qui niefura (aflez imparfaitement à la vérité) la circonférence
de la terre par des obfervations céleftes,
faites en divers lieux lous un même méridien.
Entre les auteurs qui écrivirent fur la Géographie.
fous Augufte & Tibe re, deux fe diftinguerent, fa-
voir Strabon & Denis le Periegete. Augufte contribua
à la connoiflance des latitudes ( voye{ L a t it
u d e ) ; comme les plus hauts gnomons (voyeç G nomons)
dont on fe fervoit pour connoître la hauteur
du foleil par la longueur de l’ombre, fe trouvoient
principalement en Egypte , ce prince ordonna d en
tranfporter plufieurs à Rome, dont un entr’autres
avoit cent onze pies de hauteur fans comprendre le
piédeftal. II fît travailler aufli à des defcriptions particulières
de divers pa ys, & fur-tout de l’Italie , oît
Ton marqua les diftances par milles le long des cotes
& fur les grands chemins. Ce fut enfin fous fon
régné que la defcription générale du monde, h laquelle
les Romains avoient travaillé pendant deux
fieeles , fut achevée fur les mémoires d’Agrippa, &
mile au milieu de Rome fous un grand portique bâti
exprès.
Les régnés de Tibere, de Claude, de Vefpafien ,
de Domitien & d’Adrien, furent remarquables par
le goût qui y régna pour la Géographie.
Ifidore de Charax qui vivoit au commencement
du premier fiecle de l’ére chrétienne, avoit compofé
un ouvrage intitulé ç-aQ/jioi Ua.pTiy.ci, flations des
Par thés y intéreflant pour les diftances locales de
dix-huit petits gouvernemens qui faifoient partie du
royaume des Perfes..
Pomponius-Mela parut après, qui publia un petit
corps de Géographie intitulé de jitu orbis.
Suétone rapporte que fous Domitien, Métius-
Pompofianus qui montroit au peuple la terre peinte
fur un parchemin , fut la victime de l’amour qu’il'
avoit pour la Géographie ; le prince s’étant imaginé
que ce romain afpiroit à l’empire, le facrifia à fes
foupçons & le fît mourir.
Sous le même empereur vivoit Pline le naturalifte.
La Géographie qui faifoit partie de l’hiftoire naturelle
qu’il avoit entreprife, l’engagea à-faire une defcription
des pays de la terre connus de fon tems, laquelle
eft comprife dans les 3 ,4 , 5 & 6e livres de fon
ouvrage. Les noms des auteurs tant romains qu’étrangers
qu’il avoit confultés, & dont il fait mention
dans la table des chapitres , doivent faire juger par
leur nombre confidérable non-feulement de fon exactitude,
mais encore du goût qu’on avoit eu avant lui
de cultiver la Géographie , & de l’utilité dont on la
croyoit fufceptible.
L’on voit dans Florus que du tems de Trajan la
fcience de compofer des cartes géographiques étoit
ert vigueur à Rome.
Marin de T y r vint enfuite qui corrigea & augmenta
de fes connoifîances celles des favans quil’a-
voient précédé.
Arien de Nicomédie fous l’empereur Adrien laifla
deux périples, l’un du Pont-Euxin & l’autre de là
mer Rouge.
La Géographie faifoit toûjours peu-à-peu quelques
progrès, lorfque Ptolomée vint contribuer à
fa perfection par une defcription du globe terreftre
beaucoup plus ample & plus exâfte que toutes celles
qui avoient paru jufqu’alors. Cet auteur étoit de
Pelufe ville d’Egypte, & vivoit du tems de Marc-
Aurele vers l’an 150 de l’ére chrétienne. Les Grecs
le furnommerent très-divin & très-fage, à caufe de
la connoiflance profonde qu’il pofledoit des Mathématiques
& de la Phyfique. Je ne m’arrêterai point
aux ouvrages qu’il fit fur la Phyfique du monde ni
à fes fyftèmes ; il me fuffira de le donner comme le
reftaurateur 8c même le pere de la Géographie. Muai
des cartes des anciens 8c des obfervations faites
de fon tems, il corrigea beaucoup de chofes dans
Marin de T y r ; il réduifit les diftances de tous les
lieux de la terre en degrés & minutes, félon la méthode
de Pofidonius. Il fit ufage des degrés de longitude
Sc de latitude , 8c aflujettit la pofition des
lieux à des obfervations aftronomiques. Cette méthode
fut adoptée depuis par les meilleurs géogra-*
phes, qui ont reconnu par expérience qu’elle eft la
plus exa£le & la plus fûre pour la conftruélion des
cartes géographiques.
Les ouvrages des anciens jufqu’à Ptolomée font
admirables par la fagacité 8c la force de génie de
leurs auteurs ; cependant il faut convenir que la
Géographie n’étoit encore qu’ébauchée. Hipparque
avoit été réformé par Pofidonius ;,les cartes de celui
ci le furent par Marin de T y r , & celles de Marin
de T y r furent trouvées fufceptibles de correûion
par Ptolomée.
Dans la fuite l’on reconnut que le travail de Pto-
lqmée devoit recevoir quelque réforme ; il s’en fal-
loit de beaucoup que toutes les obfervations dont
il faifoit ufage fuflent exattes : il étoit obligé de s’ën
rapporter aux relations des voyageurs, & à l’eftime
qu’ils faifoient des diftances. Des connoiflances fi
incertaines ne pouvoient pas donner une grande
exaditude pour les longitudes & les latitudes : delà
les fautes confidérables qu’on a reconnues dans la
Géographie de Ptolomée , tant pour la fituation des
îles fortunées ou Canaries, & la partie feptentrionale
des îles britanniques, que pour la portion de la capitale
des Sines qu’on croit être les Chinois, qu’il
mettoit à trois degrés de latitude ; enfin pour l’île de
Taprobanequ’on croit être l’île de Ceylan,ou celles
de Sumatra ou de Bornéo. Mais ces fautes ne doivent
pas empêcher qu’on ne regarde Ptolomée comme
celui qui a le plus mérité dans la fcience dont
nous parlons.
Depuis cet auteur jufqu’ à la fin du bas Empire , il
parut peu d’ouvrages eftimables en Géographie. L’on
trouve cependant encore les cartes en ufage dans
lès troifieme 8c quatrième fieeles fous Dioclétien ,
Confiance 8c Maximien.
L’on croit que c’eft au tems de l’empereur Théo-
dofe que l’on peut fixer la rédaélion de la carte provinciale
& itinéraire , connue depuis fous le nom de
Peutinger. Il feroit inutile de s’étendre ici fur la nature
de cet ouvrage ; l’on peut confulter ce qui en
eft rapporté dans YEfiai fur l'Hifi. de la Géographie
publiée en r j55. cht[ Bouda, & dans lequel on trouvera
ce qui en a été dit jufqu’à-préfent.
Le dernier ouvrage que l’on peut mettre au rang
de ceux des anciens eft la notice de l’Empire, attribuée
à Ethicus qui vivoit entre 400 & 4 50 de l’ere
chrétienne ; il eft précieux par les lumières qu’il procure
tant pour la Géographie que pour l’Hiftoire.
Les fieeles de barbarie qui fuivirent la décadence
de l’Empire romain, enveloppèrent prefque tous les
peuples dans une ignorance profonde. Il ne fe trouv
a , pour ainfi dire, qu’en 535 un nommé Cofme
égyptien qui compofa une cofmographie chrétienne;
& Hierocfès dans le même fiecle qui publia une notice
de l’empire de Conftantinople : deux ouvrages
eftimables, & qui ont été toûjours recherchés.
L’amour des fciences 8c des arts chaffé par la barbarie
d’Europe en Afie, trouva chez les Arabes un
accès favorable. Ces peuples avoient déjà compofé
plufieurs ouvrages fur leur théologie, leur droit,
la Philofophie, l’Aftronomie 8c les Belles-Lettres,
lorfqu’Almamon calif de Babylone fit traduire dé
grec en arabe le livre de Ptolomée de la grande corn-
pofition, autrement nommé alrnagefie. C ’eft fous ce
prince qu on vit deux aftronomes géomètres parcourir
par fes ordres les plaines de Sennaar, pour
mefurer un degré de grand cercle de la terre.
L’on compte parmi les géographes arabés Àbou
ïfa c , Mahamed Ben Haffan, HofTen Ahmed Alkhalé,
Schanfedden Al Codfi, Abou Rilfan, Abou Abdallah
Mohammed Edriflî, connu fous le nom Ûe géographe
de Nubie; enfin Ifmaël Abulfeda prince, de Ha-
mah ville de. Sy r ie , qui compofa une Géographie
univerfelle.
La Perfe a eu aufli fes géographes, au nombre
defquels l’on peut bien mettre NafîifiEdden natif de
Thus en Corafan, favant dans les Mathématiques ;
il avoit parcouru une partie de l’Afie. Les écrits arabes
8c indiens lui fervirent à conftruire des tables
géographiques.
Pendant que la Géographie étoit cultivée par les
orientaux, elle commençoit à fe réveiller parmi
les européens ; mais il n’y avoit guere que ceux qui
avoient connoiflance de la fphere qui puffent dire
quelque chofe d’un peu fenfé fur cette fcience. L’état
des fciences en France depuis Charlemagne juf-
qu’au roi Robert, & depuis ce dernier, jufqu’à Phi-
lippe-le-Bel, a été le fujet des recherches de M. l’abbé
le Boeuf de l ’académie des Belles-Lettres : l’on y voit
combien les connoifîances étoient groflieres non-
feulement en France, mais même chez les peuples
voifins.
Les voyages de Marc-Pol, de Rubruquis & de
Plan-Carpin enTartarie au treizième fiecle, furent
fort utiles à la Géographie.
Dans le quatorzième fiecle l’on vit paroître en
France une tradudion des livres d’Ariftote du ciel
& du monde, que Nicolas Orefme avoit entreprife
par ordre de Charles V.
En Italie François Berlinghieri florentin , publia
en 1470 un poëme italien en fix livres, dans lequel
il expliquoit la Géographie de Ptolomée. Cet ouvrage
fut dédié à Frédéric duc d’Urbin, 8c orné de plufieurs
cartes gravées fur le cuivre.
Un vénitien nommé Dominico Mario Negro compofa
en 1400 une Géographie en vingt-fix livres,
dont l’Europe 8c l’Afie occupoient chacun onze livres
, 8c l’Afrique les quatre autres.
Dans le feizieme fiecle .Guillaume Poftel publia
un traité de Cofmographie. Un voyage que ce favant
avoit fait dans l’orient enrichit l’Europe de la
Géographie d’Abulfeda. De retour à Venife il en laif-
fa un abrégé à Ramufius, qui le premier cita cet ouvrage,
& indiqua l’ufage que l’on en pouvoit faire.
Caftaldô s’en fervit enfuite pour corriger les longitudes
& les latitudes des différens lieux ; & c’eft fur
la foi de ce dernier, qu’Ortelius parle d’Abulfeda
dans fon thréfor géographique.
Ce fut dans ce fiecle que la Géographie commença
à prendre vigüeur en Europe. L ’art de la gravure
en bois multiplia les ouvrages ; mais à cet art fuc-
cédacelui de la gravure en cuivre, qui parla promptitude
& la netteté produifit encore une plus grande
abondance de morceaux capables de contenter la
curiofité des- amateurs.
L’Allemagne, l’Angleterre , l’Italie, l’Efpagne,
la Suede, la Ruflie & la France ont procuré beaucoup
de travaux précieux qui font d’autant plus eftimables
, qu’ils font les fruits de la perfection à laquelle
les autres parties de Mathématiques ont été
pouffées.
Il feroit inutile de rapporter ici tous les favans
qui ont fait leur étude particulière de cette fcience.
L ’on connoît parmi ceux d’Allemagne les ouvrages
de Cluvier, de Jean Mayer, de Mathieu Mérian ,
des Homann 8c de leurs héritiers, d’Hafius, de V ie -
land géomètre, auteur du nouvel 8c grand atlas de
Siléfie ; 8c enfin de Micovini mort à Vienne en 1750,
qui avoit leve géométriquement toute la Hongrie
autrichienne.
En Angleterre l’on a vu Humfreid, Saxton, Speed ,
. Timothée Pont, Robert Gordon, Petty, Ogilby, El-
phinfton, Douvet ,'&c. &:fur-tout Cambden. Quoique
la plupart de ces favans ayent porté leurs vûes
fur tout le monde entier, l’on eft redevable cependant
à plufieurs d’entr’eux de la connoiflance exa&e
des Etats britanniques.
La Hollande & la Flandre ont eu de la réputation
par les travaux confidérables de Mercator & d’Or-
telius ; on ne doit pas oublier Hondius, Wifcher 8c
les célébrés Janfon & Blaeu, dont on voit encore
aujourd’hui l’amour pour la Géographie, par les dé-
penfes confidérables qu’ils ont faites pour publier
leur atlas en quatre langues différentes. L’on doit
parler encore des célébrés Dominique Villem Garle
8c Antoine Hattinga.freres, ingénieurs des Etats-
Généraux. Les cartes nouvelles de la Zélande, le-
yées fur ies lieux-depuis 1744 jufqu’en 1751, font
fi bien exécutées, qu’elles devraient bien animer
ces habiles géomètres à lever les autres provinces de
la Hollande , ,ou du-moins à corriger les cartes qui
en ont été publiées jufqu’à-préfent.
Quant à YEfpagneyVow ne peut pas y trouver tant
de géographes ; mais le petit nombre qu’elle fournit
eft digne d’une eftime aufli grande que ceux dont je
viens de parler. On confultera, fi l’on le juge à-propos,
Yejfai fur la Géographie cité ci-dèffus. Il me fuffira
de dire que l’auteur qui mérite le plus d’être con-
fulté eft Rodrigo Mendez Sylva ; qu’il parut en 1739
quelques cartes de différentes parties de l’Efpagne
pour le tems des Romains, par le célébré D. Marc
Henri Florez, doéteur en Théologie, 8c hiftoriogra-
phe de S. M. catholique. Un autre ouvrage pour
lequel on doit avoir encore une attention particulière
, eft la carte de la province de Quito, levée par
D . Pedre Maldonado, gouverneur de la province
de las Efmeraldas en Amérique. Cette carte en quatre
feuilles, 8c dont le roi d’Efpagne a les planches*
a été dreffée par M. d’Anville de l’académie royale
des Belles-Lettres, & iëcrétaire de M. le duc d’Orléans.
C ’eft le réfultat des opérations que les académiciens
efpagnols & françois firent de.concert pour
conftater la véritable figure de la terre. Si l’Efpa-
gne n’a pas été fertile en géographes comme les pays
voifins, l’on en fera bien dédommagé par les nouveaux
ordres du gouvernement, pour.lever la carte
du royaume. Des ingénieurs habiles ont déjà été
envoyés par l’académie de Madrid pour cette grande
entreprife. Le choix que l’on a fait doit repondre
de l’exaâitude d’un ouvrage fi intéreffant pour
le progrès des connoiflances géographiques.
L'Italie a toûjours été recommandable par de
grands hommes en tout genre. Beaucoup d’ingénieurs
ont contribué par leurs travaux particuliers à connoître
en détail cette partie de l’Europe ; mais il n’y
en a pas qui fe foit plus fignalé que Jean Antoine
Magin de Padoue. Il compofa à la fin du feizieme
fiecle une géographie ancienne & moderne , d’après la-
géographie de Ptolomée, comparée à l’état aêhiel de
fon tems. C’eft à fon fils que l’on eft redevable du
détail d’Italie, commencé par fon pere 8c dédié au
duc Vincent de Gonzague duc de Mantoue en 1600.
Cet ouvrage compofé de 61 cartes, a toûjours été
très-eftimé des favans.
Riccioli favant jéfuite de Ferrare, publia en 166x
un livre eftimable, contenant toutes les parties de
Mathématiques qui ont rapport à la Géographie & à
l’Hydrographie. Il a été un des premiers qui ait eu le
deflëin de réformer la Géographie par les obfervations
aftronomiques.
Perfonne n’ignore le grand ouvrage de la méridienne
de Rome, entrepris par les PP. Maire & Bof-
covich jéfuites, dont les opérations contribuant en-:
core à déterminer la figure de la terre, doivent produire
inceffamment une nouvelle carte de l’état ec-
1 ciéüaftique.