où l’aûion d’un feu fi leger pouvant être réputée j
nulle, on auroit la contre-preuve de nos dogmes iur
le feu, par la confidération des phénomènes à la pro-
duûion delquels cet agent ne contribueroit pas.
Une bonne glacière qu’on pourroit difpofer de di-
verfes façons commodes,dans laquelle on pourroit
pratiquer des efpeces d’étuves froides, des tiroirs à
la façon de ceux des fours à poulets ; une bonne
glacière, dis-je, fourniroit le réfer voir le plus fur 6c
le plus commode.de ce froid. Nous ne faurions dans
nos climats nous procurer un froid durable plus fort;
car les gelées ne s’y foûtiennent pas long-tems fans
interruption, 6c les froids artificiels excites par des
diffolutions falines, ne font que momentanés,cm du-
jnoins fort courts. L’application continuelle de la
glace à l’air ouvert, n’eft pratiquable que pour un
tems fort court : or la durée & la continuité du froid
font abfolument effentielles ; car comme la lenteur
du changement chimique eft proportionnelle au peu
d’intenfité de la caufe qui le produit, du feu , il faut
que cette lenteur foit compenfée par la durée de l’action
: il faudra fouvent plufieurs années pour pouvoir
obferver des altérations fenfibles.^
Le chimifte qui voudra donc connoître les effets
de la fuite entière des degrés du feu chimique fur
différentes fubftances, placera fon laboratoire entre
un fourneau de verrerie 6c une glacière, ou fe pourvoira
de. l’un & de l’autre.
Le même degré de froid employé à conferver &
à fournir en tout tems des gibiers & des fruits inconnus
dans certaines faifons , pourroit procurer
une fource de luxe qui figureroit très-bien à côté
des ferres chaudes de nos modernes Apicius. Le premier
moyen iroit au même but que le dernier, par
une voie vraisemblablement plus commode 6c plus
fûre, mais qui feroit moins difpendieufe, & par con-
féquent moins magnifique ; ce qui eft un inconvénient
réel.
La concentration à la gelée du vin & du vinaigre
n’a aucun rapport avec l’ufage du froid chimique.,
qui a fait le fujet de cet article. Voyt^ C o n c e n t r a t
io n , V in , & V in a ig r e . ( b)
F r o id , (Docimajlique.) donner froid ; expreflion
ufitée dans cette partie de l’Alchimie, où elle figni-
fie ralentir P action.du feu. On donne froid à un régule
qu’on affine, quand les vapeurs s’élèvent juf-
qu’à la voûte de la moufle ; que la moufle eft de couleur
de cerife , &c. On dit par oppofition donner
chaud, Voyi{ ce mot, & ESSAI. Article de M . DE V lL -
L IE R S . . : : y - • v .
F r o id , (Economie animale.) il n’y a point de
corps dans la narure qui ne foit plus ou moins pénétré
dans l’intenfité de fes parties élémentaires , par
le fluide univerfel, la plus lubtile de toutes les fubftances
matérielles , c’eft-à-dire par l’élément du
feu.
Il n’eft donc aucun corps dans la nature qui ne
foit plus ou moins agité dans fes parties intégrantes,
par l’aûion propre à ce fluide, qui confifte à tendre
autant à opérer la defunion des parties de matière
• auxquelles il eft placé, que ces parties-ci tendent par
elles-mêmes, c’eft-à-dire par leur force de cohéfion,
à fe rapprocher, à s’unir de plus en plus. Or comme
cette aftion varie continuellement, ne fubfifte jamais
la même deux inftans de fuite, & qu’elle produit
ainfi une forte d’ofcillation continuelle dans les
corps, voye^ F e u , ( Phyfique)\ il enréfulte un frottement
plus ou moins fort entre leurs molécules intégrantes
; d’où s’enfuit qu’il exifte un mouvement continuel
dans les particules ignées , qui eft ce en quoi
• confifte la chaleur plus ou moins fenfible, félon que
ce mouvement eft plus ou moins confidérable. Voy.
F e u , C h a l e u r , & fur-tout ce qui a rapport à ces
différentes matières ; les élémens de Chimie de Boerhaave
] partie I I . la Phyjtque de s’Gravefande, de
Muffchenbroeck, &c.
On peut dire conféquemment à ce principe, qu’il
n’y a point de corps qui ne foit chaud , dès qu’on regarde
la chaleur comme une qualité qui fuppofe dans
le corps où on la conçoit, une a&ion de feu , telle
qu’elle puiffe ê t re , à quelque degré qu’elle puifle
avoir lieu. Il n’y a donc point de corps, c’eft-à-dire
d’agerégé des parties élémentaires de la matière,dont
on püifl'e dire qu’il eft abfolument froid, en entendant
par ce terme la qualité d’un corps dans la fubftance
duquel il n’y a aucune aftion du feu. On ne peut imaginer
que les élémens même, atomi9 qui, comme ils
font les feuls folides parfaits, indivifibles , inaltérables
, doivent par conféquent n’être pénétrables par
aucun agent dans la nature, fur-tout par aucun agent
deftrutteur, telle que le feu : mais comme cette exception
unique, qui préfente ainfi l’idée d’un froid ab-
folu dans les feules parties élémentaires des corps ne
tombe pas fous les lens, le froid qui peut nous affecter
, n’eft donc qu’une qualité refpeétive par laquelle
on a voulu déligner non une abfence totale du feu,
mais une diminution de fon effet, c’eft-à-dire de la
chaleur relativement à ceÛe quia lieu naturellement
dans notre corps.
Ainfi c’eft la chaleur animale qui fixe l’idée du
chaud & du froid, félon qu’il réfulte du premier de
ces attributs une forte de fenfation à laquelle il eft
attaché de repréfenter à l’ame un plus grand effet du
feu, que celui qu’il produit dans notre corps confi-
déré dans l’état de lanté ; & qu’il fuit de l’attribut
oppofé, qu’il n’eft autre chofe que la faculté d’affecter
d’une autre forte de fenfation, par laquelle l’ame
s’apperçoit d’un moindre effet du feu que celui qu’il
opéré dans notre corps bien difpofé.
Nous n’appelions donc chaud 6c froid, que ce qui
nous femble plus ou moins agité par l’aêtion du feu
que ne l’eft notre propre corps, autant que nous pouvons
en juger par la comparaifondes impreffions que
fait fur nos parties fenfibles cette a dion du feu dans
les fubftances dont nous fommes compofés , avec
celles qui nous viennent du dehors par le contaél des
corps ambians. Nous ne nous appercevons du chaud
& du froid, que par les effets de cette agitation ignée
, qui font plus ou moins confidérables , qui ex:
cedent ou qui n’égalent pas,ceux de la chaleur vitale
au degré qui eft propre à l’état de fanté dans chaque
individu., «
Le terme de froid n’eft donc employé que pour de-
figner une forte de modification des corps, refpe&i-
vement à la fenfation qu’ils excitent en nous, lorfi
qu’ils nousaffeâent par une mefurede chaleur moindre
que celle de la nôtre. Comme les corps ne font
dits chauds y qu’autant que l’aélion du feu eft en eux
plus forte qu’en nous; qu’autant que nous la fentons
telle; car elle n’eft pas toujours réellement ce qu’elle
paroît, ainfi qu’on le prouvera ci-après : c’eft donc
toûjours la mefure de notre chaleur animale, qui eft
la réglé de comparaifon pour juger de la chaleur ou
du froid de tous les corps qui font hors de nous.
Or cette chaleur vitale, dont la mefure ne peut
être déterminée que par le moyen du thermomètre,
ayant été fixée à l’égard de l’homme,par l’obferva:
tion faite avec cet infiniment, de la façon 6c félon la
graduation de Farenheit,à la latitude de quatre-vingt-
douze à quatre-vingt-dix huit degrés pour les différens
tempéramens & les différens âges dans l’état naturel;
& la plus grande chaleur de l’atmofphere étam limitée
à un degré bien inférieur, puifqu’aucun animal ne
pourroit v ivre dans un milieu dont la chaleur feroit
conftaroment portée à 98 degrés : il s’enfuit que l’on
pourroit dire avec fondement, d’après ce qui a été
établi ci-devant, que l’aftion du feu dans Fatmofçhe-
re ne va jamais julqu’à la rendre chaude refpeélivement
ment à nous, puifqu’elle n’excede & n’egale meme
jamais, d’une maniéré durable 6c fupportable, la
chaleur qui.nous eft naturelle. Ainfi on peut regarder
le milieu dans lequel nous vivons comme étant toû-
joursj9oi^,refpeaivement à ce que nous én fentons :
Ce rapport eft variable, félon que ce froid s’approche
ou s’éloigne plus ou moins de la chaleur animale
, non-feulement pour les hommes en général, mais
encore pour chacun en particulier, félon la différence
du tempérament & de l’âge, à-proportion de
l’intenfité ou de la foibleffe de cette chaleur naturelle
, dans la latitude des limites auxquelles on vient
de dire qu’elle s’étend en plus ou moins : dé même
tous les corps dans lefquels l’aétion du feu peut faite
monter le thermomètre à un degré quelconque fu-
périeur à ceux de la chaleur humaine , font conf-
tammentregardés comme chauds,à-proportiori de
l ’excès de cette aétion en eux fur celle qui a lieu dans
iios corps : telle eft l’idée que l’on peut donner en
général des qualités des corps, que nous diftinguons
en chauds & en froids, relativement à nos fenfations
à cet égard.
Ainfi nous attachons toûjours l’idée d’un fentiment
de froideur ou de fraîcheur à l’impreflîon que nous
fommes fufceptibles de recevoir de l’application, à
la furface de notre corps, de l’air renouvelle & de
l’eau laiffés à leur température naturelle, félon que
cette température eft plus ou moins éloignée de la
nôtre ; ce qui fait que l’air agité par le vent, par Un
éventail nous paroît froid ou frais ; que l’on trouve
plus de fraîcheur en é té , en fe baignant dans l’eau
courante ; parée que ces fluides, par le changement
qui fe fait continuellement de leur maffe autour de
notre corps, y font toujours appliqués avec leur propre
température, & ne le font pas affez pour participer
à l’excès de chaleur de la nôtre fur la leur : il
en eft de même de tous les corps, qiii n’ont d’autre
chaleur que celle du milieu, dans lequel ils font contenus
; ils font réellement tous froids, c’eft-à-dire
moins chauds que notre corps dâris fon état naturel :
ainfi ils nous paroiffent tous en général être froids au
toucher ; 6c ce froid eft au même degré dans tous,
quoiqu’il nous paroiflë plus ou moins fenfible, comme
dans les métaux, le marbre comparé au bois 6c à
d’autres corps. Cette différence ne vient que du plus
ou moins de facilité avec laquelle notre propre chaleur
fe communique aux corps que nous touchons ;
ainfi les plus déniés s’échauffent plus difficilement ;
ils doivent donc nous paroître plus/roitA, parce qu’ils
réfiftent, pour ainfi dire, plus long-tems à devenir
chauds : la durée de la difpofition à procurer la fenfation
du froid y nous femble être fon intenfité, refpec-
tivement aux corps moins denfes, qui participent
plus promptement à la chaleur que nous leur communiquons
en les touchant, 6c dont le froid ceffe fi-
tôt qu’il ne nous donne pas , pour ainfi dire, le tems
de le fentir, 6c de nous appercevoir qu’ils ont moins
de chaleur que notre corps.
Cette différence de l’impreflion plus ou moinsfroi-
de, que font fur nous ces différens corps, ne doit e£-
feûivement être attribuée qu’ à cette caufe ; puifque
par le thermomètre, on leur trouve la même température
, 6c que c’eft une chofe démontrée, qu’il n’eft
aucun corps dans la nature qui ait plus de chaleur
par lui-même qu’un autre, dans le meme milieu ; une
pierre à feu n’a pas plus de chaleur par elle-même ,
qu’un morceau de glace ; 6c les corps mêmes des animaux
chauds, n’ont après leur mort pas plus de chaleur
que tous les corps inanimés qui les environnent
, à-moins que ce ne ioit par l’effet de la putréfaction,
ainfi qu’il arrive au foin, qui eft fufceptible,
par les différens mouvemens inteftins qui peuvent
s’exciter dans fa fubftance, de devenir plus chaud que
le milieu dans lequel il fe trouve : de même l’effet y ef-
fome V II,
cence chimique fait naître de la chaleur dans l’union,
le mélange de certains cotps, par le rapport qu’il y-
a entre eux, qui féparément n’auroient que là chaleur
de tous les autres corps ambians inanimés.
Il fuit encore de ce qui a été établi précéderh-
ment,que nous pouvons même, laris qu’un corps
change de milieu, 6c avec une température conf-
tamment la même, juger différemment relativement:
au chaud 6c au froid dont cè corps peut exciter en
nous la fenfation ; ce qu’on ne doit attribuer qu’à là
différente difpofition de l’organe dé nos fenfations.
Qu’on expofe en hy ver une main à l’air jufqu’à cé
qu’elle foit froide ; qu’on chauffe l’autre main au feu,
6c qu’on ait alors un pot rempli d’eau tiede : aufli-tôt
qu’on plongera la main chaude dans cette eau , on
dira qu’elle eft froide , relpeclivement au degré de
chaleur qu’on fent dans cette main ; qu’on plonge ,
après cefa la main froide dans la même eau , & on
jugera qu’elle eft chaude , parce qu’elle à en effet
plus de chaleur que cette main n’en fentoit avant
d’être plongée. Voye^ à ce fujet lés effais de Phyftquo
de Muffchenbroeck.
Nous ne jugeons donc pas , fuivant la véritable
difpofition des corps qui font hors de nous, à l’égard
du chaud ou du froid, mais fuivant que ces corps
lont actuellement expofés à l’a£tion du feu comparée
avec celle qui a lieu dans notre corps, dont les organes
fenfitifs portent continuellement à l’ame les
impreffions qu’ils reçoivent, par l’effet de la chaleur
vitale jointe à celle du milieu, dans lequel nous nous
trouvons ; ènforte que l’ame porte enfuite fon jugement
par comparaifon des corps plus ou moins
chauds , que celui auquel elle fe trouve unie.
C’eft ainfi que l’on peut rendre raifon pourquoi
les caves nous paroiffent froides en été 6c chaudes en
hy ver. Si l’on fufpend un thermomètre dans une cave
affez profonde, pendant toute une année , on
trouvera que la cave eft plus chaude en été qu’en
hy ver ; mais qu’il n’y a pas une grande différence
du plus grand chaud au plus grand froid qu’on y peut
obferver. Il paroît par-là que quoique les caves nous
femblent être plus froides en é té , elles ne le font
pourtant pas > & que cette apparence eft trompeufe.
Voici ce qui donne lieu à ce phénomène.
Én été, notre corps fe trouvant expofé au grand
air, notre chaleur étant toûjours de 94 à 98 degrés,
la chaleur du grand air eft alors dans les climats tempérés
de 80 à 90 degrés ; au lieu que l’air qui le
trouve dans ce tems-là renfermé dans les caves, n’a
qu’une chaleur de 45 à 50 degrés ; de forte qu’il a
beaucoup moins de chaleur que notre corps 6c que
l’air extérieur : ainfi dès qu’on entre dans une cave,'
lorfqu’on a fort chaud, on y rencontre un air que
l’on fent très-froid , en comparaifon de l’air extérieur,
qui eft prefque auffi chaud qu’on l’eft foi-même
en hy ver ; au contraire, lorfqu’ il gele, le froid de
l’air extérieur peut augmenter depuis le trente-deuxieme
degré du thermomètre de Farenheit, jufqu’à
zéro, tandis que la température de la cave relie en-,
core à 43 degrés: ainfi nous trouvant expofés dans
ce tems-là a l’air froid extérieur, qui fait fur notre
corps une impreflion proportionnée , 6c qui le
refroidit en effet, nous n’entrons pasplûtôtdans une
ca ve, que nous trouvons chaud l’air qui nous avoit
pa ru froid en été ,lorfquela température y étoit à-
peu-près la même : ce qui arrive donc parla différente
difpofition avec laquelle nous y entrons : d’où il réfulte
, que nous ne pouvons pas favoir ni juger, par
la feule impreflion que l’air fait fur nous dans la cave
, relativement au plus ou au moins de feu qu’il
contient, s’il y en a effeélivement davantage, ou pour
mieux dire, s’il eft plus en aftion en été qu’en hy ver.
Ce n’eft qu’à l’aide du thermomètre, que nous pouvons
être affûrés qu’il y a plus de chaleur dans les