoriée ;
Verrès dépouilla pour fon ufage eelle du temple de
Minerve a Syracufe, la plus belle porte qui fût à aucun
temple : plufieurs auteurs grecs en ont parlé
dans leurs écrits ; & tous conviennent que e’étoit
une merveille de l’art. Elle étoit décorée d’une maniéré
également convenable 8c au temple de la déef-
fe des' Beaux-Arts, 8c à une galerie qui renfermoit
ce que les Beaux-Arts avoient produit. Verrès avoit
enlevé des portes du même temple , de gros clous
dont les têtes étoient d’o r , huilas aureas, 8c en avoit
orné la porte de fa galerie.
A côté de la porte, on trouvoit deux très-grandes
ftatues,que Verrès avoit enlevées du temple de Junon
à Samos ; elles pouvoient être d’un Théodore de Sa-
mos, habile peintre 8c ftatuaire, dont parle Pline ,
& dont Platon fait mention en quelque endroit.
Enfin la galerie étoit éclairée par plufieurs luftres
de bronze, mais fur-tout par un candélabre merveilleux
, que deux princes d’Oriént avoient deftiné au
temple de Jupiter Capitolin. Comme ce temple avoit
été brûlé par le feu du c iel, & que Q. Catulus le fai-
foit réédifier plus fuperbe qu’auparavant, les deux
princes voulurent attendre qu’il fût achevé de bâtir,
pour y confacrer leur offrande ; un des deux, qui
étoit chargé du candélabre, pafla par la Sicile pour
regagner la Comagene. Verrès commandoit en Sicile
: il vit le candélabre ; il l’admira, il l’emprunta, il
le garda: c’étoit un préfent digne 8c des princes qui
le vouloient offrir au temple de Jupiter, 8c de ce
temple même, le lieu de toute la terre le plus augu-
fte, fi l’on en excepte le temple du vrai Dieu.
Telles étoient les richeffes de la galerie de Verrès.
Cependant quelque curieufe , quelque magnifique
qu’elle fû t , ce n’étoit ni la feule, ni vraiffemblable-
ment la plus belle qu’il y eût à Rome. Perfonne n’ignore
que dès que les conquêtes des Romains eurent
expofé à leurs yeux ce que l’Afie , la Macédoine ,
l ’Achaïe, la B éotie, la Sicile, 8c Corinthe, avoient
de beaux ouvrages de l’art; ce fpeêtacle leur infpira
l’amour paflionné de ce genre de magnificence : ce
fut à qui en ornerait le plus fes maifons à la ville 8c
à la campagne. Le moyen le moins criminel qu’ils
mirent en oe uvre, fut d’acheter à vil prix des chofes
qui n’avoient point de prix : le gouvernement des
pays conquis leur en offrait l’occafion ; l’avidité des
uns enlevoit tout, fans qu’il fût queftion de payement;
les autres plus mefurés dans leurs démarches,
fous des prétextes plaufibles, empruntoient des v illes
ou des particuliers ce que ces particuliers & ces
villes poffedoient de plus exquis ; & fi quelqu’un
avoit le foin de le leur reftituer, la plûpart fe ï ’ap-
proprioient.
Mais enfin quoique les Romains ayent orné leurs
palais de tous les précieux ouvrages de la Grèce, ils
n’eurent en partage ni le goût ni la noble émulation
qui avoit animé les Grecs ; ils ne s’appliquerentpoint
comme eux à l’étude des mêmes Arts dont ils admiraient
les productions ; & nous le prouverons invinciblement
quand il s’agira de parler des G recs, de
leurs-talens, & de leur génie. Voyez ei-aprhs l'article
G r e c s . (D . J .) .
G a l e r ie , f. f. en terme de Fortification , eft une
petite allée de charpente qu’on fait pour paffèr un
foffé, qui eft couvert de greffes planches de bois,
chargées de terre 8c de galon.
Les côtés de la galerie doivent être à l’épreuve du
moufquet ; ils font eOmpofés d’un double rang de
planches , comme de plaques de fer pourréfifter aux
pierres & aux- artifices, dont l’ennemi fe fert. Ckamb.
On fe fervoit autrefois de ces galeries polir faciliter
l’appFOche.du mineur à la face du baftion ; elles por-
toient fur le fofle qu’on avoit foin de combler auparavant
de barriques, de facs à terre, & de fafeines,
lorfqu’il étoit plein d’eau. Pendant ce comblement,
on démoHtoit l’artillerie des flancs oppofés: cette.
galerie s’appelloit aufli- travtrfe. Voye^ T r a v e r s e :
elle n’eft plus d’ufage à préfent. Le mineur parvient
au corps de l’ouvrage attaqué, ou par une galerie
foûterreine qu’il pratique fous le fofle lorfque la nature
du terrein le permet, ou à la faveur de l’épaule-
ment qui couvre le paffage du foffé. Voye^ Pa s s a g e
d u F o s s é .
On appelle encore galerie le conduit d’une mine,
c’eft-à-dire le chemin qu’on pratique fous terre pour
aller jufque fous le terrein des ouvrages qu’on a
deffein de faire fauter. Voye^ M i n e , R a m e a u ,
A r a ig n é e , &c.
Les afllégeans & les àflîégés pouffent aufli des galeries
fous -terre pour éventer réciproquement leurs
mines, & les détruire après qu’ils les ont trouvées..
G a l e r ie s d’é c o u t e . On appelle ainfi de petites
galeries cpnftruites le long des deux côtés des galeries
ordinaires ': on y pratique de diftance en diftance de
petits efpaces pour contenir un homme. L’emploi de
cet homme eft d’écouter avec attention ce qui fe fait
dans les environs du fieu où il eft placé, afin de don*
ner avis du travail de l’enrtemi. (Q)
' G a l e r ie , (Hijl. nat. Minéralogie,on nomme
ainfi dans les mines métalliques les chemins que les
mineurs font fous terre, pour percer le fein des montagnes
& en détacher les filons. Voye^ Part. M in e s .
G a l e r ie , ( Marine.) Les galeries dans les vaif-
feaux font des balcons couverts ou découverts avec
appui, qui font faillie vers l’arriere du vaiffeau : ces
balcons ne fe font pas feulement pour l’ornement,
mais encore pour la commodité de la chambre du
capitaine. En 1673 » ?cn de France ordonna que
les vaiffeaux de cinquante canons &au-deflbus n’au?
roient plus de galeries ni de balcons.
Les navires anglois ont de grandes 8c fuperbes
galeries ; les hollandais n’en ont que de très-petites,
Voyei PL I. de Marine, la galerie çottée E ; voyc^ la
PI. 111. fig. 1. repréfentant la poupe d’un vaiffeau,
où la galerie eft coïtée G. Voyez aujjila Planche IV»
fig. 1. la galerie cpttée ‘3$*
G a l e r ie d u fo n d d e C A L F ;c ’e ftu n paffage
large de trois piés pratiqué le long du ferrage de l’avant
à l’arriere des vaiffeaux qui font au-deffous de
50 pièces de canon : cette galerie donne moyen aux
charpentiers de remédier aux voies d’eau que eau-
lent les coups de canon donnés à l’eau. Ceux qui
fans ordre vont aux galeries qui joignent les fontes ,
doivent être condamnés aux galeres, fuivant l’or«*,
donnance de 1689. (£ )
G a l erie , terme de Riviere, efpaee de trois piés
de largeur, faite en avant de la travure d?un bateau
fon e et.
G a l e r ie , (Peinture.') terme d’Arehitefture que la
Peinture a emprunté pour exprimer une fuite de
compofitions dont les galeries font quelquefois ornées: