qu’avant de le faire , on prenne toutes les fûretés
convenables pour que le prince attaque ne Faffe pas
la paix à votre préjudice & fans votre participation.
Pour cet effet, on doit exiger quelques places de
fureté qui puiffent garantir la fidélité du prince auquel
on donne du fecours.
« Que fi., comme il arrive fouvent, dit M. de Feu-
» quieres, la jaloufie que l’on aura fujet de prendre
» d’un prince inquiet Se ambitieux, a formé les al-
» liances dans lefquelles on eft entré, Se qu’on fe
» trouve hors de portée de joindre fes troupes à cel-
» les de l’état attaqué, il faut en ce cas-là îe fecou-
» rir ou par argent qu’on lui fournira, ou par des di-
» verfions dans le pays de l’attaquant, qui le for-
» cent à divifer fes armées, Se qui l’empêchent de
» pouffer fes conquêtes avec trop de rapidité ».
Lorfqu’un prince envoyé un corps de troupes au
fecours d’un autre prince , « le général de fes trou-
» pes doit être fage Se prévoyant, pour maintenir
» la difcipline dans fon corps, de maniéré que le
» prince allié ne faffe point de plaintes contre lui, &
» prévoyant,pour que fes troupes ne tombent dans
» aucun befoin pour les fubfiftanees, Se qu’elles ne
» foient expofées au péril de la guerre qu’avec pro-
» portion de fes forces à celles du prince allié,
. » Se enfin pour qu’il ne fe paffe rien à fon infû
» dans le cabinet du prince allié, qui puiffe être pré-
» judiciable à fon maître ». Mémoires de M. de Feu-
quieres, tome II. pag. 6* fuiv.
De la guerre des fiéges. Quoique nous ayons expo-
fé fort brièvement ce qui concerne les guerres précédentes
, nous ferons encore plus fuccints fur celle
des fiéges.
Nous obferverons feulement qu’on ne doit entreprendre
aucun fiége que lorfqu’on a acquis quelque
fupcriorité fur l’ennemi par le gain d’une bataille
ou d’un combat, ou bien lorfqu’on eft en état en fe
mettant de bonne heure en campagne, de finir le
fiége avant que l’ennemi ait eu le tems d’affembler
une armée pour s’y oppofer. Une armée qui fait un
fiége s’affoiblit toujours beaucoup : par coriféquënt
fi elle eft de pareille force que celle de l’ennemi, elle
devient alors inférieure ; c’eft pourquoi pour éviter
.tout inconvénient à cet égard , il ne faut fe livrer à
ces fortes d’entreprifes, que lorfqu’on peut préfumer
que l’ennemi ne pourra empêcher de les terminer
heureufement.il y a des places dont la difpofition
du terrein des environs eft fi favorable pour une armée
d’obfervation, qu’il eft difficile à l’ennemi, lorfqu’on
y eft une fois établi, de vous y attaquer avec
avantage. Mais comme ces fituations ne font pas ordinaires,
les habiles généraux penfent qu’il faut être
maître de la campagne, pour faire un fiége tranquillement.
On doit avoir pour objet principal à la guerre,
celui de pouffer fon ennemi Se de l’empêcher de pa-
roître ; lorfqu’on y eft parvenu, les fiéges fe font fans
difficulté Se fans inquiétude : à l’égard des différentes
opérations du fiege, voye^ Att aqu e des Pla ces
, Investissement , C ir con v a l la t io n ,
D éfense, Siè g e , T ranchées , &c. .
Avant de finir cet article, obfervons que les fuc-
cès à la guerre dépendent non - feulement du général
, mais encore des officiers généraux qui font fous
fes ordres, & de ceux qui font chargés du détail des
fubfiftanees : fi le général n’en eft pas bien fécondé,
les projets les mieux penfés & les mieux entendus
peuvent manquer dans l’exécution , fans qu’il y ait
aucune faute de fa part : on veut cependant le rendre
refponfable de tout ; Se ce qui eft encore plus firi-
gulier, tout le monde veut s’ingérer de juger de fa
conduite, Se chacun s’en croit capable. Cette manie
n’eft pas nouvelle.
« Il y â des gens, difoit Paul - Émile, qui dâhè les
» cercles & les converfàtioris, & même au milieu
» des repas ; conduifént l'es armées , reglènt lés dé-
» marches du conful, & preferivent toutes les dpé-
» rations de la campagne : ils favent mieux què le
» général qui eft fur les lieux, Où il faut camper Se
» de quel pofte il faut fe faifir, où il eftâ-propdS d’ë-
» tablir des greniers Se des magafins ; pat où, foit par
» terre foit par mer, on peut fâirë veilir des vivres;
» quand il faut en venir aux mains avec I’ehri'èmi, te
» quand il faut fe tenir en repos : & noh- feulement
» ils preferivent ce qu’il y a de meilleur à faire ; mais
» pour peu qu’on s’écarte de leur plan, ils en font un
» crime au conful, & ils le citent à leur tribüHal.
« Sachez, Romains , que cette licence qü^dn fe
» donne à Rome apporte un grand obftacle âü fuc-
» ces de vos armées & au bien public. Tbüs vos
» généraux n’ont pas la fermeté & la confiance de
» Fabius, qui aima mieux voir fon autorité ihliiltee
» par la témérité d’une multitude indiferétte Se irri-
» prudente, que de ruiner les affairés de la rëiiubii-
» que en fe piquant à contre-tems de bravoure pour
» faire ceffer des bruits populairès.
» Je fuis bien éloigné de croire que les généraux
» n’ayent pas befoin de recevoir des avis ; je përi-
» fe au contraire que quiconque veut feul tout con-
» duire par fes feules lumières Se fans confuitèr,
» marque plus de préfomption que de fageffe Q lie
»peut-on donc exiger raifonnablenlent ? c’efi que
» perfonne ne s’ingère de donner dès avis à V6S gérié-
» raux, que ceux premièrement qui font habiles dans
» le métier delà guerre, Se à qui l’expérien'cé a appris
» ce que c’eft que de commander ; & fetOridément
» ceux qui font fur les lieux, qui connoiffent l’enrièriii,
» qui font en état de jugër des différentes conjoric-
» tures, & qui fe trouvant embarqués comme dans
» un même vaiffeau,partagent avec nous tous ies dàn-
» gers. Si donc quelqu’un fe flatte de pouvoir ril’ài-
» der de fes confeils dans là guerre dbnt Vbus m’avez
» chargé, qu’il ne refufe point de rendre ce fervice
» à l'a république, & qu’il vienne avéc moi eh Mà-
» cédoine ; galere, chevaux, tentes, Vivres, je le dé-
» frayerai de tout. Mais fi l’on ne veut pas prendre
» cette peine, & qu’on préféré le doux loifir de la
» ville aux dangers Se aux fatigues dii camp, qu’on
» ne s’avife pas de vouloir tenir le gouvernail en de-
» meurant tranquille dans le port : s’ils orit une fi
» grande demangeaifon de parler, la ville par ellé-
» même leur fournit affez d’autres matières ; cëÜe-ti
» n’eft point de leur compétence ».
L’abus dont fe plaint Paul-Émiledans ce difcoiirs
ditté par le bon fens & la raifon, nous montre, dit
M. Rollin, qui le rapporte dans fon hijloire romaine ,
que les hommes dans tous les tems font toûjours les
mêmes.
? On fe fait un plaifir fecret & comme un mérité
d’examiner, de critiquer, Se de condamner la conduite
des généraux, Se l’on ne s’apperçoit pas qu’en
cela on peche vifiblement & cdntre le bon-fens & edii-
tre l’équité : contre le bon-fens ; car quoi de plus âH-
furde oe déplus ridicule que de voir des gens faris ait*
cune connoiffance de la guerre & fans aucuhè expérience
, s’ériger en cenfeurs des pliis habiles généraux
, Se prononcer d’un ton de maître fur leurs dations
? contre l’équité; car les plus experts même n’én
peuvent juger fainement s’ils ne font fur les ÜeuX ; là
moindre circonftance du tems, du lieu, & de là difpofition
des troupes, des ordres même fecrets qui riè
font pas connus , pouvant changer abfolument lés
réglés ordinaires. Mais il rie faut pas efpérer qu’on
fe corrige de ce défaut, qui a là fource dans ià cu-
riofité Se dans la vanité naturelle à l’homme ; Se les
généraux, à l’exemple de Paul-Éniilè, font fage ment
de méprifer ces bruits de Ville, &; ces rumeurs dé.
G U E
gens oififs fans occupation & fouvent fans jugement.
Hifl. rom. tome VIII- pug. irg.
Outre les différentes guerres précédentes, il y en
a une particulière qui fe fait avec peu de troupes par
des détachemens ou des partis, à laquelle on donne
le nom de petite guerre ; ceux qui commandent ces
petits corps de troupes font appelles partifans.
Ils fervent à mettre le pays ennemi à contribution ;
à épier, pour ainfi dire, toutes les démarches du gé*
néral ennemi: pour cet effet, ils rodent continuellement
autour de fon camp, ils y font des prifonniers
qui donnent fouvent des lumières fur fes deffeins ;
on s’inftruit par ce moyen de tout ce que fait l’ennemi,
des différentes troupes, qu’il envoyé à la guerre,
Se des fourrages qu’il ordonne. En un mot cette guerre
eft abfolument néceffaire non - feulement pour incommoder
Se harceler l’ennemi dans toutes fes opérations
, mais pour en informer le général ; ce qui le
met en état de n’être point furpris. Rien ne contribue
plus à la fureté d’une armée que les partis, lorsqu'ils
font commandés par des officiers habiles &
intelligens. Voye^ Pa r t is , Partisans , & l'article
fuivant.
Jufqu’ici nous n’avons parlé que de la guerre de
terre : la guerre navale ou la guerre de mer deman-
deroit beaucoup plus de détails ; mais nous nous
contenterons d’obferver que cette guerre peut heu-
reufement féconder celle de terre , dans les pays ou
les royaumes à portée de la mer.
Les armées navales affurent les côtes, elles peuvent
difpenfer d’employer un grand nombre de troupes
pour les garder. « Je penfe, dit M. de Santa-
» Crux fur ce fujet, qu’il faut que vos armées nava-
» les foient fupérieures, ou n’en point avoir du-tout,
» à l’exception de quelques galeres qui fervent toû-
» jours foit pour garder les côtes contre les corfai-
» res, foit pour les fecours. Un prince puiffant fur
» mer évite la dépenfe de beaucoup de troupes, il fe
» rend fans oppofition maître des îles des ennemis,
» en leur coupant par fes vaiffeaux tous les fecours
» de terre-ferme ; il ruine le commerce de fes enne-
» mis, Se rend libre celui de fes états, en faifant ef-
» corter par des vaiffeaux de guerre ceux des mar-
» chands, qui payent au-delà de l’efcorte.
» Celui qui eft fupérieur fur mer fait avec les prin-
» ces neutres tous les traités de Commerce aufli
» avantageux qu’il veut; il tient dans le refpefr les
» pays les plus éloignés, qui pour n’avoir pas eu
» tous les égards convenables, ont lieu de craindre
» un débarquement ou un bombardement. Quand
» même les ennemis, pour garder leurs côtes, fe-
» roient forcés de faire la dépenfe d’entretenir beau-
» coup de troupes ; fi la frontière de mer eft longue,
» ils ne fauroient vous empêcher de prendre terre ,
» Se de piller une partie de leur pays, ou de fur-
» prendre quelque place, parce que votre flotte qui
» menace un endroit, pourra au premier vent fa-
» vorable, arriver infiniment plutôt à un autre que
» ne fauroient faire les régimens ennemis qui avoient
» accouru à l’endroit où votre armée navale les ap-
» pelloit d’abord ; Se chacun comprend aifément
» qu’il eft impoffible que les ennemis ayent cent
» lieues de côtes de mer affez bien garnies Se retran-
» chées, fans qu’il foit néceffaire pour empêcher un
» débarquement, que les troupes d’un autre pofte
» accourent pour foûtenir celles du pofte où fe fait
» la defeente ».
Les forces navales font en effet fi importantes,
qu’elles ne doivent jamais être négligées. « La mer,
» dit un grand miniftre, eft celui de tous les hérita-
» ges fur lequel tous les fouverains prétendent plus
» de part, Se cependant c’eft celui fur lequel les droits
» d’un chacun font moins éclaircis : l’empire de cet
» élément ne fut jamais bien affûré à perfonne; il a
Tome V IIf
» été fujet à divers changemens, félon l’incohftance
» de fa nature. Les vieux titres de cette domination
» font la force & non la raifon ; il faut être puiffant
» pour prétendre à cet héritage. Jamais un grand état
» ne doit être dans le cas de recevoir une injure ,fans
» pouvoir en prendre revanche » ; & l’on ne le peut
à l’égard des puiffances maritimes, que par les forces
navales.
Dans l’établiffement d’une puiffance rtaVale , il
» faut éviter, dit M. le marquis de Santa-Crux, de
» rifquer par le fort d’un combat votre marine naif*
» fante, Se de tenir vos vaiffeaux dans des ports où
» les ennemis pourroient les détruire.
» Il faut bien payer les naturels du pâys qûi fré-
» quentent les côtes ennemies, & qui vous donnent
» des avis prompts Se fûrs de l’armement & des
» voyages de leurs efeadres ; affembler fecretement
» vos vaiffeaux pour attaquer une efeadre des enne-
» mis inférieure, & qui fe feroit féparée des autres ;
» fi les ennemis font en mer avec une groffe armée
» navale, ne faire cette année dans la Marine, que
» la dépenfe abfolument néceffaire pour bien en*
» tretenir dans des ports fûrs vos gros vaiffeaux Sc
» quelques frégates fur mer, afin que votre nation
» ne ceffé pas entièrement de s’exercer dans la navi-
» gation, Se qu’elle puiffe traverfer un peu le com-
» merce des ennemis, qui eft toûjours confidérable
» à proportion de leurs armées navales ».
Cet auteur donne différens confeils qui peuvent
contribuer à la fureté des corfaires qui courent fur
l’ennemi. « Il faut, dit-il, qu’ils ayent dans les ports
» marchands des correfpondances avec divers pa-
» trons de felouques & d’autres légers bâtimens neu*
» très, pour leur donner avis du tems que les bâtimens
» ennemis doivent fortir des ports fans efeorte ; & fî
» leurs navires gardes-côtes en font fortis pour cô->
» toyer, ou s’ils ont jetté l’ancre. Ces patrons doi-
» vent être d’une fidélité reconnue & de beaucoup
» de fecret, pour pouvoir leur confier fur quelle cô-
» te ou fur quel cap ils rencontreront chacun de vos
» corfaires, depuis un tel tems jufqu’à tel autre ; vos
» corfaires conviendront avec eux des fignaux de re-
» connoiffance, de peur qu’ils ne craignent d’en ap-
» approcher ». Réflexions milit. de M. le marquis de
Santa-Crux3 tome IV. ch. x . (Q)
G u e r r e ; envoyer à la guerre , aller à la guerre , fe
dit d’un détachement dont le général de l’armée donne
le commandement à un officier de confiance, pour
inveftir une place,pour couvrir ou attaquer un conv
o i, pour reconnoitre l’ennemi, entreprendre fur
les quartiers, fur les gardes ou fur les poftes avancés,
enlever des otages, établir des contributions, Se fouvent
pour marcher en-avant, reconnoître un camp
Se couvrir un fourrage ou quelque autre manoeuvre,
de l’armée.
Les détachemens de guerre réguliers font commandés
à l’ordre, les officiers principaux y font nommés
; l’état major de l’armée commande félon leur
ancienneté, les brigadiers, les colonels, Se les iieu-
tenans-colonels ; les brigades qui doivent fournir les
troupes font nommées à l’ordre ; les majors de brigade
commandent les capitaines à marcher, & prennent
ce fervice par la tête , comme fervice d’honneur.
Chaque troupe eft de cinquante hommes ; quelquefois
on met doubles officiers à chaque troupe ; les
compagnies de grenadiers qui doivent y marcher
font nommées à l’ordre.
Ces’détachemens s’affemblent à l ’heure & au rendez
vous marqués fur l’ordre : le commandant après
avoir reçu du général les inftrufrions & fon ordre ,
fe met en marche pour fa deftination ; il envoyé des
nouvelles au général à mefure qu’il découvre quelque
chofe d’intéreffant;il s’applique à bien exécuter
la commiflion dont il eft chargé, & avec l’intelli-
K K K k k k ij
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