y verfe de bon efprit-cle-vin jufqu’à’ ce qu’il furpafle
la matière de quatre doigts ; on brouille les
matières, on ajufte un chapiteau 6c un récipient à la
cucurbite, on lutte les jointures, on pofe le vaif-
i'eau fur le fable ; on lui donne un feu leger durant
deux ou trois heures, il vient un fel 6c un efprit ;
lorfqu’il ne fort plus rien, on délutte les vaiffeaux ,
on met le fel volatil dans une cucurbite ; fur une
once, on verfe deux dragmes de quelque eflence aromatique
, on remue la matière, on adapte un chapiteau
à la cucurbite avec un récipient, on lutte
les jointures , on pofe cette cucurbite fur le fable ;
on lui donne un petit feu , il s’élèvera un fel volatil
; 6c alors vous laifferez refroidir le vaifleau pour
retirer votre fel.
Ces fels volatils huileux pafferent dans les com-
mencemens pour des panacées, de forte qu’on les
multiplia de tous côtés. De-là vinrent plufieurs fortes
de liqueurs ou de teintures qu’on appella indif-
îinûement gouttes d'Angleterre, 6c que l’on confondit
fouvent au grand préjudice des malades, puifque
les unes étoient de fimples mélanges de fels ou ef-
prits volatils & d’effences aromatiques, 6c les autres
étoient des mélanges de teinture d’opium diftillé,
6c de quelques efprits volatils. Or on lent bien que
les operations de ces deux différens remedes, fous
le même nom, dévoient être très-différentes. Aujourd’hui
les gouttes d.'Angleterre ou de Goddard ont
fait place à d’autres remedes du même genre, fel
d’Angleterre, teinture de karabe, efprit-de-fel ammoniac
, 6c plufieurs autres femblables à qui l’on
donne tous les jours de nouveaux noms pour re-
nouveller leur débit ; & cette rufe ne manquera jamais
de fuccès. (Z). /.)
Go u t t e , parmi les Horlogers ; c’eft une petite
plaque ronde convexe d’un côté, 8c plate ou concave
de l’autre; on l’appelle aufli quelquefois goutte
de fu if. Dans une montre la goutte de la grande roue
fert à la maintenir toujours contre la baie de la fu-
fée. Cette goutte eft fouvent quarrée, pour qu’on
puifle la prendre avec des pincettes, 6c l’enfoncer
avec force fur l’arbre de la fufée. Elle eft ordinairement
noyée dans la petite creufure de la grande
roue, qui eft oppofée à celle oh eft l’encliquetage.
Voye^ Fusée , Grande R oue , &c. Voyez nos P lanches
de l'Horlogerie y & leur explication. (T")
G O U T T E , f. f. ( Medecine.) maladie , douleur
des jointures ou articulations.
La goutte lignifie en françois ce que les Grecs ont
défigné par le mot upôp'mç dérivé d’dpûpev,jointure ou
articulation; & les Latins, par morbus articularis3 do-
lor junclurarum.
Les auteurs latins, dit Sennert, fe font barbare-
ment fer vis du mot gutta , goutte, pour nommer
quelques maladies aiguës ou chroniques, fort différentes
entr’elles. De l’aveu du plus grand nombre,
ils ont donné ce nom aux maladies brufques, fubi-
tes, indépendantes d’aucune caufeconnue, qui frappent
tout-d’un-coup, & qui femblent tomber du ciel
comme une goutte de pluie ; telles font l’apoplexie,
l ’épilepfie, la crampe, &c. Ils l’ont aufii donné aux
maladies, pour la produ&ion defquelles ils ont cru
qu’il fuffifoit d’une ou de quelques gouttes de l’humeur
propre à les engendrer: telle eft la goutte fe-
rene, la goutte rpfe, 6c la maladie dont il eft ouef-
tion, qui s’eft acquife le droit 6c le privilège de porter
le nom de goutte, comme par excellence.
C’eft la douleur des articulations, lorfqu’elle eft
l’effet d’une caufe cachée & ignorée, qui caraftérife
la goutte. La douleur qui fuit les luxations, les en-
torles, les foulures, les coups, les chûtes, les vio-
lens exercices du corps, les grandes fatigues, la fièv
re , le mauvais régime, &c. qui font des caufes
évidentes, ne porte point le nom de goutte; les douleurs
même, fi reflemblantes à la goutte, fi analogues
avec elle, peut-être aufli violentes, aufli intolérables,
qui y dégenerent quelquefois, qui attaquent
plufieurs articulations en même tems, fouvent
toutes enfemble, ou qui les parcourent fucceflive-
ment, ces douleurs ne font point goutte, quand elles
font l’effet d’une caufe connue ou d’une intempérie
de chaud 6c de froid, mais rhumatifme. Voyeç
Rhumatisme ou Catarrhe.
Il y^ a lieu de penfer que les anciens n’ont pas fait,
la différence de ces maladies, comme nouslafaifons,
6c qu’ils ont donné le même nom d'artkritis à toutes,
les douleurs des articulations , foit goutteufes, rhu-
matiques ou catarrhales, comme l’obferve 6c le pratique
Gainerius , de cegritudine junclurarum, cap.j^
Aufli ne trouve-t-on ni nom, ni deferiptionde rhumatifme
dans les ouvrages des premiers médecins
jufqu’au tems de Galien, à qui Cardan ne laifle pas.
de reprocher qu’il confond l’arthritis avec la podagre.
Defcription. La goutte eft cette douleur vive 8c
prefque toujours brûlante des articulations, qui, à
l’âge de 30 à 40 ans, comme l’a fi bien décrit Sydenham,
commence fans aucune raifon & en pleine*
fanté par attaquer la jointure du gros doigt du pié ,
6c du pié gauche le plus fouvent, quelquefois le talon
ou la cheville , 6c quelquefois aufli, mais rare-,
ment, quelqu’une des articulations des doigts de la
main, qui s’annonce ordinairement à la fin de Janvier
ou au commencement de Février par un tiraillement
& un déchirement à la partie affeâée, qui fur
les deux heures après minuit éveillent le patient en
furfaut, vont en augmentant jufqu’au matin, redoublent
encore le foir, & ne fe calment que le lendemain
vers la pointe du jou r, qui au bout des premières
24 heures produifent un peu de gonflement,’
de la rougeur à la peau, l’élévation 8c l’engorgement
des veines, une chaleur, 6c quelquefois un feu fem-
blable à celui d’un tîfon embrafé qu’on fent avec la
main en l’approchant d’aflez loin ; enfin une impuif-
fance au mouvement 6c une imbécillité de forces,
qui rendent la partie attaquée incapable d’aucun
exercice.
. La goutte prélude fouvent par quelque douleur irrégulière
à quelque doigt des piés & des mains, &
par la débilité de l’articulation attaquée, qui Je dif--
fipe fans qu’on fâche pourquoi, comme elle étoit v enue
: c’eft en ce cas qu’elle eft méconnue, & qu’on ne
manque pas d’en accufer un foulier, un faux-pas,
quelque coup, une entorfe, &c. Elle ne fe fait con-
noître qu’en fe mettant en réglé, lorfque l’excès de
la douleur furpafle le pouvoir de la caufe qu’on ac-
eufoit ; 6c lorfque fes retours, fa durée, fon fiége,
& fes autres accidens viennent à la caraftérifer, à
diflïper un doute dans lequel on fe plaifoit, 6c à
manifefter une vérité qu’on eût voulu pour fon re-\
pos ignorer pour jamais. ,
La douleur qui s’étoit d’abord fixée au gros doigt
du p ié, qui n’en avoit affligé qu’un, les attaque dans
les paroxyfmes fuivans tous les deux à-la-fois, ou
fucceflivement ; elle s’étend fur le tarfe & le méta.-
tarfe, monte aux malléoles, aux genoux, aux hanches,
aux vertebres, tandis qu’elle fait le même progrès
des doigts de la main au métacarpe, au carpe,
au coude, au bras, à l’épaule, & grimpe enfin
jufqu’à l’articulation de la mâchoire, 8cmêmcjuf-
qu’aux futures des os du crâne. Elle étend fon domaine
en vieilliffant, & toûjours plus cruelle 6c plus
opiniâtre, fans abandonner les premiers membres
qu’elle a perclus 6c rendus prefqu’infenfibles à force
de fouffrances, elle s’empare de ceux où le lèntiment
eft encore dans fon entier, les parcourt, les ravage
jufqu’à ce que le corps accablé, vaincu, périt enfin
fous la violence du mal.
I l n ’ e f t a u c u n e a r t i c u l a t i o n , a u c u n e f u t u r e q u i n *
puifle être le fiége de la goutte, & qui ne le devienne '
en effet par fucceflion ou par bizarrerie de la maladie
; mais c’eft alors un événement extraordinaire. ,
Elle fe borne communément aux piés, aux mains, ;
& à la hanche, qui font les trois endroits par oit elle 1
a coûtume de débuter. C ’eft à raifon de ces trois fié-
ges ou de ces trois origines principales, que les Grecs
lui ont donné des noms particuliers, compofés du ■
nom de la partie attaquée 6c du mot grec ayp* , qui |
fignifie capture ou fatfîjjement. Ainfi de ■ uoS'ov, p ié , ils
ont fait •jroS'aypa. , podagre, c’eft-à-dire faijijfement du
pie ou la goutte au p ié; de %e/p, main, ils ont fait %s/-
paypet, cheiragre , qui eft la goutte à la main ; 6c d’i<r-
yjov , hanche , ils ont fait 'Uxutfra , feiatique , qui eft
la goutte à la hanche. Voye{ Sciatique. Ils auroient
pû multiplier les noms autant que les articulations,
s’ils euffent été prodigues de chofes inutiles, comme
l ’a entrepris Ambroife Paré. D e ces trois grandes
fources, 6c principalement de la podagre, la goutte
par fucceflion de tems, par bizarrerie ou par accident
, fe répand dans les autrês articulations, qui
deviennent 1a proie par extenfion, ou conjointement,
ou féparément ; mais elle n’eft prefque jamais
reconnue pour telle, qu’après avoir débuté de l’une
des trois maniérés. Aufli Galien remarque-t-il, au
fujet de l'apkorifme x x v iij. de la feci. 6. que prefqu’-
aucun goutteux ne le devient, qu’il n’ait commencé
par être podagre.
La douleur dont l’excès furpafle quelquefois toute
patience humaine , n’eft pas le feul fymptome de
la goutte exiftante ; elle eft encore accompagnée
d’inquiétudgs, d’infomnies, de légers friffons , de
mouvemens de fievre, de petites fueurs , de dégoût
des alimens , quelquefois de diarrhée, 6c d’une
impuiffance ou imbécillité de forces à la partie fouf-
frante, telle qu’elle eft incapable d’aucune fon&ion
ou exercice, même quelque tems après la difîipation
de la douleur. Ce qu’il y a de remarquable dans
cette maladie, c’eft que la douleur, à quelque degré
qu’elle puifle monter, n’eft jamais fuivie de con-
vulfions ni de mouvemens convulfifs, 6c que l’inflammation
accompagnée de gonflement, de chaleur
brûlante, de battemens, de tiraillemens, &c. ne
tourne jamais en fuppuration. A l’arrivée du gonflement
la douleur diminue; 6c quand le gonflement
commence à fe difliper , tout fe diflipe aufli : il ne
refte plus qu’une demangeaifon à la peau, dont l’épiderme
jaunit peu-à-peu, fe feche , tombe par lambeaux
ou par écailles ; 6c la partie reprend fon état
ordinaire, à la réferve qu’elle conferve pendant af-
fez long-tems une couleur violette ou bleue fembla-,
ble à la meurtriflure, qui fuccede à la rougeur au
premier moment de la déclinaifon, 6c qu’elle devient
aufli quelquefois oedémateufe pour quelque tems.
Quoique la goutte, quand elle eft nouvelle & d’un
cara&ere bénin, ne laifle aucune trace après l’accès
parfaitement fini ; en vieilliffant, ou lorfqu’elle eft
d’une mauvaife qualité, elle laifle fur les parties
qu’elle attaque des dépôts gypfeux, tartareux, pierreux
, qui ulent peu-à-peu la peau, l’enflamment,
6c la percent pour fe faire jour. Elle contourne aufli
les o s , les déplace , tuméfie leurs têtes, 6c détruit
enfin, en s’invétérant, le mouvement des membres
attaqués hors même le tems des paroxyfmes.
Comme l’afthme, la goutte eft une maladie intermittente
de toute la v ie , elle revient prefque tous
les ans, 6c fouvent plufieurs fois dans la même année
; l’hy v e r , le printems, l’autonne, font les tems
de fes accès. Leur durée n’a rien de limité, quoi-
qu’Hippocrate, aphorifme x l jx . fecl. 6'. la fixe à 40
jours. Les premiers ne font fouvent que d’un demi-
jour, d’un jour, ou deux, ou trois , &c. ils deviennent
plus longs à-mefure qu’ils fe répètent ; enfin
en vieilliffant, ils durent les mois 6c les faifons
entières ; de forte que les vieux goutteux fouffrent
pendant les trois quarts de l’année, & n’ont de libre,
encore très-imparfaitemertt, que le tems des
plus fortes chaleurs de l’été. Les paroxyfmes qui
viennent pendant la maturité de l’âge, 6c dans les
commencemens d’une goutte confirmée, font les plus
douloureux 6c les plus infupportables ; ils font chacun
compofés d’autres petits paroxyfmes de dix ou
douze heures chaque jour ; les autres qui font longs,
8c qui regardent l’âge le plus avancé, font aufli compofés
d’autres paroxyfmes chacun de plufieurs jours,
pendant lefquels les douleurs fe foûtiennent au même
degré, mais moins infupportables que dans la vigueur
de l’âge.
Outre les paroxyfmes de la goutte qui reviennent
périodiquement, les goutteux font quelquefois ex-
pofés à des accès fubits 6c irréguliers d’une douleur
fi v iv e , fi véhémente, fi intolérable, qui furprend
quelque partie du corps, qu’elle jette le fouffrant
dans le defefpoir, 6c qu’elle feroit capable de lui arracher
la v ie , fi elle ne fe diffipoit prefqu’aufîi bruf-
quement qu’elle arrive. Ils font aufli fujets à des petites
douleurs vagues 6c irrégulières indépendantes
des accès qui durent plus ou moins, félon les circon-
ftances, & qui peuvent menacer de quelque paro-
xyfme furnuméraire ou de quelque anomalité, félon
le fiége qu’elles occupent.
Quand la goutte s’eft une fois emparée d’un corps,
elle y régné feule ordinairement ; les autres maladies
en font prefque bannies ; 6c s’il s’en déclare quelqu’une
, elle eft fort fufpeâe d’être une goutte dégui-
fé e , 'à caufe de la propriété qu’elle a d’affe&er, comme
un prothée, toutes fortes de formes. Celle qu’elle
s’affocie, & qui eft fa compagne la plus ordinaire,
c’eft la pierre dans la veflie, 6c quelquefois les hé-
morrhoïdes ; comme fi ce n’étoit pas affez d’elle feule
pour tourmenter un malheureux goutteux, 6c qu’il
fallût la réunion de deux autres terribles maladies
pour achever de le defefpérer.
Différences. Les articulations, principalement celles
des extrémités, font le fiége naturel de la goutte
régulière qui vient d’être décrite ; mais il n’eft aucune
partie du corps, ni aucun vifeere qui ne puifle
le devenir dans fon irrégularité. C’eft pourquoi on
diftingue la goutte en régulière & en irrégulière. Lorfque
le levain ne fe porte que fur les piés 6c les mains,
comme fur fon propre domaine, elle eft parfaitement
régulière : lorfqu’il tombe fur les autres articulations,
conjointement ou féparément, elle eft imparfaitement
régulière ; 6c même irrégulière, félon
quelques auteurs, quand elle affeéle les articulations
du tronc. Mais ce n’eft pas-là la vraie irrégularité.
La goutte irrégulière véritable, celle qui mérite le
nom d!anomale, qu’on appelle aufli remontée, eft celle
qui attaque les vifeeres ou l’intérieur du corps, 8c.
qui fait autant de maladies différentes qu’elle afflige
de parties , foit qu’elle s’y jette avant de tomber fur
les articulations, foit qu’elle abandonne les articulations
pour rentrer dans l’intérieur du corps. Il y a
des apoplexies, des efquinancies, des fluxions de poitrine
, des coliques goutteufes, &c. qui font l’effet du
levain goutteux qui fe porte au cerveau, au gofier,
fur le poumon, dans le bas-ventre, &c.
La goutte confidérée en elle-même,'eft d’un bon
ou d’un mauvais cara&ere, fimple ou noiiée : elle
eft d’un cara&ere bénin, ou benigne, quand fes douleurs
font fupportables, qu’elle occupe une petite
étendue, qu’elle eft bornée aux extrémités, 6c que
fes paroxyfmes font courts. Elle eft d’un carattere
malin , ou maligne, quand les fouffrances font ex-
ceflives, qu’elle occupe plufieurs membres à-la-fois
ou fucceflivement, qu’elle menace l’intérieur en
s’attachant au tronc ou à la tête, & que les paroxyfmes
font fi longs <ju fe répètent fi fouvent, qu’elle*