
$>ar les rochers 8c les bancs de pierre, il refaite de
toutes ces dégradations des cavernes : c’eft dans ces
conduits foûterreins que certains fleuves difparoif-
fent, comme le Niger, l’Euphrate, le Rhône. C ’eft
■ dans ces cavernes formées dans le fein des montagnes,
que font les réfervoirs des fources abondantes ;
&c lorfque les voûtes de ces cavernes s’affaiffent 8c les
comblent, les eaux qu’elles contiennent fe répandent
au-dehors & produifent des inondations fubites 8c
imprévues. ,
Les eaux de pluie produifent aufli à la furface extérieure
de grands changemens. Les montagnes diminuent
de hauteur, 8c les plaines fe rempliffent par
leur travail journalier ; les cimes des montagnes fe
dégarniffent de terre, 8c il ne refte que les pics. Les
terres entraînées par les torrens & par les fleuves
dans les plaines, y ont formé des couches extraordinaires
de gravier & de fable ; on en trouve de larges
amas le long des rivières 8c dans les vallées qu’elles
traverfent. Ces couches ont cela de particulier, qu’elles
éprouvent des interruptions ; qu’elles n’annoncent
aucun parallélifme ni la même épaiffeur ; 8c
par l’examen des amas de gravier, on reconnoît qu’ils
ont été lavés, arrondis, 8c dépofés irrégulièrement
par les tournans d’eau, &c. Parmi ces fables 8c ces
graviers, on trouve fans ordre, fans difpofition régulière,
des coquilles fluviatiles, des coquilles marines
brifées 8c ifolées, des débris de cailloux, des
pierres dures, des craies arrondies, des os d’animaux
terreftres, des inftrumens de fer, des morceaux de
bois, des feuilles, des impreflions de moufle ; & les
différentes parties de cet affemblage fe lient quelquefois
avec un ciment naturel produit par la dé-
compofition de certains graviers.
Aux environs des étangs, des lacs, 8c des mers,
le long des rivières, ou près des torrens, on trouve
des endroits bas, marécageux , dont le fond eft un
mélange de végétaux imbibés de bitume : des arbres
entiers y font renverfés tous fuivant une même direâion.
Certaines couches limoneufes durciès fe font
moulées far les rofeaux des marais qu’elles ont recouverts
: fouvent ces couches de végétaux ou en nature
ou en empreinte dans la pierre ou dans la terre
durcies, font recouvertes par des amas de matière
qui forment une épaiffeur de cinquante, foixante ,
cent piés ; ces additions 8c ces terres accumulées
font confidérables, fur-tout au pié des hautes plaines
ou des montagnes, & paroiffent être des adof-
femens qui s’appuient & tendent vers les montagnes
plus élevées.
Les rivages de la mer annoncent de même des
dégradations produites par les eaux. A l’embouchure
des fleuves nous trouvons des île s , des amas de
fables, ou des dépôts de terres dont les eaux des rivières
fe chargent, 8c qu’elles dépofent lorfque leur
cours eft ralenti. Quelques obfervateurs ont prétendu
que certains fleuves charrient le tiers de terre ,
ce qui eft exagéré ; mais il fuffit de faire envifager
cette caufe avec toutes les réduâions qu’on jugera
convenables, pour conclure l’étendue de fes effets.
Certaines côtes font minées par les flots de la mer ;
elle en recouvre d’autres de fable : elle abandonne
certains rivages, fe jette 8c fait des invafions fur
d’autres ou petit-à-petit, ou par des inondations
violentes 8c locales.
Un autre principe étendu de deftruâion eft le feu.
Certaines montagnes brûlent continuellement ; elles
éprouvent par reprifes des accès violens, des éruptions
dans lefquelles elles lancent au loin des tourbillons
de flammes,de fumée, de cendres , de pierres
calcinées; & dans la fureur de leur embrafement,
les foufres, les minéraux en fufion fe font jour au-
travers des flancs de la montagne entr’ouverts par
Texpanfion des vapeurs qui redoublent la fureur du
feu. Je trouve tous les volcans dans des montagnes
élevées ; leur foyer eft peu profond, 8c leur bouche
eft au fommet 8c dans le plan de l’horifon. Certains
volcans font éteints, & on les reconnoît alors aux
précipices énormes que des montagnes offrent à leurs
fommets,qui font comme des cônes tronqués;&
aux laves ou matières calcinées qui font difperfées
fur les croupes.
Le fond de la mer n’eft pas exempt de ces tourmentes
violentes ; il y a aufli de ces volcans dans
les montagnes dont le fommet eft fous les flots. Ils
s’annoncent près des îles dont ils font la continuation
& les appendices. Ces volcans fou-marins éle-
vent quelquefois des maffes de terre énormes qui pa-
roifl'ent au-deffus des flots, & vont figurer parmi les
îles ; ou bien ces matières enflammées ne trouvant
pas dans leurs explofions des maffes contre lefquelles
elles puiffent agir, élevent les flots, 8c forment des
jets immenfes,desTyphons ou trombes affreufes.La
mer eft alors dans une grande ébullition, couverte
de pierres calcinées & legeres qui y flottent fur un
efpace très-étendu, & l’air eft rempli d’exhalaifons
fulphureufes.
Tous ces effets font ordinairement accompagnés
de tremblemens de terre, phénomène qui porte au loin
la delolation ou les alarmes. On peut en diftinguer
de deux fortes, des tremblemens locaux 8c destrem-
blemens étendus : les tremblemens locaux circonf-
crivent leurs commotions, s’étendent en tous fens
autour d’un volcan ou de leur foyer. Les autres fui-
vent certaines bandes de terrein, 8c fur-tout celles
qui font parfemées de montagnes ou compofées de
matières folides ; ils s’étendent beaucoup plus en
longueur qu’en largeur : ces convulfions défaftreu-
fes s’annoncent par différens mouvemens. Les uns
s’exécutent par un foulevement de haut en bas ; les
autres par une inclination telle que l’éprouveroit un
plan incliné, l'oulevé par la partie la plus haute 8c
fixé par le bas ; enfin d’autres, par un balancement
qui porte les objets agités vers les différens points
de l’horifon, 8c par des reprifes marquées.De ces différentes
agitations réfultent les commotions meurtrières
, irrégulières, brufquées, fuivies de grands
defaftres, 8c ces fecouffes tranquilles qui balancent
les objets fans les détruire. On peut mettre parmi
les effets des tremblemens de terre, les affaiffemens
& les éboulemens de certaines montagnes, les fentes
, les précipices 8c les abyfmes.
Les fecouffes fe propageant par les montagnes &
les chaînes qui fe ramifient dans le fond de la mer
fe rendent fenfibles aux navigateurs, 8c produifent
par voie de retentiffement des commotions violentes
aux vaiffeaux fur la furface de la mer unie 8c
paifible : fouvent la mer fe déborde dans les terres,
après que les côtes ont éprouvé des convulfions v iolentes.
Enfin les côtes de la mer femblent plus ex-
pofées aux tremblemens de terre que les centres des
continens.
Phénomènes dépendons de Patmofphere & de Pafpecl
dufoleil. Cette divifion nous offre beaucoup de faits
& peu de réfultats généraux ; on peut réduire à trois
points ce qui nous refte à y difcuter. Le premier
comprend la confidération de la diverfe température
qui régné dans les différentes parties du globe : le
fécond les agitations de l’atmofphere & leurs effets ;
le troifieme la circulation 8c les modifications des
vapeurs 8c des exhalaifons qui flottent dans l’atmof-
phere.
La température qu’éprouvent les différentes portions
de la terre peut fe repréfenter avec affez de régularité
par les zones comprifes entre les degrés de
latitude ; cependant il faut y comprendre la confidération
du fo l, du féjour plus ou moins long du fo-
lei,L fur l’horifon, 8c des vents. Toutes ces circoaf"
tances modifient beaucoup l’effet de iâ direâion plus j
ou moins inclinée des rayons du foleil dans les dif-
férehs pays»
L ’intervalle qui fe trouve entre les limites du plus
grand chaud & du plus grand froid dans chaque contrée
, croît à-mefure qu’on s’éloigne de l’équateur,
avec quelques exceptions toûjoürs dépendantes du
fo l , 8c fur-tout du voifinage de la met. Un pays habité
, cultivé, defféché eft moins froid : un pays
maritime eft moins froid à même latitude, 8c peut-
être aufli moins chaud»
A-mefure qu’on s’élève au-deffus des plaines dans '
les hautes montagnes, la chaleur diminue 8c le froid
même fe fait fentir. Sur les montagnes des Gorde-
lieres la neige, qui recouvre le fommet de quelques-
unes, ne fond pas à la hauteur de Z440 toiles au-
deffus du niveau de la mer, & la chaleur refpeâe
cette limite dans toute l’étendue de la Cordeliere.
Dans les zones tempérées, les pays montagneux ont
aufli des fommets couverts de neige , & même
des amas monftrueux de glace que la chaleur des
étés ne fond point entièrement ; feulement la ligne
qui fert de limite à la neige qui ne fond point eft
moins élevée dans ces zones que fous la torride.
Mais le froid ne fe répand jamais dans les plaines
des zones torrides, comme il fait reffentir fes effets
dans l’étendue des zones tempérées & glaciales. Les
fleuves gelent à la furface des continens, ainfi que
les lacs dans une partie des tempérées & dans toute
l’étendue des zones glaciales; mais lafalure.en pré-
ferve les plaines mers à ces latitudes. Ce n’eft que
vers les côtes, dans les parages tranquilles, dans les
golfes ou détroits des zones glaciales , que la mer
gele ; & le s glaces ne s’étendent pas à une vingtaine
de lieues des côtes. La mer gele fur-tout dans les
endroits vers lefquels les fleuves verfent une grande
quantité d’eau douce , ou charrient de gros glaçons
qui s’accumulant à leur embouchûre, contri-
jbuent à la formation de ces énormes montagnes de
glaces qui voyagent enfaite dans les mers plus méridionales
; en forte que les glaces qu’on trouve dans
les plaines mers indiquent de grands fleuves qui ont
leurs embouchûresprès de ces parages. Par rapport
à la température des foûterreins 8c de la mer à différentes
profondeurs, nous ne pouvons offrir aucuns
réfultats bien déterminés.
Les principales agitations de l’air que nous con-
fidérons font les vents ; en général les courans d’air
font fort irréguliers & très-variables : cependant le
vent d’eft fouffle continuellement dans la même direction
, en conféquence de la raréfaâion que le foleil
produit fucceffivement dans les différentes parties
de l’atmofphcre. Comme le courant d’air qui eft
la fuite de cette dilatation doit fuivre le foleil, il
fournit un vent confiant 8c général d’orient en occident
, qui contribue par l'on aâion au mouvement
général de la mer d’orient en occident, & qui régné
à 15 ou 30 degrés de chaque côté de l’équateur.
Les vents polaires foufflent aufli affez conftam-
ment dans les zones glaciales ; dans les zones tempérées
il n’y a aucune uniformité reconnue. Le mouvement
de l’air eft un compofé des vents qui régnent
dans les zones collatérales, c’eft-à-dire des vents
d’eft 8c de nord. A combien de modifications ces
courans ne doivent-ils pas être affujettis, fuivant
que les vents d’eft ou de nord dominent ? Le vent
d’oiieft paroît être même un reflux du vent d’eft modifie
par quelques côtes.
Sur la mer ou fur les côtes les vents font plus réguliers
que fur terre ; ils foufflt ;nt aufli avec plus de
force 8c plus de continuité. Sur les continens, les
montagnes, les forêts, les différentes bafes de ter-
reins changent, & altèrent la direâion des vents.
Les vents réfléchis par les montagnes fe font fentir
Tome VIU 6
dans toutes les provinces voifines ; ils font très-irréguliers
, parce que leur direâion dépend de celle
du premier courant qui les produit, ainfi que des
contours, de la fituation 8c de l’ouverture même des
montagnes. Enfin les vents de terre foufflent par re*
prifes & par boutades.
Au printems & en automne les vents font plus
violens qu’en h y ver 8c en été, tant fur mer que fur
terre ; ils font aufli plus violens à-mefüre qu’on s’élève
au-deffus des plaines & jufqu’au-deffus de là
région des nuages.
Il y a des vents périodiquës qui font aflujettis à
certaines fàifons, à certains jours, à certaines heures
, à certains lieux ; il y en a de réglés produits par
la fonte des neiges, par le flux 8c reflux. Quelquefois
les vents viennent de la terre pendant la nuit,
8c de la mer pendant le jour. Nous n’avons point
encore affez d’obfervations pour connoître s’il y 2
quelque rapport entre les viciflîtudes de l’air dans
chaque pays. Nous favons feulement par les obfer-
vations du baromètre, qu’il y a plus de variations
dans les zones tempérées, que dans les zones torrides
8c glaciales ; qu’il y en a moins dans la région
élevée de l’atmofphere, que dans celle où nous vivons.
En vertu de la chaleur du foleil l’air ayant acquis
une certaine température, diffout l’eau & s’en charge
; c’eft ce qui produit cette abondante évaporation
des eaux de deffus les mers 8c les continens*
Ces vapeurs une fois condenfées forment les nuages
que les vents font circuler dans une certaine région
de l’air dépendante de leur denfité & de la fienne %
ils ies transportent dans tous les climats: les nuages
ainfi voiturés ou s’élèvent en fe dilatant j ou s’a-
baiffent en fe condenfant fuivant la température de
la baie de l’atmofphere qui les foûtient ; Iôrfqu’ils
rencontrent dans leur courfe l’air plus froid des montagnes
, ou bien ils y tombent eh flocçns de neige
, en brouillards, en rofées, fuivant leur état de
denfité & d’élévation ; ou bien ils s’y fixent 8c s’y
refolvent en pluies. Le vent d’eft les difperfe fur-
tout entre les tropiques ; ce qui caufe 8c les pluies
abondantes de la zone torride, 8c les inondations
périodiques des fleuves qui ont leurs fources dans
ces contrées.
Quelquefois les nuages condenfés au fommet des
montagnes s’en trouvent éloignés par des vents réfléchis
, ou autres qui les difperfent dans les plaines
voifines.
Les montagnes contribuent tellement à cette distribution
des eaux, qu’une feule chaîne de montagnes
décide de l’été & de l’hy ver entre deux parties
d’une prefqu’île qu’elle traverfe. On conçoit aufli
que le fol du terrein contribuant à l’état de l’atmof-
phere, il y aura des pays où il ne tombera aucune
pluie , parce que les nuages s’élèveront au-deffus de
ces contrées en fe dilatant.
Enfin nous concevons maintenant pourquoi nous
avons trouvé certains points de partage pour la.dif-
tribution des eaux qui circulent fur la furface des
continens : ces points de partage font des endroits
élevés 8c hériffés de montagnes 8c de pics qui raccrochent
, condenfent, fixent 8c refolvent les nuages
en pluies, &c.
Lorfque des vents contraires foufflent contre une
certaine maffe de nuages condenfés 8c prêts à fe réfoudre
en pluie, ils produifent des efpeces de cylindres
d’eau continués depuis les nuages d’où ils tombent
jufque far la mer ou la terre : ces vents donnent
à l’eau la forme cylindrique en la refferrant 8c la comprimant
par des aâions contraires. On nomme ces
cylindres d’eau trombes, qu’il ne faut pas confondre
avec le typhon ou la trombe de mer. On peut rapporter
à ces effets ceux que des Yents violens 8c contraire?,
K K k k i j