1 IV. La vîteffe des fcr&ces qui frottent paroit devoir
influer fur la quantité du frottement : il iembte
qu’un corps qui fe meut plus vite rencontre dans le
même tems un plus grand nombre de petites enu-
nences de la furface de celui fur lequel il fe meut ,
les choque aufli plus rudement , ou les plie plus vi-
te ; & par toutes ces confidérations, doit éprouver
beaucoup plus de réfiftance à fon mouvement. ^
Aufli M. Muflchenbroek nous dit s’être aflure par
des expériences dont il ne donne pas te detail, que
le frottement étoit proportionnel à la vîteffe, excepté
lorfque cette vîteffe eft très-confidérable: car dans
te cas il a trouvé le frottement beaucoup plus augmenté.
Cependant M Euler confidérant que dans le mouvement
d’un corps qui gliffe fur un autre , les petites
éminences de fa furface fe dégagent des petites
cavités de l’autre, & y retombent alternativement,
a crû qu’il ne devoit éprouver de réfiftance que comme
par intervalle ; au lieu qu’un corps en repos qu’on
veut mouvoir, en éprouvoit une continuelle ; 8c
qu’ainfi la vîteffe d’un corps, bien loin d’augmenter
le frottement, devoit le diminuer. A cette confédération
il en ajoûte une autre tirée de l’expérience : il lui
a paru que lorfqu’on donnoit à un plan incline une
inclinaifon très-peu différente de celle où le frottement
étoit précifément égal à Faction de la pefanteur,
pour mouvoir le corps, ce corps parcouroit le plan
incliné beaucoup plus vîte qu’on n’auroit dû s’y attendre,
vû le leger changement qui s ’étoit fait dans
l’inclinaifon : d’où il a conclu que le mouvement une
fois commencé, le frottement étoit diminué : il a même
donné une méthode pour décider par le tems qu’un
corps employé à parcourir un tel plan, fi fa conjecture
eft jufte & conforme à la réalité. Foye^iwr
tout cela, les mém. de Berlin , ann. 1748.
D e telles contradictions entre des Phyficiens de
cet ordre, nous montrent combien nous lommes encore
éloignés de connoître la nature & les vraies
lois du frottement; c’eft à l’expérience feule à nous
les apprendre: furie point dont il s’agit actuellement,
nous n’en avons aucune qui mérite une confiance entière.
M. Muflchenbroek ne nous ayant point communiqué
fon procédé , nous ne pouvons pas juger
s’il ne s’eft point gliffé quelque erreur dans les rélùl-
tats qu’il nous donne ; 8c nous croyons qu’il eft plus
fage d’attendre de nouvelles expériences , pour décider
fi 8c comment la vîteffe doit entrer dans l’évaluation
de cette réfiftance.
V . Le frottement retarde 8c détruit le mouvement
d’un corps, comme le feroit une puiffance qu’il ti-
reroit dans une direction oppofée à celle de ce mouvement:
d’où il fuit tout naturellement, que pour
juger de la réfiftance qu’il apporte à l’aCtion de la
puiffance, qui produit ou tend à produire ce mouvement
, il ne fuffit pas de connoiti e fa quantité abfo-
lue, mais qu’il faut aufli avoir égard au bras de levier
auquel il eft appliqué, relativement à la longueur
de celui par lequel agit la puiffance. Ainfî, par
exemple, quand on employé pour élever un corps
une poulie mobile autour de fon ax e, le frottement
qu’il y a à vaincre eft celui de l’axe de la poulie dans
les petites cavités qui le reçoivent, la réfiftance qui
en réfulte fe trouve donc appliquée à un bras de levier
d’autant plus court que celui par lequel agit la
puiffance, que le diamètre de cet axe eft plus petit
que celui de la poulie même : aufli le frottement eft-
il incomparablement moindre que fi cette poulie
étoit immobile autour de fon axe.
On peut expliquer par-là l’avantage des grandes
poulies 8c des grandes roues fur les petites, & celui
des voitures montées fur des roues par-deffus les Amples
traineaux. Cette obfervation fert encore à faire
, comprendre pourquoi dans une defeente rapide çn
fe trouve très-bien d’enrayer les roues : c’eft que par-*
là la réfiftance qui provient du frottement fe trouve
appliquée à la circonférence de la roue, au lieu qu’elle
l’étoit à celle de l’eflieu : la roue enrayée augmente
donc le frottement, 8c empêche la voiture de
defeendre avec trop de rapidité.
Nous pourrons encore expliquer, au moyen des
mêmes principes, pourquoi les balances courtes font
moins exaâes que celles dont le fléau eft long, 8c
pourquoi les romaines le font ordinairement moins
que les balances communes : car il eft facile de voir
que fi la marchandife dont on veut connoître le poids
le trouve excéder tant-foit-peu ce qu’elle devroit
être pour tenir en équilibre les poids auxquels on la
compare, elle fera trébucher la balance d’autant plus
aifément qu’elle fe trouvera plus éloignée de l’axe
autour duquel fe fait fon mouvement ;puifque le
bras de levier par lequel elle furmontera le frottement
qu’il y a autour de cet a x e , fera d’autant plus long.
Il y a dans tous les Arts je ne fais combien de petites
attentions de pratique, pour diminuer \e frottement
; par exemple, celle de faire porter les eflieux
fur des rouleaux (fig. 35). méchaniq.; : je ne crois pas
néceffaire de m’y arrêter.
S’il eft hors de doute que la diminution du bras
de levier auquel font appliquées les parties qui frottent
, eft un moyen très-efficace de diminuer \e frottement
, il ne l’eft' pas également que ces diminutions
foient exactement proportionnelles l’une à l’autre.
L’expérience femble avoir montré aux Artiftes, que
lorfque le pivot autour duquel on fait tourner une
roue, eft extrêmement petit, le frottement n’eft pas
diminué à proportion de la petiteffe , & qu’on fe
tromperoit beaucoup , fi du frottement d’un pivot
d’un quart de ligne de diamètre, on vouloit conclure
celui d’unpié,enl’eftimant 576 fois plus confidérable:
la raifon en eft fans doute , que les petites éminences
des furfaces des corps ont alors une proportion
fenfible avec le diamètre du pivot, & font ainfiplus
d’obftacle à-fon mouvement ; à-peu-près comme une
petite roue a de la peine à fortir d’une orniere qu’une
grande roue franchit aifément.
Voilà un précis des connoiffances que nous avons
de la nature & des lois du frottement ; connoiffances
bien imparfaites, comme on peut aifément s’en ap-
percevoir, 8c qui le feront vraiffemblablement encore
long-tems. En effet, y ayant de fi grandes variétés
dans le tiffu des différens corps, & celui d’un
même corps n’étant pas lui-même homogène, 8c de
plus, fujet à des variations par le froid 8c le chaud,
le fec 8c l’humide, & par mille autres circonftances;
il paroît bien difficile de parvenir à des lois générales
fur cette matière. .
Ajoûtez à cela que la plûpart des Phyficiens qui
s’en font occupés, ont employé pour leurs expériences
des méthodes fujettes à équivoque, 8c propres à
faire naître de l’incertitude dans leur réfultat. Le tri-*
bometre de M. Muflchenbroek a , par exemple, cet
inconvénient, qu’une partie de la force deftinee à
faire tourner le difaue, s’employe à püer la,cprde ;
ce qui n’eft pas à négliger. Le meme inconvénient a
lieu, lorfque la puiffance qui doit mouvoir un corps
fur un plan eft appliquée à une corde qui paffe fur
l une poulie ; 8c il y a de plus dans ce dernier ca s , un
frottement auquel on n’a aucun égard , qui eft celui
qui fe fait autour de l ’axe de la poulie. Il me femble
que de tous les moyens qui ont été employés pour
connoître par l’expérience les différentes lois du frottement
, il n’y en a point de plus fimple 8c en même
tems de moins fujet à équivoque , que de fe fervir
d’un plan incliné, auquel on donne une inclinaifon
telle que le frottement du plan & là pefanteur du corps
foient précifément en équilibre. L’inclinaifon du plan
fait connoîtrç la force qui eût,été néceffaire popr retenir
le corps fur un plan parfaitement poli ; 5c de = o &
cette façon ,1e frottement qui tient lieu de cette force
fera connu fans équivoque. Cette méthode a été fui-
vie par quelques phyficiens : mais il femble qu’on au-
roit pû en tirer un meilleur parti.
Je ne m’arrêterai pas actuellement à calculer le
frottement des différentes machines ; il faudroit em-
braffer, pour cet effet, quelque hypothèfe particulière
; 8c le choix ne laifferoit pas que d’en être em-
barraflant. D ’ailleurs on peut voir dans les effais de
Phyf. de Muflchenbroek, un exemple de ce calcul.
Je finirai cet article par quelques obfervations.
i° . On eft quelquefois furpris de ce qu’il n’eft pas
néceffaire que la force qui a introduit un coin dans
une fente y foit continuellement appliquée , pour
qu’il y refte engagé, malgré l’effort des parois de la
rente pour fe rapprocher. La vis nous offre quelque
chofe de femblable. Si l’on comprime par fon moyen
quelque corps élaftique, on ne voit pas que le reffort
des parties comprimées faffe rétrograder la vis dans
fon écrou, lorfque la puiffance celle de lui être appliquée.
Le frottement eft l’unique caufe de ces deux phénomènes
; car dans l’un 8c l’autre cas , l’effort que
font les parties féparées ou comprimées pour revenir
à leur première fituation, peut fe décompofer en
deux autres, dont l’un s’employe tout entier à appliquer
les faces du coin contre les côtes de la fente
, ouïe filet delà vis contre les parois intérieures de
l’écrou ; 8c l’autre tend à faire gliffer le coin hors de
la fente, 8c la vis fur fon écrou, comme fur des plans
inclinés : 8c tant que ce dernier effort n’eft pas au
premier dans un plus grand rapport, que 1 ç frottement
à la preflion qui le caufe, fon aCtion eft nulle ; la vis
ne peut rétrograder, 8c le coin doit refter dans la
fente. De-ià vient que quand le pas de lavis eft grand,
c’eft-à-dire quand fon filet fait avec fon axe un angle
affez aigu, la vis remonte dans l’écrou par le
reffort des parties comprimées, comme on peut le
voir dans les imprimeries 8t dans les monnoies. De
même aufli il arrive quelquefois, que lorfqu’on introduit
dans une fente un coin qui n’eft pas affez aigu
, il en reffort avec promptitude, & eft chaffé en-
arriere avec vîteffe ; par la même raifon qu’un noyau
de cerife s’échappe des doigts de celui qui le prefle,
8c s’élance à une grande diftance.
z°. On lit dans tous les livres de Statique, que la
direction la plus avantageufe, pour mouvoir un
corps fur un plan horifontal ou incliné, eft celle qui
eft parallèle au plan ; 8c l’on a raifon, tant que l’on
fuppofe ce plan parfaitement poli, 8c que l’on fait
abftraCtion de tout frottement. Mais fi l’on veut y
avoir égard, ce n’eft plus la même chofe. En ce cas
Voici comme je détermine cette direction. Soit un
corps P qu’il faut mouvoir fur un plan horifontal
A B (fig. 3^9. Médian. n°. 2.), au moyen d’une force
donnée A , 8c foit C P la direction dans laquelle on
fait agir cette puiffance ; foit prife C P = 1 , & foient
menées P D parallèle au plan 8c CD perpendiculaire
à P D , foit C D h z x ; donc P D = y/ i —x x ,
il eft évident que l’effort de la puiffance A pour
mouvoir lé corps peut s’exprimer par A y/ i — x x ;
& fuppofant le frottement à la preflion dans le rapport
donné de m à n , la réfiftance qui en réfulte fera
~ P — ^ A x 3 puifque l’effort D C que fait la puiffance
A s’employé à diminuer la preflion qu’exerce
le corps fur le plan ; donc le corps P eft mis èn mouvement
par une force A y/s — x x f ^ P + ~ - A x ;
8c fi la direction P C eft la plus avantageufe , cette
iquantité doit être un maximum j donc - d x — — À—
Ton» V U . ” . Ÿ' l ~”
Ainfi le finus de l’angle que
doit faire la direction de la puiffance avec le plan
pour agir avec le plus d’avantage, doit être non pas
zéro, maïs “ I z z n .S i l ’on fuppofe avecM. Amon-*
tons " = } , on a * ■ B S I & l’angle CPD d’en-
viron i8 d
30. Si l’on aVoit une théorie exaCte des lois dü
r frottement, on n’auroit pas befoin d’en faire abftrad-*
tion dans phifieurs beaux problèmes de Méchaniq
que, comme ceux de la brachyftochrone, de là
courbe ifochrone paracerttrique, des tautochrones
8c beaucoup d’autres. J’ai fait un effai du problème
des tautochrones, foit dans le vuide, foit dans tm
milieu qui réfifte comme le quarré des vîteffes, 8c
dans un milieu qui réfifte infiniment peu , fuivant
une fonction quelconque des vîteffes, en y confidérant
aufli le frottement; 8c j’ai eu le plaiflr de retrouver
encore pour tautochrone une portion de cÿdoï-*
d e, qui devient la demi-cycloïde, lorfque le frottement
eft nul. Comme l’académie devant qui j’ai eii
l’honneur de lire la folution de ces problèmes, l’a jugée
digne d’être impriméejians le volume de fes cor-
refpondans, j’y renvoie Ceux qui fe feront plaifir dé
vo irie détail du calcul. Cet article ejl de M. Ne c k er
le fils , citoyen de Genève, & cûrrefpondant de Pacadé-,
mie royale des Sciences de Paris.
Fr o t t em e n t , (Hydt.) Outre lès caufus de/rat-
tementcommunes à toutes les machines, comme celles
qui proviennent de l’engrenage des roues, &c. i'I
fe fait dans les pompes un frottement contre les parois
d’un tuyau où l’eau paffe, dans les paffages des fou-
papes, des robinets, dans les coudes 81 jarrets des
conduites, dans la fouche d’un je t , 8c dans la platine
d’un ajutage. Le canon d’une jauge n’en eft pas même
excepté, ainfi que l’épaiffeurde la cloifonqui eft
dans la cuvette.
Quant aux ertgrénages des roues dans les tenter-'
nés, on en rend le mouvement plus doux en les graif-
fant avec dü favon noir, ce qui les fait encore durer
davantage. Pour les crapaudines, les boulons, les!
torillons, les bielles, 8c autres pièces, on les frotte
d’huile.
On ne peut éviter le frottement qui fe fait contre
les parois d’un tuÿau, fur-tout dans les coudes 8c
jarrets des conduites tournantes, qu’en interrompant
le diamètre ordinaire de la conduite pour y mettre
deux ou trois toifes de fuite de plus gros tuyaux, &c
reprendre enfuite le diamètre de la conduite. Les ouvertures
des foupapes 8c robinets fujettes aux étran-
glemens, fe peuvent encore éviter en y employant
des foupapes 8c des robinets d’un plus grand diamètre.
La fouche d’un jet fera tenue aufli plus groffe
8c la platine de l’ajutage la plus mince qu’il fe
pourra.
On peut éviter plus de la moitié du frottement
les jauges, en n’y mettant point de canons, 8c laif-
fant couler l’eau par les ouvertures faites dans la platine
qui fera des plus minces.
Il n’y a point de frottement pareil à celui qui fefait
dans les fourches trop menues d’une machine hydraulique
à trois corps de pompe ; ,1e remede à cet
étranglement, eft de donner à chaque fourche un
diamètre égal à chaque corps de pompe, ainfi qu’au
tuyau montant. Foye^ P o m p e . (K)
F r o t t e m e n t , (Horlogerie.) L’Horlogerie eft de
tous les arts celui .qui préfente fur le frottement les
plus grands 8c les plus finguliers phénomènes ; car
dans tous les arts, excepté l’Horlogerie, les frottement
n’agiffent que comme réfiftance, ou cofnme
obftades au mouvement des corps appliqués les uns