*rès-confidërable , 6c qu’il peut s’étendre jufqu’à 40
lieues, en occupant la partie fupérieure d’une chaîne
de montagnes qui prend une très-grande place
'dans la'Suiffe. La furface de ce lac glacé paroît unie
comme un miroir, à l’exception des fentes qui s’y
■ trouvent ; dans les grandes chaleurs cette furface le
fond jufqu’à un certain point. Ce qui femble favo-
rifer la conjeâure de M. Altmann fur l’étendue 6c
l ’immenfité de ce la c , c’eft que deux des plus grands
fleuves de l’Europe , le Rhin & le Rhône, prennent
leurs fources aux pies des montagnes qui font partie
de fon baffin, fans compter le Teffin 6c une infinité
d’autres rivières moins confidérables 6c de ruif-
feaux. Dans les tems oit ce lac eft entièrement pris,
le s habitans du pays fe halardent quelquefois à paf-
fer par-deffus pour abréger le chemin; mais cette
route n’eft point exempte de danger, foit par les fentes
qui font déjà faites dans la glace , foit par celles
qui peuvent s’y faire d’un moment à l’autre par les
efforts de l’air qui eft renfermé & comprimé au-def-
fous de là glace : lorfque cela arrive on entend au
loin un bruit horrible ; 6c des paffagers ont dit avoir
fenti un mouvement qui partoit de l’intérieur du lac,
fort femblable à celui des tremblemens de terre ;
peut-être ce mouvement venoit-il aufii réellement
de cette caufe , attendu que les tremblemens de terre
, fans être trop violens, ne laiffent pas d’être affez
'fréquens dans ces montagnes.
La roche qui fert de baffin à ce lac eft d’un marbre
noir rempli dé veines blanches au fommet des
montagnes du Grindelwald ; la partie qui defcend en
pente, 6c fur laquelle le glacier eft appuyé, eft d’un
marbre très-beau par la variété de les couleurs : les
«aux fuperflues du lac 6c les glaçons qui font à la
furface font obligées de s’écouler & de rouler fucceffivement
parle penchant qui leur eft préfenté : voilà,
félon M. Altmann, ce qui forme le glacier, ou cet af-
femblage de glaces en pyramides, qui, comme on a
<lit, tapiffent fi fingulierement la pente de la montag
e . _ _
Le glacier de Grindelwald eft fujet à augmentation
ÔC à diminution ; c’eft-à-dire que tantôt il s’avance
plus ou moins dans le vallon, tantôt il femble fe retirer.
Cependant comme dans ces cantons le froid eft
plus ordinaire que le chaud, il gagne toujours plus
qu’il ne perd, au grand regret des habitans; car peu-
A-peu le glacier vient occuper des endroits qui autrefois
fourniffoient de très-bons pâturages à leurs bef-
tiaux. Une erreur populaire veut que le glacier {oit y
ans à augmenter 6c 7 autres années à diminuer : mais
ces augmentations & diminutions ne peuvent avoir
une période déterminée; elles dépendent uniquement
de la chaleur plus bu moins grande des étés, des
'pluies douces qui régnent dans cette faifon, ainfi que
du froid plus ou moins rigoureux des hy vers : ces
caufes font que le glacier eft diminué ou augmenté
par le côté qui s’étend dans le vallon.
Le glacier de Grindelwald eft creux par-deffous,&
forme comme des voûtes d’oii fortent fans ceffe deux
Tuiffeaux ; l’eau de l’un eft claire, 6c l’autre eft trouble
6c noirâtre , ce qui vient du terrein par où il
paffe : ils font fujets à fe gonfler dans de certains tems, i
6c ils entraînent quelquefois des fragmensde cryftal
de roche qu’ ils ont détachés fur leur paffage. On regarde
les eaux qui viennent du glacier comme très-
lalutaires & propres à guérir la dyffenterie & un
grand nombre d’autres maladies.
Plufieurs auteurs croyent que la glace des glaciers
eft d! une autre nature que celle que l’hyver forme
ïur nos étangs 6c rivières ; il eft certain que la première
eft beaucoup plus froide & plus difficile à fondre
que la glace ordinaire ; ce qui eft attefté par le té-
moignage unanime des gens du pays, 6c par plufieurs
expér-iences qui ont été faites pour s’en affûrer. Il
paroît que c’ eft la folidité de cette glace, fa dureté
extraordinaire, 6c la figure hexagone des pyramides
dont les glaciers font compofés , qui ont donné
lieu à l’erreur de Pline 6c de quelques autres natura-
liftes,&leurontfaitprétendrequepar une longue fuite
d’années la glace le changeoit en cryftal déroché.
M, Altmann, dans l’ouvrage que nous avons cite
, donne encore la relation d’un voyage fait par
quelques anglois à un autre glacier fitué en Savoye
dans le vai d’Aofte, à quelque diftance d’un endroit
nommé Chamoigny. Le même auteur a auffi inféré
dans fon ouvrage une relation très-curieufe qui lui
fut envoyée parM. Maurice Antoine Cappeler, médecin
de Lucerne, dans laquelle il décrit le glacier du
Grimfelberg qui fépare le canton de Berne du Valais
, &c qui par conféquent doit avoir quelque cor-
refpondance avec celui du Grindelwald. Ce glacier
fe prefente de loin comme une grande muraille qui
va d’un côté à l’autre du vallon qu’il occupe ; fa fur-
face eft unie, 6c l’on n’y voit point de pyramides ,
comme dans celui de Grindelwald : la glace qui le
compofe paroît être formée de couches qui fe font
fucceffivement placées les unes fur les autres.
L’eau qui part de deflous ce glacier forme la riviere
d’Aar. C ’eft dans les cavités des roches qui bordent
les deux côtés du vallon où le glacier eft fitué, que
l’on trouve le plus beau cryftal de roche. M. Cap-
- peler nous apprend qu’on y trouva une fois une co-,
lonne de cryftal qui pefoit huit cents livres.
Nous avons encore une relation très-intéreffante
& très-détaillée d’un glacier qui fe trouve dans une autre
partie de ces mêmes montagnes du canton de Berne
: celui-ci eft fitué dans une vallée nommée le Sie-
menthal, près d’un.lieu qui s’appelle Leng: cette relation
qui eft remplie d’obfervations très-curieufes,
eft due aux foins de M. Daniel Langhans médecin,
qui l’a publiée dans un ouvrage allemand imprimé à
Zurich en 1753 , fous le titre de defeription des eu-
riojités de La vallée de Siementhal, 6cc. Ce glacier ref-
femble, à bien des égards , à celui de Grindelwald
décrit par M. Altmann ; il y a lieu de croire qu’il en
fait partie : mais il en différé en ce que les pyramides
de glace dont il eft compofé ne font point toutes
hexagones, comme celles du glacier de Grindelwald;
il y en a de pentagones, de quadrangulaires, &c. Au
fommet des montagnes qui bordent la vallée de Siementhal,
le fpéclateur étonné voit une étendue im-
menfe de glace, 6c tout à' côté un terrein couvert de
verdure & de plantes aromatiques. Une autre fingu-
larité, c’eft que tout auprès de ce glacier il fort de la
montagne fur laquelle il eft appuyé, une fource d’eau
chaude très-ferrugineufe qui forme unruiffeau affez
confidérable.
Tous ces glaciers, ainfi que les lacs d’eau glacée
dont ils dérivent, font remplis de fentes qui ont quelquefois
jufqu’à quatre ou cinq piés de largeur 6c une
profondeur très - confidérable : cela fait qu’on n’y
peut point paffer fans péril & fans beaucoup de précautions
, attendu que fouvent on n’apperçoit ces
fentes que lorfqu’on a le pié deffus ;, & même elles
font quelquefois très-difficiles à appercevoir par les
neiges qui font venues les.convrir. Cela n’empêche
pas que des chaffeurs,n’aillent fréquemment au haut
des montagnes pour chaffer les chamois 6c les bouquetins
qui fe promènent quelquefois fur les glaces
par troupeaux de douze ou quinze. II n’eft pas rare
que des. chaffeurs fe.perdent dans ces, fentes ; 6c ce
n’eft qu’au bout de plufieurs années que l’on retrouve
leurs cadavres préfervés de corruption, lorfque ces
glaciers en s’étendant dans les vallons 6c en fe fondant
fucceffivement, les laiffent à découvert. Une
perfonne digne de foi qui .a fait un long féjoujr dans
la Suiffe 6c dans le V alais, racontoit à ce fujet une
avanture arrivée à un curé du pays, qui mérite d’ê-.
tre rapportée ici. Cet eccléfiaftique étant allé à la
chaffe un famedi paffa fur un glacier ; il tomba dans
une fente,fans cependant avoir été bleffé de fa chute.
Comme la fente alloit en retréciffant, il n’alla
pas jufqu’au fond; mais il fut retenu 6c demeura fuf-
pendu au milieu des glaces : n’ayant guere lieu de
le flatter qu’il dût venir quelqu’un pour le tirer d’affaire
, dans un endroit auffi peu fréquenté , il fe
foûmit à la volonté du ciel, 6c prit le parti d’attendre
fa fin avec tranquillité : en tombant il n’a-
voit point lâché le fufil qu’il tenoit dans fes mains ;
il en détacha la pierre, 6c s’en fervitpour graver fur
le canon fa malheureufe avanture, afin d’en inftruire
la poftérité. Les paroiffiens qui lui étoient très-attachés
, ne voyant point paroître leur curé le dimanche
fuivant à l’églife, fe mirent en campagne pour le
chercher : quelques-uns d’entr’eux apperçurent fur la
neige les pas d’un homme ; ils fuivirent cette trace,
& ce fut avec fuccès ; car elle les conduifit droit à
la fente où leur infortuné pafteur n’attendoit plus
que la mort ; on l’appella , il répondit ; 6c quoiqu’il
fût demeuré près de vingt-quatre heures dans l’endroit
où il étoit tombé, il eut encore affez de force
pour fnifir les cordes qu’on lui defeendit pour le retirer
: par ce fecours imprévû, il échappa au danger
qui l’avoit fi long-tems menacé. Il y a beaucoup de
traits femblables à celui-ci, rapportés dans les auteurs
que nous avons cités, arrivés à des gens qui ne s’en
font point fi heureufement tirés. Ces fentes des glaciers
font fujettes à fe refermer, & il s’en forme de
nouvelles dans d’autres endroits ; ce qui fe fait avec
un bruit femblable à celui du tonnerre ou d ’une forte
décharge d’artillerie : on entend ce bruit effrayant
quelquefois jufqu’à fix lieues. Outre cela, les glaçons
qui compofent les glaciers s’affaiffent parce qu’ ils
font creux par-deffous ; ce qui caufe un grand fracas
qui eft encore redoublé par les échos des montagnes
des environs : cela arrive fur-tout dans les change-
mens de tems & dans les dégels : auffi les gens du pays
n’ont pas befoin d’autres thermomètres 6c baromètres
pour favoir le tems qu’ils ont à attendre.
L’iflande nous fournit encore des exemples de glaciers
à-peu-près femblables à ceux qui viennent d’être
décrits. Les habitans du pays nomment les montagnes
de glace joeklar : il n’eft pas furprenant que la
nature préfente ce phénomène dans un pays auffi
feptentrional. M. Théodore Thorkelfon Widalius a
donné une relation de ces montagnes & glaciers d’If-
lande, qu’il a eu occafion de voir par lui-même; elle
eft inférée dans le tome X I I I . du magajîn d'Hambourg
: on en trouve auffi un détail circonftancié dans
une differtation de M. Egerhard Olavius, imprimée
à Copenhague, fous le titre de enarrafiones hifiorica
de natura& confiitutione Iflandia formata & transformata
per eruptioties igriis, &c. Les phénomènes qu’on
remarque dans ces glaciers d’Iflande font affez conformes
à ceux que nous avons décrits en parlant de
ceux de la Suiffe ; ils font fujets comme eux à s’a-!-
vancer dans la plaine 6c à s’en retirer dans de cerr
tains tems ; ils fe trouvent dans la partie orientale
de l’île dans un diftritt appellé SkaptafelJJyfla. Us occupent
un efpace d’environ dix lieues de longueur ;
quant à la largeur, on n’a point encore pû la déterminer
par les obftacles que préfentent aux voyageurs
les fentes qui font à.la furface de ces glaciers;la glace
qui le compofe eit dure , compare 6c bleuâtre :
on en voit fortir des pointes de rochers qui paroiffent
y avoir été jettés par des volcans. On trouve dans
toute la campagne des environs des marques indubitables
d’éruption : en. effet , on y rencontre des
roches d’une grandeur énorme qui femblent avoir
éprouvé l’attion du feu, & en avoir été noircies.
D ’ailleurs on voit par-tout de la pierre - ponce,
des pierres vitrifiées , d’autres .pierres qui font de
venues affez friables pouf être écrafées entre les
doigts, des cendres, en un mot tout ce qui caraélérife
un pays fouillé par les volcans. Cela n’eft pas furprenant
, d’autant plus que M. Olavius remarque que les
montagnes couvertes dé neige 6c de glace qui font
dans le voifinage des glaciers d’Iflande, ont été autrefois
de vrais volcans : le mont Hecla lui-même, fi
fameux par fes éruptions fréquentes, eft une montagne
dont le fommet eft couvert de neige & de gla-
ces. ( - )
GLACIS, f. m. en Architecture, c’eft une pente peu
fenfible fur la cimaife d’une corniche, pour faciliter
l’écoulement des eaux de pluie.
C’eft encore une pente de terre ordinairement revêtue
de gafon, 6c beaucoup plus douce que le talud ;
fa proportion étant au-deffous de la diagonale du
quarré. Il y a des glacis dégauchis , qui font talud
dans leur commencement & glacis affez bas en leur
extrémité, pour raccorder les différens niveaux de
pente de deux allées parallèles. Il fe voit de ces ta-
îuds 6c glacis pratiqués avec beaucoup d’art dans le
jardin du château de Marly ; ce qu’on appelle comme
revers d’eau, talud, &c. Voye[ l'article fuivant. ( P)
G l a c is , ( Art milit. & Fortification.) En terme de
Fortification, le glacis eft le parapet du chemin-couvert
, dont la hauteur de fix à fept piés fe perd dans
la campagne par une pente infenfible d’environ vingt
ou vingt-cinq toifes. Voyeç PL I. de Fortification, les
lettres a a , dans lesfig. 1 & 5. Voye1 auffi C hemin«
COUVERT. Chambers.
Le glacis fert à empêcher que dans les environs ou
les lieux qui touchent immédiatement à la place, il
ne fe trouve aucun endroit qui puiffe fervir de couvert
à l’ennemi. La pente du glacis doit être dirigée de
maniéré qu’étant prolongée vers la place, elle rencontre
le revêtement au cordon ou un peu au-deffus.
Lorfqu’elle eft ainfi difpofée, l’ennemi ne peut
battre le revêtement ou faire breche à la place, qu’a*
près qu’il s’eft emparé du chemin-couvert : alors il
établit fes batteries fur le haut du glacis ; mais leur
proximité des ouvrages de la place en rend la conC-
truélion périileufe & difficile. Les places dont le
glacis encouvre ainfi tous les ouvrages par fon prolongement,&
que par conféquent l’on ne peut découvrir
de la campagne, font appellées places rafantesi
En tems de fiége, l’on pratique des galeries fous le glacis
d’où partent des rameaux qui s’étendent dans la
campagne. Voye^ D é f e n s e du Ch em in - couvert.
(Q)
Glacis , fignifie, en terme de Peinture, l’effet que
produit une couleur tranfparente qu’on applique fur
une autre qui eft déjà feche ; de maniéré que celle
qui fert de glacis Iaiffe appercevoir la première, à la!*
quelle elle donne feulement un ton ou plus brillant,
ou plus leger, ou plus harmonieux.
On ne glace ordinairement qu’avec des couleurs
tranfparentes,telles que les laques, les ftilsde grain,
&c. La façon de glacer eft de frotter avec une broffe
un peu ferme, la couleur dont on glace fur celle qui
doit en recevoir l’empreinte : en conféquence il relie
fur la toile fort peu de cette couleur dont on glace ;
ce qui, joint à la qualité des couleurs qui font les plus
propres à glacer, doit faire craindre avec raifon aux
peintres qui fe fervent de ce moyen, que l’effet brillant
qu’ils cherchent ne foit que paffager & ne s’é-
vanoiiiffe avec la laque & le ftil de grain qui s’évaporent
ou fe noirciffent en fort peu de tems. Au ref-
te, cette pratique a cependant été adoptée par de
grands peintres ; Rubens .en a fouvent fait ufage.
Les glacis font très-propres pour accorder un tableau
& pour parvenir à une harmonie rigoureufe : mais
le danger eft encore plus grand que l’avantage qu’on
en peut retirer , puifque l’effet en eft ordinairement
paffager, 6c que d’ailleurs rien ne peut égaler