
ment, une pellicule dé glace très-mince-, qui te for5. :
mera à la furface fupérieure qui touche immédiatement
l’air ; enfuite on verra partir des parois du
vaiffeau des filets diverfement inclinés à ces parois,
ou faifant avec elles divers angles aigus Sc obtus ,
rarement l’angle droit. A ces filets il s en joindra
d’autres qui leur feront de même diverfement inclinés
, & à ceux-ci d’autres encore, & ainfi de fuite.
Tous ces filets fe multipliant s’élargiront en forme
de lames, qui augmentant en nombre & en épaif-
feur, compoferont enfin une feule malle folide par
leur réunion. On conçoit aifement qu’à mefure que
le froid continue ou qu’il augmente, ce premier tiffu
de glace devient toûjours plus épais.
Si la gelée eft plus âpre, tout fe paffera plus confirm
en t ; à peine aura-t-on le tems d’obferver ces
filets & ces lames, qui fe formeront & s’uniront en
un clin d’oeil.
M. de Mairan a examiné avec une attention particulière
les différentes pôfitions des filets de glace
dont nous venons de parler, foit entr’eux, foit par-
rapport aux parois du vaiffeau, ainfi que les diver-
fes figures qui en réfultent. Il a remarqué que les angles
aigus, fous lefquels s’affemblent les filets, ne
font prefque jamais au-delfous de l’angle de 30 degrés
; qu’affez fouvent ces angles font de 60 & de
120 degrés ; en forte qu’il n’eft pas rare, lorfqu’on
fait geler dé l’eau, de vo ir ceux des filets de glace
qui tiennent par les deux bouts aux parois du vaiffeau
, y faire la corde d’un arc de 120 degrés, ou
du tiers de la circonférence. Il y a beaucoup de variété
dans les figures qui réfultent de l ’affemblage
de tous ces filets ; fouvent elles font irrégulières, &
ne réveillent l’idée de rien de connu ; fouvent aulfi
elles imitent par des deffeins & des contours affez
réguliers divers ouvrages de la nature & de l’art.
C ’eft ainfi qu’elles repréfentent des champs diverfement
fillonnés, des plumes avec leurs barbes, des
efpeces d’étoile ou de croix de Malthe, &c. Les figures
les plus fréquentes font celles de morceaux de
feuilles , ou même de feuilles entières ; toutes ces
figures font legerement tracées, & comme cifelées
fur les différentes fuperficies qui les offrent à nos
yeux.
Avant la congélation de l’eau, & pendant qu’elle
fe gele, il en fort une grande quantité d’air en bulles
plus ou moins groffes, qui viennent crever à fa
furface.
La fortie de ces bulles eft d’autant plus aifée que
lu congélation fe fait plus lentement. En général,
quand la congélation eft trop prompte, il fort très-
peu d’air de l’eau, mais les bulles d’air qui en for-
tentfont plus groffes ; & au contraire quand la congélation
eft lente, les bulles qui s’échappent font en
très-grand nombre , mais fort petites.
Quoiqu’il forte beaucoup d’air de l’eau qui eft
prête à fe geler, il en refte une quantité confidéra-
ble dans l’eau glacée. Une maffe de glace formée par
une lente congélation paroît affez homogène & af-
fez tranfparente depuis fa furface extérieure, qui
s’eft gelée la premier? jufqu’à 2 ou 3 lignes de dif-
tance en-dedans ; mais dans le refte de fon extérieur
, & fur-tout vers fon milieu, elle eft interrompue
par une grande quantité de bulles d’air , & la
l'urface fupérieure qui d’abord s’étoit formée plane,
fe trouve élevée en boffe & toute raboteufe.
Une prompte congélation répand indifféremment
les bulles d’air dans toute la maffe,qui par-là eft
plus opaque que dans le premier cas ; la furface fupérieure
eft aulfi & plus convexe & plus inégale.
Les bulles d’air dont nous parlons, font pour la
plupart de figure fphérique, & de la groffeur à-peu-
près d’une tête d’épingle ; elles deviennent beaucoup
plus groffes quand le froid continue. Affez
fotivent ôn en obfèrve d’autres oblongués, vérs ld
fond du vaiffeau & près de fes parois intérieures |
d’où elles femblent quelquefois partir pour fe réu-
nir au centre ; celles-ci font toûjours en moindre
nombre que les premières.
Ces bulles qu’on apperçoit à la vue fimple , riè
font pas les feules qui interrompent la continuité
d’une maffe de glace ; en examinant la glace avec la
loupe, on en diftingue encore une infinité d’autres
beaucoup plus petites & plus près les unes des autres.
On peut par des ébullitions réitérées, & fur-tout
par le moyen de la machine pneumatique , priver
■ l’eau de la plus grande partie de l’air, & des autres
fluides élaftiques qui y font naturellement contenus.
Cette eau ainfi purgée d’a ir , étant expofée
dans la machine du vuide à un froid eonfidérablè *
fe gelera comme l’eau ordinaire par filets & par lames
, qui formeront par leur réunion une maffe de
glace moins interrompue par des bulles d’air que la
glacé ordinaire, & dont la furface fupérieure fera
fort unie;
Cette nouvelle glace contiendra doutant moins
de bulles , qu’on aura eu plus de foin de bien purger
l’eau qui aura fervi à la former. En fuivant avec
exa&itudele procédé indiqué par M. Muffchenbroek,,
on pourra parvenir à faire de la glace fenfiblement
homogène & fans aucune bulle vifible. Ejjai de Phy*
Jîque 9 tome I. chap. xxv. Tentant. Florent. & c.
Je dis fans aucune bulle vifible ; car toutes les
précautions qu’on prendra dans cette expérience ,
n’empêcheront point qu’il n’y ait toujours dans la
glace de ces bulles qui échappent à la vue fimple i ■
qu’on ne découvre qu’avec la loupe ; elles y feront
quelquefois en fi grand nombre, qu’elles rendront
la glace faite avec de l’eau purgée d’a ir , moins
; tranfparente que la glace ordinaire. Ainfi M. l’abbé
Nollet ne dit rien que d’exactement vrai en un fens*:
quand il afïïire qu’il n’a jamais pu faire de glace qui
ne contînt des bulles d’air. Leçons de Phyjique tome
IF . pag. 104.
Cet air raffemblé en bulles dans la glace, y eft:
communément plus condenfé que dans l’état naturel
; ce qui le prouve , c’eft qu’on le voit prefque
toûjours s’échapper avec précipitation quand on
perce la glace pour faire jour aux bulles. Quelquefois
aulfi on n’obferve rien de femblable, & l’air
dont nous parlons ne donne aucune marque de con-
denfation extraordinaire. Mariotte, mouvement des
eaux y premier difcours. N ollet, Leçons de Phyjîquey tome
IF . pag. 1 iy. Haies , analyfe de Pair, à la fin.
L’augmentation du volume de l’eau, quand elle
approche de fa congélation , & fur-tout lorfqu’elle
fe gele, eft un phénomène des plus importans, dont
nous n’avons point encore parlé, & de la réalité
duquel il eft facile de fe convaincre. On met pour
cet effet de l’eau dans un long tuyau, & on marque
l’endroit où fe trouve fa furface, lorfqu’elle eft dans
un lieu tempéré : on expofe enfuite le tout à la gelée
, l’eau defcend très fenfiblement ; mais lorfqu’elle
approche de fa congélation, fa furface s’arrête &
demeure ftationnaire pendant quelques momens ;
après quoi elle remonte affez promptement, & s’e-
leve au-deffus de l’endroit où elle étoit d’abord.'
Cette expérience ne lâiffe aucun lieu de douter que
l’eau qui approche de la congélation, & celle qui fe
glace a&uellement, n’occupent plus d’efpace, & ne
foient par-là plus legeres qu’un pareil volume d’eau
médiocrement froide.
Cette augmentation de volume n’eft pas moins
fenfible dans l ’eau a&uellement gelée. On fait que
la glace nage toûjours fur l’eau , &c que les glaçons
qu’on met au fond d’un vaiffeau plein d’eau ou aii
fond d’une rivière, montent toûjours vers la fuper-
ficie, Une
Une fuite 8e une nouvelle preuve de la dilatation
de l’eau convertie en glace, c’eft la rupture des vaif-
feaux où elle eft contenue ; rupture très-ordinaire
dans le ças d’une prompte congélation, lorfque ces
vaiffeaux font étroits par le h aut, que l’épaiffeur
de leurs parois eft trop peu eonfidérablè pou? réfifter
à l’effort que fait la glace en fe dilatant.
Cet effort en plulieurs cas eft immenfe. Tout le
monde a entendu parler de la fameufe expérience
de M. Huyghens, répétée par M. Buot, dans laquelle
un canon de fer épais d’un doigt, rempli d’eau &
bien fermé , ayant été expofé à une forte gelee,
creva en deux endroits au bout de douze heures.
Mrs. de l’académie de Florençe ont fait rompre par
ce même moyen plufieurs vaiffeaux, foit de verre f
foit de différens métaux , la plûpart de figure fphérique
; & M. Muffchenbroek ayant calculé l’effort
néceffaire pour faire crever un de ces vaiffeaux, il
a trouvé qu’il avoit fallu une force capable de fou?
lever un poids de 27720 livres. Tentam. pag. _
Il ne faut plus s’étonner après cela que la gelée
fouleve le pavé des rues, qu’elle creve les tuyaux
des fontaines, quand on n’a pas la précaution de les
tenir vuides, qu’elle fende les pierres & les arbres,
qu’elle détruife en plufieurs eirconftances tout le
tiffu des végétaux, &c. Ce font des fuites neceffair
res de la dilatation & de la force expapfive dont
nous venons de parler. Voye^ Gelee,
La glace faite avec de l’eau ordinaire non purgee
d’air, fe dilatant avec tant-de force & fi fenfible-?
ment, il était naturel d’examiner ce qui arriveroit
dans les mêmes eirconftances à de l’eau bien purgée
d’air , qu’on auroit foûmifç à l’aûion de la gelée ;
de voir fi elle augmenterait ou fi elle diminuerait de
volume en fe gelant : on a fait pour éclaircir ce
point quantité d’expériences. M. Homberg par un
procédé qui dura deux ans, fit en 1693 aveç de l’eau
purgée d’air, de la glace qu’il jugea plus pefante &
d’un moindre volume que l’eau ordinaire, mémoires
de Vacadémie , tom. X . pag. 3.66. Il paroît qu il fe
décida fur la feule, infpe&ion du morceau de glace y
& non par fon enfoncement dans l’eau, la feule
preuve fans répliqué ; ce qui eft certain, c’eft que
Mrs. de Mairan, Muffchenbroek, Nollet & plufieurs
autres phyficiens, qui ont répété & tourné en plufieurs
maniérés cette même expérience, n’en ont
jamais pû obtenir le même réfultat. La glaçe faite
avec de l’eau purgée d’air a toûjours nagé fur l’eau ;
fouvent même elle a caffé les vaiffeaux où elle étoit
contenue, preuves inconteftables d’une augmentation
de volume. Il faut néanmoins remarquer que
fi la glace faite avec de l’eau purgée d’a ir , eft plus
legere à raifon de fon volume que l’eau dans l’etat
de liquidité, cette même glace eft toûjours fpécifir
quement plus pefante que celle qu’on a faite avec
de l’eau ordinaire : on verra même que la différence
de leurs pefanteurs fpéçifiques §ft fouvent affez çon?
fidérable. .
La dilatation de l’eau qui devient glace eft une
exception apparente à la loi générale, fuivant lar
quelle prefque toutes les matières qui perdent leur
fluidité pour devenir folides, loin d’augmenter de
volume en diminuent conftamment ; ainfi les huiles
eu fe gelant & lorfqu’elles font gelées, occupent
toujours moins d’efpace qu’auparavant, Une autre
obfervation importante, c’eft que les huiles ne fe
gelent point comme l’eau par filets & par lames,
mais par pelotons de différente figure * qui tombant
les uns fur les autres, compofent une maffe folide
affez peu liée dans les cpmmencemens ; mais qui à
mefure que le froid augmente, acquiert de lu con-r
fiftance & de la fermeté.
Le vin glacé fe leve par feuilleU^ffez fejnblal?lçs
à des pelures d’oignçn,
Tome FIJ,
Nous venons d’expofer avec affez d’étendue es
qui fe paffe réellement & fous nos yeux dans la for«
mation de la glace ; voyons maintenant ce que les
Philofophes ont imaginé pour rendre raifon de ces
phénomènes.
Defcartes fuivi en cela d’un grand nombre de phy*
ficiens, a cru que la congélation de l’eau & des au-»
très liquides étoit une fuite néceffaire de leur refroi-,
diffement à un certain degré déterminé, fans qu’il
intervînt précifément pour cet effet dans les pores
du liquide aucune matière étrangère ; ç’eft aufff
le fentiment de Boerhaave, de s’Gravefande, de
Hartfoeker, de M. Hamberger, de M. de Mairan ÿ
&c. Tous ces phyficiens rejettent les corpufcules
frigorifiques, la matière congelante proprement di*
te : fi l’on remarque de la diverfité dans le détail de
leurs explications , on voit en même tems qu’ils fe
réunifient tous dans le point que je viens d’indiquer;
c’eft un même fond qui fe reproduit fous plufieurs
formes différentes.
Les Gaffendiftes fuppofent au contraire des cor-«
pufcules frigorifiques falins ou nitreux, qui s’intro-,
duifant entre les pores d’un fluide, arrêtent le mou«
vement de fes parties, ôc les fixent en un corps fo-«
lide & dur. Cette opinion a été adoptée par le çé-s
lebre M. de la Hire.
M. Muffçhenbroek s’en éloigne peu : il foûtient
à la vérité contre les Gaffendiftes, que le froid n’eft
que la fimple privation du feu ; mais perfuadé en
même tems que la congélation & le froid font deux
ehofes affez différentes, il a recours à une matière
répandue dans l’air, qui venant à pénétrer l ’eau &
les autres fluides, fixe la mobilité refpeêlive de leurs
parties en les liant fortement entr’elles, comme fe«
roit de la colle ou de la glu. Cette matière eft-elle
abondamment répandue dans l’air ? la gelée eft çon-»
fidérable ; au contraire n’y a-t-il dans l’air que peu.
ou point de cette matière î il ne gele point ou il ne
gele que faiblement. Ce n’eft point précifément
par le degré de froid (nous parlons d’après M. Mufi
fehenbroek) qu’on doit juger de la préfence ou de
l’abfence: de ces particules congelantes ; fi on lu»
demande ce que c’eft que çes particules, il répon-»
dra que leur nature eft encore un myftere qu’on
pourra quelque jour pénétrer. EJfais de Phyjique9
tome I. chap, xxv. Tentam. Florent,
Nous ne connoiffons aucun fyftème fur la forma-»
tion de la glace, effentiellement différent de ceux
que nous venons de rapporter ; tout paroît donc fe
réduire à cette feule queftion, La congélation d’un
liquide fuit-elle néceffairement d’un refroidiffement
à un certain degré déterminé,.pu faut-il pour la for«
mation de la glace quelque ehofe de plus ? Si le res
froidiffement fuffifoit, la matière congelante dont
l’exiftence n’eft point prouvée immédiatement feroit
inutile,. Sç par-là même elle devroit être rejettée.
Quelque id.ée qu’on fe forme de la fluidité, on ne
fauroit .s’empêcher de reconnoître la chaleur pour-
une de fes principales caufes ; il fiiffit donc afin qu’un
corps devienne folide de fluide qu’il étoit, que lq
chaleur qui agitoit fes parties diminue à un certain
degré, o u , ce qui eft la même ehofe, que ce corps
fe refroidiffe. Dans ce cas la force de cohéfion dq
fes particules augmente ; nous l’avons vu en parianç
du froid : or on fait que cette force de cohéfion eft
la caufe de la folidité des corps î& de leur dureté,
F çye^ FLUiPJTÉ, Solidité & Cohésion,
Voilà l’eau changée en un corps dur par un finv*
pie refroidiffement ; mais ce corps dur aura-t-il tçu-t
• te s les propriétés de la glace, ? préfentera?tTil dans
fa formation les mêmes phénomènes } Ç’eft ce qu’il
faut examiner,
L’eau fe gele par filets qui s’affemblent fous dif*
férens pngles. d’ofc réfultent diyerfes figures ; daftl
R R f t