* GOUSSET, f. m. (Gramm.) ce mot a plufieurs
acceptions. Il le dit de la piece de foile en lofange
dont ont garnit l’endroit d’une chemife qui correspond
à l’aiffelle : de la partie de l’armure d’un chevalier,
qui a une branche ouverte ôc plus courte
que l’autre, qui eft faite en équerre, & qui habille
aufli le haut du bras à l’articulation : d’une petite
poche pratiquée à nos culottes, où l’on fert fa montre
ou quelques autres meubles précieux : de la barre
du gouvernail : voye^ la Planche I V , fig. n°. •/y y ,
ôc T art. Gouvernail : d’une efpece de lieu qui fe
place dans les enrênures d’un entrain à un autre,
ou d’un morceau de planche en équerre, chantourné
par-devant, que l’on fixe de champ à un mur ou
dans un autre endroit, pour foûtenir une planche ,
une tablette : d’une efpece de fiége ménagé à la portière
d’un carroffe pour un fur-numéraire ; & d’une
piece en forme de pupitre, tirée de l’angle dextre
ou feneftre du chef, defcendant diagonalement fur
le point du milieu de l’écu d’une autre piece fembla-
b le , 8c tombant perpendiculairement fur la bafe. V.
nos Planches de BlaJ'on. Le goujfet eft une flétriffure ;
il marque, à ce que difentles écrivains de l’art héraldique
, la Sévérité , &c.
G O Û T , f. m. (Phyjiolog.) en g rec, ytZmç, en latin
, gujlus s c’eft ce fens admirable par lequel on
difcerne les faveurs, ôc dont la langue eft le principal
organe.
D u goût en général. L e goût examiné Superficiellement
paroît être une fenfation particulière à la bouche
, ôc différente de la faim ôc de la foif ; mais allez
à la Source, ôc vous verrez que cet organe qui dans
la bouche me fait goûter un mets, eft le même
qui dans cette même bouche, dans l’oefophage ôc
dans l’eftomac, me follicite pour les alimens, ôc
me les fait defirer. Ces trois parties ne font proprement
qu’ un organe continu, & ils n’ont qu’un
Seul ôc même objet : fi la bouche nous donne de l’a-
verfion pour un ragoût, le gofier ne fe refferre-t-il
pas à l’approche d’un mets qui lui déplaît ? L ’eftomac
ne rejette-t-il pas ceux qui lui répugnent ? La
faim, la foif, ôc le goût font donc trois effets du même
organe ; la faim ôc la foif font des mouvemens
de l’organe defirant fon objet ; le goût eft le mouvement
de l’organe de cet objet : bien entendu que
l’ame unie à l’organe , eft feule le vrai fujet de la
fenfation.
Cette unité d’organe pour la faim, la foif ôc le
goût, fait que ces trois effets font prefque toûjours
au même degré dans les mêmes hommes : plus ce
defir du manger eft violent, plus la joiiiflance de ce
plaifir eft délicieufe : plus le goût eft flatté, ôc plus
aufli les organes font aifément les frais de cette
joiiiflance, qui eft la digeftion , parce que tous ces
plus que je fuppofe dans les bornes de l’état de fan-
t é , viennent d’un organe plus fain, plus parfait,
plus robufte.
Cette réglé eft générale pour toutes les fenfa-
tions, pour toutes les paflions : les vrais defirs font
la mefure du plaifir ôc de la puiflance, parce que la
puiflance elle-même eft la caufe & la mefure du
plaifir, & celui-ci celle du defir ; plus l’eftomac eft
v o ra c e , plus l’on a de plaifir à manger, ôc plus on
le defire. Sans cet accord réciproque fondé fur le
méchanifme de l’organe , les fenfations détruiroient
l’homme pour le bien duquel elles font faites ; un
gourmand avec un eftomac foible feroit tué par des
indigeftions ; quelqu’un qui auroit un eftomac vo race
,8c qui feroit fans appétit, fans goût,, s’il étoit
poflible , périroit & par les tourmens de fa voracit
é , & par le défaut d’alimens que fon dégoût refu-
feroit à fa puiflance.
Cependant combien n’arrive-t-il pas que le defir
furcharge la puiflance, fur-tout chez les hommes ?
C’eft qu’ils fuivent moins les Amples mouvement
de leurs organes , de leurs puiffances, que ne font
les animaux ; c’eft qu’ils s’en rapportent plus à leur
vive imagination augmenée encore par des artifices,
& que par-là ils troublent eet ordre établi dans la
nature par fon auteur : qu’ils ceflent donc de faire
le procès à des fen s , à des paflions auxquelles ils
ne doivent que de la reconnoiffance : qu’ils s’en
P.rf nncn* ^eurs defauts à une imagination detè*
gié e, ôc à une rail'on qui n’a pas la force d’y mettre
un frein.
Le goût en général eft le mouvement d’un organe
qui jouit de fon objet, ôc qui enfent toute la bonté;
c’eft pourquoi le goût eft de toutes les fenfations :
on a du goût pour la Mufique ôc pour la Peinture,
comme pour les ragoûts, quand l’organe de ces fenfations
favoure, pour ainn dire, ces objets.
Quoique le goût proprement pris foit commun à
la bouche, à l ’oefophage & à l’eftomac , ôc qu’il y
ait entre ces trois organes une fympathie telle, que
ce qui déplaît à l’u n , répugne ordinairement à tous,
& qu’ils fe liguent pour le rejetter ; cependant il faut
avoiier que la bouche poflede cette fenfation à un
degré fupérieur ; elle a plus de fineffe, plus de délicateffe
que les deux autres : un amer qui répugne
à la bouche jufqu’à exciter le vomiffement, ne fera
pour l’eftomac qu’un aiguillon modéré qui en réveillera
les fondions.
Il étoit bien naturel que la bouche qui devoit goûter
la première les alimens , & qui par-là devenoit
le gourmet, l’échanfon des deux autres, s’y connût
un peu mieux que ces derniers. Ce fens délicat eft,.
comme on vient de v o i r , le plus ejfentiel dé tous
après le toucher ; je dirois plus effentiel que le toucher
, file goût lui-même n’étoit une efpece de toucher
plus fin, plus fubtil ; aufli l’objet du goût n’eft
pas le corps folide qui eft celui de la fenfation du
toucher, mais ce font les fucs, ou les liqueurs dont
ces corps font imbus, ou qui en ont été extraits, &
qu’on appelle corps favoureux ou faveurs. V. Saveur.
L ’organe principal fur lequel les faveurs agiflent,
eft la langue. Bellini eft le premier qui nous én a
donné une exafte defeription, à laquelle on ne peut
reprocher qu’une di&ion obfcure ôc entortillée. Ce
célébré médecin qui a joint à l’étude du corps humain
, la connoiffartce de la Phyfique géométrique ,
fait remarquer qu’il y a trois efpecCs d?éminènces
fur la langue ; on voit d’abord de petites pyramides ,
ou plûtôt des poils affez gros vers la bafe -, & qui
font en forme de cône dans les boeufs : on trouve
enfuite de petits champignons qui ont un col aflez
étroit, ôc qu’on ne fauroit mieux comparer qu’aux
extrémités des cornes des limaçons ; enfin il y a des
mamelons applatis percés de trous.
Les petits cônes qui fe trouvent dans les boetifs,’
ou les petits poils qu’on voit dans l’homme, ne pa-
roiflent pas être l’organe dti goût; il eft plus vraifi-
femblable qu’ils ne fervent qu’à rendre la langue
pour ainfi dire hériflee, afin que les alimens,puifl'ent
s’y attacher, ôc que par un tour de langue on puiffe
nettoyer le palais : ces cônes qui rendent la langue
rude, étoient fur-tout néceffaires aux animaux qui
paiflent, car les herbes peuvent s’y attacher.
Les champignons qui avoient été décrits par Ste-
non, lequel avoit remarqué aflez exafrement leur
forme, ôc la place qu’ils occupent fur la langue ,
paroiffent être des glandes ; ca r , comme l’a remarqué
ce même auteur, il en tranflude une liqueur
quand on les preffe ; on ne doit donc pas s’imaginer
qu’ils foient l’organe du goût.
Il y a plus d’apparence que c’eft dans cette efpece
de cellules percées de trous que fe trouve l’organe
qui nous avertit de la qualité des alimens, Ôc qui en
reçoit des impreflions agréables ou defagréables';
car
car c’eft dans la cavité de ces cellules que fetrout
vent les extrémités des nerfs , & la langue n elt len-
fible que dans les endroits oit fe trouvent les ma-
melons criblés.
Il y a plufieurs raifons qui nous prouvent que ce
font ces mamelons percés qui font l’organe du goût;
les poils ou les petites pyramides ne lont pas allez
fenfibles pour nous faire d’abord appcrcevoir les
moindres impreflions des objets ; en effet l’expenen-
ce nous fait voir que, fi dans les endroits ou il n y
a pas de mamelons percés on met un grain de l e l ,
on ne fent aucune imprefîion : mais fi 1 on met ce
grain de fel fur la pointe de la langue, ou il y a
beaucoup de mamelons percés, il y excitera d abord
une fenfation v ive.
La ftru&ure des mamelons nerveux qui font ici
l’organe de la fenfation, eft un peu différente, de
celle des mamelons de la peau, Si cela proportionnellement
à la difparité de leurs objets. Les mamelons
de la peau organes du toucher font petits , leur
fubftance eft compafte, fine, recouverte d’une membrane
allez polie, & d’un tiffu ferré ; les mamelons
de l’organe du goût font beaucoup plus gros, plus
poreux, plus ouverts ÿils font abreuves de beaucoup
de lymphe , & recouverts d’une peau ou enchâfles
dans des gaines très-inégales, 6c aufli très-poreufes,
^ Par cette ftruaure les matières favoureufes fônt
arrêtées dans ces afpérités, délayées .fondues par
eette lymphe abondante, fpintueule, abforbees par
ces pores cui les eonduifent a 1 aide de cette lymphe,
jufque dans léspapilles nerveufes fur lefquelles
ils impriment leur aiguillon.
Ces mamelons, organes du goût, non-feulement
font en grand nombre fur la langue, mais encore
font répandus çà & là dans la bouche ; l’Anatomie
découvre ces mamelons difperfés dans le palais,
dans l’intérieur des joues, dans le fond de la bouche
, & les obfervations confirment leur ufage. M.
de Juflieu rapporte dans les mémoires de l'Académie,
l’hiftoire d’une fille née fans langue, qui ne laiffoit
pas d’avoir du goût: un chirurgien de Saumur a vu j
un garçon de huit à neuf ans, qui dans une petite |
vérole avoit perdu totalement la langue par la gan- j
grene ôc cependant il diftinguoit fort bien toutes
fortes de goûts. On peut s’aflurer par foi-meme que
le palais fert au goût, en y appliquant quelque corps
favoureux : car on ne manquera pas d’en diltinguer
la faveur, à-mefure que les parties du corps favou-
reux feront aflez développées pour y faire quelque
impreflion. ,
Il faut avoiier cependant que la langue eft le grand,
le principal organe de cette fenfation : fa fubftance
eft faite de fibres charnues, au moyen defquelles elle
prend diverfes figures ; ces fibres font environnées,
& écartées par un tiffu moelleux qui rend le com-
pofé plus fouple. Une partie de ces fibres charnues
s’alonge hors de la langue, s’attache aux environs,
& forme les mufcles extérieurs qui portent le corps
de cet organe de toutes parts ; ce corps fibrénx,6c
médullaire eft enfermé dans une efpece de gaine
ou de membrane très-forte.
Le nerf de la neuvième paire, fuivant Boerhaave,
(Willis dit celui de la cinquième paire) après s’être
ramifié dans les fibres de la langue, fe termine à la
furface. Les ramifications de ce nerf dépouillées de
leur première tunique, forment les mamelons dont
nous avons parlé ; leur dépouille fortifie l enveloppe
de la langue, ôc contribue aufli à la fenfation.
Les divers mouvemens dont la fubftance de la
langue eft capable, excitent la fecrétion de la lymphe
qui abreuve les mamelons, ouvrent les pores
qui y eonduifent, déterminent les fucs favoureux à
s ’y introduire.
T e l e f t l ’ o r g a n e d u goût. C e t t e f e n f a t i o n e x i f t e r a
Tome VU.
plus ou moins dans toutes les parties de la bouche ,
îûivant qu’il s’y trouvera des mamelons goûtans >
plus ou moins difperfés. Philoxene, ce fameux gourmand
de l’antiquité, contemporain de Deny sle tyran
, qui ne faifoit fervir fur la table que des mets
extrêmement chauds, ôc qui fouhaitoit d’avoir le
col long comme une grue, pour pouvoir goûter les
vins ; Philoxene, dis-je^ avoit fans doute dans la tunique
interne de l’oefophage les mamelons du goût plus
fins qu’ailleurs ; mais fon exemple, ni celui de quelques
autres perfonnes, ne détruit point la vérité établie
ci-deffus, qu’il faut placer l’organe véritable ÔC
immédiat du goût dans les mamelons de la langue que
nouS avons décrits'; parce qu’ils font vraiment capables
de cette fenfation ; parce que là où ils n’exif-
tent pas, il n’y a point de goût proprement d it, mais
feulement un attouchement ; parce que le goût eft
plus fin où ces mamelons font en plus grande quantité
, favoir au bout de la langue ; parce que quand
ces mamelons font affeûés, enlevés, brûlés , le goût
fe perd, ôc qu’il fe rétablit à-mefure qu’ils fe rege-
nerent.
On pourra comprendre encore mieux la fenfation
du goût, fi l’on réunit fous un point les diverfes cho*
fes qui y concourent, ôc fi l’on fe donne la peine de
confidérer ; i° . que le tapis de la bouche eft non-
feulement délicat, mais poreux pour s’imbiber facilement
du fuc favoureux des alimens ; z°. que ce
tapis eft criblé d’ouvertures par lefquelles la bouche
eft fans ceffe abreuvée de falive, humeur préparée
dans diverfes glandes, avec une fubtilité ôc
une ténuité capable de diffoudre les alimens, de maniéré
qu’étant mêlés avec ce diffolvant, ils defeen-
dent dans le ventricule où la diffolution s’acheve ;
3°. que cette humeur diffolvante ayant la vertu de
fondre, s’il faut ainfi dire, les alimens, en détache les
fels dans lefquels confifte la faveur, qui n’ eft point
fenfible avant cette diffolution, ces fels y étant enveloppés
avec les parties terreftres ôc infipides ; 40.
que les mamelons nerveux qui font les organes du
goût ont une délicateffe particulière, tant par la nature
, qu’à caufe qu’étant enfermés dans la bouche
ôc dans les lieux à couvert, ils ne font point expofés
aux injures de l’air qui les deffeeheroit, ôc leur feroit
perdre cette délicateffe de fenfation , qu’une
chaleur égale, modérée, l’.humidité ôc la tranfpira-
tion du dedans de la bouche y entretiennent, les
rendant par ce moyen pénétrables aux fucs favoureux
des alimens ; 50. enfin que le mouvement de la
langue qui eft fi fréquent, fi prompt, fi facile, fert à
remuer, ôc retourner de tous fens les alimens pour les
faire appliquer aux différentes parties du-dedans de
la bouche dans lefquels le fentiment du goût réfide.
L’objet du goût eft toute matière du régné végétal
, animal, minéral, mêlée ou féparée, dont on
tire par art le fel 8c l’huile, ôc conféquemment toute
matière faline , faVonneule, huileulè, fpiritueufe.
Voici donc comment fe fait le goût. La matière
qui en eft l’objet, atténuée, ôc le plus fouvent diflbu-
te dans la falive, échauffée dans la bouche, appliquée
à la langue par les mouvemens de la bouche ,
s’infinue entre les pores des gaînes membraneufes ;
ôc de-là pénétrant à la furface des papilles qui y font
cachées, les affette, ôc y produit un mouvement
nouveau, lequel fe propageant au fenforium commune
y fait naître la fenfation des diverfes faveurs.
J’ai dit que la matière qui eft l’objet du g oû t, doit
être atténuée, parce que pour bien goûter les corps
fapides, il ne faut pas les tenir tranquilles fur la langue
, mais les remuer pour mieux les divifer ; il faut
que les fels fqient fondus pour être goûtés : la langue
ne goûte que ce qui eft affez fin pour enfiler les
pores des mamelons nerveux.
J’ai ajouté que cette matière - objet du g oû t, doit
D D d d d