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le s , que ne le font les femences de la fougère mâle;
car dans la fougère femelle elles font cachées fur les
bords des petites feuilles, qui fe prolongent, fe re-
fléchiffent tout-autour en automne , & forment des
efpeces de finuofités oit naiffent les feuilles.
L ’ingénieux M. Miles a obfervé de plus : i°. que
les capfules des graines de la fougere commune, de la
ruë de montagne, de la langue de ce rf, de la dian-
t e , Sc autres capillaires, étoient toutes femblables
dans leur forme générale, Sc que la feule différence
confiftoit dans la grofleur des graines, leur arrangement
, & leur quantité. i ° . Que les efpeces ou les
graines font en petit nombre, ont une fubftance
lpongieufe affez femblable à l’oreille de judas, Sc
qui femble leur être donnée pour mettre les femences
à couvert. 30. Que lorfqu’elles font tombées,
on découvre fur la plante de petites membranes un
peu frifées, qui paroiffent comme fi elles euffent
été élevées adroitement de deffus la furface de la
feuille avec une pointe de canif. 40. Que le cordon
élaftique par lequel les coques s’ouvrent Sc jettent
leurs graines , eft compolé de fibres annulaires,
comme le gofier d’un petit oifeau. 50. Qu’on peut
voir le jet même de ces graines Sc 1 operation de
la nature, fous le microfcope, en faifant les expériences
avec la fougere fraîchement cueillie au commencement
de Septembre. 6°. Que quand il arrive que
la capfule eft dans fon jufte point de maturité, le jet
le fait infenfiblement, Sc par degré. 70. Qu’il s’écoule
quelquefois un gros quart - d’heure avant que la
capfule s’o u v re, Sc que la corde à refl'ort jette la
graine, mais qu’aiors on eft dédommagé de fon attente
, parce qu’on- voit diftin&ement Sc complètement
le procédé de la nature. 8°. Enfin, que quand
on frotte les feuilles de la plante pour en avoir les
graines, elles s’envolent en forme de poufïiere, qui
entre fouvent dans les pores de la peau, & y caufe
une efpece de demangeaifon, comme ces efpeces
d’haricots des îles de l’Amérique, qu’on appelle/wri
grattés. Mais il faut lire les détails de tous ces faits
dans les Trànf. philof. n ° . 46 7 . pag. y y 4. & fuiy . où
l’auteur indique la maniéré fie répéter ces expériences
, Sc de les vérifier. On peut actuellement carac-
térifer la fougere.
Nous la nommerons donc une plante cpiphyllof-
perme, c’eft-à-dire portant fes graines fur le dos des
feuilles , renfermées dans de petites véficules, qui
lors de leur maturité, s’ouvrent en-travers par une
efpece de refl'ort. Sa feuille cotonneufe, eft compo-
fée d’autres feuilles attachées à une côte, de maniéré
qu’il y a des loges de l’un & de l’autre côté.
Ses lobes font découpés, Sc la découpure pénétré
jufqu’à la côte principale ; on n’a point encore découvert
fes fleurs.
Parmi la quantité de fougères que nous préfentent
l’un & l’autre monde, il y en a trois principales d’u-
fage dans les boutiques; favoir la fougere mâle, la
fougere femelle, & la fougere fleurie.
La fougere mâle s’appelle chez nos botaniftes f i l i x ,
f il ix mas, &c. fa racine eft épaiffe, branchue, fi-
breufe, noirâtre en-dehors, pâle en-dedans, garnie
de plufieurs appendices, d’une faveur d’abord dou-
çâtre, enfuite un peu amere, un peu aftringente,
fans odeur. Elle jette au printems plufieurs jeunes
pouffes, recourbées d’abord, couvertes d’un duvet
blanc, lefquelles fe changent dans la fuite en autant
de feuilles larges, hautes de deux coudées, droites ,
caftantes, d’un verd-gai, qui font compofées de plufieurs
autres petites feuilles placées alternativement
fur une côte garnie de duvet brun; chaque petite
feuille eft découpée en plufieurs -lobes ou crêtes larges
à leur bafe, obtufes & dentelées tout-autour. Il
régné une ligne noire dans le milieu des feuilles, Sc
chaque lobe eft marqué en-deffus de petites veines,
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Sc en-deflous de deux rangs de petits points de couleur
de rouille de fer. Ces points font fa graine, qui
croît en petits globes fur le revers de la feuille. Cette
plante paroît n’avoir point de fleur, ou fi elle en a ,
on ne les a pas encore découvertes. Elle croît à l’ombre
des haies, dans les fentiers étroits, dans les forêts
, & comme dit Horace dans les champs incultes.
Negleclis urenda filix jam nafeitur agris.
La fougere commune ou la fougere femelle a dans
nos auteurs les noms de filix feemina, filix famina
vulgaris, filix non ramofa , thilypteris. Dilleu, & c .
fa racine eft quelquefois de la grofleur du doigt,
noirâtre en-dehors, blanche en-dedans , rampante
de tous côtés dans la terre, d’une odeur forte, d’une
faveur amere, empreinte d’un fuc gluant; Sc étant
coupée à fa partie fupérieure, elle repréfente une
efpece d’aigle à deux têtes. '
Sa tige, ou plutôt fon pédicule eft haut de trois
ou quatre coudées, roide, branchue, folide, liffe,
& un peu anguleufe. Ses feuilles font découpées eu
aîles : & ces aîles font partagées en petites feuilles
étroites, oblongues, pointues, dentelées quelquefois
legerement, d’autres fois entières, vertes en-
deffus, blanches en-deffous. Ses fruits ou fes véficules
font ovales comme celles de la fougere mâle, mais
placées un peu différemment fur le dos des feuilles,
comme nous l’avons dit ci-deffus, d’après les obfer-
vations de Tournefort.
Elle vient prefque par-tout, principalement dans
les bruyères, dans les lieux incultes Sc ftériles. Sa
racine eft la feule partie dont on fe ferve en Médecine.
Elle eft d’une odeur forte, différente de celle
de la fougere mâle, Sc ne rougit point le papier bleu.
Il y a apparence qu’elle contient un fel analogue,
ou Tel de corail, embarraffé dans un fuc glaireux que
le .fruit détruit, &' qui fuivant Tournefort, eft un
mélange de phlegme , d’acide, Sc de terre.
La fougere fleurie s’appelle plus communément of-
monde ; yoye^-en Varticle fous ce nom ; Sc pour ce qui
regarde les fougères exotiques, voye£ le P. Plumier,
defilicibus americanis ; Vhifl. de la Jamaïque du chevalier
Hans-Sloane ; Petiver ,pterygraphia americana
continens plufquam 400. filices varias, &c. Lond.
iôçK.jfà/. cumfig. Ce, font trois ouvrages magnifiques
à la gloire des fougères. Il n’y a point de plantes
à qui l’on ait fait tant d’honneur. (D . J.)
Fo u g e r e , (Agriculture.) la fougere femelle commune
eft pour les laboureurs une mauvaife herbe,
qui leur nuit beaucoup, & qui eft très-difficile à détruire
quand elle a trouvé un terrein favorable pour
s’y enraciner : car fouvent elle pénétré par fes racines
jufqu’à 8 piés de profondeur ; Sc traçant au long
Sc au large, elle s’élève enfuite for la furface de la
terre, Sc envoyé de nouvelles fougères à une grande
diftance. Quand cette plante pullule dans les pacages,
la meilleure maniéré de la faire périr eft de
faucher l’herbe trois fois l’année, au commencement
du printems, en Mai, Sc en Août. Les moutons que
- l’on met dans un endroit où il y a beaucoup de fougere,
la détruifent affez promptement ; en partie par
leur fumier & leur urine, Sc en partie en marchant
deffus. Mais la fougere qu’on coupe quand elle eft en
fèv e, Sc qu’on laiffe enfuite pourrir fur la terre, eft
une bonne marne pour lui fervir de fumier, Sc pour
l’engraiffer confidérablement. Les arbres plantes
dans des lieux où la fougere croît, réuftiffent très-
bien , même dans un fable chaud ; la raifon eft, que
fougere fert d’abri aux racines, & les conferve humides
& fraîches. Enfin on répand de la cendre de
fougere fur les terres pour les rendre plus fertiles.
( d . m
FOUGERE, ( Matière médicale & Pharmacie.) On
diftingue chez les Apothicaires deux efpeces de fou-
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gère, l'une àppellée fougere mâle, l'autre fougere femelle
; il y en a encore une troifieme qui eft la fougere
fleurie ou Yofmonde; mais on employé fort rarement
cette derniere. Quant aux deux autres, on les
confond affez fouvent, & l’on prend fans fcrupule
l ’une pour l’autre, c’eft-à-dire que l’on employé celle
qu’on fe peut procurer le plus facilement. Les auteurs
font pourtant partagés au fujet de leurs vertus
; les uns donnent la préférence à la fougere mâle ,
d’autres à la femelle.
Il eft fort peu important d’accorder ces diverfes
opinions, parce que cette plante qui étoit très-ufitée
chez les anciens, n’eft prefque plus employée dans
la pratique moderne : peut-être par le dégoût qu’en
ont pris les malades, félon l’idée de M. Geoffroi;
peut-être par celui qu’en ont pris les Médecins, après
l ’avoir employée inutilement ; peut-être aufîi parce
que nous avons reftreint à un très-petit nombre de
plantes nos remedes contre les maladies chroniques.
Ce n’eft prefque plus que comme vermifuge que
nous employons aujourd’hui cette racine dont nous
faifons prendre la décoûion, Sc plus ordinairement
encore Sc avec plusdefuccès la poudre au poids d’un
gros ou de deux. Cette poudre paffe pour un fpé-
cifique contre les vers plats ; Sc c’eft-là le principal
fecret des charlatans qui entreprennent la guériion
de ce mal. (£ )
• Mais fi les charlatans ont quelque fuccès dans ce
cas, c’eft qu’aiors ils joignent adroitement Sc en
cachette à la racine de fougere réduite en poudre le
mercure, l’æthiops minéral, ou quelqu’autre préparation
mercurielle, qui font feules le vrai poilon
des vers.
Les vertus de la fougere dépendent, les unes de
fon huile, les autres de fon fel effentiel, qui eft tar-
tareux, auftere, accompagné d’un fel neutre, lequel
ne s’alkalife point. Elle agit en diffolvant les
humeurs épaiffes par fon fel effentiel, Sc en reffer-
rant les fibres folides par fes particules terreufes af-
tringentes. On peut donc la preferire utilement pour
bafe des boiffons apéritives Sc defobftruentes dans
les maladies fpléniques &.hypochondriaques, pour-
vû que les malades foient capables d’en continuer
l’ufage quelque tems, fans le dégoût ordinaire, très-
difficile à furmonter.
Le fuc des racines de fougere mêlé avec de l’eau-
rofe ou autre femblable, eft un affez bon remede
pour baffmer les parties legerement brûlées, à caufe
du fuc vifqueux & mucilagineux dont cette plante
eft empreinte. (D . J.)
F o u g e r e , (Arts.) On tire un grand parti de la
fougere dans les Arts. Il eft même arrivé quelquefois
dans la difette de vivres, qu’on a fait du pain de la
racine de fougere. M. Tournefort raconte qu’il en a
vû à Paris en 1693 , que l’on avoit apporté d’Auvergne
; mais ce pain étoit fort mauvais, de couleur
rouffe , prefque femblable aux mottes d’écorce
de chêne , qui font d’ufage pour tanner le cuir,
& qu’on appelle mottes-à-brùler.
On employé lu fougere dans le comté de Saxe
pour chauffer les fours Sc pour cuire la chaux, parce
que la flamme en eft fort violente Sc très-propre à
cet emploi. ,
Le pauvre peuple en plufieurs parties du nord de
l’Angleterre , fe fert de cendrés de fougere au lieu
de favon pour blanchir le linge. Us coupent la plante
verte, la réduifent en cendres, & forment des balles
avec de l’eau, les font fécher au foleil, Sc les con-
fervent ainfi pour leurs befoins. Avant que d’en,faire
ufage, ils les jettent dans un grand feu jufqu’à ce
qu’elles rougiffent ; & étant calcinées de cette maniéré,
elles fe réduifent facilement en poudre. .
Perfonne n’ ignore qu’on employé les cendres de
fougere à la place de nitre, que l’on jette ces cendres
!Tome KII.
F O U 219
for les cailloux pour les fondre Sc les réduire en
verre de couleur verte ; c’eft-là ce qu’on nomme
verres de fougere, fi communs en Europe-. V . V e r r e .
Les cendres de la fougere femelle commune préfentent
un autre phénomène bien fingulier, quand
on en tire le fel fuivant la méthode ordinaire, à la
quantité de quelques livres; la plus grande partie de
ce fel étant léchée, Sc le refte qui eft plus humide
étant expofé à l’air, pour en recevoir l’humidité,
il devient promptement fluide, ou une huile, comme
on l’appelle improprement, par défaillance : en-
fuite le refte du lixivium qui eft très-pefant Sc d’un
rouge plus ou moins foncé, étant mis à-part dans
un vaiffeau de verre qu’on tient débouché pendant
cinq ou fix m ois, laiffe tomber au fond de la liqueur
une affez grande quantité de Tel précipité, jufqu’à
l’épaiffeur d’environ deux pouces au fond du vaiffeau.
La partie inférieure de la liqueur eft pleine de
faletés, mais la partie du haut eft blanche & limpide.
Sur la furface de cette partie fe forment des
cryftallifations de fel d’une figure régulière, femblable
à plufieurs plantes de fougere commune, qui
jetteroient un grand nombre de feuilles de chaque
côté de la tige ; ces ramifications falines fubfiftent
plufieurs femaines dans leur état, fi l’on ne remue
point le vaiffeau ; mais elles font fi tendres, que le
moindre mouvement les détruit, & alors elles ne fe
réforment jamais, f^oye^ les Tranfacl. philof, n°. 1 oâ.
Enfin les Chinois fe fervent dans leurs manufactures
de porcelaine d’une efpece de vernis qu’ils font
avec de la fougere & de la chaux ; ils y parviennent
fi aifément, qu’il ne feroit pas ridicule de l’effayer
dans nos manufaétures de porcelaine. Voici le procédé
Sc la maniéré.
Ils prennent une quantité de fougere bien féchée
qu’ils répandent par lits fur un terrein luffifant à la
quantité de vernis dont ils ont befoin. Sur cette fougere
ils font une autre couche de pierres de chaux
fraîchement calcinées, fur laquelle ils jettent avec
la main une petite quantité d’eau fuffifante pour
l’éteindre ou la délayer. Ils couvrent cette couche
de chaux d’une troifieme couche de fougere, & multiplient
toûjours alternativement ces1: couches jufqu’à
la hauteur de huit ou dix piés ; alors ils mettent
le feu à la fougere qui fe brûle en peu de tems, &
qui laiffe un mélange de chaux Sc de cendres. Ce
mélange eft porté de la même maniéré fur d’autres
couches de fougere qu’on brûle de même. Cette opération
eft répétée cinq où fix fois.
Quand la derniere calcination eft finie ; ce mélange
de chaux & de cendres eft foigneufement raf-
femblé & jetté dans de grands vaiffeaux pleins d’eau;
& fur chaque quintal de poids, ils y mettent une
livre de kékio. Ils remuent le tout enfemble ; Sc
quand la partie la plus grofïiere eft tombée au fond ,
ils enlèvent la plus fine qui fumage au-deflùs en
forme de creme, qu’ils mettent dans un autre vaiffeau
d’eàu, ils lalaiffent tomber au fond par le lé-
jour ; alors ils verfent l’eau du vaiffeau, & y laiffenf
le réfidu en forme d’une huile épaiffe.
Ils mêlent cette liqueur avec de l’huile de cailloux
préparée, en pulvérifant & en blanchiffant de
la même maniéré une forte particulière de pierre-à-
caillou, Sc ils en couvrent tous les vaiffeaux qu’ils
ont intention de verniffer. Ces deux huiles, comme
on les nomme, font toûjours mêlées enfemble, Sc
: ils les font foigneufement de la même épaifleuf,
parce qu’autrement la verniffure ne feroit point
égale. Les cendres de fougere ont une grande part
dans l’avantage que cette huile a au-deffus de nos
vernis communs. On dit que la manufafture de Brif-
tol eft parvenue à attraper la beauté du vernis
qu’elle poffede, par l’imitation des deux huiles dont
les Chinois verniffent leurs porcelaines. (JD. J.)
t À â