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j’ai fait mention plus haut, que ces deux vibrations
ne le feront pas chacune dans un tems éga l,
& qu’ainfi la réunion de ces deux vibrations ne doit
point produire l’o&ave du fon principal, donne par
le point de milieu de la corde : car pour qu on entende
cette o ô a v e , il faut non-feulement que 1 o-
reille foit frappée par deux vibrations dans le meme
tems, il faut de plus que ces deux vibrations
loient chacune d’égale durée. C ’ell pour cela qu’une
corde qui eft la moitié d’une autre , tout le relie
d’ailleurs égal, fait entendre l’oftave du fon que cette
autre produit ; parce que non-feulement la petite corde
fait deux vibrations pendant que la grande en fait
une, mais qu’elle fait une vibration pendant que la
grande en fait la moitié d’une : autrement, fi les vibrations
de la petite corde ne fe faifoient pas dans le
même tems, elle feroit entendre fucceffivement plusieurs
fons dont le mélange ne formeroit qu’un bruit
confus. Concluons donc de ces réflexions , que les
vibrations différentes des différens points de la cor-,
de, ne iuffifent pas pour expliquer la multiplicité de
fons qu’elle produit. Ce n’eft pas tout : fi le point de
milieu delà corde fait une vibration, tandis que le
point de milieu de chaque trochoïde en fait deux, il
eft ailé de voir que les autres points participeront
plus ou moins de la loi du mouvement de ces deux-
là, félon qu’ils en feront plus ou moins proches. Ainfi
à proprement parler, la loi des vibrations de chaque
point fera différente, & chacun devroit produire un
fon particulier, q ui, par fon mélange avec les autres
, ne devroit former qu’une harmoriie confine &
une efpece de cacophonie. Pourquoi cela n’arrive-t-il
pas ? & pourquoi l’oreille ne diitmgue-t-elle dans le
fon de la corde, que ceux qui forment l’accord parfait?
Ilmefembledoncque la théorie de M. Bernoulli
que je viens d’expofer, ne fuftit pas pour expliquer
le phénomène dont il eft queftion ; quoique cette
théorie ingénieufe ait obtenu le fuffrage de M. Euler
lui-même, peu d’accord d’ailleurs, ainfi que moi,
avec M. Daniel Bernoulli fur la nature des courbes
que forme une corde vibrante. . . . ,
D ’autres auteurs expliquent ainfi la multiplicité
des fons rendus par une même corde. Il y a , difent-
ils, dans l’air des parties de différent reffort, différemment
tendues, & qui par conféquent doivent faire
leurs vibrations les unes plus lentement, les autres
plus vite. Quand on met une corde en vibration,
cette corde communique principalement fon mou-
vement-aux parties de l’air qui font tendues au meme
degré qu’elle , 8c qui par conféquent doivent
faire leurs vibrations en même tems ; de maniéré
que ces vibrations commencent & s’achèvent avec
celles de la corde, & par conféquent les favorifent
entièrement 8c conftamment, & en font favorifees de
même. Après ces parties de l’air , celles dont les v ibrations
peuvent le moins troubler celles de la corde,
& en être les moins troublées, font celles qui font
le double de vibrations-dans le même tems, parce
que ces vibrations recommencent de deux en deux
avec celles de la corde. L e mouvement que ces parties
de l’air reçoivent par le mouvement de la corde
doit donc y perfévérer aufli quelque tems, quoique
moins fortement que dans les premières. Par la même
raifon, les parties de l’air qui feroient trois, quatre,
cinq, &c. vibrations dans le même tems, doivent
aufli participer un peu au mouvement de la corde :
mais ce mouvement doit toujours aller en diminuant
de force, jufqu’à ce qu’enfîn il foit infenfible.
Cette hypothèfe eft ingénieufe : mais je demande i° ,
pourquoi on n’entend que des fons plus aigus que le
fon principal : pourquoi on n’entend point l’o&ave
au-deffous, la douzième au-deffous, la dix-feptie-
me majeure au-deffous? Il femble qu’on devroit dans
cette hypothèfe les entendre du moins aufli diftinc-
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tement que les fons au-deffus. Car les parties d’aif
qui font, par exemple, une vibration pendant trois
vibrations de la corde principale, font dans le mê.me
cas par rapport à la concurrence de leurs mouve-
mens, que celles qui font trois vibrations tandis
que la corde en fait une. D ’ailleurs l’expérience prouve
que fi on fait réfonner une corde , 8c qu’on ait
en même tems près d’elle quatre autres cordes tendues
, dont la première foit le tiers, la fécondé le cinquième
de la grande, la troifieme triple, la quatrième
quintuple ; les deux premières de ces cordes ré-
fonneront au bruit de la principale; les deux autres
ne feront que frémir fans réfonner, & fe divife-
ront feulement en frémiffant l’une en trois , l’autre
en cinq parties égales à la première. Or dans l’hy-
pothèfe préfente, il femble que ces deux dernieres
cordes devroient réfonner bien plutôt que les deux
autres. En effet , celles - ci font principalement
ébranlées & forcées à réfonner par des parties d’air
dont les vibrations fe font en trois fois, en cinq fois
moins de tems que celles de la corde principale ; les
deux autres qui fe divifent en parties égales à la corde
principale, font évidemment ébranlées ( je parle
dans l’hypothèfe dont il s’agit) par les parties d’air
dont la vibration eft la plus torte, par celles qui
font à l’uniffon de la corde principale. Pourquoi donc
ne font-elles que frémir, tandis que les autres réfon-
ncnt? Enfin, il me femble que la concurrence plus ou
moins grande des vibrations eft ici un principe abfo-
lumenr illufoire. Pour le montrer, fuppofons d’abord
qu’une corde faffe deux vibrations pendant qu’une
corde double en fait une. Je remarque, ce qu’il eft
très-aifé de voir, que les vibrations ne feront réellement
concourantes, c’eft-à-dire commençantes en
même tems, & fe faifant dans le même f in s , qu’à-
près deux vibrations de la grande corde & quatre de
la petite : ainfi dans le tems que la grande corde fait,
deux vibrations, les vibrations de cette grande corde
i feront moitié troublées par des vibrations contraires,
moitié favorifées par des vibrations dans le même
fens. Prenons maintenant une corde qui faffe cinq vibrations
pendant que la grande en fait une : il eft encore
aifé de voir que les vibrations feront vraiment,
concourantes à la fin d’une vibration de la grande
corde ; & que pendant cette vibration, elle aura
été troublée par deux vibrations contraires de la
petite corde, 8c favorifée par trois vibrations dans le
même fens, & en général troublée pendant la plus petite
moitié des vibrations, 8c favorifée durant la plus
grande moitié. Donc une corde qui fait une vibration
pendant le tems qu’une autre en fait un nombre complet
quelconque, eft (exactement ou à très-peu près)
également troublée 8c également favorifée par celle-
ci , quel que foit ce nombre. Il n’y a donc pas de raifon
, ce me femble , pour que certaines parties d’air
foient plus ébranlées que d’autres par la mouvement
de 1a corde, à l ’exception de celles qui feroient à l’u*
niffon. Ainfi, ou les autres ne feront point ébranlées,
ou elles le feront toutes à-peu-près de même ; 8c il
n’en réfultera qu’un fon fimple ou une cacophonie.
Enfin, quand il y a plufieurs cordes tendues, & qu’on
en fait réfonner une , il femble que fuivant cette,
hypothèfe, celles qui font à l’oCtave devroient moins
frémir 8c moins réfonner que celles qui fon t, par
exemple, à la douzième ou à la dix-feptieme au-deffus;
puifque les vibrations de celles-ci font plus fou-
vent concourantes avec les vibrations de la corde
principale, qu’elles ne lui font contraires ; au lieu
que les vibrations des cordes à l’oftave font aufli
fouvent contraires que concourantes avec les vibra:
tions de la corde principale. Cependant l’expérience
prouve que l’oâave réfonne davantage : donc
Itout ce fyftème porte à faux.
J’ai fuppofé jufqu’ic i, avec les phyfiçieos dont je
parle ,
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parle, qu’en effet les parties de l’air étoient différemment
tendues..11 ne s’agit-pa.s ici d’examiner, fi cette
hypothèfe eft fondée ; fur quoi voyez L'article Son :
il fuffit d’avoir montré qu’elle ne peut fervir à expliquer
d’une maniéré fatisfaifante le phénomène de
la multiplicité des fons rendus par une même corde.
Quoi qu’il en foit, outre l’accord de la douzième
& de la 17e majeure donné par la nature, on a formé
d’autres, accords principaux qui entrent aufli dans la
Mufique, & qui y produifent même beaucoup d’effet
& de variété. On a donné en général, à tous ces accords
le nom de fondamentaux,. parce que tous les au 7
très accords en dérivent, 8c n’en font que des renveiv
{emens. Voyez Accord, Basse continue , & Ren*
versement : 8c.dans chacun de ces accords fondamentaux
, on a appelle f in fondamental le fon. le plus
grave de. l’accord.
. Accords fondamentaux. M. Rouffeau en a
donné la lifte au mot Accobd, fur lequel il ne faut
pas manquer de confulter l’errata du premier vol. imprimé
à la tête du fécond. Sans rien répéter de ce
qu’il a dit à cet article, nous y ajouterons qu’il n’y a
proprement que trois fortes d’accords fondamentaux ;
accord parfait, accord de fixte, accord de feptieme.
Accord parfait. Il eft de, deux fortes, majeur ou
mineur, félon que la tierce eft majeure ou mineure.
L ’accord majeur eft donné immédiatement ou presque
immédiatement par la nature ; immédiatement,
quand il renferme la douzième 8c la dix-feptieme ;
prefque immédiatement, quand il ne renferme-que
la tierce & la quinte , qui en font les oâaves ou-répliqués.
VoyezOctave & Répliqué. Quand cet
accord eft exa&ement conforme à celui .que la nature
donne, c’eft-.à - dire quand il renferme le fon
principal, la douzième 8c la ftix-feptieme majeure,
alors il produit l’effet le plus frappant dont il.foit
fufceptible ; comme dans'le choeur, i’amopr triomphe
dePigmalion. L ’accord mineur, quoiqu’il nefioit pas
donné immédiatement par la nature., & qu’il pa-
roiffe.plutôt l’ouvrage de l’art, eft cependant fort
agréable, Sc fouvent même plus propre que le majeur
à certaines;expreffions , comme celle, de: la ten-
dreffe:, de la trifteffe, &c.
I Accord de fixte. Il y en a de trois fortes. Les deux
premiers s’appellent accords de fixte ajoutée, p\\s fe
pratiquent fur la fous-dominante du; ton. Voy. Sous-
dominante. La fixte y eftbtoiijours majeure, & la
tierce majeure ou mineure, félon que le mode eft
majeur ou mineur. Ces deux accords ne different
donc que par leur tierce. Ainfi dans le ton majeur d’#/,
on pratique für la fous-dominante fa l’accord fa la
ut ré, dont la tierce eft majeure 8c la fixte majeure ;
8c dans le ton mineur de la > on pratique fur ,la\ lbus^
dominante ré l’accord ré fa l.a f i y dont la tierce, eft
mineure, la fixte étant toujours majeure.
Outre ces deux accords, il y en a un autre qui
produit en plufieurs occafions-un très.-bo,n effet; 8c
qui eft pratiqué fur-tout par les. Italiens,; Qn l’appelle
accord de fixte fu p e r fiu éou de fixte italienne.
II eft compofé d’une tierce.majeure, d’une'quarte
fuperflue ou triton, & d’une tierce majeure, en cette 1
forte fa la f i ré Ce n’eft, pas proprement un aticord
de fixte; car dji/à au ré diète , , il y a une vraie
feptieme ; .mais Biffage Ba ainfi nommé, en défisnant
feulement la fixte par l’épithete de fuperflue. Voyez
Superflu & Intervalle. Il paroît très - difficile
de déterminer d’une façon bien nette 8c.bien convaincante
l’origine de cet accord :-en effet comment
afligner d’une maniéré fatisfaifiuite l’origine d’un ac-
cord fondamental qpi renferme tant de diffonances ^
ré % , la f i j la ré j >*£,;& qui pourtantn’en eft
pas moins employé avec fiiçcès , comme l’oreille
peut en juger? Ce qu’on peut imaginer de plus plausible
là-deffus ne 4,’eft guère- VoycrSiXTE s u p e r -
Tome VII, J
F O N 57
flue. On peut regarder cet accord comme renverfé
defir é %Ja La, qui n’eft autre chofe que l’accord
1 f i re fa La, ufité dans la baffe fondamentale, en
confcquence du double emploi ( Vioye^ D o UE le
Emploi) , 8ç dont on a rendu l^i tierce majeure
pour produite l’impreffion du mode de mi par fa
note fenfible ré ^ ; enforte que Bon a pour ainfi dire
à-la-fois 1 impreffion imparfaite de deux modes, dç
celui de la par le double emploi, & de celui de mi
par la note ré % fubftitué au ré? Mais.pourquoi fe
permetron de rendre majeure la tierce dé f i à ré ?
Sur quelles raifons cette transformation eft-elle ap-
; puyée, fur-tout Iorfqu’elle produit deux diffonan-
cés de plus ? D ’ailleurs, fi on en croit M. Rouffeau
>kau mot accord , l’açcord fondamental fa la f i ré ne
• fie renverfe point : peut-on donc le regarder comme
renverfé dé f i ré ^ffa la ? Je m’en rapporte fur cette
queftion .à des lumières fupérieures aux miennes.
On pourroit peut-être dire aufli que l’accord f i
ré % fa la n’eft autre chofe que l’accord de dominante
tonique f i ré fa. ^ la , dans le mode de mi ,
accord dont on a rendu le fa naturel. Cette origine
me paroît encore plus forcée que la précédente.
Mais foit qu’on affigne à cet accord une origine,
foit qu’on ne lui en affigne point, il eft certain qu’on
doit le regarder comme un accord fondamental, puif-
qu’il n’a point de baffe fondamentale : ainfiM.Rouf-
feau, au //«^ Accord > a eu très-grande raifon de
placer parmi les accords fondamentaux, cet-accord
de fixte fuperflue, dont les autres auteurs, françois
n’avoient point fait mention, au moins que je fâche,
& dont j’avoue que j’ignorois l’exiftencé,, quand je
compofai mes élémens de Mufique , quoique M.
Rouffeau en eût déjà parlé. M. de Bethizy, dans im
ouvrage fur la théorie & la pratique de laJVlufigue,
publié en 1754, .dit qu’il ne. fe fou vient point que
Mi Rameau ait parlé de eet acoord dans les ouvrag
e s , quoiqu’il l’ait employé quelquefois, par exemple
dans un choeur du premier a£te de Caftor 8<c Póllux.
M. de Bethizy donne des exemples de l’emploi
de cet accord, dans la baffe continue ; mais il laiffe
en blanc l’accord qui lui répond .dans •la baffe .fondamentale.
Accords de feptieme. Il y . a plufieurs fortes d’ac°
cords de feptieme fondamentaux. Le premier eft formé
d’une tierce majeure & de deux tierces ^mineures,
comme fol f i ré fa ; il fie pratique fur la dominante
de- tons, majeurs 8c mineurs. Voye^ D ominante
, Mode , Harmonie , &c. Le fécond eft
•forpié d’une tierce mineure, d’une tierce, majeure
8c d’une tierce mineure, comme ré fa la ut; il fe
pratique fur la fécondé note des tons majeurs : fur
quoi voye^ l-article D ouble Emploi. Le troifieme
eft formé de deux tierces mineures & d’une tierce
majeure, comme f i ré fa la; il fe pratique fur la faconde
note des tons mineurs: fur quoi voyé^ auff
D ouble Emploi. Le quatrième elt formé d’une
tierce majeure, d’une tierce mineure & d’une tierce
majeure, comme«/ mi fol f i ; il fe pratique fur une
tonique ou autre note , rendue p.ar-ià dominante
imparfaite. Le cinquième, eft appellé accord de fepr
tieme diminuée ; il eft formé de trois tierces mineures
ifo l% f i ré f a ; il fe pratique .fur la note fenfible
.des i tons mineurs. Cet accord n’eft qu’impropre-
ment accord de fieptieme ; car du fo lM au f i il n’y
a qu’une fixte. Cependant Bufage lui a donné-Je nom
de feptieme, en y ajoutant l’épithete de diminuée.
Voyez D iminué .& Intervalle. On peut, avec
M. Rameau, regarder cet accord comme dérivé de
i ’accordr.de la dominante du mode mineur ; réuni à
celui de; la. fous-dominante. Voyez mes élémens de
Mufique ., & la fuite de cet articlè. Mais qu’i l foit
.dérivé ou non de ces deux accords, il eft certain
qu’il a lieu dans la baffe fondamentale, fuivànt M.
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