homme fa it , & aller dans fa chambre lui rendre
î’hommage qu’on doit à la fageffe & à la vertu.
Quand l’enfant fera près de fortir de vos mains,
ne vous relâchez en rien de vos foins ni de votre attention.
Ne fouffrez pas qu’il s’écarte de la l'oûmif-
ïion accoutumée. C ’eft une chofe aulîi dérailonna-
ble qu’ordinaire, de préparer un enfant par plus
■ d’indépendance à un état plus fubordonné.
J’ai parlé des moeurs de l’enfant ; je parlerai de
Ton efprit au mot Institution , & ce ne fera qu’a-
lors que je pourrai dire mon avis fur le choix d’une
gouvernante. Article de M. L e f e b v r e .
GOUVERNE, f. f. (Comm.) terme ufité dans les
écritures mercantilles, pour lignifier guide, réglé ,
conduite : ainfi quand un négociant écrit à fon cor-
refpondant ou commillionnaire que ce qu'il lui mande
doit lui fervir de gouverne, c’eft-à-dire que le com-
miffionnaire doit le gouverner, fe guider, fe regler
conformément à ce que lui marque Ion commettant.
Quelques-uns fe fervent aulîi du mot gouvernoycpxi a
précilement la même lignification.Dict. de Com.(G)
GOUVERNEMENT, f. m. (Droit nat. & polit.)
maniéré dont la louveraineté s’exerce dans chaque
état. Examinons l’origine, les formes, & les caules
de la diffolution des gouvernemens. Ce fujet mérite
les regards attentifs des peuples 8c des fouverains.
Dans les premiers tems, un pere étoit de droit le
prince 8c le gouverneur né de fes enfans ; car il leur
auroit été bien mal-ailé de vivre enlemble fans quelque
efpece de gouvernement : eh quel gouvernement
plus limple 8c plus convenable pouvoit-on imaginer
, que celui par lequel un pere exerçoit dans fa
famille la puilfance exécutrice des lois de la nature !
Il étoit difficile aux enfans devenus hommes faits,
de né pas continuer à leur pere l’autorité de ce gouvernement
naturel par un confentement tacite ; ils
étoient accoutumés à fe voir conduire par fes foins,
& à porter leurs différends devant fon tribunal. La
communauté des biens établie entr’eux, les fources
du defir d’avoir encore inconnues, ne faifoient point
germer de diiputes d’avarice ; 8c s ’il s’en élevoit
quelqu’une fur d’autres fujets, qui pou voit mieux
les juger qu’un pere plein de lumières & de ten-
dreffe ?
L’on ne diftinguoit point dans ces tems - là entre
minorité ,8c majorité ; 8c fi l’enfant étoit dans un âge
à difpofer de fa perfonne & des biens que le pere lui
donnoit, il ne defiroit point de fortir de tutele, parce
que rien ne l’y engageoit : ainfi le gouvernement
auquel chacun s’étoit fournis librement, continuoit
toujours à la fatisfaélion de chacun, 6c étoit bien
plûtôr une protection 8c une fauve - garde, qu’un
frein 8c une fujétion : en un mot les enfans ne pou-
voient trouver ailleurs une plus grande sûreté pour
leur paix, pour leur liberté, pour leur bonheur ,
que dans la conduite 8c le gouvernement paternel.
C ’eft pourquoi les peres devinrent les monarques
politiques de leurs familles ; 8c comme ils vivoient
long-tems, & laiffoient ordinairement des-héritiers
capables 8c dignes de leur fuccéder, ils jettoient par-
là les fondemens des royaumes héréditaires ou électifs
, qui depuis ont été réglés par diverfes conftitu-
tions 8c par diverfes lois, fuivant les pays, les lieux,
les conjonctures 8c les occafions.
Qiie fi après la mort du pere, le plus proche héritier
qu’il lailfoit n’étoit pas capable du gouvernement
faute d’âge, de fageffe, dé prudence, de courage,
ou de quelque autre qualité ; ou bien fi diverfes familles
converioient de s’unir & de vivre enfemblè
dans une fociété, il ne faut point douter qu’alors
tous ceux qui compofoient ces familles n’ufaffent de
leur liberté naturelle, pour établir fur eux celui qu’ils
jugeoient le plus capable de les gouverner. Nous
yoyons que les peuples d’Amérique qui vivent é loignés
de l ’épée des conquérans, & de la domination
languinaire des deux grands empires du Pérou & du
Mexique, joiiiffent encore de leur liberté naturelle,
& fe conduifent de cette maniéré ; tantôt ils choifif-
fent pour leur chef l’héritier du dernier gouverneur;
tantôt le plus vaillant & le plus brave d’entre eux.
Il eff donc vraiffemblable que tout peuple, quelque
nombreux qu’il foit devenu, quelque vafte pays
qu’il occupe, doit fon commencement à une ou à
plufieurs familles affociées. On ne peut pas donner
pour l’origine des nations, des établiffemens par des
conquêtes; ces évenemens font l’effet de la corruption
de l’état primitif des peuples, & de leurs defirs
immodérés. V oye { Conquête.
Puifqu’il eft confiant que toute nation doit fes
commencemens à une ou à plufieurs familles ; elle
a dû au-moins pendant quelque tems conferver la
forme du gouvernement paternel, c’efl-à-dire n’obéif
qu’aux lois d’un fentiment d’affe^ion & de tendreffe,
que l’exemple d’un chef excite 8c fomente entre des
freres & des proches : douce autorité qui leur rend
tous les biens communs, 8c ne s’attribue elle-même
la propriété de rien !
Ainfi chaque peuple de la terre dans fa naiffance
8c dans fon pays natal, a été gouverné comme nous
voyons que le font de nos jours les petites peuplades
de l’Amérique, 8c comme on dit que fe gouvernoient
les anciens Scythes, qui ont été comme la pepiniere
des autres nations : mais à-mefure que ces peuples fe
font accrus par le nombre & l’étendue des familles,
les fentimens d’union fraternelle ont dû s’affoiblir.
Celles de ces nations qui par des ca'ufes particulières
font refiées les moins nombreufes , 8c font
plus long-tems demeurées dans leur patrie, ont le
plus conflamment confervé leur première forme de
gouvernement toute fimple 8c toute naturelle : mais
les nations qui trop refferrées dans leur pays , fe
font vues obligées de tranfmigrer, ont été forcées
par les circonftances 8c les embarras d’un voyage ,
ou par la fituation 8c par la nature du pays où elles
fe font portées, d’établir d’un libre confentement les
formes de gouvernement qui convenoient le mieux à
leur génie , à leur pofition 8c à leur nombre.
Tous les gouvernemens publics femblent évidemment
avoir été formés par délibération, par confulr
tation 8c par accord. Qui doute, par exemple, que
Rome & Venife n’ayent commencé par des hommes
libres 8c indépendans les uns à l ’égard des autres, entre
lefqueis il n’y avoit ni fupériorité ni fujétion naturelle
, 8c qui font convenus de former une fociété
de gouvernement ? Il n’efl pas cependant impofïible ,
à confidérer la nature en elle-même, que des hommes
puifl'ent vivre fans aucun gouvernement public.
Les habitans du Pérou n’en avoient point ; encore
aujourd’hui les Chériquanas, les Floridiens 8c autres
, vivent par troupes fans réglés & fans lois : mais
en général, comme il falloit chez les autres peuples
moins lauvages repouffer avec plus de sûreté les injures
particulières, ils prirent le parti de choifir une
forte de gouvernement 8c de s’y foûmettre, ayant reconnu
que les defordres ne finiroient point, s’ils ne
donnoient l’autorité 8c le pouvoir à quelqu’un ou
à quelques-uns d’entr’eux de décider toutes les querelles
, perfonne n’étant en droit fans cette autorité
de s’ériger en feigneur & en juge d’aucun autre.
C ’efl ainfi que fe conduifirent ceux qui vinrent de
Sparte avec Pallante, 8c dont Jultin fait mention.
En un mot toutes les fociétés politiques ont commencé
par une union volontaire de particuliers, qui
ont fait le libre choix d’une forte de gouvernement ;
enfuite les inconvéniens de la forme de quelques-
uns de ces gouvernemens , obligèrent les mêmes hommes
qui en étoient membres, de les réformer, de
les changer, 8c d’en établir d’autres.
Dans ces fortes d'êtabliffemens s’il eft arrivé d’abord
(ce qui peut être) qu’on fe foit contenté de remettre
tout à la fageffe & à la diferetton de celui ou
de ceux qui furent choifts pour premiers gouverneurs
, l’expérience fit voir que ce gouvernement ar-
bitraire détruifoit le bien public, 8c aggravoit le mal
loin d’y remédier: c ’eft pourquoi on fit des lois,
dans lefquelles chacun put lire fon devoir 8c con-
noître les peines que méritent ceux qui les violent.
La principale de ces lois fut que chacun auroit
8c pofféderoit en sûreté ce qui lui appartenoit en
propre. Cette loi eft de droit naturel. Quel que
ioit le pouvoir qu’on accorde à ceux qui gouvernent,
ils n’ont point le droit de fe faifir des biens
propres d’aucun fujet, pas même de la moindre portion
de ces biens, contre le contentement du propriétaire.
Le pouvoir le plus abfolu, quoiqu ablolu
quand il eft néceffaire de l’exercer, n’eft pas meme
arbitraire fur cet article ; le falut d’une armee 8c de
l’état demande qu’on obéiffe aveuglement aux officiers
fupérieurs : un foldat qui fait ligne de contester
eft puni de mort ; cependant le general meme
avec tout fon pouvoir de vie 8c de mort, n’a pas celui
de difpofer d’un denier du bien de ce foldat, ni de
fe faifir de la moindre partie de ce qui lui appartient
en propre. . A
Je fai que ce général peut faire des conquêtes, 8C
qu’il y a des auteurs qui regardent les conquêtes comme
l’origine 8c le fondement des gouvernemens mais
les conquêtes font auffi éloignées d’être l’origine 8c
le fondement des gouvernemens, que la démolition
d ’une maifon eft éloignée d’être la vraie caufe de la
conftru&ion d’une autre maifon dans la meme place.
A la vérité la deftru&ion d’un état préparé un nouv
e l état ; mais la conquête qui l’établit par la force
n’eft qu’une injuftice de plus : toute puiffance louve-
raine légitime doit émaner du conientement libre |
des peuples. I . ,
Quelques - uns de ces peuples ont place cette
puiffance fouveraine dans tous les chefs de famille
afl’emblés, 8c réunis en un .confeil,'auquel eft dévolu
le pouvoir de faire des lois pour le bien public, 8c
de faire exécuter ces lois par des magiftrats commis
à cet effet; 8c alors la forme de ce gouvernement le
nomme une démocratie. Voye[ DÉMOCRATIE.^
D ’autres peuples ont attribue toute 1 autorité lou-
veraine à un confeil, compofé des principaux citoyens,
8c alors la forme de ce gouvernement s appelle
une ariftocratie. Voyt{ ARISTOCRATIE.
D ’autres nations ont confié indiyifement la fouveraine
puiffance 8c tous les droits qui lui font effentiels,
entre les mains d’un feul homme, ro i, monarque ou
empereur; 8c alors la forme de ce gouvernement elt
une monarchie, f^oye^ Mo n a r ch ie . _
Quand le pouvoir eft remis entre les mains de ce
feul homme, 8c enfuite de fes héritiers, c’eft une
monarchie héréditaire; s’il lui eft confié feulement
pendant fa v ie , 8c à condition qu’apres fa morale
pouvoir retourne à ceux qui l’ont donné, 8c qu ils
nommeront tin fucceffeur, c’eft une monarchie elec-
IM M M B B peuples faifant une efpece de partage de
fouveraineté, 8c mélangeant pour ainfi dire les formes
des gouvernemens dont on vient de parler, en ont
confié les différentes parties en differentes mains ,
ont tempéré la monarchie par l’ariftocratie, 8c en
même tems ont accordé au peuple quelque part dans
la fouveraineté.
Il eft certain qu’une fociété a la liberté de former
un gouvernement de la maniéré qu’il lui plaît, de le
mêler 8c de le combiner de differentes façons.^ Si le
pouvoir légiflatif a été donné par un peuple à une
perfonne, ou à plufieurs à v ie , ou pour un tems li-
jnité, quand ce tems-là eft fini, le pouvoir Souverain
retourne à la fociété dont il émane. Dès qu’il y eft
retourné , la fociété en peut de nouveau difpofer
comme il lui plaît, le remettre entre les mains de
ceux qu’elle trouve bon, de la maniéré qu’elle juge
à-propos, 8c ainfi ériger une nouvelle forme de gouvernement.
Que Puffendorff qualifie tant qu’il voudra
toutes les fortes de gouvernemens mixtes du nom d’ir-
règuliers, la véritable régularité fera toûjours celle
qui fera le plus conforme au bien des fociétés civiles.
Quelques écrivains politiques prétendent que tous
les hommes étant nés fous un gouvernement, n’ont
point la liberté d’en inftituer un nouveau : chacun,
difent-ils, naît fujet de Ion pere ou de fon prince, 8c
par conféquent chacun eft dans une perpétuelle obligation
de fujétion ou de fidélité. Ce raifonnement eft
plus fpécieux que folide. Jamais les hommes n’ont
regardé aucune fujétion naturelle dans laquelle ils
foient nés, à l’égard de leur pere ou de leur prince,
comme un lien qui les oblige fans leur propre confentement
à fe foûmettre à eux. L’hiftoire làcrée 8c
profane nous fourniffent defréquens exemples d’une
multitude de gens qui fe font retirés de l’obéiffance
8c de la jurifdiûion fous laquelle ils étoient nés, de
la famille 8c de la communauté dans laquelle ils
avoient été nourris, pour établir ailleurs de nouvelles
fociétés 8c de nouveaux gouvernemens.
Ce font ces émigrations, également libres 8c légitimes
, qui ont produit un fi grand nombre de petites
fociétés, lefquelles fe répandirent en différens pays,
fe multiplièrent, 8c y féjournerent autant qu’elles
trouvèrent dequoi fubfifter, ou jufqu’à ce que les
plus forts engloutiffant les plus foibles, établirent
de leurs débris de grands empires, qui à leur tour
ont été brifés 8c diffous en diverfes petites domina-
I tions : au lieu de quantité de royaumes, il ne fe fe-
roit trouvé qu’une feule monarchie dans les premiers
fiecles, s’il étoit vrai que les hommes n’ayent
pas eû la liberté naturelle de fè féparer de leurs familles
8c de leur gouvernement, quel qu’il ait été »
pour en ériger d’autres à leur fantaifie.
Il eft clair par la pratique des gouvernemens eux-
mêmes , auffi-bien que par les lois de la droite rai-
fon, qu’un enfant ne naît fujet d’aucun pays ni d’aucun
gouvernement ; il demeure fous la tutele 8c l’autorité
de fon pere , jufqu’ à ce qu’il foit parvenu à
l’âge de raifon. A cet âge de railon, il eft homme libre
il eft maître de choifir le gouvernement fous
lequel il trouve bon de vivre, 8c de s’unir au corps
politique qui lui plaît davantage ; rien n’eft capable
de le foûmettre à la fujétion d’aucun pouvoir fur
la terre, que fon feul confentement. Le confentement
qui le foûmet à quelque gouvernement, eft exprès
ou tacite. Le confentement exprès le rend fans
contredit membre de la fociété qu’il adopte ; le con*
fentement tacite le lie aux lois du gouvernement dans
lequel il joiiit de quelque poffeffion: mais fi fon obligation
commence avec fes poffeffions, elle finit auffi
avec leur joiiiffance. Alors des propriétaires de cette
nature font maîtres de s’incorporer à une autre communauté
, 8c d’en ériger une nouvelle, in vacuis lot
is , comme on dit en termes de Droit, dans un de-
fert, ou dans quelque endroit du monde, qui foit
fans poffeffeurs 8c lans habitations.
Cependant, quoique les hommes foient libres de
quitter un gouvernement, pour fe foûmettre a un autre,
il n’en faut pas conclure que le gouvernement auquel
ils préfèrent de fe foûmettre, foit plus légitime
que celui qu’ils ont quitté ; les gouvernemens de quelque
efpece qu’ils foient, qui ont pour fondement un
acquiefcement libre des peuples, ou exprès, ou ju-
ftifié par une longue 8c paifible poffeffion, font également
légitimes, auffi long-tems du-moins que par
l’intention du fouverain, ils tendent au bonheur des