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M. k Cat académicien de Rouen, cbnnu avan-
tageufement par plufieurs traités, dans une difler-
tation qu’il a faite fur le Jeu central ou la chaleur inférieure
de la terre, rapporte une lettre qui lui fut écri- .
■ te par M. Ravier fecretaire de M. l’évêque du Bel- ■
day , qui étoit né dans le pays, & qui ayoit eu oc- r
>cafion de.voirtrès-fouvent la glacière; la defeription
qu’il en donne eft prefqu’entierement conforme à
celle, qui précédé. L’ouverture de la caverne eft du
fCQté.du nord-oüeft ; il y a plus de 30 ou 40 ans que
d’eau .tomboit goutte-à-rgoutte en plus de mille endroits
de la voûte, fe changeoit fur le champ en
jglace, & formoît des ftala&ites de glace femblables
jà eejles qui s’attachent à l’extrémité des toits en hy-
:ver; ce qui produifoit.une infinité de figures très-
ifingulieres. M. Ravier ajoute qu’au fond de la gro-
te il y avoit deux endroits où l’eau en tombant avoit
formé deux baflins de glace , &c que l’eau liquide y
Ætoit confqrv.ée, & fe tenoit de niveau avec les bords
xles baflins qu’elle avoit formés : ces baflins avoient
.environdeux à trois piés de diamètre. Dans ce tems-
là l’entrée de la grotte étoit ombragée par de grands
arbres touffus dont les branches la garantiffoient
pontre les ardeurs du foleil ; mais depuis qu’on fe
fut avifé de les abattre, les chofes ont bien changé
de face, & il ne s’y eft plus formé une fi grande
quantité de glace qu’autrefois. Un camp de paix plac
é à Saint-Jean de l’Olne en 1714, acheva de ruiner
la glacière: pour fe procurer de la glace, on abattit
les colonnes & les pyramides qu’on y voyoit ; depuis
on a long-tems continué à y aller chercher la
glace qu’on détachoit à melùre qu’elle fe for moi t :
cela dura jufqu’à ce que M. de Vanolles intendant
de Fianche-Comté youlant conferver cette curiofité
naturelle, <fit fermer rentrée de la grotte par une muraille
de zo pies de haut,dans laquelle fut pratiquée
une petite porte dont la clé fut remife aux échevins
du village, avec défenfe d’y laiffer entrer perfonne
pur enlever de la glace. Cette précaution contri-
ua encore à empêcher qu’il ne fe formât une fi grande
quantité de glace. M. Ravier finit par conclure
que la glace s’y amaffe & s’y durcit d’une année à
l ’aptre ; que les colonnes & pyramides qu’on y voyoit
anciennement ét.oient l’ouyrage de plufieurs fiecles;
que la fumée qu’on voyoit fortir de la glacière n’é-
toit qu’un brouillard caufé par la chaleur douce &
tempérée qui y regnoit en autonne. Il ajoute que
jamais ce brouillard ne fe diflipe avant le mois de
Juillet, parce que ce n’eft que dans les grandes chaleurs
que la glace s’y forme ; ce qu’il prouve par le
témoignage d’un de fes amis qui étoit dans l’ufage
d’aller à cet te glacière une fois tous les dix jours ; au
commencement de Juillet il n’y trouva qu’en un feul
çndroit un morceau de glace de 15 à 10 livres : mais
au milieu du mois d’Août il y trouva un grand nombre
de morceaux , dont chacun étoit allez grand
pour faire la charge d’une charrete.
On voit parce qui vient d’être rapporté,que cette
grotte préfente aux phyficiens un phénomène unique
dans la nature ; la glace qui s’y forme dans les chaleurs
de l’été prouve que le froid qui régné dans cet
endroit foûterrein eft très-réel, & n’eft point relatif
comme celui des autres foûterreins, & fait par conséquent
une exception aux réglés que fuit ordinairement
la nature. Il y a une derniere defeription de la
fnêmp glacière dans le vol, I. des mémoires des Savans
étrangers , imprimé par l’ordre de l’académie : cette
defeription a été faite en 1743. Voici ce qu’elle offre
dç particulier ou de différent de ce qui précédé. La
rampe n’a que 31 toifes de hauteur fur 64 de longueur.
Le thermomètre s’y fixe conftamment à - degré
au-deffous de la glace. Le froid & le brouillard
y, font plus fenfibles en Août qu’en Octobre ; cependant
l’état intérieur de la caverne ne change pas confidérablement
à cet égard de l’hyver à l’été, quelque
froid ou chaud qu’il faffe extérieurement. Il .y
a au bas de la rampe une coulée de terre glaife qui
s’entretient molle & boüeufe, quoique le refte de
cette partie de la rampe, tant au-deffus qu'au-défi-
fous, foit très-dur. Le defius du terrein qui couvre
la caverne, à compter fur une ligne qui tomberoit
à-plomb fur la rampe., v a , en montant fur 25 toifes
de longueur, de trois [fiés cinq pouces, & baiffe en-
fuite fur dix toifes d’un pié huit pouces. (—)
GLACIERE, i. {. {Arts mechan,'^ \ie\x creufé ar—
tiftement dans un terrein fec,pour y ferrer de la glace
ou de la neigé pendant l’h y v e r , afin de s’en fer-
vir en l’été. On place ordinairement la glacière dans
quelqu’endroit dérobé d’un jardin, dans un bois ,
dans un bofquet, ou dans un champ près de la mai-
fon : voici les chofes les plus importantes qù’on dit
qu’il faut obferver pour les glacières.
On choifit un terrein fec qui ne foit point ou peu
expofé au foleil. On y creulè une foffe ronde, de
deux toifes ou deux toifes & demie de diamètre par
le haut, finiffant en bas comme un pain de fucre ren-
verfé ; la profondeur ordinaire de la foffe eft de trois
toifes ou environ ; plus une glacière eft profonde &
large, mieux la glace & la neige s’y confervent.
Quand on creufe la glacière, il faut aller toûjours
en retréciffant par le bas de crainte que la terre ne
-s’affaife ; il eft bon de revêtir la foffe depuis le bas
jufqu’en haut d'un petit mur de moilon de huit à
dix pouces d’épaiffeur, bien enduit de mortier, &
percer dans le fond un puits de deux piés de large
&c de quatre de profondeur, garni d’une grille de
fer deffus pour recevoir l’eau qui s’écoule de la glace.
Quelques-uns au lieu de mur revêtent la foffe
d’une cloifon de charpente, garnie de chevrons la-
tés , font defeendre la charpente jufqu’au fond de la
glacière, &C bâtiffent environ à trois piés du fond une
elpece de plancher de charpente & de douves fous
lequel l’eau s’écoule.
Si le terrein où eft creufé la glacière eft très-ferme
, on peut fe paffer de charpente , & mettre la
glace dans le trou fans rien craindre ; c’eft une grande
épargne, mais il faut toûjours garnir le fond &c
les cotes de paille. Le deffus de la glacière fera couvert
de paille attachée fur une efpece de charpente,'
élevée en pyramide, de maniéré que le bas de cette
couverture defeende jufqu’à terre. On obferve que
la glacière n’ait aucun jou r, & que tous les trous en
foient foigneufement bouchés.
La.petite allée par laquelle on entre dans la glacière
regardera le nord, fera longue d’environ huit
piés, large de deux à deux & demi, & fermée foigneufement
aux deux bouts par deux portes bien
clofes. Tout-autour de cette couverture il faut faire
au-dehors en terre une rigolle qui aille en pente
pour recevoir les eaux, & le s éloigner, autrement
elles y croupiroient & fondroient la glace.
Pour remplir la glacière il faut choifir, fi cela fe
peut, un jour froid & fee, afin que la glace ne fe
fonde point ; le fond de la glacière fera conftruit à
claire-voie, par le moyen des pièces de bois qui s’en-
tre-croiîëront. Avant que d’y pofer la glace on couvre
ce fond d’un lit de paille, & on en garnit tous
les côtés en montant, de forte que la glace ne touche
qu’à la paille. On met donc d’abord un lit de
glace fur le fond garni de paille ; les plus gros morceaux
de glace & les plus épais bien battus font les
meilleurs, & plus ils font entaffés fans aucun vuide
plus ils fe confervent ; fur ce premier lit on en met
un autre de glace, & ainfi fuccèflivement jufqu’au
haut de la glacière, fans aucun lit de paille entre
ceux de glace. C ’eft affez qu’elle foit bien entaffée,
ce qu’on fait en la caffant avec des mailloches ou
des têtes de coignées; on jette de l’eau de tems-entems
deffus, afin de remplir les vuides avec les petits
glaçons, en forte que le tout venant à fe congeler
, fait une maffe qu’on eft obligé de caffer par morceaux
pour en pouvoir avoir des portions.
La glacière pleine, on couvre la glace avec de la
grande paille par le haut, par le bas & par les côtés
; & par-deffus cette paille on met des planches
qu’on charge de groffes pierres pour tenir la paille
ferrée. Il faut fermer la première porte de la glacière
avant que d’ouvrir la fécondé, pour que l’air de dehors
n’y entre point en été ; car il fait fondre la glace
pour peu qu’il la pénétré.
La neige fe conferve aufli-bien que la glace dans
les glacières. On les ramaffe en groffes pelotes , on
les bat & on les preffe le plus qu’il eft poflible ; on
les range &c on les accommode dans la glacière, de
maniéré qu’il n’y ait pas de jour entr’elles , obfer-
vant de garnir le fond de paille comme pour la glace.
Si la neige ne peut fe ferrer & faire un corps,
ce qui arrive lorfque le froid eft très-vif, il faudra
jetter un peu d’eau par-deffus, cette eau fe gelera
aufli-tôt avec la neige , & pour lors il fera aifé de
la réduire en maffe. La neige fe confervera toûjours
mieux dans la glacière fi elle y eft bien preffée & bien
battue. Il faut choifir autant qu’on peut le tems fec
pour ramaffer la neige , autrement elle fe fondroit à
mefure qu’on la prendroit. Il ne faut pourtant pas
qu’il gele trop fort, parce qu’on auroit trop de peine
à la lever. C ’eft dans les prairies & fur les beaux
gazons qu’on la va prendre, pour qu’il y ait moins
de terre mêlée. La neige eft fort en ufage dans les
pays chauds, comme en Efpagne & en Italie où les
glacières font un peu différentes des nôtres.
Les glacières en Italie font de fimples foffes profondes
, au fond defquelles on fait une tranchée pour
écouler les eaux qui fe féparent de la glace ou de la
neige fondue ; ils mettent une bonne couverture de
chaume fur le fommet de la foffe ; ils rempliffent
•cette foffe de neige très-pure, ou de glace tirée de
l ’eau la plus nette & la plus claire qu’on puiffe trouv
e r , parce qu’ils ne s’en fervent pas pour rafraîchir
■ comme nous faifons dans nos climats , mais pour la
mêler avec leur vin & autres boiffons. Ils tapiffent
la foffe avec quantité de paille dont ils font un très-
large lit dans tout l’intervalle du creux, de maniéré
qu’ils en portent le rempliffage jufqu’au fommet, &
enfuite le couvrent avec un autre grand lit de paille.
Par cet arrangement quand ils tirent du trou de
la glace pour leur ufage, ils l’enveloppent de cette
même paille dont elle eft par-tout environnée, &
peuvent en conféquence tranfporter leur petite pro-
vifion de glace à l’abri de la chaleur & à quelque
éloignement, fans qu’elle vienne à fe fondre dans le
trajet. (D . ƒ.)
GLACIERS ou GLETSCHERS , {Hiß. natur. )
quelques-uns les nomment glacières, mais le nom
de glaciers eft le plus ufité ; il ne faut point les confondre
avec la glacière naturelle qui a été décrite dans
l’article précédent.
Il n’eft peut-être point de fpe&acle plus frappant
dans la nature que celui des glaciers de la Suiffe ; on
en voit dans plufieurs endroits des Alpes : tout le
monde fait que ces montagnes font très-élevées;
quelques-unes d’entr’elles ont, fuivant le célébré
Scheuchzer, jufqu’à 1000 braffes de hauteur perpendiculaire
au-deffus du niveau de la mer, d’où
l ’on voit qu’il doit prefque toûjours y regner un froid
très-confidérable ; aufli la cime de ces montagnes
que l’on apperçoit à une très-grande diftance, eft
perpétuellement couverte de neige & de glace , &
il fe trouve près de leur fommet des lacs ou réfer-
voirs immenfes d’eaux qui font gelées jufqu’à une
très-grande profondeur. Par les viciffitudes des faifons
on fent aifément que ces réfervoirs font fujets
à fe dégeler & à fe geler enfuite de nouveau ; ce
font ces alternatives qui produifent lès différens phénomènes
dont il fera parlé -dans cet article.
Parmi les glaciers qui fe trouvent dans fes Alpes,
un des plus remarquables eft celui de Grindelwald ;
on le voit à 20 lieues de Berne, près d’un village
qui porte fon nom ; il eft fitué dans les montagnes
qui féparent le canton de Berne d’avec le Valais.
Ce fameux glacier n’avoit été décrit qu’imparfaite-
ment par plufieurs naturaliftes de la Suiffe ; Scheuchzer
lui-même n’en avoit donné qu’une courte defeription
dans fes itinera alpina, pag. 280 , a8x 5*
483 : mais enfin M. Jean-George Altmann n’a plus
rien laiffé à defirer aux naturaliftes fur cette màtie-
re : après avoir fait un voyage fur lés lieux, & avoir
examiné le glacier de GrindeWa'ld avec toute I’exac-
'titude que la difficulté du terrein pouvoit permettre,
il publia en allemand en 1753 un traité des
montagnes glacées 6* des glaciers de la Suijfe, en un
volume in-8°. c’éft le fruit de fes obfervations :
nous ne pouvons mieux faire que de donner ici un
précis de cet excellent ouvrage.
Le village de Grindelwald eft fitué dans une gorge
de montagnes longue & étrbitè ; de-là ôn commence
déjà à appercevoir le glacier ; mais en montant
plus haut fur la montagne, on découvre entièrement
un des plus beaux ipeâacles. que l’on puiffe
imaginer dans la nature, c’eft une mer de glace ou une
étendue immenfe d’eau congelée. En fuivant la pente
d’une haute montagne par l’endroit où elle dëfcend
dans le vallon & forme un plan incliné, il part de
ce réfervoir glacé un amas prodigieux dé pyramides
, formant une efpece de nappe qui occupé toute
la largeur du vallon, cëft-à-dire environ 500 pas ;
ces pyramides couvrent toute la pente de la montagne
: te vallon eft bordé des deux côtés par deux
montagnes fort élevées, couvertes de verdure, ôc
d’une Forêt de fapins jufqu’à unè certaine hauteur,
mais‘letir fommet eft Renie & chauve. Cet amas de
pyramides ou de montagnes de glace reffemble à
une mer agitée par lès vents dont les flots auroient
été fubitement iaifis par la gèléè ; ou plutôt on voit
un amphithéâtre formé par un affemblage immenfe
de tours ou de pyramides hexagones , d’une couleur
bleuâtre, dont chacune a 30 ou 40 pies de hauteur
; cela forme un coup-d’oeil d’une beauté mer-
veilleufe. Rien n’eft fur-tôüt comparable à l ’effet
• qu’il produit lorfqïi’en été le foleil vient à darder
fes rayons fur ces grouppes de pyramidès glàcées ,
alors tout le glacier commence à fumer, & jette un
éclat que les yeux ont peine à foûtenir : c’eft pror
prement à la partie qui va ainfi en pente en fuivant
l’inclinaifon de la montagne, & qui forme une efpece
de tôît Couvert de pyramides , qué l’on donne
le nom de glacier Ou de glufeher en langüé du pays ;
on les nômme aufli firh.
On voit à l’endroit le plus élevé d’où le glacier
commence à defeendre , dés cimes de montagnes
perpétuellement couvertes de neige ; elles font plus
hautes que toutes Celles qui les environnent, aufli
peut-on les appèrCèvoir ae toutes lés parties de la
Suiffe i Les glaçons & lés neigos qui les couvrent ne
fe fondent prefquë jamais entièrement ; cependant
les annales du pâÿS'rapportent qu’en 15 40 oh éprouva
une chaleur fi exceflivè pendant l’été, que le glacier
difparut tôut-à-fàit ; alors cès montagnes furent
dépouillées de la cfouté de neigé & de glàçe qui les
couvroit, & riiontrerent à nud lé roc qui les eom-
pofe ; mais eq peu de tems toutes chofes fè rétablirent
dans leur premier étàt.
Ces’montagnes glacées qu’on voit au haut du
glacier .de Grindelwald, bordent de tous côtés un
lac ou réfervoir imméhfè d’eau glacée qui s’y trouve,
M, Altmann préfilme qu’il eft d’une grandeur,