continuera & répandra dans l’air beaucoup de va-
peurs, dont l ’odeur n’eft pas trop mauvaile ; enhn
la matière fe condenfera en forme de gomme au fond
dnvaiffeau» ( . > -
Il faut remarquer que cette expérience ne reuiüt
bien, qu’avec de l’excellente huile de girofle, & fur-
tout avec celle qu’on a tirée fidèlement aux Indes
même, & que les Hollandois reçoivent directement
par leurs vaiffeaux. Si l’on ajoute un peu de poudre
à canon dans le mélange dont on vient de parler,
elle prendra feu. . . ,
Je paffe à la méthode de tirer l’huile effentielle de
girofle per defeenfum.
Pour cet effet,, on prend un pot de terre de grès,
ou plusieurs grands verres (fuppofons ici des verres
à boire)' que l’on couvre d’une toile ; on lie cette
toile autour des rebords de chaque verre, on enfonce
un peu cette toile dans leur cavité , on place
dans cet enfoncement le girofle pulvérifé ; on met
par-deffùs chaque verre une terrine, ou un cul de
balance, qui s’applique exactement fur leurs bords ;
on remplit les terrines ou ces culs de balances, de
cendres chaudes qui échauffent les girofles, & font
diftiller au fond des verres, premièrement un peu
d’efyrit, & enfuite une huile claire & blanche ; on
leve de tems-en-tems les culs de balances, pour remuer
la poudre de girofle ; on continue le feu jufqu à
ce qu’il ne diftille plus rien : enfin on fépare l’huile
par l’entonnoir dont on a parlé ci - deffus, & on la
garde dans une phiole bien bouchée.
Dans cette opération, on retire d’une livre de girofles
, poids de feize onces pour liv r e , une once
deux dragmes d’huile, & une once d’efprit. Il refte
treize onces deux dragmes de matière, dont on peut
tirer encore un peu d’huile rouge empyreumatique.
Cette méthode n’entraîne point de dépenfe ; mais
il s’en faut de beaucoup qu’on y trouve dans l’huile
diftillée de cette maniéré les mêmes avantages que
par la méthode de l’alembic. Si vous n’employez
qu’un feu léger, vous n’aurez point d’huile; & fi
vous pouffez le feu, l’huile fendra l’empyreume : en
un- mot on ne doit fe fervir de cette méthode que
dans des occafions preffantes, qui ne permettent pas
d’avoir recours à l’autre opération, qui eft la feule
bonne, & la feule que pratiquent les artiftes.
Elle fert de modèle pour tirer toutes fortes d’huiles
aromatiques du même genre , celle de canelle,
du poivre, des cubebes, du cardamomum, du faffa-
fras, &c. C’eft encore ainfi qu’avec un feu plus
doux l’on diftille l’huile de romarin, de marjolaine
de thym, de menthe, de fleurs de lavande, d’a-
nis 6*c. Il eft bon de le favoir, & de s’en reffouve-
nir.
Qualités & choix de Vhuile de girofle. Cette huile
effentielle de clous de girofle, diftillée per defeenfum
ou par l’alembic, eft la feule préparation que l’on
trouve dans les boutiques ; étant nouvelle, elle eft
d’unblanc doré, qui rougit en vieilliffant. Il faut la
choifir forte, pénétrante, & qui ait bien confervé
l ’odeur & la faveur du girofle ; elle eft facile à fophi-
ftiquer, & la tromperie difficile à découvrir ; ce qui
doit engager à ne l’acheter que de bonne main.
Elle perd promptement fes efprits , quand on la
laiffe à découvert, & dégénéré d’ordinaire en une
fubftance graffe, vifqueufe & inaCtive ; tandis que
les clous de girofle conlervent leurs efprits maigre la
chaleur violente du pays où ils croiffent.
Elle eft encore plus pefante que l’eau, de forte
qu’elle fe précipite au fond fans rien perdre de fes
vertus. C ’eft une propriété que n’ont point nos huiles
de l’Europe, & que poffedent uniquement les huiles
de l’Afie, de l’Afrique & de l’Amérique, fur-tout
celle des plantes aromatiques.
Enfin il eft remarquable que le réfidu du clou de
girofle, après la diftillation, eft auftere, froid & très*
fixe ; propriété cependant qui lui eft commune avec
les plantes qui contiennent une grande quantité
d’huile aromatique.
Vertus & ufage de cette huile. Comme cette huilé
de girofle eft extrêmement chaude, & même caufti*
que, elle devient par-là très-propre, fuivant la remarque
de Boerhaave, aux tempéramens froids, ô£
dans les maladies de cette nature. Elle eft encore ex»
cellente pour ranimer les efprits, foit qu’on en ufe
intérieurement ou extérieurement ; mais l’ufage in»
terne demahde beaucoup de referve & de prudence.
Pour l’extérieur on l’employe feule, ou avec d’au»
très huiles aromatiques, comme celle de noix mufea-
de tirée par expreffion , celle de palmier, de romarin
, de fauge ; le tout mêlé enfemble, on en fait un
liniment, dont on frotte les membres paralytiques ,
ainfi que dans les maladies froides & pituiteufes,
dans la ftupidité accidentelle, & les affeCtions fopo-
reufes: on peut encore en frotter la région de l’efto»
mac dans la longueur de ce vifcerc, & dans les coliques
produites par des vents.
Elle fert d’un remede affez aCtif en qualité de topique
, pour arrêter les progrès de la gangrené, en la
faifant diffoudre dans l’efprit-de-vin reCtifié, & en y
trempant des plumaceaux de charpie qu’on applique
fur la partie gangrenée.
On s’en fert encore pour la carie des ôs & pour le
mal des dents : dans ce dernier cas, on en imbibe un
peu de coton, que l’on met adroitement dans la dent
cariée, dont il appaife la douleur en brûlant le nerf;
mais il faut en ufer avec beaucoup de précaution, &
feulement dans les cas où il n’y a point d’inflammation,
& où la carie confidérable de la dent eft la caufe
de la douleur, en mettant le nerf trop à découvert*
Si l’on a befoin d’appaifer plus promptement la
rage des dents, on pulvérifera fix grains de camphre
avec trois grains de laudanum épié, qu’on humectera
de quelques gouttes d’huile effentielle de girofle ;
on formera du tout de petites tentes de la grofl’eiir
d’un grain de blé, pour les porter dans la dent malade.
D ’autres font diffoudre l’opium dans l’huile
éthérée du girofle, & fe fervent de cette diffolution.
C ’eft-là le grand fecret des charlatans, dont l’abus
a quelquefois caufé la furdité. L’huile de girofle foulage
le mal de dents de la même maniéré que l’huile
de cannelle & celle de gayac ; mais les deux premières
étant d’une odeur agréable, on n’a aucune répugnance
pour en mettre dans la dent ; au lieu qu’on
en a beaucoup par rapport à la derniere. Enfin l’hui-
le de girofle eft d’un grand ufage parmi les Parfumeurs.
La dofe eft d’une, deux ou trois gouttes intérieurement,
pour ranimer le ton de l’eftomac chez les
perfonnes accablées de mucofités, de pituite, d’humeurs
froides & catarrheufes. On en fait en ce ca9
un éléofaccharum avec un peu de fucre ; ou bien
l’on prend huile de clous de girofle deux gouttes,
huile de cannelle huit gouttes, teinture d’ambre une
goutte, fucre cryftallifé réduit en une poudre très-
fine , demi-once ; mêlez, & confervez cette poudre
pour l’ufage dans une bouteille bien fermée. La dofe
eft un gros, diffoute dans du vin rouge, ou dans du
vin d’Efpagne.
Ufage des clous de girofle. On confomme principalement
les clous de girofle dans les cuifines ; ils font
tellement recherchés dans quelques pays de l’Europe
, & fur-tout aux Indes, que l’on y méprife pref-
que les nourritures qui font fans cette épicerie : on
les mêle dans prefaue tous les mets, les fauffes, les
vins, les liqueurs fpiritueufes & les boiffons aromatiques
; on les employé auffi parmi les odeurs.
On en fait très-peu d’ufage en Medecine ; cependant
comme leur vertu eft d’échauffer & de deffér
cher, ils fe donnent pour les mêmes maux, où leur
huile eft recommandée, à la dofe en fubftance depuis
quatre grains jufqu’à douze, & en infufion depuis
demi-dragme jufqu’à deux ■: mais l’huile eft abfolu-
ment préférable, parce qu’elle réunit en plus petite
quantité toutes les propriétés du fruit.
Les Apothicaires font entrer les clous & l’huile
de girofle dans plufieurs compofitions pharmaceutiques
, que perfonne ne preferit.
Réflexions fur le commerce du girofle. C ’eft à Am-
boine que les Hollandois ont leurs magafins de gi-
rofle dans le fott^de la Victoire, où les habitans portent
leur récolte*, dont on a réglé le prix à foixante
réales de huit la barre, qui eft de cinq cents cinquante
livres de poids. Les habitans font obligés de
planter un certain nombre de girofliers par an ; ce
qui les a multipliés au point qu’on l’a defiré pour le
débit annuel, lequel il n’eft guere poffible d’évaluer
fans être dans le lecret ; il fuffira de dire que la France
feule en acheté cinq ou fix cents quintaux par année.
Perfonne n’ignore avec quelle jaloufie la compagnie
des Indes orientales hollandoife s’applique à fe
conferver l’unique débit de cette marchandife : cependant
elle n’a jamais pu empêcher qu’il ne s’en fît
un affez grand déverfement par fes propres officiers,
en plufieurs lieux des Indes. Une maniéré qu’ils ont
de tromper la compagnie, eft d’en vendre aux navires
des autres nations qu’ils rencontrent en mer, &
de mouiller le refte, afin que le nombre des quintaux
de girofle qui font leur cargaifon, s’y trouve toujours
; ce qui peut aller à dix par cent, fans que les
commis des magafins qui les reçoivent à Batavia,
puiffent s’en appercevoir. ( D . J f ‘
G IR O F L É E , f. f. (Culture des fleurs.) fleur du
giroflier. C’eft à fa gloire que les amateurs cultivent
la plante qui la donne ; elle lui a même enlevé fon
jiora dans la plupart des langues modernes ; le giroflier
ne fe dit plus en françois, que de celui des ma-
fures : les Anglois rie l’appellent également que wal-
flower, tandis que celui de leurs Jardins fe nomme
par excellence la fleur de Juillet, flock July flower:
enfin les Flamands laiffant à la plante fauvage la dénomination
de violier, violier-boomtje, caraCtérifent
celle des jardins par le beau nom de nagel-bloem.
Il y a des giroflées fimples & des doubles de toutes
couleurs, blanches, jaunes, bleues, pourpres, violettes
, rouges, écarlates, marbrées, tachetées, jaf-
pées. Les unes & les autres viennent de graine, de
marcottes ou de boutures : elles ne durent que deux
ans ; mais la meilleure méthode eft de les muliplier
toutes de graine. >
On les leme fur couche au commencement d’A-
y r il, & à claire-voie, dans une terre fraîche, le-
gere, graveleufe, non fumée & à l’expofition du foleil
levant. Quand les jeunes plantes ont gagné quelques
feuilles, on les tranfplante dans des planches
de terre pareille, expofées de même au foleil levant,
& à fix pouces de diftance, On les abrite & on les ar-
rofe de tems à autre, jufqu’à ce qu’elles ayent pris
racine. Sur la fin d’Août on les tranfplantera de nouveau
dans des plates - bandes du parterre, où elles
fleuriront le printems fuivant, & l’on choifira, s’il
fe peut, un tems humide pour cette tranfplantation.
On garantira les jeunes plans des frimats de l’hy ver,
en les couvrant avec des cloches, paillaffons, grande
paille, ou fumier fec.
On préfume que les giroflées feront doubles , &
c’efi; ce qu’on recherche, par leur bouton gros & ca-
xnard, qui pointe.
- Lorfque les giroflées fe trouvent doubles, plufieurs
perfonnes les mettent en pots garnis de terre à po-
tager, ou dans des caiffes larges de feize pouces en
tout fens. Pour bien faire, on leve les giroflées en
Tome V i f J
motte ; on les placé ainfi dans les pots OU les Caif-
fes ; on les arroie dans le befoin, & on les tient à
l’ombre.
On plante les giroflées en pots ou ert caiffes, afin
de pouvoir les tran(porter où l’on veu t, & les garantir
du froid pendant l’hy ver, en les mettant dans
une ferre, dans une chambre, ou dans une cave fe-
che. Ces mêmes giroflées fauvées du froid, fe tranf-
porteront dans les plates-bandes de parterre, où on
les rangera avec fymmétrie, & à l’abri du foleil,
s ’il eft poffible.
Quand on veut multiplier les giroflées doubles par
marcottes,on en choifit les plus beaux brins; on les
couche en terre, & on les arrête par de petits crochets
de bois ; on jette un peu de terre par-deffus,
& enfuite on les arrofe, pour en faciliter la reprife.
On marcotte la giroflée fitôt que la fleur eft paffée ,
ce qui arrive au plus tard dans l’été. Les marcottes
relieront en terre jufqu’en Septembre ou Octobre ,
qu’on les lèvera pour les mettre en pots, en caiffe ou
en pleine terre ; Car il y a des efpeces qui font plus
ou moins fenfiblesau froid:quelques-unesfleuriffent
la première année, & d’autres la fécondé.
Dans le nombre de giroflées doubles, il y en a qui
font principalement recherchées des amateurs : telle
eft la grande giroflée de couleur d’écarlate, leucoium
incanum, majtts, cocclneum, de Morifon, nommée à
Londres la giroflée de Brompton , the Brompton flock-
ju ly flower; les fleuriftes l’aiment beaucoup à caufé
de fa grandeur & de fon éclat : elle a cependant le
defavantage de produire rarement plus d’un jet de
fleurs.
En échange, la giroflée des Alpes à feuilles ëtrox»
tes & à doubles fleurs, d’un jaune pâle, nommée leu*
coium anguflifoliumalpinum, flore pleno , fulphureo, Sc
par les anglois, theflraw-colour dwall-flower, eft très»
curieufe par le touffu de fes jets de fleurs, qui néanmoins
font étroites & d’une foible odeur.
II femble que la grande giroflée double, jaune en-dedans
, rougeâtre en-déhors, leucoium majus, flore majore,
pleno,-intics luteo , extus ferrugineo, que les Anglois
nomment the double ravenal-flower , l’emporte
fur toutes parle contrafte des deux couleurs oppo-
fées, la grandeur des fleurs & leur odeur admirable.
Prefque tous les fleuriftes prétendent que la plus
fûre méthode pour multiplier les giroflées doubles, eft
de le faire par marcottes ou par boutures; & cela
eft très-vrai : mais les giroflées doubles qlli s’élèvent
de marcotte , font toujours moins apparentes que
de graine, & ne produifent jamais ni de fi belles ni
de u grandes fleurs : c’eft pourquoi le bon moyen eft
d’en femer chaque année de nouvelles, & de troquer
en même tems fes graines avec celles d’un autre
amateur qui cultive ailleurs de femblables giroflées.
Cette decouverte due au-hafard & dont on a
long-tems douté, mais qui eft actuellement reconnue
de tout le monde, nous prouve coriibien le changement
d’air & de fol peut contribuer à perfectionner
plufieurs efpeces de plantes. (D . /.)
GIROFLIER DES MOLUQUES , (Bot. exot.j
Voye^ Girofle.
Giroflier , obViolier, leucoium, genre de plante
à fleur cruciforme compofée de quatre pétales ; le
piftilfortdu calice & devient un fruit ou une filique
longue, applâtie,diviféè ën deux loges par une cloi»
fon à laquelle les panneaux font adhérens de part &
d’autre : cette filique eft remplie de femences plates,
rondes, & bordées pour l’ordinaire. Tournefort^
inft. rei herb-. Voyè{ PLANTE, ( i )
On compte trente-quatre efpeces de giroflier-, toutes
extrèmeriient cultivées par les curieux, à caufe
de leurs fleurs que l’on nomme giroflées, & dont par
cette raifon il a fallu donner un article à part. Voy,
Girofles,
Q Q q q ij