
•pouvoit pas être permis même de tenter de les franchir
, parce qu’on le croyoit impoflible ; jufqu’à Defcartes
qui a été heureufement allez ofé pour prouver
le contraire, & pour convaincre par fes fuccès,
qu’il falloit l’imiter, en fecoiiant comme lui le joug
de l’autorité, pour n’être fournis qu’à celui de la
raifon.
Cependant ce même Defcartes a cru , comme les
anciens , que l’homme étoit formé du mélange des
liqueurs que répandent les deux fexes. Ce grand philosophe
, dans fon traité de l'homme, a cru pouvoir
aulïi expliquer, comment par les feules lois du mouvement
& de la fermentation, il fe formoit un coeur,
un cerveau, un n ez, des y e u x , &c. Voyei l'homme
de Defcartes, & la formation du fétus dans fes oeuvres.
Le fentiment de Defcartes fur cette formation a
quelque chofe de remarquable , & qui préviendroit
en fa faveur, dit l’auteur de la Vénusphyfque, fi les
raifons morales pouvoient entrer ici pour quelque
chofe ; car on ne croira pas qu’il l’ait embrafle par
complaifance pour les anciens , ni faute de pouvoir
imaginer d’autres fyftèmes.
En effet, au renouvellement des fciences, quelques
anatomiftes ayant fait des recherches plus particulières
fur les organes de la génération, elles firent
découvrir auprès de la matrice, au lieu de deux tef-
ticules qu’y avoient vus les anciens, deux corps
blanchâtres, formés de plufieurs veficules rondes,
remplies d’une liqueur femblable à du blanc d’oeuf;
l’analogie s’en empara enfuite. On regarda ces deux
corps dans l’efpece humaine & dans toutes les ef-
peces d’animaux où ils fe trouvoient, comme faifant
le même office, que ce qu’on appelle les ovaires dans
les oifeaux ; & les veficules dont étoient compofés
ces corps, parurent être de véritables oeufs. Sténon
fut le premier qui affûra que les tefticules des femelles
font de vrais ovaires ; ils furent après lui plus
particulièrement examinés par Vanhorne & Graaf.
Mais c’eft principalement au fameux Harvey & au
célébré Malpighi, que l’on doit les obfervations qui
ont le plus contribué à établir le nouveau fyftème
fur la génération, d’après la découverte des oeufs ;
mais comme ils font placés au-dehors de la matrice,
comment les oeufs, quand ils feroient détachés de.
l ’ovaire, pourront-ils être portés dans la cavité de
la matrice, dans laquelle, fi l’on ne veut pas que le
fétus fe forme, il eft du-moins certain qu’il prend
fon accroiffement? Fallope avoit trouvé deux tuyaux
(dépendans de la matrice, qui furent bientôt jugés
propres à établir une communication entre les deux
fortes d’organes dont il s’agit : on vit bientôt que les
extrémités des deux tuyaux flottantes dans le bas-
ventre , qui fe terminent en forme de trompe par
des efpeces de membranes frangées, peuvent par
l ’effet d’une forte d’éreftion s’approcher des ovaires
, les embraffer , recevoir l’oeuf, & fervir à le
tranfmettre dans la matrice, où ces efpeces de tuyaux
ont leur embouchure.
Dans ce tems donc, dit l’auteur de la Vénus phy-
fiaue ( en faifant l’expofition des differens fyftèmes
fur la génération ) , dans ce tems la Phyfique renaif-
fo it , ou plutôt prenoit un nouveau tour : on vouloit
tout comprendre, & on croyoit le pouvoir. La formation
du fétus par le mélange des deux liqueurs ,
ne fatisfaifoit plus les favans : des exemples de développement
que la nature offre par-tout à nos yeux,
firent penfer que les fétus font peut-être contenus,
& déjà tous-formés dans chacun des oeufs ; que ce
qu’on prenoit pour une nouvelle produâion, n’eft
que le développement des parties contenues dans le
germe, rendues fenfibles par l’accroiffement. Il fui-
voit de-là que la fécondité retombe prefque toute
fur les femelles, puifque dans cette hypothèfe , les
oeufs deftinés à fournir les rudimens des corps des
mâles, ne contiennent chacun qu’un feul mâle ; &
que l’oeuf d’où doit fortir une femelle, contient non-
feulement cette femelle entière, mais la contient
avec fes ovaires, dans iefquels d’autres femelles contenues
& déjà toutes formées , font une fource de
générations à l’infini : car toutes les femelles contenues
ainfi les unes dans les autres, & de grandeur
toujours diminuante, dans le rapport de la première
à fon oe u f, n’allarment que l’imagination. La matière
divifible, au-moins a l'indéfini, peut avoir aufli
diftinftement dans l’oeuf la forme du fétus qui naîtra
dans mille ans, que celle du fétus qui doit naître
dans neuf mois : la petitefle qui cache le premier à
nos y e u x , ne le dérobe point aux lois, fuivant lesquelles
le chêne qu’on voit dans le gland, fe développe
& couvre la terre de fes branches.
Cependant quoique tous les hommes foient déjà
formés dans les oeufs de mere en mere, ils y font fans
vie : ce ne font que de petites ftatues renfermées les
unes dans les autres, comme les ouvrages du tour ,
où l’ouvrier s’eft plû à faire admirer l’adreffe avec
laquelle il conduit fon cifeau en formant cent boë-
tes , qui fe contenant les unes les autres, font toutes
contenues dans la derniere. Il faut pour que ces petites
ftatues deviennent des hommes, quelqu’agent
nouveau, quelqu’efprit fu b til, qui s’infinue dans
leurs organes, leur donne le mouvement, la v égétation
& la vie. Cet efprit eft fourni par le mâle
dans la liqueur qu’il répand avec tant de plaifir dans
la copulation ; liqueur dont les effets font femblables
à ceux du feu , que les poètes ont feint que Promé-
thée avoit dérobé au ciel , pour donner l’ameà des
hommes qui n’étoient auparavant que des automates.
Mais avant de paffer outre concernant ce fyftème
de la génération, par le moyen des oeufs, il faut ob-
ferver que les Anatomiftes n’ont pas cependant d’abord
tous entendu la même chofe par le mot oeuf.
Lorfque le fameux Harvey a pris pour devife, omnia
ex ovo, ce n’eft qu’entant qu’il penloit que le premier
produit de la conception dans les vivipares
comme dans les ovipares , eft une efpece d’oeuf: iï
croyoit avoir vu cet oeuf fe former comme un fac
fous fes y e u x , après la copulation du mâle & de la
femelle ; cet oeuf, félon lu i, ne venoit pas par confisquent
de l’ovaire, ou du tefticule de la femelleJ
On voit bien qu’il n’y a rien là qui foit femblable à
ce qu’on entend ordinairement par le mot oeuf, fi ce
n’eft que la figure d’un fac peut être celle d’un oeuf
fans coquille, comme celle.d’un tel oeuf peut être
celle d’un fac.
Cet auteur établit que la génération eft l’ouvrage
de la matrice ; qu’elle conçoit le fétus par une efpece
de contagion que la liqueur du mâle lui communique,
à-peu-près comme l’aimant communique
au fer la vertu magnétique : non-feulement cette contagion
mafculine agit lur la matrice , mais elle fe
communique encore à tout le corps féminin qui eft
fécondé en entier, quoique dans toute la femelle il
n’y ait que la matrice qui ait la faculté de concevoir
le fétus , comme le cerveau a feul la faculté de
concevoir les idées ; & ces deux fortes de conceptions
fe font de la même façon. Les idées que conçoit
le cerveau font femblables aux images des objets
qu’il reçoit par les fens ; le fétus qui eft l’idée de la
matrice, eft femblable à celui qui le produit ; & c’eft:
par cette raifon que le fils reffemble au pere, &c.
( Cette explication paroît fi étrange, qu’elle femble
n’être propre qu’à humilier ceux qui veulent pénétrer
les fecrets de la nature ). Enfuite cet aureur .
au lieu de repréfenter l’animal croiffant par Vint us-
fufception d’une nouvelle matière, comme il devroit
arriver j s’il étoit formé dans l’oeuf de la femelle, païô
ît être perfuadé que c’èft un individù qui fe formé
par la juxta-pofition de nouvelles parties ; & après
avoir v û , comme il a été dit, fe former le fac qui
doit contenir l’embryon , i l penfe que ce fac, au lieu
d’être la membrane d’un oeuf qui fe dilateroit, fe fait
fous fes yeux comme une toile dont il obferve les
progrès. Il ne parle point de la formation du fac intérieur
; mais il a vû l’animal qui y nage fe former
de la maniéré fui vante. Ce n’eft d’abord qu’un point,
mais un point qui a la vie >punclumfaliens, & autour
duquel toutes les autres parties venant s’arranger,
achèvent bientôt la formation de l’animal.
T el eft le précis du fyftème de ce grand anatomif-
t e , qu’il femble avoir formé d’après le plus grand
appareil d’expériences ; d’où il ne réfulte cependant
prefqu’autre chofe, finon qu’Ariftote l’a guidé plus
que l’obfervation : car à tout prendre, il a vû dans
l’oeuf de la matrice tout ce que le philofophe a dit ;
& il n’a pas vû beaucoup au-delà. D’ailleurs la plupart
des obfervations eflentielles qu’il rapporte, ne
font qu’une confirmation de celles qui avoient été
faites avant lui parParifanus,Volcher-Coïter, Aqua-
pendente. Il eft bon enfuite de remarquer, pour juger
fainement de la valeur des autres expériences de
l ’anatomifte anglois , qu’il y a grande apparence
qu’il ne s’eft pas fervi du mierofeope qui n’étoit pas
perfeétionné de fon tems ; & qu’ainfi il ne peut qu’avoir
mal v û , puifque la plûpart de fes obfervations
font fi peu conformes à la vérité. Il ne faut pour s’en
affûrer, que répéter les expériences fur les oeufs,
ou feulement lire avec attention celles de Malpighi
( Malpighii pullus in oyo ) , qui ont été faites en1
viron trente-cinq ou quarante ans après celles de
Harvey ; d’où il réfulte que ce dernier n’a pas fait
les fiênnes, à beaucoup près, avec autant de fuccès :
car s’il avoit vû ce que Malpighi a v û , il n’auroit
pas affûré, comme il l’a fait, que la cicatricule d’un
oeuf infécond & celle d’un oeuf fécond, n’ont aucune
différence ; tandis que Malpighi ayant exanfiné
avec foin cette partie effentielle de l’oe uf, l’a trou-
vée grande dans tous les oeufs féconds, & petite dans
les oeufs inféconds. Harvey n’auroit pas dit que lafe*
mence du mâle ne produit aucune altération dans
l’oeuf, & qu’elle ne forme rien dans la cicatricule : il
n’auroit pas dit qu’on ne voit rien avant la fin du troi-
fieme jour ; & que ce qui paroît le premier eft un point
animé, dans lequel il croit que s’eft changé le point
blanc. Il auroit vû que ce point blanc étoit une bulle
qui contient l’ouvrage entier de la génération , & que
toutes les parties du fétus y font ébauchées, au moment
que la poule a eu communication avec le coq :
il auroit reconnu de même , que fans cette communication
, elle ne contient qu’une mole qui ne peut
devenir animée, que lorfqu’elle eft pénétrée des parties
vivifiantes de la femence du mâle. Il paroît d’ailleurs
que Harvey s’eft trompé fur plufieurs autres
chofes eflentielles. Il affûre que cette liqueur prolb
fique n’entre pas dans la matrice de la femelle, &
même qu’elle ne peut pas y entrer; cependant Ver-
rheyen a trouvé une grande quantité de femence du
mâle -dans la matrice d’une vache , difféquée feize
heures après l’accouplement. Verrheyen Jup. anat.
tract. V. cap. iij. Le célébré Ruyfch affûre avoir
difféqué la matrice d’une femme, ( qui ayant été fur-
prifie en adultéré, avoit été affaffinée fur le champ ) ,
& avoir trouvé non-feulement dans la cavité de la
matrice, mais aufli dans les deux trompes, une grande
quantité de la liqueur léminale du mâle. Ruyfch,
thef. anat. tab. VI, On ne peut guere douter après le
témoignage pofitifdc ces grands anatomiftes,queHar-
v e y ne fe foit trompé lur ce point important, à-
moins que l’on ne dile que ce qu’ils ont pris pour de
la liqueur du m âle, n’étoit en effet que de la prétendue
femence de la femelle ; mais fon exiftence n’eft
Tome VII,
pas àfféz bièn établie, comme il a été déjà dit (& il en
fera encore fait mention) , pour entrer en oppoft«
tion avec des obfervations d’un fi grand poids. Harv
e y qui a difféqué tant de femelles vivipares, affûré
encore qu’il n’a jamais apperçû d’alteration dans
leurs tefticules après la fécondation : il les regardé
même comme de petites glandes tout-à-fait inutiles
à la génération ; tandis que ces tefticules font des parties
fort cônfidérables dans la plûpart des femelles
& qu’il y arrive des changëmens & des altérations
très-marquées, ainfi qit’on peut le voir aifément dans
les vaches fur-tout. Ce qui a trompé Harvey,c’eft que
ce changement n’eft pas à^beaucoup-près fi marqué
dans les biches & dans les daines. Conrad-Peyef qui
a fait plufieurs obfervations fur les tefticules des daU
nés, croit avec quelque raifon, que la petitefle des
tefticules dans les daines & dans les biches, eft cau-
fe que Harvey n’y a pas remarqué de changement:
Conrad-Peyer myrecolog. Enfin, fi ce fameux ob-
fervateur anglois eût été aufli exaél dans fes recherches
que ceux qui l’ont fu iv i, & particulièrement
encore Malpighi, il fe feroit convaincu que dès le
moment de la fécondation, par l’effet de la femence
du mâle, l’animal paroît formé tout entier ; que lé
mouvement y eft encore imperceptible, & qu’il ne
fe découvre qu’au bout de quarante heures d’incubation.
Il n’auroit pas affûré que le coeur eft formé
le premier; que les autres parties .viennent s’y
joindre extérieurement, puifqu’il eft évident par les
obfervations de l’anatomifte italien, que les ébauches
de toutes les parties font toutes formées d’abord,
mais que ces parties ne paroiffent qu’à mefure qu’elles
fe développent.
Les obfervations de Malpighi ont donc ainfi
contribué principalement à rectifier les idées d’Harv
e y fur les premiers faits de la génération par le
moyen des oeufs ; & à faire regarder, d’après la confirmation
de fes expériences par celles de Graaf &
de yallifnieri, les tefticules des femelles comme de
vrais ovaires, & les oeufs comme contenant véritablement
(es rudimens du fétus, qui ri’ont befoin,
pour être vivifiés d’un mouvement qui leur foit propre
, que de l’influence de la femence du mâle dardéé
dans le vagin, pompée par l’orifice de là matrice ,
& élevée dans les trompes (au-moins quant à fa partie
la plus atténuée) par une forte de fu&ion femblable
à celle des tubes capillaires des points lacrymaux
fupérieurs ; ou par l’effet d’un mouvement périftal-
tique que l’on prétend avoir obfervé dans ces conduits
; enferte que cette liqueur prolifique pénétré
ôç eft portée jufqu’aux ovaires, lur Iefquels elle eft
verfée , pour y féconder un oii plufieurs dès oeufs
qui font le plus expofés à la contagion. Ge fyftème
auroit emporté le luffrage unanime de tous les Phy-
ficiens, fi dans le tems même où qn étoit le plus occupé
à perfeôionner cette maniéré d’expliquer la
génération, pour l’efpece humaine fur-tout, & à la
rendre inconteftable, on n’eût pas mis au jour une
autre opinion fondée fur une nouvelle découverte
qui avoit fa’it voir, par le moyen du mierofeope, des
corpufcules finguliers paroiffant animés dans la liqueur
fpermatique de la plûpart des animaux ; corpufcules
que l’on crut d’abord devoir regarder aufli
comme de vrais animaux : & comme on n’en trouva
pas d’abord dans les autres humeurs du corps, on ne
put pas fe refufer à l’idée que ces animalcules décou- -
vertes dans la feule femence des mâles, étoient de
vrais embryons, auxquels il étoit réfervé de reproduire
les différentes efpeces d’animaux ; car malgré
leur petitefle infinie 6c leur forme de poiffon , le
changement de grandeur & de figure coûte peu à
concevoir au phyficien, & encore moins à exécuter
à la nature : mille exemples de l’un & de l’autre font
fous nos y eux, d’animaux dont le dernier accroiffe;