ter plus loin d’une lieue. Il n’y a que le corps du
crand-feigneur défunt qui en foit excepté.
Les Turcs font periuadés qu'au moment que l ame
quitte le corps, les anges la conduifent au lieu où il
3oit être inhumé, & l’y retiennent pendant 40 jours
dans l’attente de ce corps ; ce qui les engage à le
tranfporter au plus vite au lieu de la fepulture, afin
de ne pas faire languir l’ame. Quelques-uns prétendent
que les femmes & filles n’affiftent point au conv
o i , mais demeurent à la maifon pour préparer à
manger aux imans, qui après avoir mis le corps
dans le tombeau, reviennent pour faire bonne chei e ,
& recevoir dix alpres qui lont leur rétribution ordinaire.
}
Auffi-tôt que le deuil eft fini autour du mort & qu -
on l’a enfeveli, on le porte fur les épaules au lieu
deftiné à hi fépulture, l'oit dans les cimetières lïtués
Lors des villes, s’il eft pauvre, foit au cimetiere des
mofquées, à l’entrée defquelles on le porte s il eft
riche, & à l’entrée defquelles les imans font des prières
qui ne conliftent qu’en quelques complaintes 8c
dans le récit de certains vers lugubres qui font répétés
motpour mot par ceux qui accompagnent le convo
i , & qui fuivent couverts d’une pièce de drap gris
ou de feutre pendante devant & derrière.
Arrivés au tombeau, les Turcs tirent le mort du
cercueil, &: le defcendent dans la folle avec quelques
fentences de l’alcoran. On ne jette point la ter-
Te immédiatement fur le corps, de peur que fa pe-
fanteur ne l’incommode ; pour lui donner un peu
d’air, on pofe de longues pierres en-travers, qui forment
une efpece de voûte fur le cadavre, enforte qu’il
y eft enfermé comme dans un coffre. Les cris & les
lamentations des femmes celfent aulîi-tôt après l’inhumation.
Une mere peut pleurer fon fils jufqu’à
trois fois ; au-delà elle peche contre la loi.
Les funérailles du Sultan font accompagnées d’une
majefté lugubre. On mene en main tous les chevaux
avec les felles renverfées, couverts de houffes de velours
noir traînantes jufqu’à terre. Tous fes officiers,
tant ceux duferrail que ceux de la garde, folaks,
janniffaires & autres, y marchent en leur rang. Les
mutaféracas précèdent immédiatement le corps, armés
d’une lance, au bout de laquelle eft le turban
de l’empereur défunt, & portant une queue de cheval.
Les armes du prince & fes étendarts traînent
par terre. La forme du cercueil eft celle d’un chariot
d’armes ; il eft couvert d’un riche poîle fur lequel
eft pofé un turban, & lorfque fon corps eft une
■ fois dépofé dans le tombeau, un iman gagé pour y
tire l’alcoran a foin de le couvrir tous les jours, fur-
tout le vendredi, de tapis de drap fur lefquels il place
ce que le feu empereur avoit coûtume de porter
de fon vivant, comme fon turban, &c. Guer, moeurs
& ufag. des Turcs, tom. 1. (G)
F u n é r a il l e s des Chinois. Ils lavent rarement leurs
morts ; mais ils revêtent le défunt de fes plus beaux
habits, & le couvrent des marques de fa dignité ; en-
fuite ils le mettent dans le cercueil qu’on lui a acheté
, ou qu’il s’étoit fait conftruire pendant fa vie ; car
ils ont grand foin de s’en pourvoir long-tems avant
que d’en avoir befoin. C ’eft auffi une des plus fé-
rieufes affaires de leur v ie , que de trouver un endroit
qui leur foit commode après leur mort. Il y a des
chercheurs de fépulture de profeffion ; ils courent les
montagnes ; & lorfqu’ils ont découvert un lieu où il
régné un vent frais & fain, ils viennent promptement
en donner avis aux gens riches qui accordent
quelquefois à leurs foins une récompenfe exceflive.
Les cercueils des perfonnes aifées font faits de
groffes planches épaiffes d’un demi-pié & davanta-
e ; ils lont fi bien enduits en-dedans de poix & de
itume, & fi bien verniffés en-dehors, qu’ils n’exhalent
aucune mauvaife odeur : on en voit qui font
cifelés délicatement, & couverts de dorure. Il y a
des gens riches qui employent jufqu’à mille écus
pour avoir un cercueil de bois précieux, orné de
quantité de figures.
Avant que de placer le corps dans la bierré, 011
répand au fond un peu de chaux ; & quand le corps
y eft placé, on y met ou un couffin ou beaucoup de
coton, afin que la tête foit folidement appuyée, &
ne remue pas ail'ément. On met auffi du coton ou autres
choies l'emblables, dans tous les endroits vuides,
pour le maintenir dans la lituation où il a été mis. 1
Il eft défendu aux Chinois d’enterrer leurs morts
dans l’enceinte des villes 8c dans les lieux qu’on habite
; mais il leur eft permis de les conferver dans
leurs maifons , enfermés dans des cercueils ; ils les
gardent plufieurs mois 8c même plufieurs années
comme en dépôt, fans qu’aucun magiftrat puifle les
obliger de les inhumer. Un fils vivroit fans honneur,
fur-tout dans là famille, s’il ne fail'oit pas conduire
le corps de fon pere au tombeau de fes ancêtres, &
onrefuferoit de placer fon nom dans la faite où on
les honore : quand on les tranfporte d’une province à
une autre : il n’eft pas permis, fans un ordre de l’empereur,
de les faire entrer dans les villes, ou de lès
faire palier au-travers ; mais on les conduit autour
des murailles.
La cérémonie folennelle que les Chinois rendent
aux défunts, dure ordinairement fept jours, à-moins
que quelques rail'ons effentielles n’obligent de fe contenter
de trois jours. Pendant que le cercueil eft ouvert
,tous les parens 8c les amis, qu’on a eu foin
d’inviter, viennent rendre leurs devoirs au défunt j
les plus proches parens relient même dans la maifon.
Le cercueil eft expofé dans la principale falle ,
qu’on a parée d’étoffes blanches qui font fouvent entremêlées
de pièces de foie noire ou violette, & d’autres
ornemens de deuil. On met une table devant le
cercueil. L ’on place fur cette table l’image du défunt,
ou bien un cartouche qui eft accompagné de chaque
côté de fleurs, de parfums,& de bougies allumées.
Ceux qui viennent faire leurs complimens de condoléance
faluent le défunt à la maniéré du pays.
Ceux qui étoient amis particuliers accompagnent
ces cérémonies de gémiffemens & de pleurs, qui fe
font entendre quelquefois de fort loin.
Tandis qu’ils s’acquittent de ces devoirs , le fils
aîné accompagné de fes fferes, fort de derrière le
rideau qui eft à côté du cercueil, fe traînant à terre
avec un vifage fur lequel eft peinte la douleur, 8c
fondant en larmes, dans un morne 8c profond filen-
ce ; ils rendent le falut avec la même cérémonie qu’on
a pratiquée devant le cercueil : le même rideau
cache les femmes, qui pouffent à diverfes reprifes les
cris les plus lugubres.
Quand on a achevé la cérémonie, on fe leve ; un
parent éloigné du défunt, ou un ami, étant en deuil,
fait les honneurs ; 8c comme il a été vous recevoir
à la porte , il vous conduit dans un appartement où
l’on vous préfente du thé , & quelquefois des fruits
fecs, & femblables rafraîchiflemens : après quoi il
vous accompagne jufqu’à votre chaife.
Lorfqu’on a fixé le jour des obfeques, on en donne
avis à tous les parens & amis du défunt, qui ne manquent
pas de fe rendre au jour marqué. La marche dii
convoi commence par ceux qiti portent différentes
ftatues de carton, lefquelles reprclentent des efcla-
v e s , des tigres, des lions, des chevaux, &c. diverfes
troupes fuivent 8c marchent deux à deux ; les uns
portent des étendarts, des banderolles, ou des caffo-
lettes remplies de parfums: plufieurs jouent des airs
lugubres lur divers inftrumens de Mufique.
Il y a des endroits où le tableau du défunt eft élevé
au-deffus de tour le refte ; on y voit écrits en gros
cara&eres d’or fon nom & fa dignité. Le cercueil pa?
roït enfuite , couvert d’un dais en forme de dôme ,
qui eft entièrement d’étoffe de foie violette , avec
des houpes de foie blanche aux quatre coins , qui
font brodées 8c très-proprement entrelacées de cordons.
La machine dont nous parlons, 8c fur laquelle
on a pofé le cercueil, eft portée par foixante-quatre
perfonnes ; ceux qui ne font point en état d’en faire
ia dépenfe, fe fervent d’une machine qui n’exige pas
un fi grand nombre de porteurs. Le fils aîné à la tête
des autres enfans 8c des petits-fils, fuit à pié, couvert
d’un fac de chanvre, appuyé fur un bâton, le corps
tout courbé, 8c comme accablé fous le poids de fa
douleur.
On voit enfuite les parens 8c les amis tous vêtus
de deuil, 8c un grand nombre de chaifes couvertes
d’étoffe blanche, où font les filles, les femmes, 8c
les efclaves du défunt, qui font retentir l ’air de leurs
cris.Q
uand on eft arrivé au lieu de la fépulture, on
voit à quelque diftance de la tombe des tables rangées
dans des falles qu’on a fait élever exprès ; 8c
tandis que les cérémonies accoutumées fe pratiquent,
les domeftiques y préparent un repas, qui fert enfuite
à régaler toute la compagnie.
Quelquefois après le repas, les parens & les amis
fe profternent de nouveau, en frappant la terre du
front devant le tombeau. Le fils aîné 8c les autres
enfans répondent à leurs honnêtetés par quelques lignes
extérieurs, mais dqns un profond filence. S ’il
s^agit d’un grand feigneur, il y a plufieurs appartenons
à fa fépulture ; & après qu’on y a porté le cercueil
, un grand nombre de parens y demeurent un
& même deux mois , pour y renouveller tous les
jours avec les.enfans du défunt les marques de leur
douleur. (JD. /.)
F u n é r a il l e s des fauvages d'Amérique. « Parmi
» les peuples d’Amérique, dit le P. de Charlevoix ,
» fitôt qu’un malade a rendu les derniers foupirs, tout
» retentit de gémiffemens ; & cela dure autant que la
» famille eft en état de fournir à la dépenfe ; car il
t* faut tenir table ouverte pendant tout ce tems-là.
» Le cadavre paré de fa plus belle robe , le vifage
» peint, fes armes & tout ce qu’il poffédoit à côté de
» lu i , eft expofé à la porte de la cabanne, dans la
« pofture qu’il doit avoir dans le tombeau ; & cette
» pofture, en plufieurs endroits, eft celle où l’enfant
» eft dans le fein de fa mere. L’ufage de quelques na-
» tions eft que les parens du défunt jeûnent jufqu’à la
» fin des funérailles ; 8c tout cet intervalle fe paffe
» en pleurs, en éjulations, à régaler tous ceux dont
» on reçoit la vifite, à faire l’éloge du mort, & en
» complimens réciproques. Chez d’autres,on loue des
» pleureufes, qui s’acquittent parfaitement de leur
» devoir ; elles chantent, elles danfent, elles pleu-
» rent fans ceffe, & toûjours en cadence : mais ces
» démonftrations d’une douleur empruntée ne pré-
» judicient point à ce que la nature exige des parens
» du défunt.
» O u porte, fans aucune cérémonie le corps au
» lieu de fa fépulture : mais quand il eft dans la foffe ,
» on a foin de le couvrir de maniéré que la terre ne
h le touche point : il y eft dans une cellule toute tapif-
» fée de peaux ; on dreffe enfuite un poteau où l’on atr
» tache tout ce qui peut marquer l’eftime qu’on fai-
» foit du mort, comme fon portrait , &c. . . . On
» y porte tous les matins de nouvelles provifions ;
» & comme les chiens & d’autres bêtes ne manquent
» point d’en faire leur profit, on veut bien fe perfua-
» der que c’eft l’ame du défunt qui y eft venue pren-
» dre la réfeélion.
» Quand quelqu’un meurt dans le tems de la chaffe,
» on expofe fon corps fur un échafaut fort élevé, 8c
>> il y demeure jufqu’au départ de la troupe qui l’em-
» porte avec elle au village. Les corps de ceux qui
» meurent à la guerre font brûlés, 8c leurs cendres
» rapportées pour être mifes dans la fépulture de
» leursperes. Ces fépultures, parmi les nations les
» plus fédentaires , font des efpeces de cimetières
» près du village : d’autres enterrent leurs morts dans
» ies bois au pié des arbres} ou les font fecher & les
» gardent dans des caiffes jufqu’à la fête des morts.
» On obferve en quelques endroits, pour ceux qui
» fe font noyés ou qui font morts de froid, un céré-
» monial affez bifarre. Les préliminaires des pleurs,
» des danfes, des chants, & des feftins, étant ache-
» y é s , on porte le corps au lieu de la fépulture ; ou,
» fi l’on eft trop éloigné de l’endroit où il doit de-
» meurer en dépôt jufqu’à la fête des morts, on y
» creufe une foffe très-large, & on y allume du feu ;
» de jeunes gens s’approchent enfuite du cadavre ,
» coupent les chairs aux parties qui ont été crayon-
» nées par un maître des cérémonies, & les jettent
» dans le feu avec les vifeeres ; puis ils placent le
» cadavre ainfi déchiqueté dans le lieu qui lui eft
» deftiné. Durant cette opération, les femmes , 8c
» fur-tout les parentes du défunt, tournent fans cef-
» fe autour de ceux qui travaillent ; les exhortent à
» bien s’acquitter de leur emploi ; & leur mettent des
» grains de porcelaine dans la bouche, comme on y
» mettroit des dragées à des enfans pour les engager
» à quelque chofe qu’on fouhaiteroit d’eux ».
L’enterrement eft fuivi de préfens qu’on fait à la
famille affligée ; 8c cela s’appelle couvrir le mort : on
fait enfuite des feftins accompagnés de jeux & de
combats, où l’çrn propofe des prix ; & là , comme
dans l’antiquité payenne, une a&ion toute lugubre
eft terminée par des chants & des cris de viâoire.
Le même auteur rapporte que chez les Natchez,'
une des nations fauvages de la Loüifianne, quand
une femme chef, c’eft-à-dire noble, ou de la race du
foleil, meurt, on étrangle douze petits enfans 8c
quatorze grandes perfonnes, pour être enterrés avec
elles. Journ. d'unvoyag.d?Amériq. (G)
F u n é r a il l e s des Mijîlimakinaks. Il y a d’autres
fauvages de l’Amérique qui n’enterrent point leurs
morts, mais qui les brûlent ; il y en a même, divifés
en ce qu’ils nommentfamilles, parmi lefquelles eft la
prérogative attachée à telle famille uniquement, de
pouvoir brûler fes morts , tandis que les autres familles
font obligées de les enterrer : c’eft ce qu’on voit
chez les Mifilimakinaks, peuple fauvage de l’Amérique
feptentrionale de la Nouvelle-France, où la feule
famille du grand Lievre jouit du privilège de brûler
fes cadavres ; dans les deux autres familles qui
forment cette nation, quand quelqu’un de fes capitaines
eft décédé, on prépare un vafte cercueil, où
après avoir couché le corps vêtu de fes plus beaux
habits, on y renferme avec lui fa couverture, fon fu-
fil, fa provifion de poudre & de plomb, fon arc, fes
fléchés, fa chaudière, fon plat, fon caffe-tête , fon
calumet, fa boîte de vermillon, fon miroir, & tous
les préfens qui lui ont été donnés à fa mort ; ils s’imaginent
qu’avec ce cortège, il fera plus aifément
le voyage dans l’autre monde, & qu’il fera mieux
reçû des plus grands capitaines de la nation , qui le
conduiront avec eux dans un lieu de délices. Pendant
que tout cet attirail s’ajufte dans le cercueil, les parens
du mort affilient à cette cérémonie en chantant
d’un ton lugubre, & en remuant en cadence un bâton
où ils ont attaché plufieurs petites fonnettes. (D . J .)
F u n é r a il l e s des Ethiopien.». Lorlque quelqu’un
d’eux vient à mourir, on entend de tous côtes des
cris épouvantables ; tous les voifins s’aflemblentdans
la maifon du défunt, & pleurent avec le^ parens qui
s’y trouvent. On lave le corps mort ; apres l’avoir enveloppé
d’un linceuil de coton, on le met dans un cercueil
, au milieu d’une falle éclairée par des flambeaux
de cire : qh redQublç alors les cris S: les pleurs au fon