La Wi&aé ne comptèpasbeaucoup dé géographes.
-Les-connoiffances qu’on avoit.de ce pays du tems de
-Charlemagne,n’étoient guere plus certaines que dans
-les ficelés les plus reculés.c _ . ::
La première, carte que l’on ait publiée de la Suède
, & qui reffemble en quelque façon à la configuration
de ce foyaume , eft celle d’Olaüs Magnus
archevêque d’U pfal, qui vivoit dans le feizieme
■ fie cle. ,
A cette carte en fuccédâ une autre pat Adrien
V eno, & gravée à Amfterdam par Hendius en 1613.
Elle eft fupérieure à la précédente, en ce que l’on y
reconnoît mieux la figure du pays, qu’Upfial y eft
porté plus, à fa vraie latitude, &c que les mers y
prennent une fituation & une forme plus approchantes
de la vérité : mais ces' ouvrages, malgré
les degrés de perfection qu’ils ont eu fucceffiventent,
étoient encore remplis d’une infinité de fautes.
Charles IX. conçut le deffein de connoître plus
particulièrement fon royaume ; mais il avoir beîoin
de géomètres. Il fe fervit d’Andréas Bureus, qu’on
peut appeller avec raifon le pere de la géographie fué-
doife. Il étoit né en 1571 ; élevé dans l’étude des Mathématiques
, il y fit des progrès fi rapides, qu’il eut
la charge de premier architecte du royaume, & de
chef des Mathématiques. Le roi le mit à la tête des
arpenteurs conftitués dans chaque province de fon
royaume, pour lever géométriquement leur diftriCt.
Bureus recevant les morceaux levés par ces arpenteurs
, en compofa une carte générale du royaume,
qui parut à Stockholm en 1615 en fix grandes feuilles,
gravées par Trautman.
Après la mort de Guftave Adolphe , la Géographie
languifibit en Suede jufqu’à ce que Charles X I. monta
fur le throne. Ce monarque non-feulement remit
en vigueur les anciens établiffemens, il les augmenta
même & les perfectionna, en nommant une commif-
lion d’arpenteurs pour la Livonie, l’Eftonie, l’Inger-
manie, la Poméranie & le duché de Deux-Ponts. Le
baron Charles Gripenheim fut mis à la tête de cet
établiffement. Il mourut en 1684, & eut pour fuc-
ceffeur le colonel comte de Dalhberg, qtfi pouffa fi
vivement les travaux, qu’en 1689 on pouvoit donner
des cartes exaCtes de toute la Suede, lorfque par
ordre du roila publication en fut défendue. L’on reconnut
bien-tôt après l’abus de ces défenfes. Les cartes
parurent fucceffivement, & elles contribuent
encore à étendre la réputation du bureau géographique
de Stockholm.
La RuJJic n’a guere commencé à cultiver la Géographie
avec fuccès, que vers la fin du dernier fie-
cle : on avoit pourtant déjà dreffé une carte fous le
czar Michel Federowitz ; mais il falloit un Pierre le
Grand pour faire entrer les Sciences dans fes états.
C e monarque defiroit connoître l ’étendue de fon
empire. Il fit lever des plans & des cartes ; en 17 15 ,
le lénat fut chargé de recevoir les rapports des arpenteurs
employés pour cette entreprife. Sous ce
régné, la mer Cafpienne changea de figure.
M. Kyrillow premier fecrétaire du lénat, avoit
commencé à faire rédiger & graver fous fes yeux
les plans que les arpenteurs apportoient. Une carte
générale de ce va fie empire, la première qu’on eût
vue dans ce pays, fut les prémices de fes travaux.
Voulant féconder les intentions de fon prince, il publia
un recueil de cartes particulières fous le titre
4?atlas de l'empire des RuJJes, dans le deffein de l’augmenter
& de le perfectionner de jour en jour ; mais
ce n’étoit qu’un effai encore imparfait.
A ce travail fuccéda celui que l’académie de Pé-
tersbourg avoit réfolu de faire de nouveau. M. Jo-
feph Delifle y fut appellé, non-feulement en qualité
d’aftronome, mais encore comme géographe. Il mit
te main à cet ouvrage, dès qu’il fut arrivé à Petersbourg
eft 1726. Plufieurs membres de l’académie lé
joignirent à lui en 1740, pour accélérer l’entreprifè
dont l’exécution fut achevée en 1745.
Tel eft -l’état de la Géographie dans les différens
pays de l’Europe. Il ne refte plus qu’à parler des
progrès que cette fçience a faits en France depuis
François premier, fous le régné duquel les Sciences
commencèrent à fleurir» .
L’on y remarque dans le feizieme fiecle des amateurs
de la Géographie. Quelques provinces durent
aux travaux de plufieurs favans les cartes qui en furent
publiées. François de la Guillotiere natif de
Bourdeaux, fu t, pour ainfi dire, le premier qui profitant
des lumières dés favans antérieurs & contemporains,
& des fiennes propres, publia en 15841100
carte générale du royaume. Il en avoit dans fes mains
toutes les cartes particulières, prêtes à être mifes au
jour. . .
Celui qui s’eft le plus diftingué dans le fiecle fui-
vant, fut Nicolas Sanfon d’Abbeville, né en 1600 d’une
famille diftinguée de la Picardie. Ses ouvrages font
trop connus pour vouloir les détailler ici. Ses fils Nicolas,
Guillaume Sc Adrien, coururent la même carrière
, & foûtinrent avec honneur la réputation de
leur pere. Pierre Moulard Sanfon, petit-fils de Nicolas
Sanfon, entra auffi dans les vues de fon ayeul.
Le reproche que l’on a fait à ces favans, a été de
n’avoir pas mis en ufage les obfervations aftronomi-
ques ; mais elles étoient trop récentes pour Nicolas
Sanfon qui mourut en 1660 , &c elles demandoient
encore à être confirmées par d’autres, pour obliger
les fils à refondre le corps complet de géographie
forti de leurs mains. Héritiers & fucceffeurs de ces
favans géographes, nous tâchons mon pere & moi y
de réparer l’objet de ces reproches parla grande entreprife
du nouvel atlas que nous faifons, & dont on.
peut voir le fondement dans YeJJ'ai fur l'hijloire de la.
Géographie.
Du tems des Sanfons, Pierre Duval d’Abbeville
leur parent, fit auffi fon unique occupation de la
Géographie ; mais fes ouvrages étoient négligés, &C
n’étoient pour la plûpart que des copies des cartes
des Sanfons.
Le P. Briet jéfuite, contemporain & compatriote
de Nicolas Sanfon, aimoit beaucoup la Géographie»
Il en publia un excellent ouvrage, intitulé parallèle
de la .Géographie ancienne & moderne.
Le commencement de notre fiecle doit être regardé
comme l’époque d’un renouvellement général
de la Géographie en France, & pour ainfi dire, dans
tous les autres pays de l’Europe, auxquels il fem-
ble que ce royaume ait donné le ton. L’académie des
Sciences établie fous le feu ro i, & protégée par
fon augufte fucceffeur ; les favans dont elle a été
compofée, & les obfervations faites dans différens
voyages entrepris par ordre du ro i, furent favorables
à la perfection de la Géographie , & procurèrent
la connoiffance prefque géométrique du globe-
terreftre. Jufqu’alors on ne connoiffoit guere l’application
qu’on pouvoit faire des obfervations agronomiques
à la Géographie. Le P. Riccioli jéfuite italien
, l’avoit entrevue : mais c’eft aux Picard, aux de
la Hire, aux Calfini, & autres favans de cette académie,
qu’on doit la grande entreprife de la mefure
de la terre. Les opérations faites pour tracer lajné-
ridienne de l’obfervatoire, & la prolonger depuis
Dunkerque jufqu’à Collioure , firent connoître la
néceflité de lever géométriquement toute la France ;
ouvrage important, dont on peut voir le détail dans
les ouvrages publiés à ce fujet.
Guillaume Delifle, éleve du grand Dominique.
Caflini, & aggrégé fous ce titre dans l’académie des
Sciences,fut le premier qui fit ufage des obfervations
de fes piaîtres & des autres fayans avec lefquels il
etoit en correspondance. Il fit un fonds confidérable
de cartes géographiques, dont quelques-unes de
Géographie ancienne»
Je ne m’étendrai pas davantage fur les géographes
fr.ançois,;.il me fuflit d’avoir indiqué fommairement
les favans qui fe font diftingués dans cette fcience :
ce font des modèles à ceux qui courent la même carrière.
Il ne conviendroit pas de parler ici des compatriotes
vivans ; leurs travaux feuls doivent fervir
à faire leur éloge. Il feroit inutile encore de paffer
en revue tous les écrivains qui ont travaillé fur la
Géographie ; je parle des auteurs d’élémens & de méthodes
, auxquels on peut donner le nom de géographes
méthodifies. Leur nombre efl: trop confidérable ;
il feroit à defirer qu’il s’en trouvât un certain nombre
d’utiles. Je joindrai mon fuffrage à celui du public
en faveur de M. l’abbé de la Croix ; l’on peut dire
que c’efl la méthode la plus inftruCtive, & je ne balance
pas à l’indiquer aux éleves qui me font confiés.
.
Il faut confidérer préfentement la Géographie en
elle-même. Elle doit être envifagée fous trois âges
différens,
i° . Géographie ancienne, qui eft la defeription de
la terre, conformément aux connoiffances que les
anciens en avoient jufqu’à la décadence de l’empire
romain.
20. Géographie du moyen âge, depuis la décadence
de l’empire jufqu’au renouvellement des Lettres.
Cettè partie eft très-difficile à traiter, l’incurfion des
Barbares ayant enveloppé tout dans une ignorance
profonde. Cependant le dépouillement des chroniques,
des cartulairés, &c. qui font en grande abondance
, peut fournir de grandes lumières lur cette
partie de la Géographie.
30. Géographie moderne, qui eft la defeription actuelle
de la terre, depuis le renouvellement des Lettres
jufqu’à-préfent.
La Géographie confidérée dans l’ancien tems, ne
peut être traitée avec précifion que par le fecours
dé la moderne ; c’eft par celle-ci que l’on eft venu
à-boiit dè déterminer lés différentes mefures dès anciens.
V oye { Mesures itinéraires. Quelque pro-
vifion que l’on ait de leCture des anciens auteurs, fi
l’on n’en fait point une comparaifon avec ce que
les auteurs modernes rapportent, & fi l’on ne con-
fulte point les morceaux levés exactement fur les
lieu x ,.& rectifiés même par les obfervations aftro-
nomiques, l’on pourra bien compofer une carte,
niais qui fera plutôt un dépouillement dés auteurs
qu’on aura lus, que le véritable état du pays tel
qu’il devroit être convenablement au tems pour lequel
ori travaille.
Pour la Géographie moderne, il faut faire une dif-
tkCtion entre ceux qui la traitènt. Les uns fe defti-
nent à prendre connoiffance d’une partie d’un royaume
ou d’une province, & ils doivent être regardés
comme des auteurs originaux ; pour lors ces premiers
font appellés chorographes 3 ou topographes &
ingénieurs, félon la différente étendue de pays qu’ils
comprennent dans leurs travaux. Les autres embral-
fent dans leur travail la defeription entière de la
terre ; ces derniers font appellés géographes , àc
doivent avoir recours aux premiers, & favôir combiner
& difeuter les matériaux précieux dont ils fe
fervent. Les premiers ont, pour ainfi d ire, le droit
d’invention par l’avantage qu’ils ont de fe tranfpor-
ter fur les lieux pour les confidérer par eux-mêmes &
en lever géométriquement les différentes fituations
réciproques. Les féconds doivent avoir un difeerne-
ment julte pour l’examen des ouvrages des premiers ;
fôuvent le géographe corrige le travail de l’ingénieur,
& peut ainfi partager avec lui le droit d’invention,
puidé par les pratiques de la Géométrie •& par les
Ïumieïes de l’Aftronomie, il donne aux parties du
globe de la terre les proportions qu’elles doivent
avoir. L’aftronome & le géomètre ont chacun les
connoiffances qui leur font propres ; mais le géographe
doit les pofféder toutes, & être capable de dif-
euffion pour concilier & employer à-propos les fe-
, cours qu’il tire de l’un & de l’autre.,
L’on voit donc par ce qui vient d’être d it , que
la Géographie a befoin de l’Aftronomie ; elle en emprunte
les principaux cercles imaginés pourrie ciel,
méridien, équateur, tropiques, cercles polaires,
latitude, horifon, les points cardinaux, collatéraux
& les verticaux, en un mot tout ce qui fe trouve
dans les fpherès & dans les globes ; c’eft ce qu’on
appelle Géographie aflronomique.
L’on diftingué encore la Géographie i° . en naturelle
; c’efl: par rapport aux divifions que la nature a
mifes fur la furface du globe, par les mers , les montagnes
, les fleuves, les ifthmes, &c. par rapport aux
couleurs des différens peuples, à leurs langues naturelles,
&c.
2°. En hijlorique, c’eft lorfqu’en indiquant, un
pays ou une v ille , elle en préfente les différentes
révolutions, à quels princes ils ont été fujets fucceffivement
; le commerce qui s’y fait, les batailles, les
lièges, les traités de paix, en un mot tout ce qui a
rapport à l’hiftoire d’un pays.
30. En civile ou politique, par la defeription qu’elle
fait des fouverainetés par rapport au gouvernement
civil ou politique.
40. En Géographie facrée , Iorfqu’elle a pour but
de traiter des pays dont il eft fait mention dans les
Ecritures & dans l’Hiftoire eccléfiaftique.
5°. En Géographie eccléjîafliqut, lorlqu’elle repré-
fente les partages d’une jurifdiCtion eccléfiaftique,
félon les patriarchats, les primaties, les diocèfes ,
les archidiaconés, les doyennés, &c.
6°, Enfin en Géographiephyjique ; cette derniere
confidere le globe terreftre, non pas tant par ce qui
. forme fa furface, que par ce qui en compofe la
fubftance. Voye%_ C article fuivant. Article de M. R ob
e r t DE Va u g ONDY y Géographe ordinaire du
RoiiG
éographie ph y s iq u e , eft la defeription rai-,
fennée des grands phénomènes de la terre, & la
confidération des réfultats généraux déduits des obfervations
locales Sc particulières , combinées &
réunies méthodiquement fous différentes claffes, &
dans un plan capable de faire voir l’économie naturelle
du globe, en tant qu’on I’envifage feulement
comme une maffe qui n’eft n i habitée ni féconde.
A mefure que la Géographie & la Phyfique fe font
perfectionnées, on a rapproché les principes lumineux
de c e lle - c i, des details fecs & décharnés.de
celle-là. En conféquencc de cette heureufe affoçia-
tion., notre propre féjour, ;notre habitation qui ne
nous avoit préfenté d’autre image que celle d’un
amas de débris & d’un monde en ruine, qu’irrégu-
larités à fa furface, que defordres apparens dans Ion
intérieur, s’offrit à nos yeux éclairés avec des dehors
oit l’ordre Sc l’uniformité fe firent remarquer,
oit les rapports généraux fe découvrirent fous, nos,
pas. On ne.s’occupa plus feulement de cette nomenclature
ennuyeufe de mots bizarres, qui attellent les
limites que l’ambition des conquérans a mifes dans
les établiffemens que les différentes fociétés . ont
formés fur la furface de la terre ; on ne diftingua
les pays, les contrées que par les phénomènes qu’ils
offrirent à nos obfervations. Phénomènes finguliers
ou uniformes, tout ce qui porta les empreintes du
travail de la nature, fut recueilli avec foin, fut difi
cuté,avec.exaélitude. On examina la forme, la difi
pofition, les rapports des différens objets : on effaya
même d’apprécier l’étendue des effets , de fixer leurs