O n doit rapporter an givre cette efpece de neige
qui s’attache aux murailles après de longues & fortes
gelées : la raifon de cet effet eft que les corps foli-
des s’échauffent moins promptement que l’air, & que
ces murailles confervent encore quelque tems après
le dégel une grande partie de la froideur qui leur a
été auparavant imprimée. Si cette froideur va au
terme de la glace .ou au-delà, les particules d ’eau
«dont l ’air eft chargé venant s’attacher aux murailles
& s’y accumulant, y forment une croûte de glace
ra re , fpongieufe, ôc dont les parties font prefque
disjointes.
Ce feroit une erreur de croire que cette efpece
d e neige vînt de l’humidité qui fort du mur : comment
en fortiroit-elle, puifqu’il eft plus froid ou
aufïi froid que-la glace, ôc que tout ce qu’il ad’humi-
dité au-dedans, n’y peut-être que congelé ?
Les réfeaux de glace qu’on obfervé quelquefois
aux vitres des fenêtres, font encore une efpece particulière
de givre. Pendant la gelée, l’air de la chambre
eft-chaud ou tempéré ; la vitre eft froide par l’im-
preffionde la gelée extérieure, Sdavapeur qui s’y attache
du côté de la chambre s’y congele fubitement.
Pendant le dégel, fi l’air de la chambre eft encore
très-froid, ôc que l’adouciffement vienne de l’air -extérieur,
ce fera l’humidité du dehors qui s’attachera
aux carreaux ôc qui s’y gelera. M. de Mai-ran, diff.
fur la glace, part. IJ.fect. 4. ch. vj. & vij.
Dans toutes ces congélations on voit regner conf-
tamment le même principe : des corps folides refroidis
à un certain degré, glacent les particules d’eau qui
s’attachent à leur furface ; 5c ces particules d’eau,
ç ’eft l’air qui les fournit.
Tout corps plus froid que l’air qui l’environne, lui
communique en partie fon excès de froideur : cet air
ainfi refroidi en devient moins propre à foutenir les
vapeurs qui y font fufpendues ; il en laiffera donc
précipiter une partie ; & fi le corps d’où naît le re-
froidiffement, a la propriété d’attirer l’eau, il fe couvrira
de molécules aqueufes qui fe convertiront en
«laçons à un degré de froid fuffifant pour produire
cet effet.
Ceci s’applique naturellement 5c aux murs des
maifons ôc aux carreaux des vitres, qui dans les cas
dont il eft ici queftion, font toûjours plus froids qu’un
air immédiatement contigu. Si l’on demande pourquoi
l’air en fe refroidiffant abandonne une partie
des vapeurs aqueufes qu’il tenoitauparavant fufpendues,
nous ferons d’abord remarquer que cette queftion
n’eft point particulière au lujet que nous traitons
, puifqu’elle fe préfente néceffairement dans
l’explication de tout météore aqueux. Nous dirons
enfuite, fans entrer dans un grand détail , que les
particules d’eau invifibles dans l’atmofphere y font
dans l’état d’une véritable diflolution ; qu’ainfi l’élévation
5c la fufpenfion des vapeurs dépendent prefque
entièrement de la vertu diffolvante de l’air. Or
cette a&ivité diffolvante eft d’autant moindre, que
l'air a moins de chaleur ; ou , ce qui eft la même
chofê, qu’il eft plus froid , félon la loi commune à
tous les menftrues : il n’eft donc pas étonnant que
l’air refroidi laiffe échapper une partie des vapeurs
qu’il foutenoit auparavant ; c’eft ici une vraie précipitation
chimique. On dit communément que le
froid en condenfant l’air condenfe aufïi les vapeurs
dont l’air eft chargé ; mais on le dit fans le prouver,
5c cette explication eft moins naturelle que celle que
nous venons de donner d’après quelques phyficiens
modernes. Les obfervations de M. le R o i, de la fo-
ciété royale des Sciences de Montpellier, ont répandu
un très-grand jour fur toute cette matière. Voye{
Varticle Év a po r a t io n , compofé par cet académicien.
Voye{ au[fi HUMIDITÉ & EXPANSIBILITÊ.
Les congélations qui s ’attachent aux vitres des fenôtres,
font quelquefois très-remarquables par la Angularité
des figures qu’elles affe&ent. De petits brins
déglacé s’arrangent de maniéré qu’il en réfulte divef»
fes figures curvilignes lemblables à la broderie : rien
ne paroît fi contraire à la dire&ion reftiligneôc convergente
, que les particules de glace fuivent conf-
tamment quand elles font en pleine liberté. Auffi M.
de Mairan avoue-t-il que ce phénomène l’embarraffa
long-rems : à la fin ayant fait réflexion qu’il ne l’a-
voit vu que fur des vitres récemment nettoyées, il
crut pouvoir conje&urer que les contours dont il
s’agit avoient été formés par la main même du vitrier
,<jui pour fécher les vitres qu’il venoit de laver,
y avoit paffé une broffe avec du iàble fin. Selon cette
idée, les particules de glace fe feroient logées dans
les petits filions que les grains de fable auroient gravés
par leur frottement. M. de Mairan penfe aufïi
que l’ouvrier qui fabrique le verre en remuant avec
une baguette de fer lamaticrevitreufe actuellement
en fufion, fait naître par ce mouvement diverfes figures
curvilignes qui fubfiftent après le refroidiffe-
ment. On pourroit donc appercevoir le phénomène
en queftion, indépendamment des circonftances que
nous avons rapportées. Ceci demanderoit un examen
plus approfondi. M. de Mairan, dijfertationfur
la glace.
L’induftrie des Phyficiens s’applique fouvent avec
fuccès à imiter la nature : on peut en toute faifon
faire naître du givre artificiel femblable à celui qui
fe forme naturellement. On mêle, pour cet effet, de
la glace pilée ou de la neige avec du fel dans un
vaiffeau de verre mince bien effuyé en-dehors, ôc
que l’on tient environ un quart-d’heure dans un lien
frais: ce mélange produit un refroidiffement confi-
dérable ; & on voit bien-tôt tous les dehors du vaiffeau
fe couvrir peu-à-peu d’une efpece de frimât ou
de neige qui ne différé point du givre ou de la gelée
blanche ordinaire. Voyeç dans les leçons de Phyjique de
M.No\\et,tome I I I .p . g S z . tout le détail de cette
expérience, dont nous avons par avance donné
l’explication.
En finiffant cet article, je ferai obferver qu’à
Montpellier où j’écris, 5c dans la plus grande partie
du bas Languedoc, il eft très-rare de voir du givre ;
c’eft que le froid 5c la gelée y font rarement accompagnés
d’humidité 5c de brouillards : le pays eft naturellement
fec , 5c l’air n’y eft humide jufqu’à un
certain degré, que quand les vents de fud 5c de fud-
eft chaffent vers nous les vapeurs qui s’élèvent en
abondance de la Méditerranée : or les vents de fud
donnent en hyver le tems doux. Je n’ai vu à Montpellier
qu’une feule fois des réfeaux de glace fur les
vitres des fenêtres ; c’étoit pendant les fortes gelées
de 175 5 : le thermomètre de M. de Réaumur étoit à
fix ou lept degrés au - deffous de la congélation de
l’eau. Article de M. DE R a t t e , fecrétaire perpétuel
de la focièté royale des Sciences de Montpellier.
Givre , f. f. groffe couleuvre à la queue tortillée;
il ne fe dit guere qu’en terme de Blafon : on dit givre
rampante, lorfqu’elle eft en face. On dit aufïi guivre.
G IVRÉ, adj. on appelle, en terme de Blafon, croix
givrée, cellequi eft terminée en tête de givre, P~oye^
Givre. Quelques-uns dérivent ce mot d’anguis,fer-‘
pent; 5c d’autres, de vivre, en changeant la lettre
v en g, ÔC vivre de vipera.
GIUSCHON,o«GIUS CHAN, f. m. {Hift. mod.)
nom qui en langue turque fignifie lecteur de l ’alcoran;
il y en a trente dans les mofquées royales, quilifent
chacun par jour une des trente ferions de l’alcoran :
en forte que chaque mois on fait une leCture entière
de ce livre de la loi. Gius veut dire portion ou fectiôn •
ÔC chon ou chan , lecteur; c’eft-à-dire lecteur d’une fec-
tion. Le but de cette leCture, félon eu x, eft de procurer
le repos des âmes des Mufulmans qui font quelque
legs k cèttè intention: c’eft pourquoi les gtus-
chous lifent proche des fépulcres dans les mofquées,
5c autres lieux de dévotion. Ricaut, de l'empire ottoman.
(G)
GIUSTANDIL, (Géog.) autrement dite OCHRL
D A , c’eft YAchridus des anciens qui fut enfuite nommée
Jujtiniana prima ; forte ville de la Turquie européenne
dans la Macédoine, avec un archevêque
grec, Ôc Un fàngiach. Elle eft fituée près du lac d’O-
chrida, à 18 lieues fud-eft de Durazzo, nord-
oüeft de Lariffev Long. %8. zô . lat. 41. 10.
Giujtandil eft la patrie de l’empereur Juftinien
dont on a tant fait de bas éloges ; mais fon inconstance
dans fes projets, fa mauvaife conduite, fon
zele perfécuteur , fes vexations, fes rapines, fa fureur
de bâtir, fa foibleffe pour une femme qui s’é-
toit long-tems proftituée fur le théâtre, peignent fon
vrai caraCtere. Un régné dur 5c foible, mélé à beaucoup
de vaine gloire Ôc à des fuccès inutiles, qu’il
devoit à la fuperiorité du génie de Bélizaire, furent
des malheurs réels qu’on éprouva fous fa domination
; enfin ce prince faftueux, avide de s’arroger
le titre de légifiateur, s’avifa dans un tems de décadence
de vouloir réformer la jurisprudence des fie-
cles éclairés : mais outre qu’on fait affez la maniéré
dont il s’y prit, c’eft aux jours de lumières, comme
dit très-bien M. de Montefquieu, qu’il conviendroit
de corriger les jours de ténèbres. (D . J.)
G L A
G LA C E , f. f. {Phyjique.') La glace eft un corps fo-
lide, formé naturellement ou artificiellement d’une
fubftance fluide, telle que l’ eau, l’huile, &c. refroidie
à un certain degré ; ou plutôt ce n’eft autre cho-
fe que ce fluide même devenu concret Ôc folide par
le fimple refroidiffement. Lorfqu’un fluide s’eft converti
en glace, on dit qu’il eft gelé ou congelé : l’opération
par laquelle la nature feule ou aidée de
l ’art, fait éprouver à un corps fluide le changement
dont nous parlons, eft connue de même fous le nom
de congélation. Koye^ Fro id & C o n g é l a t io n .
La congélation différé de la concentration ou rapprochement
qui fe fait par l’évaporation, la précipitation
ou la cryftallifation. Voye^ ces articles. On
ne doit pas non plus la confondre avec la coagulation
proprement dite, qui eft l’épaifliffement fpon-
tané de certains liquides ; épaiffiffement qui loin de
dépendre conftammentde l’a&ion du froid, fuppofe
dans plufieurs fluides un degré de chaleur confidé-
rable. Voye^ C o ag u l a t io n .
En s ’attachant à l’idée que nous venons de développer
, on doit donner indifféremment le nom de
glace à tout fluide gelé. L’ufagé a cependant reftreint
la lignification de ce terme, qui n’eft guere employé
que pour defigner l’eau congelée : la glace proprement
dite, la glace par excellence eft toûjours la
glace d’eau.
Les phénomènes de la glace font remarquables,
ôc en très-grand nombre ; aulïi ont-ils mérite d’exciter
vivement dans tous les tems la curiofité des phyficiens.
Tous à l’envi fe font emprefles de les examiner
avec foin pour en reconnoître les caufes. Le
détail que nous allons donner de cette multitude de
phénomènes fera le fort de cet article : nous y ferons
un grand ufage de l’excellente differtation de
M. de Mairan fur cette matière. Il feroit difficile de
parler de la glace, fans profiter des favanteS recherches
de cet illuftre phyficien, fans le copier ou fans
l’abréger.
La glace, comme nous l’avons dit, eft naturelle
ou artificielle. L’eau fe gele naturellement, quand
la température de l’air répond au zéro ou à un degré
inférieur du thermomètre de M. de Reaumur,
ce qui arrivé àffez fouvent en h yvëf dans nos climats.
Tous les liquides Amplement aqueux fe glacent
à-peu-près dans le même tems ôc par le mêmé
degré de froid-.
Les huiles graffes, fur-tôüt l’huile d’o livé , èelent
à un degre de froid tres-médiocre, ôc fort inferieur
à celui qui eft requis pour la congélation de l’eau.
Les liqueurs fpiritueufes au contraire , telles qué
le v in , l’eau-de-vie, l’efprit-de-vin, &c. fe geleni
très-difficilement ; non-feulement leur fluidité réfifte
à un degré de froid fupérieur à Celui qui fait geler
l’eau ; mais lors même qu’elles fe glacent, ce n’eft
guere qu’en partie au-moins dans nos climats. Ce
qu’elles ont d’aqueux fe g ele, mais leur partie fpi-
ritueufe qui alors fe fépare de la partie aqueufe, ne
perd rien de fa liquidité i elle fe raffemble prefqué
toûjours au centre du vaiffeau ou de la pièce de glace
, fous la forme fluide qui lui eft propre , ôc que le
froid n’a pû altérer.
La même chofe a lieu dans la congelàtioh du vi*
naigre ; elle eft imparfaite, ôc l’on trouve au milieu
de la maffe gelée , ce que les Chimiftes appel*
lent vinaigre concentré, f^oye^ Vinaigre.
L’huile d’olive elle-même qui fe glace avec tant
de facilité, a quelques parties en très-petite quantité
, qui réunies au centre du vaiffeau, s’y confervent
liquides dans les plus grands froids.
Selon les obfervations des académiëiehs qui ont
fait le voyage du cercle polaire, l’efprit-de-vin des
thermomètres de M. de Reaumur gele à un degré de
froid ordinaire en Laponie* Cet efpriGde-vin eft ce*
lui qu’on vend communément chez lés Droguiftes :
il n’eft pas extrêmement rectifié, ôc l’on pourroit
peut-être penfer qu’il ne fe gelé qu’à raifon des parties
d’eau qu’il contient en affez grande quantité ;
ce qui eft certain , c’eft que de l’efprit-de-vin bien
alkoolifé, foûtient fans le geler un aufïi grand degré
de froid, ôc même des degrés plus confidéra-
bies. Ce que nous difons de l’alkool doit à plus for*
te raifon être entendu de l’éther la plus volatile
peut-être de toutes les liqueurs. Voyeç_ Alkool &
Ether .
L’efprit de nitre & la plûpart des efprits acides,
certaines huiles chimiques, comme l’huile de téré*
benthine, celle de lin , &c. fe glacent auffi très-difficilement.
Le mercure ne fe gele point : du-moins
nul degré de froid obfervé jufqu’ici n’a été fuffifant
pour le congeler. A l’égard de l’air , on fait qu’il eft
toûjours fluide quand il eft en maffe fenfible ; ainfi
tout ce que nous avons à dire des phénomènes de la
congélation ne le regarde pas.
Ceux des liquides qui font fujéts à fe glacer, rt’of-
frent pas tous à beaucoup près dans leur congélation
les mêmes phénomènes ; autant de fluides particuliers,
autant de fortes de glace. Nous allons princi*
paiement confidérer la glace commune, ou Celle qui
réfulte de la congélation de l’eau ; fans ceffe expo-
fée aux regards curieux des phyficiens ôc aux yeux
du vulgaire, on a dû l’examiner avec plus de loin,
ôc la foûmettre à un plus grand nombre d’épreuves*
M. de Mairan confidere la glace fous différens
points de vûe : i°. dans fes Commencemens ôc dans
tout le cours de fa formation : a°. dans fa formation
, relativement à l’état ôc aux circonftances où
fe trouve l’eau qui fe gele : 30. dans fa perfection,
ou lorfqu’elle eft toute formée : 40. dans fa fonte ôc
dans le dégel : 50. ôc enfin dans fa formation artificielle
par le moyen des fels.
i° . Des phénomènes de la glace dans fes commence-
mens & dans tout le cours deJa. formation. Si l’on ex-
pofe à l’air lorfqu’il gele, un ou plufieurs vafes c y lindriques
de verre mince, pleins d’eau pure, il fera
facile d’obferver les phénomènes fuivans.
On remarquera d’abord, s’il ne gele que foible