
qu’on le prenne ; mot venu des Francs, qni {étoient
libres : il eft fi ancien, que lorfque le Cid affiégea &
prit Tolede dans l’onzieme fiecie,on donna desfran-
thïes ou franckifes aux François qui étoient venus à
cette expédition, & qui s’établirent à Tolede.Toutes
les villes murées avoient des franckifes, des libertés,
des privilèges jufque dans la plus grande
anarchie du pouvoir féodal. Dans tous les pays d’états
, le fouverain juroit à l'on avenement de garder
leur sfranchifes*
Ce nom qui a été donné généralement aux droits
des peuples, aux immunités, aux afyles, a été plus
particulièrement afîeflé aux quartiers des ambaffa-
deurs à Rome ; c’étoit un terrein autour de leurs palais;
& ce terrein étoit plus ou moins grand, félon
la volonté de l’ambafladeur : tout ce terrein étoit
lin afyle aux criminels ; on ne pouvoit les y poursuivre
: cette franchife fut reftreinte fous Innocent
XI. à l’enceinte des palais. Les égliles & les couvens
en Italie ont la même franchife, 6l ne l’ont point dans
les autres états. Il y a dans Paris plufieurs lieux de
franckifes , oîi les débiteurs ne peuvent être faifis
pour leurs dettes par la juftice ordinaire, 8c où les
ouvriers peuvent exercer leurs métiers fans être paf-
fés maîtres. Les ouvriers ont cette franchife dans le
faubourgS. Antoine; mais ce n’elt pas un afyle,
comme le temple.
Cettefranchi)'e, qui exprime originairement la liberté
d’une nation, d’une ville, d’un corps , a bientôt
après fignifié la liberté d’un dilcours, d’un conleil
qu’on donne, d’un procédé dans une affaire : mais il
y a une grande nuance entre parler avec franchife, Sc
parler avec liberté. Dans un difcours à fon lupérieur,
la liberté eft une hardiefié ou mcfurée ou trop forte ;
la franchife lé tient plus dans les juftes bornes, 8c eft
accompagnée de candeur. Dire fon avis avec liberté
c’ eft ne pas craindre ; le dire avec franchife, c’eft
n’écouter que fon coeur. Agir avec liberté, c’eft agir
avec indépendance ; procéder avec franchife, c’eft
fe conduire ouvertement & noblement. Parler avec
trop de liberté, c’eft marquer de l’audace ; parler
avec trop de franchife , c’eft: trop ouvrir fon coeur.
Article de M. D E F O L T A IR E .
FRANCHISE de pinceau , ou de burin , (Peint. Gravure.
fon entend par ce terme cette liberté 8c cette
hardieffe de main qui font paroître un travail facile,
quoique fait avec art. Rien ne caraâérife mieux les
talens 8c l’heureux génie d’un artifte qui ne fatigue
point, & qui fe joue en quelque forte des difficultés.
Foyei Facilité , Liberté.
FRANCISCAINS, f. m. pl. (Ordre monajliq.) religieux
encore plus connus fous leur autre nom de
Cordeliers. Voye\ Cordeliers ; 8c joignez-y, avec
vos propres réflexions, les deux traits historiques
qui niivent, 8c qui méritent de n’être pas oubliés
dans l’hiftoire de ces religieux.
Si les Francifcains vénèrent fingulierement François
d’Aflîfe; s’ils lui attribuent tant de miracles, il
faut du-moins convenir que c’en fut un bien grand
qu’opéra ce fondateur, en multipliant fon ordre, au
point que neuf ans après l’avoir fondé, il fe trouva
dans un chapitre général qui fe tint près d’Aflife, cinq
mille députés de fes couvens. Aujourd’hui même,
quoique les Proteftans leur ayent enlevé un nombre
prodigieux de leurs monafteres, ils ont encore fept
mille maifons d’hommes fous des noms différens , &
plus de neuf cents couvens de filles. On a compté par
leurs derniers chapitres cent-quinze mille hommes ,
8c environ vingt-neuf mille filles.
La querelle théologique de cet ordre avec les Dominicains
plus puiffans qu’eux, quoique moins nombreux
, paroît avoir pris fa fource dans la feule ja-
loufie. La première occafion qui fe préienta de la déployer,
tomba fur la naiffance de la mere de J. C . Les
Dominicains ayant dit qu’elle étoit livrée ait démon
comme les autres , les Francifcains crièrent à l’impiété
, 8c foûtinrent qu’elle avoit été exempte du
péché originel. Les Dominicains s’appuyèrent de
l’autorité de S. Thomas, de celle même de S. Bernard
, appelle U fo l dut de la Fierge; 8c les Francifcains,
de celle de Jean Duns, écofîois, nommé improprement
Scot, mais fort connu en fon tems par le titre
de docteur jubtil. Voye£ IMMACULÉE CONCEPTION.
{D. 1 1
FRANCISQUE, f. f. (FLft. mod.milit.) arme faite en
façon de hache, dont le fervoient les Francs ; Sc c’efl:
peut-être de-là que lui vient fon nom. Quoi qu’il en
foit, la francifque a été feulement en ulage dans les
tems où'les Francs n’accordoient à leurs rois qu’une
autorité très-bornée ; ne connoiffoient guere leurs
fouverains dans le camp que comme généraux de
loldats conquérans , 8c ne leur donnoient leur part
du butin, que félon que le lort en décidoit : on fait
là-deffus ce qui arriva à Clovis, après fa victoire fur
Siagrius. Ce monarque voulant rendre à un évêque
un valefacré qui avoit été pris dans un pillage, requit
de fes troupes qu’il ne fût point compris dans le partage
qui s’en devoit faire : mais un tranc qui regar-
doit cette pieufe libéralité du prince comme une en-
treprife fur les droits de l’armée, donna un coup de
fa francifque fur ce vafe, 8c dit fierement au ro i, qu’il
ne dilpoferoit que de ce que le fort lui donneroit à
lui-même dans le partage du butin. Clovis, quoique
naturellement colere 8c terrible, fut obligé de difli-
muler le chagrin qu’il reffentoit de ce refus. N’ofant
pas alors en tirer raifon par l’autorité royale, il eut
recours l’année fuivante*à celle de général, en fai-
fant la revue de fes troupes au champ de Mars ; dans
cette revue, il ne fe contenta pas de réprimander ce
foldat, fous prétexte que fes armes étoient mal en
ordre, il lui arracha fa francifque, la jetta par terre,
prit la Tienne, 8c lui en fendit la tête , en lui difant,
Souviens-toi du vafe de Soiffons ; aftion bien indigne
d’un prince qui, en fe failant chrétien, auroit dû apprendre
à pardonner ou plûtôt à être jufte. (D. J.)
FRANCK.ENDAL, (Géog.) petite, nouvelle, &
ci-devant forte ville d’All'ace,dans les états de l’électeur
palatin. Les François la prirent en 1688 , & la
démolirent en 1689; elle fut rendue dans cet état,
par le traité de Weftphalie à l’éle&eur palatin, qui
ne l’a guere rétablie : elle eft proche le Rhin, à trois
lieues d’Heidelberg 8c de Spire, N. O. Long. 27. 4.
latit. 4$ . z8.
Heidanus (Abraham), grand partifan de Defcar-
tes, naquit dans cette ville l ’an 1597, & mourut pro-
feffeur à Leyden en 1678. Sa théologie chrétienne a
été imprimée l’an 16 86 ,en 2 vol. in-4°. (D . J.) '
FRANCKENSTEIN, (Géog.) ville de la haute
Siléfie, dans la principauté de Munfterberg/mais qui
n’eft guere connue que pour avoir été la patrie de
gens de lettres célébrés, comme de David Pareus 8c
de Cnriftophe Schillingius, auteur de poéfies gre-
ques 8c latines, imprimées à Genève, l’an 1580. Pareus
, né en 1548,8c difciple de Schilling, le iurpaffa
de beaucoup. Son commentaire fur Vipitre de S. Paul
aux Romains, fut brûlé en Angleterre, parce qu’il
contient des maximes anti-monarchiques, qui ne plurent
pas à Jacques I. Ses oeuvres exégétiques ont été recueillies
en trois vol. in-fol. il eft mort en 1622, à
l’âge de 74 ans , ou environ, 8c laifla un fils, qu’on
peut mettre au nombre des plus laborieux grammairiens
que l’Allemagne ait produits. (D . J )
FRANÇOIS , ou FRANÇAIS, f. m. (Hifi. Littê-
rat. G Morale.) On prononce aujoiird’huiF/-a/7fûri, 8c
quelques auteurs l’écrivent de même ; ils en donnent
pour raifon, qu’il faut diftinguer Français qui fignifié
une nation, AeFrançois qui eft un nom propre,comme
S. François, ou François 1, Toutes les nations adoucif*
fent à la longue la prononciation des mots qui font le
plus en ufage ; c’eft ce que les Grecs appelïoient euphonie.
On prononçoit la diphtongue oi rudement, au
commencement du feizieme fiecle. La cour de François
Ier adoucit la langue, comme les efprits: de-Ià
vient qu’on ne dit plus François par un o, mais Français}
qu’on dit, il aimait, il croyait, & non pas, il ni-,
moit, il croyait, Sic.
Les François avoient été d’abord nommés Francs ;
8c il eft à remarquer que prefque toutes les nations de
l’Europe accourcifloient les noms que nous alon-
geons aujourd’hui. Les Gaulois s’appelloient Velchs,
nom que le peuple donne encore aux François dans
prefque toute l’Allemagne ; 8c il eft indubitable que
les Welchs d’Angleterre, que nous nommons Galois ,
font ufte colonie de Gaulois.
Lorfque les Francs s’établirent dans le pays des
premiers Velchs,que les Romains appelïoient G allia
, la nation fe trouva compofée des anciens Celtes
ou Gaulois fubjugués par Céfar, des familles romaines
qui s’y étoient établies, des Germains qui y
avoient déjà fait des émigrations, 8c enfin des Francs
qui fe rendirent maîtres du pays fous leur chef Clovis.
Tant que la monarchie qui réunit la Gaule 8c la
Germanie fubfifta, tous les peuples, depuis la fource
du Vefer jufqu’aux mers des Gaules , portèrent
le nom de Francs. Mais lorfqu’en 843 , au congrès
de Verdun, fous Charles le Chauve, la Germanie8c
la Gaule furent féparées ; le nom de Francs refta aux
peuples de la France occidentale, qui retint feule le
nom de France.
On ne connut guere le nom de François, que vers
le dixième fiecle. Le fond de la nation eft de familles
gauloifes, 8c le caraôere des anciens Gaulois a toujours
fubfifté.
En effet, chaque peuple a fon c^raftere , comme
chaque homme ; 8c ce caraftere général eft formé de
toutes les reffemblances que la nature 8c l’habitude
ont mifes entre les habitans d’un même p a y s , au
milieu des variétés qui les diftinguent. Ainfi le caractère,
le génie, l’efprit françois, réfultent de tout ce
que les différentes provinces de ce royaume ont en-
tr’elles de femblable. Les peuples de la Guienne 8c
ceux de la Normandie different beaucoup : cependant
on reconnoît en eux le génie françois, qui forme
une nation de ces différentes provinces, 8c qui
les diftingue au premier coup-d’oe il, des Italiens 8c
des Allemands. Le climat 8c le fol impriment évidemment
aux hommes, comme aux animaux 8c aux plantes
, des marques qui ne changent point ; celles qui
dépendent du gouvernement, de la religion, de l’éducation
, s’altèrent : c ’eft-là le noeud qui explique
comment les peuples ont perdu une partie de leur
ancien cara&ere, 8c ont confervé l’autre. Un peuple
qui a conquis autrefois la moitié de la terre , n’eft
plus reconnoiffable aujourd’hui fous un gouvernement
facerdotal : mais le fond de fon ancienne grandeur
d’ame fubfifté encore, quoique caché fous la
foibleffe.
Le gouvernement barbare des Turcs a énervé de
même les Egyptiens 8c les Grecs, fans avoir pu détruire
le fond du carattere, 8c la trempe de l’efprit
de ces peuples.
Le fond du François eft tel aujourd’hui, que Céfar
a peint le G aulois, prompt à fe réfoudre , ardent à
combattre, impétueux dans l’attaque, fe rébutânt
aifément. C éfar, Agatias, 8c d’autres, difent que de
tous les barbares le Gaulois étoit le plus poli : il eft
encore dans le tems le plus civilifé, le modèle de la
politeffe de fes voifins.
Les habitans des côtes de la France furent toûjours
propres à la Marine ; les peuples de la Guienne com-
poferent toûjours la meilleure infanterie : ceux qui
habitent les campagnes de Blois 8c de Tours, ne font
pas,dit le TalTe,
. . . . . . G ente robufla, e faticofà.
La terra molle, e lieta , l dilettofa,
Simili a fe gli abitator produce.
Mais comment concilier le cara&ere des Parifiens
de nos jours, avec celui que l’empereur Julien, lepre-
mierdes princes 8cdes hommes après Marc-Aurele,
donne aux Parifiens de fon tems ? J'aime ce peuple,
dit-il dans fon Mifopogon, parce qu'il efl férieitx &
févere comme moi. Ce férieux qui femble banni aujourd’hui
d’une ville immenfe , devenue le centre des
plaifirs, devoit regner dans une ville alors petite, dénuée
d’amtifemens : l’efprit des Parifiens a changé en
cela malgré le climat.
L ’affluence du peuple, l’opulence, l’oifiveté, qui
ne peut s’occuper que des plaifirs 8c des arts, 8c non
du gouvernement, ont donné un nouveau tourd’ef*
prit à un peuple entier.
Comment expliquer encore par quels degrés ce
peuple a paffé des fureurs qui le caraélériferent du
tems du roi Jean, de Charles V I. de Charles IX. de
Henri III. & de Henri IV. même, à cette douce facilité
de moeurs que l’Europe chérit en lui ? C ’eft que
les orages du gouvernement 8c ceux de la religion
pouffèrent la vivacité des efprits aux emportemens
de la faûion 8c du fanatifme ; 8c que cette même vivacité
,qui fubfiftera toûjours, n’a aujourd’hui pour
objet que les agrémens de lafociété.Le Parifien eft impétueux
dans fes plaifirs, comme il le fut autrefois
dans fes fureurs. Le fonds ducaraftere qu’il tient du
climat, eft toûjours le même. S’il cultive aujourd’hui
tous les arts dont il fut privé fi long-tems, ce n’efl:
pas qu’il ait un autre efprit, puifqu’il n’a point d’autres
organes, mais c’eft qu’il a eu plus de feeours ;
& ces l'ecours il ne fe les eft pas donnés lui-même ,
comme les Grecs 8c les Florentins, chez qui les Arts
font nés, comme des.fruits naturels de leur terroir;
le François les a reçûs d’ailleurs : mais il a cultivé
heureufement ces plantes étrangères ; & ayant tout
adopté chez lui, il a prefque tout perfeftionné.
Le gouvernement des François fut d’abord celui
de tous les peuples du nord:'tout fe régloit dans des
affemblées générales de la nation : les rois étoient
les chefs de ces affemblées ; 8c ce fut prefque la feule
adminiftration des François dans les deux premières
races, jufqu’à Charles le Simple.
Lorfque la monarchie fut démembrée dans la dé*
cadence delà race Carlovingienne ; lorfque le royaume
d’Arles s’éleva, & que les provinces furent occupées
par des vaffaux peu dépendans de la couronne ,
le nom de François fut plus reftreint ; 8c fous Hugues*
Capet, Robert, Henri, 8c Philippe, on n’appella
François que les peuples en-deçà de la Loire. On vit
alors une grande diverfité dans les moeurs comme
dans les lois des provinces demeurées à la couronne
de France. Les feigneurs particuliers qui s’étoient
rendus les maîtres de ces provinces, introduifirent
de nouvelles coûtumes dans leurs nouveaux états.
Un breton, un habitant de Flandres, ont aujourd’hui
quelque conformité, malgré la différence de leur ca-
ra&ere qu’ils tiennent du fol & du climat : mais alors
ils n’avoient entre eux prefque rien de femblable.
Ce n’eft guere que depuis François I. que l’on vit
quelque uniformité dans les moeurs 8c dans les ufa-
ges : la cour ne commença que dans ce tems à fervir
de modèle aux provinces réunies ; mais en général
l’impétuofité dans la guerre, & Iepeude/Jifcipline,
furent toûjours le cara&ere dominant de la nation.
La galanterie 8c la politeffe commencèrent à diftinguer
les François fous François I. lés moeurs devinrent
atroces depuis la mort de François II. Cependant au
milieu de ces horreurs, il y avoit toûjours à la cour
une politeffe que les Allemands 8c les Anglois s’ef-
forçoient d’imiter. On étoit déjà jaloux des François