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peuples : rien ne peut dégrader un gouvernement qu’-
nne violence ouverte 6c aCluelle , loit dans Ion eta-
büflement, foit dans fon exercice, je veux dire l’u-
Jfurpation & la tyrannie. Voye^ Usurpation &
T yrannie.
Mais la queftion qui partage le plus les efprits, eft
de déterminer quelle eft la meilleure forme de gouvernement.
Depuis le confeil tenu à ce lu jet par les
fept grands de Perles jufqu’à nos jours, on a jugé di-
verfement cette grande queftion, dilcutée jadis dans
Hérodote, 6c on l'a prefque toujours décidée par un
goût d’habitude ou d’inclination, plutôt que par un
goût éclairé & réfléchi.
Il eft certain que chaque forme de gouvernement
a fes avantages 6c les inconvéniens , qui en font
ânféparables. Il n’eft point de gouvernement parfait
fur la terre ; & quelque parfait qu’il paroifle dans
la fpéculation, dans la pratique 6c entre les mains
des hommes il fera toûjours accompagné d’inftabi-
lité , de révolutions & de viciflîtudes : enfin le meilleur
fe détruira , tant que ce leront des hommes qui
gouverneront des hommes.
On pourroit cependant répondre en général à la
queftion propofée , que c ’eft dans un tempérament
propre à réprimer la licence, fans dégénérer en op-
preflïon , qu’il faut prendre l’idée de la meilleure
forme de gouvernement. Tel fera celui qui fuyant les
extrémités, pourra pourvoir au bon ordre, aux be*
foins du dedans & du dehors , en laiflant au peuple
des fûretés fuffiiantes qu’on ne s’écartera pas de
cette fin.
Le légiflateur de Lacédémone voyant que les trois
fortes de gouvernemens fimples avoient chacun de
grands inconvéniens ; que la monarchie dégénérait
ailément en pouvoir arbitraire, l’ariftocratie en un
gouvernement injufte de quelque particulier, & la
démocratie en une domination aveugle 6c lans réglés
; Lyc-urgue, dis-je, crut devoir taire entrer ces
trois foi tes de gouvernemens dans celui de fa patrie,
& lès fondre, pour ainfi dire, en un feul, en
forte qu’ils fe ferviflent l’un à l’autre de balance 6c
de contre-poids. Ce fage mortel ne te trompa pas,
du-moins nulle république n'a contervé fi long-teins
fes lois, fes ufages 6c fa liberté, que celle de Lacédémone.
Il y a dans l'Europe un état extrêmement florif-
fant, où les trois pouvoirs font encore mieux fondus
que dans la république des Spartiates. La liberté politique
eft l’objet direft de la conftitution de cet é tat,
o u i, félon toute apparence , ne peut périr par les
defordres du dedans, que lorlquela puitfance légif-
la ti ve fera plus corrompue que l’exécutrice.Eerionne
n’a mieux développé le beau lylième du gouvernement
de l’état dont je parle, que l’auteur de i’ejprit
des lo is.
Au refte il eft très-néceflaire d’obferver que tout
gouvernement ne convient pas egalement à tous les
peuples ; leur forme doit dépendre infiniment du local
, du climat, ainfi que de l’efprit, du génie, du
cara&ere de la nation, & de Ion étendue.
Quelque forme que l’on préfère, il y a toûjours
«ne première fin dans tout gouvernement, qui doit
être prile du bien général de la nation ; 6l fur ce
piinc.pe le meilleur des gouvernemens eft celui qui
fait le pius grand nombre d’heureux. Quelle que loit
la forme du gouvernement politique, le devoir de
quiconque en eft chargé, de quelque maniéré que
ce foit, eft de travailler à rendre heureux les fu-
jets , en leur procurant d’un côté les commodités
de la v ie , la fûreté 6c la tranquillité ; 6c de l’autre
tous les moyeus qui peuvent contribuer à leurs vertus.
La loi fouveraine de tout bon gouvernement eft
le bien public, faluspopu/i, fuprema lex ejlo : aufli
dans le partage où l’on eft lur les formes du gouver- \
nement, on convient de cette derniere vérité d’une
voix unanime.
Il eft fans doute important de rechercher, en partant
d’après ce principe , quel feroit dans le monde
le plus parfait gouvernement qu’on pût établir, quoique
d’autres lervent aux tins de la fociété pour laquelle
ils ont été formés ; & quoiqu’il ne. loit pas
aufli facile de fonder un nouveau gouvernement, que
de bâtir un vaifleau lur une nouvelle théorie le lu-:
jet n en eft pas moins un des plus dignes de notre
curiolité. Dans le cas même où la queftion lur la
meilleure forme de gouvernement feroit décidée par
le contentement umverfel des politiques , qui lait
fi dans quelques fiecles il ne pourroit pas fe trouver
une occalion de réduire la théorie en pratique ,
loit par la dilioiutiou d’un ancien gouvernement, loit
par d’autres évenemens qui demanderoient qu’on
établît quelque p-irt un nouveau gouvernement ? Dans
tous les cas il nous doit être avantageux de connoî-
tre ce qu’il y a de plus parfait dans lefpece, afin de
nous mettre en état de rapprocher autant qu’il eft
poflible toutes conftitutions de gouvernement de ce
point de perfeftion , par de nouvelles lois , par des
altérations imperceptibles dans celles qui régnent,
6c par des innovations avantageufes au bien de la
lociété. La fuccelîion des fiecles a fervi à perfectionner
plulieurs arts 6c plufieurs fciences ; pourquoi ne
ferviroit-elie pas à perfectionner les différentes fortes
de gouvernemens , 6c à leur donner :a meilleure
forme ?
Déjà par des principes éclairés & des expériences
connues , on éviteroit dans une nouvelle conftitution
ou dans une réforme de gouvernement, tous les
défauts palpables qui s’oppotent ou qui ne manque-
roient pas de s oppoler à fon accroiffement, à fa
force & à fa proipérité.
Ce feroit des defauts dans un gouvernement, fi les
lois 6c les coutumes d"un état n’étoient pas conformes
au naturel du peuple, ou aux qualités 6c à la fi-
tuaiion du pays. Pur exemple, fi les lois tendoienfi
a tourner du cote des armes un peuple propre aux
arts de la paix; ou fi ces mêmes lois négligeoient
d’encourdg«.r, d’honorer le commerce 6c les manufactures
, dans un pays fitné favorablement pour en
retirer un grand profit. Ce feroit des défauts dans un
gouvernement, fi la conftitution des iois fondamentales
n’étoit avantageufe qu’aux gi ands ; fi elle tendoit
a rendre l’expédition des affaires également lente 6c
difficile. Telles lont les lois à réformer en Pologne ,
o ù , d’un côté., celui qui a tué un payfan, en eft
quitte pour une amende ; & où d’un autre côté, l’op-
pofition d’un feul des membres de l’aflemblée rompt
la diete, qui d’aifleurs eft bornée à un teins trop
court pour l’expédition des affaires. Enfin (car je
n’ai pas le deflein de faire la fatyre des états) partout
où fe trouveroient desréglemens 6c des ufages
contraires aux maximes capitales de la bonne politir
que, ce feroit des défauts confidérables dans un gouvernement;
6c fi par malheur on pouvoit colorer ces
défauts du prétexte fpécieux de la religion, les effets
en feroient beaucoup plus funeftes.
Ce n’eft pas affez que d’abroger les lois qui font
des défauts dans un état, il faut que le bien du peuple
foit la grande fin du gouvernement. Les gouverneurs
font nommés pour la remplir; 6c la conftitution civile
qui les revêt de ce pouvoir, y eft engagée par
les lois de la nature , 6c par la loi de la railon, qui a
déterminé cette fin dans toute forme de gouvernement
, comme le mobile de fon bonheur. Le plus
grand bien du peuple, c’eft fa liberté. La liberté eft
au corps de l’état, ce que la fanté eft à chaque individu
; fans la fanté, l’homme ne peut goûter de plai-
fir; fans la liberté, le bonheur eft banni des états.
Un gouverneur patriote verra donc que le droit de
défendre,
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défendre St de maintenir la liberté, eft le plus facre
de fes devoirs. . . . . , I , a.
Enfuite le foin principal dont il doit s occuper, elt
de travailler à prévenir toutes les trilles caules de la
diffolution des gouvernemens ; 6c cette diflolution
peut fe faire par les defordres du dedans, & par la
Violence du dehors.
i°. Cette diflolution du gouvernement peut arriver,
lorfque la puiflance légiflative eft altérée. La puif-
fance légiflative eft l’ame du corps politique ; c eft
de -là que les membres de l’état tirent tout ce qui
leur eft néceffaire pour leur confervation, pour leur
union 6c pour leur bonheur. Si donc le pouvoir le-
giflatif eft ruiné, la diffolution 6c la mort de tout le
corps politique s’enfuivent. .
2.°, Un gouvernement peut fe diffoudre, lorlque celui
qui a la puiflance fuprème 6c exécutrice abandonne
fon emploi, de maniéré que les lois déjà faites
ne puiffent être miles en exécution. Ces lois ne font
pas établies pour elles-mêmes ; elles n ont été don-
nées que pour être les liens de la fociete, qui contint*
fent chaque membre dans fa fonction. Si les lois cef-
fent, le gouvernement ceffe en même téms, 6c le peuple
devient une multitude confufe, fans ordre & fans
frein ; quand la juftice n’eft plus adminiftree ,6 c que
par conléquent les droits de chacun ne font plus en
fûreté , il ne refte plus de gouvernement. Dès que les
lois n’ont plus d’exécution, c’eft la même chofe que
s’il n’y en avoit point ; un gouvernement lans lois, eft
un myftere dans la politique, inconcevable à l’efprit
de l’homme, 6c incompatible avec la fociété hu-
3°. Les gouvernemens peuvent fe diffoudre quand
la puiflance légiflative ou exécutrice agiflent par la
force, au-delà de l’autorité qui leur a été commue,
ôc d’une maniéré oppofée à la confiance qu on a pri-
fe en elles : c’eft ce qui arrive, par exemple, lorftjue
ceux qui font revêtus de ces pouvoirs , envahirent
les biens des citoyens, 6c fe rendent arbitres abfo-
lusdes chofes qui appartiennent en propre à la communauté
, je veux dire de la v ie , de la liberté, & des
richeffes du peuple. La raifon pour laquelle on entre
dans une fociété politique, c eft afin de confer-
ver fes biens propres ; & la fin pour laquelle on revêt
certaines perfonnes de l’autorité légiflative & de
la puiflance exécutrice, c’eft pour avoir une pun-
fance & des lois qui protègent 6c conlervent ce qui
appartient en propre à toute la fociété.
S’il arrive que ceux qui tiennent les renes du gouvernement
trouvent de la réfiftance, lorfqu ils fe lervent
de leur pouvoir pour la deftruCtion , 6c non
pour la confervation des chofes qui appartiennent
en propre au peuple, ils doivent s’en prendre à eux-
mêmes , parce que le bien public 6c l’avantage de
la fociété font la fin de l’inftitution d’un gouvernement.
D ’où réfulte néceffairement que le pouvoir
ne peut être arbitraire , 6c qu’il doit être exerce
fuivant des lois établies , afin que le peuple puiffe
connoître fon devoir, 6c fe trouver en lïireté à l’ombre
des lois ; 6c afin qu’en même tems les gouverneurs
foient retenus dans de juftes bornes,^ & ne
foient point tentés d’employer le pouvoir qu ils ont
en main, pour faire des chofes nuifibles à la fociete
politique. / A . , *:rA
4°. Enfin une force étrangère, prevue ou imprévue,
peut entièrement difloudre une fociete politique ;
quand cette fociété eft difloute par une force étrangère,
il eft certain que fon gouvernement ne fauroit fub-
lifter davantage.Ainft l’épée d’un conquérant renver-
fe, confond, détruit toutes chofes; 6c par elle la focié-
• té 6c le gouvernement font mis en pièces, parce que
ceux qui font fubjugués, font privés de la protection
de ce gouvernement dont ils dépendoient, 6c qui étoit
ment, que lorfque la fociété eft difloute, le gouver*
nement ne fauroit fubfifter : il eft aufli impoflible que
le gouvernement fubfifte alors, qu’il l’eft que la ftruc*
ture d’une maifon fubfifte, après que les matériaux
dont elle avoit été conftruite, ont été féparés les
uns des autres par un ouragan, ou ont été confondus
pêle-mêle en un monceau, par un tremblement
de terre.
Indépendamment de ces malheurs, il faut convenir
qu’il n’y a point de Habilité abfolue dans l’humanité
; car ce qui exifte immuablement, exifte nécel-
fairement, & cet attribut de l’Etre fuprème ne peut
appartenir à l’homme ni à fes ouvrages. Les gouvernemens
les mieux inftitués, ainfi que les corps des
animaux les mieux conftitués, portent en eux le
principe de leur deftruCtion. Etabliffez avec Lycurgue
les meilleures lois ; imaginez avec Sidney les
moyens de fonder la plus fage république ; faites
avec Alfred qu’une nation nombreufe trouve fon
bonheur dans une monarchie, tout cela ne durera
qu’un certain tems. Les états après s’être accrus 6c
aggrandis, tendent enfuite à leur décadence 6c à
leur diflolution : ainft la feule voie de prolonger la
durée d’un gouvernement floriflfant, eft de le ramener
à chaque occafion favorable, aux principes fur lef-
quels il a été fondé. Quand ces occafions fe préfen-
tent fouvent§ 6c qu’on les faifit à-propos, les gouvernemens
font plus heureux 6c plus durables ; lorfque
ces occafions arrivent rarement, ou qu’on en profite
mal, les corps politiques fe deffechent, fe fannent,
6c périflent. Article de M. le Chev. DE J AU COU RT.
Gouvernement militaire, ( A r tm ilit. ) c’eft
le commandement fouverain 6c la difpofition de
tout le pouvoir militaire d’une nation par terre 6c
par mer. Voye{ Gouvernement. ( Q )
Gouvernement, ( Marine. ) c’eft la conduite
du vaifleau. Le maître 6c le pilote ne font pas réf-
ponfables de la force des courans ni des vents contraires
, mais ils le doivent être de la manoeuvre 6c
du mauvais gouvernement. ( Z )
G O U V E R N E R , v . a£t. terme de Grammaire. If
ne fuffit pas, pour exprimer une penfée, d’accumuler
des mots indiftinftement : il doit y avoir entre
tous ces mots une corrélation univerfelle qui con-
courre à l’expreflion du fens total. Les noms appel-
latifs, les prépofitions, & les verbes relatifs, ont
effentiellement une lignification vague 6c générale ,
qui doit être déterminée tantôt d’une façon, tantôt
d’une autre, félon les conjonctures. Cette détermination
fe fait communément par des noms que l’on
joint aux mots indéterminés, 6c qui, en conféquen-
ce de leur deftination , fe revêtent de telle ou telle
forme, prennent telle ou telle p lace, fuivant l’ufage
6c le génie de chaque langue.
Or ce font les mots indéterminés qui, dans le langage
des Grammairiens gouvernent ou régijfent les
noms déterminans. Ainfi les méthodes pour apprendre
la langue latine difent, que le verbe aCtif gouverne
l’accufatif : c’eft une expreffion abrégée, pour
dire, que quand on veut donner à la lignification
vague d’un verbe a û if , une détermination fpéciala
tiree de l’indication de l’objet auquel s’applique I’a-
ûion énoncée par le verbe, on doit mettre le nom
de cet objet au cas accufatif, parce que l’ulàge 3
deftiné ce cas à marquer cette forte de lervice.
C ’eft une métaphore prife d’un ufage très-ordinaire
de la vie civile. Un grand gouverne fes dôme-
ftiques, 6c les domeftiques attachés à fon fervice lui
font fubordonnés ; il leur fait porter fa livrée , le
public la reconnoît 6c décide au coup-d’oeil, que tel
homme appartient à tel maître. Les cas que prennent
les noms déterminatifs font de même une forte de
livrée ; c’eft par-là que l’on juge que ces noms font,
pour ainfi dire- attachés au fervice des mots qu’ils
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