
pe une teinte differente ; il affe&oit de fe fervir de papier
cris, afin que les rehauts ou les parties les plus
éclairées fufl’ent d’une derniere teinte très-foible, qui
fe fondit mieux avec celles des planches gravées ; & v
il parvint par cette induftrie à donner à fes ouvrages
un air de peinture fort voilïn du Camay eu.
Ce fecret plut tellement au célébré Raphaël, qu’il
fouhaita que plufieurs de fes compofitions fuflent
perpétuées de cette maniéré ; il grava lui-même des
camayeux en bois, auxquels il mit fon initiale ou une
R blanche à Teftampe, ou de la teinte la plus claire.
Sylveftre ou Marc de Ravenne, mais particulièrement
François Mazzuolo dit le Parmefan, ont beaucoup
gravé de cette maniéré, d’après Raphaël ; ils
furent imités par Jérôme Mazzuolo, Antonio Fron-
tano, le Beccafumi, BaldalTorne, Pertrcci, Benedift.
Penozzi, Lucas Cangiage, Roger Goltz ou Goltzius,
Henri & Hubert de même nom. Le trait des médailles
données en camayeu par Hubert Goltzius peintre
antiquaire, a été gravé à l’eau-forte. Plufieurs
graveurs en ont fait autant depuis, pour avoir des
copies plus exaéles de deffeins de peintres croqués à
la plume & lavés de couleur ; reflource qui n’eft applicable
qu’à cet ufage, car le trait maigre de l’eau-
forte n’a ni la beauté ni l’exprelfion du trait gravé en
bois, qui eft plus vigoureux & plus nourri.
Dès le tems des Goltzius, des graveurs en camayeu
varioient leurs rentrées par différentes couleurs
du trait, & chargeoient cette gravure de tailles
& de contre-tailles ; ce qui fortoit du genre, & nui-
foit à l’effet du camayeu de Hugo da Carpi.
On a des gravures en camayeu de Vanius, Luvin,
Dorigny, Bloemart , Fortunius, André Andriam,
Pierre Gallus, Ligoffe de Veronne, Barroche, Antonio
da Trento, Giufeppe S colari, Nicolas Rolfi-
lianus, Dominique Saliene, &c.
Cet art fleurit en 1600 fous Paul Molreelfe d’U-
trecht, George Lalleman, Bufinek, Stella, fes filles
& fa niece, les deux Maupins , le Guide, Coriolan
& Jean Coriolan ; en 1650, fous Chiftophe Jëgher,
qui a gravé d’après Rubens, Montenat, Vincent le
Sueur qui n’y a pas réuffi, Nicolas qui en a exécuté
avec plus de fuccès pour M. Crozat & M. le comte
de Caylus.
François Perrier peintre de Franche-Comté, imagina
, il y a environ cent ans, de graver à l’eau-forte
toutes les rentrées de camayeu; ce qui, félon Bof-
f e , avoit déjà été tenté par le Parmelan , qui avoit
abandonné cette maniéré qui lui avoit paru trop
mefquine. Elle fe faifoit à deux planches de cuivre,
dont l’une imprimoit le noir, & l’autre le blanc fur
papier gris : mais ces eftampes étoient fans agrément
& fans effet, & Perrier abandonna fes planches de
cuivre pour revenir à celles de bois.
Après ce petit hiftorique, paffons maintenant à la
manoeuvre de l’art. Voici comment Boffe explique
la manoeuvre de Hugo da Carpi. «Il faut, dit-il,
» avoir deux planches de pareille grandeur, exa-
» âement ajuftées l’une fur l’autre : on peut fur l’u-
» ne d’elles graver entièrement ce que l’on defire,
» puis la faire imprimer de noir fur un papier gris &
*> fort ; & ayant verni l’autre planche comme ci-de-
» vant, & l’ayant mife le côté verni dans l’endroit de
» l’empreinte que la planche gravée a faite en im-
» primant fur cette feuille , la paffer de même entre
» les rouleaux : ladite eftampe aura fait fa contre-
» épreuve fur la planche vernie. Après quoi il faut
» graver fur cette planche les rehauts, & les faire
» fort profondément creufer à l’eau-forte. On peut
»> exécuter la même chofe avec le burin, & même
n plus facilement.
» La plus grande difficulté dans tout ceci eft de
» trouver du papier & une huile qui ne faffe pôint
» jaunir ni rouffir le blanc : le meilleur eft de fe fervir
» d’huile de noix très-blanche & tirée fans feu, puis
» la mettre dans deux vaiffeaux de plomb, & la laif-
» fer au foleil jufqu’à ce qu’elle foit épaiffie à proport
i o n de l’huile foible dont nous allons parler. Pour
» l’huile forte, on laiffera l’ un de ces vaiffeaux bien
» plus de tems au foleil.
» II faut enfuite avoir du blanc de plomb bien net,
» & l’ayant lavé & broyé extrêmement fin, le faire
» fécher & en broyer avec de l’huile foible bien à
» fec, & après l’allier avec de l’autre huile plus for-
» te & plus épaiffe, comme on fait pour le noir. Puis
» ayant imprimé de noir ou autre couleur fur du gros
» papier gris, la première planche qui eft gravée en-
» tierement, vous en laifferez fécher l’impreffion
» pendant dix à douze jours : alors ayant rendu ces
» eftampes humides,il faut encrer de ce blanc là plan-
» che où font gravés les rehauts, de la même façon
» que l’on imprime ordinairement, l’effuyer, 6c la
» pofer enfuite fur la feuille de papier gris déjà im-
» primée, enforte qu’elle foit juftement placée dans
» le creux que la première planche y a faite, pre-
» nant garde de ne point la mettre à l’envers, ou le
» haut en bas. Cela fait, il ne s’agit plus que de faire
» paffer entre les rouleaux ».
Ce dil'cours d’Abraham Boffe eft louche en plufieurs
endroits. Nous allons tâcher d’expofer la maniéré
de graver en camayeu, d’une maniéré plus
précife & plus claire.
Les planches deftinées à la gravure en camayeu fe
feront de poirier préférablement au buis ; parce que
fur le premier de ces bois les maffes prennent mieux
la couleur que fur le fécond. Il ne faut pas d’autres
outils ni d’autres principes que ceux de l’article précédent
fur la gravure en bois.
Il faut graver autant de planches ou rentrées que
l’on veut faire de teintes. Les plus grands clairs ou les
jours, comme hachures ou rehauts de blanc, doivent
être formés en creux dans la planche, pour laiffer au
■ papier même à en donner la couleur. Quelquefois on
gravera fur cuivre, à l’eau-forte, le trait de l’eftam-
pe, fur-tout fi l’on ne peut imiter le croquis original
tracé à la plume & la v é , fans que ce trait foit fort
délié.
Le mérite de cette gravure confiftera principalement
dans la jufteffe des rentrées de chaque planche
ou teinte : on y réuflira par le moyen des pointes
ajuftées & de la frifquetté, comme à l’imprelïïon en
lettres ; mais mieux encore par la preffe en taille-
douce , & d’une machine telle que celle dont nous
allons donner la defeription.
Lorfque les planches ou rentrées d’une eftampe
auront toutes été deftinées fort jufte les unes fur les
autres, en bois, bien équarries & gravées au nombre
de trois au-moins, une pour les maffes les moins
brunes, où l’on aura gravé en creux les rehauts, une
pour les maffes plus brunes, & une pour le trait ou
les contours & coups de force des figures, chacune
n’ayant rien de ce qu’on aura gravé fur une autre ;
l’on aura une machine de bois de chêne ou de noyer,
de l’épaiffeur des planches gravées, & à peu de chofe
près de la largeur de la preffe en taille-douce.
Cette machine fera compofée de trois pièces jointes
enfemble par des tenons à mortoife ; l’une formée
en talud, pour pouvoir être gliffée facilement entre
les rouleaux de la preffe fur la table, & ayant de
chaque côté une petite bande de fer fixée avec des
vis lùr fon épaiffeur & fur l’épaiffeur des deux autres.
L’on mettra dans le viude fur l’efpace de la
preffe, des langes de drap plus ou moins, félon l’exigence,
pour que la gravure vienne bien. Il faudra
que le papier foit mouillé bien à - propos. On en
prendra une feuille, qu’on inférera en équerre, félon
la marge qu’on y voudra laiffer, fous la piece
en talud & fous l’une des deux autres, par-deffus
les langes. On encrera de la couleur qu’on voudra,
la première planche ou rentrée , c ’eft-à-dire la plus
claire, avec des balles femblables à celles des fai—
feurs de papiers de tapifferie. L’ort pofera adroitement
cette planche du côté de la gravure , fur la
feuille de papier qu’on a étendue fur les langes , un
peu deffous la piece en talud, & l’une des deux autres.
On obfervera de l’approcher bien jufte de l’angle
ou équerre de ces pièces. Cela fait, on pofera fur
la planche quelques langes, maculatures, ou autres
chofes mollettes, afin que tournant le moulinet, &
faifant paffer le tout entre les rouleaux, la couleur
qui eft fur la gravure s’attache bien au papier. Cette
teinte faite fur autant de feuilles qu’on voudra d’ef-
tampes, on paffera avec les mêmes précautions à la
fécondé teinte ; & ainfi de fuite. S ’il y a plus de trois
teintes, on commencera toûjours par la plus claire ;
on paffera aux brunes, qu’on tirera fuccefîivement
en paffant de la moins brune à celle qui l ’eft le plus,
& l’on finira par le trait ou par la planche des contours;
ce qui achèvera l’eftampe en camayeu ou
clair-obfcur.
C ’eft ainfi (dit M. Papillon) qu’ont été imprimés
les beaux camayeux que MM. de Caylus & Crozat
©nt fait exécuter : c’eft ainfi qu’on eft parvenu à ne
point confondre les rentrées; & c’eft de ce dernier
foin que dépend toute la beauté de ce genre d’ouvrage.
Quant aux couleurs qu’on employera, elles font
arbitraires ; on les prendra à l’huile ou la détrempe ;
le biftre ou la fuie de cheminée & l’indigo font les plus
ufités ; l ’encre de la Chine fera fort bien ; il en eft
de même de la terre d’ombre bien broyée, &c.
M. de Montdorge obferve avec raifon dans le mémoire
qu’il nous a communiqué là - deffus, qu’il y a
grande apparence que les eftets de ce genre de gravure
, combinés avec les effets de la gravure en maniéré
noire, ont fait naître les premières idées d’imprimer
en trois couleurs , à l’imitation de la peinture.
Cet article a été rédigé d’après l’ouvrage d’Abraham
Boffe & celui de Felibien, & les lumières de
M. de Montdorge & de M. Papillon.
Quant aux trois articles qui fuivent, ils font tels
que nous les avons reçus de M. de Montdorge.
• G ravure en co uleur s, à l’im it a t io n de
l a Pein ture. Cette maniéré de graver eft un art
nouveau, dont la découverte eft précieufe à d’autres
arts ; Jacques Chriftophe le Blon , natif de
Francfort, éle ve de Carlo Marate, en eft l’inventeur :
on doit placer l’époque de cette invention entre
3710 & 1730 » l’Angleterre en a vu naître-les premiers
effais ; à peine commençoient-ils à y réuffir ,
que le Blon paffa en France (c’étoit en r 73 7) ; un rouleau
d’épreuves échappées de l’attelier de Londres,
compoloit alors tout Ion bien ; mais quelquës amateurs
étonnés de l’effet merveilleux de trois couleurs
imprimées fur le papier, voulurent fuivre des opérations
fi fingulieres, & fe réunirent pour mettre
l ’inventeur en état de donner des leçons de fon art ;
les commencemens furent difficiles. Quand le Blon
travailloit à Londres, c’étoit au centre des graveurs
en maniéré noire ; & cette maniéré qui fait la baie
du nouvel art étoit totalement abandonnée en
France.
Les effets du nouveau genre de gravure font les
conféquences des principes que le Blon a établis
dans un traite du coloris ; perfuadé que les grands co-
loriftes, que le Titien, Rubens, Vandeyk, avoient
une maniéré invariable de colorier , il entreprit de
fonder en principes l’harmonie du coloris, & de la
réduire en pratique méchanique par des réglés iures
& faciles : tel eft le titre d’un traité qu’il a publié à
Londres en anglois 6c en françois : ce traité a été
réimprimé & fait paftie d’un livre intitulé Vart d'imprimer
les tableaux, à Paris ijSj. Il eft revêtu du
certificat de M M. les commiffaires qui furent nommés
par le roi pour être dépofitaires des fecrets de
le Blon*
C ’eft en cherchant les réglés du coloris, que j*ai
trouvé , dit l’inventeur, la façon d’imprimer les objets
avec leurs couleurs naturelles ; & paffant en-
fuite à des inftru&ions préliminaires, il jette les fon-
demens de fon art, en établiffant que la Peinture peut
repréfenter tous les objets vifibles avec trois couleurs
, favoir le jaune, le rouge, & le b leu, puifque
toutes les autres couleurs font compofées de ces trois
primitives ; par ex. le jaune & le rouge font l’orangé
; le rouge & le bleu font le pourpre, le violet ; le
bleu & le jaune font le verd. Les différens mélanges
des trois couleurs primitives produifent toutes les
nuancés imaginables , & leur réunion produit le
noir : je ne parle ici que des couleurs matérielles f
ajoute-t-il, c’eft-à-dire des couleurs dont fe fervent
les Peintres ; car le mélange de toutes les couleurs
primitives impalpables ne produit pas le noir,
mais précifément le contraire ; il produit le blanc.
Le blanc eft une concentration ou excès de lumière
; le noir eft une privation ou défaut de lumière.
Trois couleurs, nous le répétons, donnent par
leur mélange autant de teintes qu’il en puiffe naître
de la palette du plus habile peintre : mais on ne fau-
roit,en les imprimant l ’une après l’autre, les fondre
comme le pinceau des fond fur la toile : il faut donc
que ces couleurs foient employées de façon que la
première perce à-travers la fécondé , & la fécondé
à-travers la troifieme , afin que la tranfparence
puiffe fuppléerà l’effet du pinceau. Chacune de ces
couleurs fera diftribuée par le fecours d’une planche
particulière : ainfi trois planches font néceffaires
pour imprimer une eftampe à l’imitation de la Peinture.
Préparation des planches. Elles feront grainées
comme les planches deftinées à la maniéré noire.
Pbyei Gravure en maniéré n o ire. Ces planches
doivent être entre elles de même épaiffeur,
bien unies , & très-exattement d’équerre à chaque
angle ; unies, pour qu’à l’impreflion toute la fuper-
ficie foit également preffée ; & d’équerre, pour qu’elles
fe rapportent contour fur contour l’une après
l’autre, quand elles imprimeront la même feuille de
papier.
La meilleure façon de rendre les planches exactement
égales entre elles, c’eft de faire des trous aux
quatre coins, de les joindre l’une fur l’autre par quatre
rivures bien ferrées; de tracer le quarré fur les
bords de la première ; de limer jufqu’au trait en confier
vant toujours l’équerre fur l’épaiffeur des quatre :
limez enfin vos rivures, & les planches en fortiront
comme un cahier de papier fort de la coupe du relieur.
On peut au lieu de rivure, ferrer les planches avec
de petits étaux qui changeront de place à mefure
qu’on limera les bords. C ’eft à l’artifte à confulter
fon adreffe & fa patience dans les différens moyens
qu’il employera pour les opérations méchaniques.
Moyen fur pour calquer fur la planche grainée. Il
s’agit à-préfent'de diftribuer le tableau fur les trois
planches ; & pour que les contours fur chaque planche
fe retrouvent précifément dans les endroits où
ils doivent fe rencontrer, voici de quel moyen on
fe fert. Prenez une de vos planches, couchez-la fur
un carton épais plus grand de deux pouces en hauteur
& en largeur, que la planche ; faites avec le canif
une ouverture bien perpendiculaire dans le carton*
la planche elle-même fervira de calibre; & dès
que le carton fera coupé fur les quatre faces, il vous
-donnera un cadre de deux pouces. Ayez pour déta