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Rameau lui-même ; ainfi M. Rouffeau a eu raifon de
dire au mot Accompagnement, que l’accord parfait
peut être précédé non - feulement de -1 accord de
la dominante & de celui de la fous-dominante, mais
encore de l’accord de feptieme diminuée, & meme
de celui de fixte fuperflue. Soit, qu’on regarde ces
accords comme dérivés de quelque autre ou non, il
eft certain qu’ils entrent dans la baffe fondamentale,
& que par confisquent l’obfervation de M. Rouffeau
eft très-exaûe. .
Nous avons expliqué au mot D issonance, 1 origine
la plus naturelle des accords fondamentaux de
fa dominante & de la fous-dominante, fo l f i ré fa , fa
la ut ré; & fi en cet endroit nous n’avons point cité
le chapitre j x . de la Génération harmonique de M.
Rameau , comme on nous l’a reproché, c’eft qu’il
nous a paru que dans ce chapitre l’auteur infiftoit
préférablement fur une autre origine de la diffonan-
ce ; origine fondée fur des proportions & progressons
dont la confidération nous femble entièrement
inutile dans cette matière. Les remarques que fait M.
Rouffeau, au mot D issonance, fur cet ufage des
proportions, nous ont paru affez juftes pour chercher
dans les principes même de M. Rameau une autre
origine de la diffonance; origine dont il ne pa-
roît pas avoir fenti tout le prix, puifqu’il ne l’a tout-
nu-plus que legerement indiquée. Ce que nousdifons
ici n’a point pour objet de rien ôter à M. Rameau;
mais de faire voir que dans l’article D issonance,
nous nous fommes très-exa&ement exprimés fur la
matière dont il étoit queftion.
Il eft effentiel à l’accord de feptieme qui fe pratique
fur la dominante tonique, de porter toujours la
tierce majeure. Cette tierce majeure eft la note fen-
fible du ton ( /^ « {N ote sensible) ; elle monte
naturellement à la tonique, comme la dominante y
defeend: ainfi elle annonce le plus parfait de tous les
repos appellé cadence parfaite. Voye{ C a d e n c e .
Telles font enfubftance les raifons qui font porter la
tierce majeure à l’accord dont il s’agit, foit que le
îon foit d’ailleurs majeur ou mineur. Koye^mes Elé-
viens de Mufique, art. yy. & iog . <
Il n’en eft pas de même de l’accord de fixte, pratiqué
fur la fous-dominante ; la tierce eft majeure ou
mineure, félon que le mode eft majeur ou mineur :
mais fa fixte eft toujours majeure, parce qu’elle eft
la quinte de la dominante qu’elle repréfente dans cet
accord, comme on l’a expliqué au mot D issonance
, a la fin.
Les accords de feptieme, tels que ut mi fo l f i , ne
font autre chofe que l’accord de dominante tonique,
ut mi fol fi], du mode de fa , dans lequel on a changé
le ƒ l? en ƒ naturel, pour conferver l’impreffion du
mode d’wf. Sur quoi voye{ mes Elémens de Mufique ,
art. i ió . & Yarticle DOMINANTE.
A l’égard de l’accord de feptieme diminuée, tel
que fo l % f i ré fa ( Voyc^ Septième diminuée ) ,
nous en avons indiqué l’origine ci-deffus.On peut le
regarder comme formé des deux accords mi fol % f i
ré & ré fa la f i , de la dominante tonique & de la
fous - dominante dans le mode de la , qu’on a réunis
enfemble en retranchant d’un côté la dominante mi,
dont la note fenfible fo l ^ eft cenfée tenir la place ;
& de l’autre la note la, qui eft foufentendue dans la
quinte ré. On peut voir au mot Enharmonique,
l’ufage de cet accord pour paffer d’un ton dans un
autre qui ne lui eft point relatif.
Il nous refte encore un mot à dire fur l’origino
que nous avons donnée à la diffonance de la fous-
dominante, au mot D issonance. Nous avons dit
que dans l’accord fa la ut on ne pou voit faire entrer
la diffonance fo l , parce qu’elle diffoneroit doublement
avec fo l & avec la. M. Rouffeau , un peu plus
haut & dans le même article, fe fert d’ujie raftqn
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femblable pour rejetter le la ajoûté à l’accord fo l f i
ré. En vain objefteroit-on qu’on trouve au mot Accord
cette double diffonance dans certains accords
, pag. y8. Nous répondrions que ces accords,
quelqu’origine qu’on leur donne, n’appartiennent
point à la baffe fondamentale, que ce ne font point
des accords primitifs, qu’ils font pour la plupart fi
durs, qu’on eft obligé d’en retrancher différens fons
pour en adoucir la dureté. Ainfi les diffonances tolérées
dans ces accords, ne doivent point être permi-
fes dans des accords primitifs & fondamentaux ,
dans lefquels fi on altéré par des diffonances l’accord
parfait, afin de faire fentir le mode, on ne
doit au moins altérer l’harmonie de cet accord que
le plus foiblement qu’il eft poflible.
Basse fondamentale. On a déjà vû au mot
Basse fa définition ; elle ne renferme que les acr
cords fondamentaux dont nous venons de parler,
& qui font au nombre de dix-; favoir les cinq accords
de feptieme, l’accord de fixte fuperflue, les
deux accords parfaits, & les deux accords de fous-
dominante. On a vû dans le même article qui vient
d’être cité , les principales réglés fur lefquelles on
doit former la baffe fondamentale, & on peut les voir
expliquées plus en détail, d’après M. Rameau, dans
mes Elémens de Mufique. On trouvera au mot SEPTIEME
diminuée les réglés particulières de cet accord.
Mais on nous permettra de faire ici aux Muficiens
une queftion : pourquoi n’a-t-on employé jufqu’ici
dans la baffe fondamentale que les dix fortes d’accords
dont nous venons de parler ? Nous avons vû avec
quel fuccès les Italiens font ufage de l’accord de fixte
fuperflue, que la baffe fondamentale ne paroît
pas donner ; nous avons vû comment on a introduit
dans cette même baffe les différens accords de feptieme
: .eft-il bien certain qu’on ne puiffe employer
dans la baffe fondamentale que ces accords, & dans
la baffe continue que leurs dérivés ? L’oreille eft
ici le vrai juge, ou plûtôt le feui ; tout ce qu’elle
nous préfentera comme bon, devra fans doute ou
pourra du moins être employé quelquefois avec
fuccès : ce fera enfuite à la théorie à chercher l’origine
des nouveaux accords, ou fi elle n’y réuflit pas,
à ne point lui en donner d’autres qu’eux-mêmes. Je-
crains que la plupart des Muficiens, les uns aveuglés
par la routine , les autres prévenus par des fyfi-
tèmes, n’ayent pas tiré de l’harmonie tout le parti
qu’ils auroient pu , & qu’ils n’ayent exclu une infinité
d’accords qui pourroient en bien des occafions
produire de bons effets. Pour ne parler ici que d’un
petit nombre de ces accords ; par quelle raifon n’em-
ploye-t-on jamais dans l ’harmonie les accords ut mi
fol%ut, ut mi fo l % f i , dont le premier n’a proprement
aucune diffonance, le fécond n’en contient qu’une,
comme l’accord ufité ut mi fo l f i ? N’y a-t-il point
d’occafions où de pareils accords ne puiffent être
employés, ne fût-ce que par licence, car on fait
combien les licences font fréquentes en Mufique ?
Et pour n’en donner ici qu’un feul exemple analogue
à l’objet dont il s’ag it, M. Rameau n’a-t-il pas
fait chanter dans un air de trompette des Fêtes de
l’hymen, pag. 2 33. les deux parties fupérieures à la
tierce majeure l’une de l’autre, quoique deux tierces
majeures de fuite, & à plus forte raifon une
fuite de tierces majeures , foient interdites par lui-
même ? Pourquoi donc ne pourroit-on pas quelquefois
faire entendre dans un même accord deux tierces
majeures enfemble ? & cela ne fe pratique - 1 - il
pas en effet dans l’accord ut mi fo l % f i r i, nommé
de quinte fuperflue, & qui étant pratiqué dans l’harmonie
, femble autorifer à plus forte raifon les deux
dont nous venons de parler ? Si ces accords ne peuvent
entrer dans la baffe fondamentale, ne pourroient-
ils pas au snoin^ entre/ dans la baffe continue ? Si
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Pofeille les jugeoit trop durs en les rendant complets
, ne pourroit-on pas les adoucir par le retranchement
de quelques fons, pourvu qu’on laiffât toû-
jjours fubfifter le fo l% , qui confti'tue la différence
effentielle entre ces accords, & les mêmes accords
tels qu’on les employé d’ordinaire en y mettant le
fol au lieu de fol %} Ce n’eft pas tout. Imaginons
cette lifte d’accords, terminés tous ou par l’oftave
Ou la feptieme majeure, & dont les trois premiers
fons forment des tierces.
ut mi fol ^ ut.
ut mi fol % fi.
ut mi j? fol fi.
ut mi l? fol ], uu
ut mi ^ fol [7 fi.
Pourquoi ces accords, dont aucun, excepté leder-1-
n e r , ne renferme pas plus d’une ou de deux diffonances
, font-ils proferits de l’harmonie ? Eft-il bien
certain par l’expérience (car encore une fois l’expé-
r.ence eft ici le grand juge) qu’aucun d’eux ne puiffe
erre employé en aucune occafion, en les confidérant
foit en eux-mêmes, foit par rapport à ceux qui peuvent
les précéder ou les Juivre ? Je ne parle point d’une infinité
d’autres accords, fur lefquels je pourrois faire
une queftion femblable ; accords qu’il eft aifé de
former par des combinaifons qu’on peut varier en
un grand nombre de maniérés, qui ne doivent être
ni admis, ni aufli rejettés fans épreuve, & fur lefquels
on n’en a peut-être jamais fait aucune ; tels
que ceux-ci.
ut mi fol ^ f i bk
ut mi fol ut.
ut mi ], fol % fi.
ut mi I7 fol % f i 1;.
ut mi fol la
ut mi fol la.
ut mi j, fol % la.
Ut mi fol fcr fi.
ut mi fol I? la |>. &c. &C.
Il eft aifé de voir qu’on peut rendre cette lifte
beaucoup plus longue.
Je fens toute mon infufïifance pour décider de pareilles
queftions : mais je defirerois que quelque mu-
ficien confommé (& fur-tout, je le répété, non-prévenu
d’aucun fyftème ) voulut bien s’appliquer à
l’examen que je propofe. D ira - t-o n que ces accords
n’ont point d’origine dans la baffe fondamentale?
C ’eft ce qu’il faudroit examiner. Si l’accord de
fixte fuperflue n’en a point, pourquoi ceux - ci en
auroient-ils ? & fi cet accord en a , pourquoi ceux-ci
ne pourroient-ils pas en avoir? Ne pourroit-on pas
par exemple trouver une origine à l’accord ut mi fol
ut, fondée fur ce que la corde mi doit faire réfon-
ner fa dix-feptieme majeure double oftave de fol ^ ,
& faire frémir fa dix-feptme majeure en defeendant,
double o&ave d’ut ? 6c ainfi du refte ? Quoi qu’il en
foit, & pour le dire en paflànt, il fe préfente ici une
queftion bien digne d’être propofée à ceux qui prétendent
expliquer la raifon phyfique du fentiment
de l’harmonie : pourquoi l’accord ut mi fol % ut,
quoiqu’il foit proprement fans diffonances, eft-il dur
à l’oreille, comme il eft aifé de s’en affûrer? Par quelle
fatalité arrive -1 - il que des accords, qui nous
flateroient étant féparés, nous paroiffent peu agréables
étant réunis ? Je l’ignore, & je crois que c’eft la
meilleure réponfe. Paffons maintenant à quelques
autres remarques, relatives à la baffe fondamentale.
La baffe continue, qui forme ce qu’on appelle accompagnement
, n’eft proprement que le renverfe-
ment de la baffe fondamentale, & contient beaucoup
d’autres accords, tous dérivés des fondamentaux:
Jome FU,
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• aînfi l’accompagnement repréfente vraiment la baffe,
fondamentale , puifqu’il n’en eft qu’un renverfement
& pour ainfi dire une efpece de modification. Mais
eft-il v ra i, comme le prétendent quelques muficiens,
que l’accompagnement repréfente le corps fonore ?
La queftion fe réduit à favoir fi la baffe fondamentale
reprefente le corps fonôre. Or de tous les accords
employés dans la baffe fondamentale , il h’y ën a qu’uri
feul qui repréfente vraiment le corps fonore ; favoir
l’accord parfait majeur ; encore ne repréfente - 1 - il
véritablement & exaâement le corps fonore, que
quand cet accord contient la douzième 6c la dix-feptieme
majeure ; parce que le corps fonore ne fait
entendre que ces deux fons, fans y comprendre foa
ottave. Tous lés autres accords , foit confonans,
foit diffonans, font abfolument l’ouvrage de l’art,
& d’autant plus l’ouvrage de l’art, qii’ils renferment
plus de diffonances. On doit donc, ce me femble,
rejetter Ce principe, que l’accompagnement repréfente
le corps fonore, &C regarder aü-moins comme
douteufes des réglés qu’on appuieroit fur ce feul fondement
: par exemple, qüë daris l’accompagnement
on doit compléter tous les accords, même ceux qui
renfermant leplusde diffonances,comme les accords
par fuppofition, feroient les plus durs à l’oreille. M.
Rameau a déduit fans doute avec vraiffemblance de là
réfonnance du corps fonore, les principales réglés
de l’harmonie ; mais la plupart de ces réglés font
uniquement l’ouvrage de la réflexion qui a tiré de
cette réfonnafice des conclufions plus ou moins di-
reftes, plus ou moins détournées, plus ou moins ri-
goureufes ( r , Gamme) , & nullement l’ouvrage de
la nature : ainfi ce ferok parler très-incorre&ement,
pour ne rien dire de plus, que de prétendre que l’accompagnement
repréfente le corps fonore, fur-tout
quand l’accord eft chargé de diffonances. Dira-t-on
qu’il y a des corps qui en réfonnant, produifent des
fons diffonans avec le principal, comme l’avance
M. Daniel Bernoulli, dans les mémoires de l’acad.
de Berlin 1753. pag. iSj ? En fuppofant même la vérité
de cette expérience, que nous n’avons point
faite, nos adverfaires n’en pourroient tirer aucune
conclufion, puifque cette expérience iroit à infirmer
toute la théorie fur laquelle la baffe fondamentale eft
appuyée. Aufli M. Daniel Bernoulli prétend-il dans
le même endroit déjà cité, qu’on ne peut tirer de la
réfonnance du corps fonore aucune théorie mufi-
cale. Je crois cependant cette conclufion trop précipitée
: car en général les corps fonores rendent très-
l’enfiblement la douzième & la dix-feptieme, comme
M. Daniel Bernoulli en convient lui - même au même
endroit. S’il y a des exceptions à cette regle ( ce
que nous n’avons pas vérifié), elles font apparemment
fort rares, & viennent fans doute de quelque
ftruéhire particulière des corps, qui les empêche de
pouvoir être véritablement regardés comme des
corps fonores. Le fon d’une pincette, par exemple,
peut renfermer beaucoup de fons difeordans : mais
aufli le fon d’une pincette n’eft guere un fon harmonique
& mufical ; c’eft plûtôt un bruit fourd qu’un
fon. D ’ailleurs M. Rameau, à l’oreille duquel on
peut bien s’en rapporter fur ce fujet, nous dit dans
la génération harmonique, p. ty. que fi on frappe Une
pincette, on n’y apperçoit d’abord qu’une confufion
de fons qui empêche d’en diftinguer aucun ; mais
que les plus aigus venant à s’éteindre infenfiblement
à mefure que la réfonnance diminue, alors le fon le
plus pur, celui du corps total, commence à s’emparer
de l’oreille, qui diftingue encore avec lui fa
douzième & fa dix-feptieme.
La queftion f i Caccompagnement reprefente le corps
fonore, produit naturellement celle c i , f i la mélodie
cfl fuggérée par T harmonie. Voici quelques réflexions
fur ce fujet.
H i j