Lime de la glace doit continuer à augmenter après1
quelle s’eft formée. Un morceau de glace qui dans
fa première formation n’étoit que d’un quatorzième
plus leger que l’eau, fut trouvé au bout de huit
jours plus leger que ce fluide dans la raifon de i i à
ï i : nous devons cette obfervation à M. de Mairan.
La dureté de la glace eft très grande ; elle furpafle
confidérablement celle du marbre & de plufieurs '
autres corps connus. Il paroît que la glace eft d’autant
plus forte pour réfifter à fa rupture ou à fon
applatiffement, qu’elle eft plus compafte & plus dégagée
d’air , ou qu’elle a été formée par un pais
grand froid & dans des pays plus froids. Les glaces
du Spitzberg & des mers d Mande- font fi dures,
qu’il eft très-difficile de les rompre avec le marteau :
voici une preuve bien finguliere de la fermeté oc
de la ténacité de ces glaces feptentrionales. Pendant
le rigoureux hyver de 1740, on conftruifit à Peters-
bourg, fui vant les réglés de la plus élégante architecture
, un palais de glace de 5 2 pies 7 de longueur,
fur 16 f de largeur & 20 de hauteur, fans que le
poids des parties fupérieures &C du comble qui étoit
aufli de glace, parût endommager le moins du monde
le pié de l’édifice : la Neva riviere voifine , où
la glace avoir 2 ou 3 pies d’épaiffeur, en avoir fourni
les matériaux. Pour augmenter la merveille, on
plaça au-âevant du bâtiment fix canons de glace
avec leurs affûts de la même matière, & deux mortiers
à bombe dans les mêmes proportions que
ceux de fonte- Ces pièces de canon étoient du calibre
de celles qui portent ordinairement trois livres
de poudre : on ne leur en donna cependant
qu’un quarteron ; mais on les tira, & le boulet d’une
de ces pièces perça à 60 pas une planche de deux
pouces d’épaiffeur : le canon dont i’épaiffeur étoit
tout au plus de 4 pouces , n’éclata point par une fi
forte explofion. Ce fait peut rendre croyable ce que
rapporte Olans-Magnus des fortifications de glace ,
dont il aflïire que les nations feptentrionales lavent
faire nfage dans le befoin. M. de Mairan, dififert.
fur la glace, II. part, il} fitcl. chap. iij.
La glace étant plus legere que l’eau, peut fuppor-
ter des poids considérables, lorfqu’elle eft elle-même
portée & foûtenue par l’eau. Dans la grande gelée
de L'68 3 1 la glace de la Tamife n’étoit que de onze
pouces ; cependant on alloit deffus en carroffe.
On doitobferver qu’une glace adhérente à des corps
folides, comme celle d’une riviere l’eft à fes bords,
doit fupporter un plus grand poids que celle qui flotte
fur l’eau , ou qui eft rompue & felée en plufieurs
endroits.
Ce qu’on peut dire de plus précis fur la froideur
de la glace, c’eft que dans les commencemens le degré
qui l’exprime eft le trente-deuxieme du thermomètre
de Fahrenheit, ou le zéro de celui de M. de
Reaumur. Mais dans la fuite la glace, comme tous
les autres corps folides, prend à-peu-près la température
du milieu qui l’environne ; elle doit donc
augmenter de froideur, quand il gele plus fortement,
&C en diminuer , quand la gelée eft moindre.
La glace eft communément moins tranfparente &
plus blanchâtre que l’eau dont elle eft formée; ce
qui vient de cette multitude de bulles d’air qui interrompent
toûjours la continuité de fa maffe. Cet
air raffemblé en bulles eft d’une part beaucoup plus
rare que les parties propres de l’eau glacée , & de
l’autre Newton a démontré qu’un corps eft opaque,
quand les vuides que laiffe fa matière propre, lont
remplis d’ une fubftance dont ladenfité différé de la
iienne. Plus les bulles d’air font groffes, moins la
glace eft tranfparente. Celle qu’on a faite avec de
l'eau purgée d’air, autant qu’il eft poffible, n’eft pas
toujours également diaphane ; elle l’eft quelquefois
plus que la glace ordinaire, quelquefois aufft elle
Peft beaucoup moins ; c’eft qu’elle n’eft pas privée
de tout l’air qui y étoit contenu , & que les petites
bulles prefque invifibles qui s’y forment, pèuvent
dans certaines circonftances faire beaucoup d’effet.
F oy ei O p a c i t é & T r a n s p a r e n c e .
Les glaces du Groenland font moins tranfparentes
que les nôtres : de plus , s’il en faut croire certains
v o y ageurs, elles ont une couleur bleue que n’ont
point celles de notre climat.
La réfraéfion de la glace eft un peu moindre que
celle de l’eau ; elle eft d’ailleurs affez régulière : on
fait des lentilles de glace qui raffemblent les rayons
du foleil au point d’allumer & de brûler de la poudre
au fort de l’hyver. Voye{ L e n t i l l e , M ir o ir -
A r d e n t , &c.
Quoique la glace foit un corps folide & très-dur,
elle eft fujette à s’évaporer confidérablement ; & ce
qui eft bien digne de remarque, cette évaporation
eft d’aurant plus grande & plus prompte, que le froid
eft plus violent. Selon les observations faites à Montpellier
en 1709 par feu M. Gauteron, Secrétaire de
la Société royale des Sciences de cette ville, la glace
expofée à l’air libre perdoit alors un quart de Son
poids en vingt-quatre heures ; évaporation que M.
Gauteron jugea plus confidérable que celle de l’eau
dans un tems moyen entre le chaud & le froid. Menu
de l'Acad. 170g, à la fin du volume.
M. de Mairan fait dépendre ce phénomène de la
contexture particulière de la glace, qui occupant un
plus grand volume que l’eau, offrant une plus grande
Superficie , hériffée d’une infinité d’inégalités ,
doit par-là même , nonobftant fa dureté, donner plus
de prife à la caufe générale de l’ évaporation. Rajouterai
que la féchereffe de l’air & le vent de nord accompagnent
prefque toûjours les grandes gelées. Or
dans ces circonftances l’évaporation eft confidéra-
ble ; un air plus fec eft plus dilpofé à fe ch.irger de
vapeurs, qui s’élèveront d’ailleurs en plus grande
quantité, quand cet air fera inceffamment renou-
vellé. Ceci explique affez naturellement pourquoi
les liquides qui ne fe gelent point, s’évaporent de
même très-confidérablement pendant les grands
froids.
Nous ne parlons point ici de la neige ni de la ge-
, lée blanche ; ce font des efpeces de glace, dont on
marque ailleurs les différences d’avec la glace proprement
dite. La grêle eft une vraie glace , qui n’a
rien de particulier que les circonftances & lemécha-
nifme de fa formation. Voye^ Ne ig e , G e lé e b l a n c
h e & G r ê l e .
Tout ce que nous avons dit des propriétés de la
glace de l’eau, ne fauroit guère être appliqué aux
différentes fortes de glace qui réfultent de la congélation
des autres liquides. La glace de l’huile d’olive,
par exemple, eft terne, opaque, & fort blanchâtre ;
celle de l’eau eft tranfparente : la première eft plus
denfe qu’auparavant ; l’autre eft plus rare &plus legere
qu’elle n’éroit avant la perte de fa liquidité. Il
paroît que la dureté eft la propriété qui convient le
plus généralement à toutes les efpeces de glact ; encore
ceci doit-il être entendu avec quelque reftri-
ûion. La glace de l’huile d’olive n’eft pas dure dans
les commencemens, mais elle le devient toujours
quand le froid continue, & ce n’eft qu’alors qu’elle
eft cenfée avoir acquis toute fa perfeÛion.
a°. Des phénomènes de la glace dans fa fonte, & du
dégel. La glace fe fond à un degré de froid un peu
moindre que celui qui la produit. Ainfi le contaft des
corps voifins fuffit pour la fondre, fi ces corps font
moins froids qu’elle, ou , ce qui eft la même chofe,,
fi leur température a&uelle eft au-deffous du froid
de la congélation.
Tous les corps folides appliqués fur la glace ne
font pas également propres à produire cet effet. Ceux
qui ta touchent en un plus; grand nombre de points ,
la fohdent beaucoup plus vîte que les autres^ tout
le refte étant égal d’ailleurs. Ainfi la g7<zce.fond beaucoup
plus vite fur une afîiette. d’argent que fur la
paume de la main.
M. Haguenot, de la fociété royale des Sciences de
Montpellier,- répéta & vérifia .plufieurs. fois cette
expérience en 1729 ; il en fit en même tems plufieurs
autres: dans ce goût, dont les réfuliats ne font pas
moins-curieux. Il trouva j par exemple, que la glace
fondoit, plus yîte fur le cuivre que fur aucun autre
métal. Âjfietnblée publique de la S . R, des Sciences de
Montpellier^ du z z Décembre 17.29.
L’eflicacité des fluides pour fondre la glace n’eft:
pas moins, puiffante que celle des folides. La glace
redevient plûtôt liquide dans l’eau que dans l’air à la
même température, & plus promptement dans de
l’eau tiede que près du feu,, à une diftance où l’on
auroit peine à tenir la main. Ajoûtons qu’elle fond
aufli plus aifément dans l’air fubtil que dans l’air
groflier. Selon les obfervations de M. de Mairan,
un morceau de glace qui eft fix minutes vingt-quatre
fécondés à fondre à l’air libre, eft abfolument fondu
en quatre minutes dans, la machine du vuide. On
comprend fans peine que l’air contenu dans la glact
fait effort pour en defunir & en féparer les parties :
or cet effort eft toûjours plus confidérable dans le
vuide, où il n’eft point balancé par la preflion de
l’air extérieur environnant.
La glace fe fond beaucoup plus lentement qu’elle
ne s’eft formée. La matière du feu trouve fans doute
plus de difficulté à féparer de petites maffes liées par
une forte cohéfion, qu’à s’échapper d’un liquide qui
fe gele. Quoiqu’il en foit', le tait eft confiant : de
l’eau qui fe fera gelée en cinq ou fix minutes, ne reprendra
fa liquidité qu’au bout de quelques heures,
quelquefois même de quelques jours, dans un lieu
dont la température eft au-deffous du terme de la
congélation, & où cette eau ne fe feroit jamais glacée
d’elle-même. C ’eft fur ceci qu’eft fondée l’utile
invention des glacières ; car ce feroit une erreur de
s’imaginer qu’à l’endroit le plus profond du creux
qu’on fait en terre pour conferver la glace, le froid
furpafle toûjours le degré de la congélation: bien
loin de-là, l’eau qu’on y porteroit s’y maintiendroit
prefque toûjours liquide ; mais il fuffit que la température
des glacières foit au-moins un peu au-deffus
du terme de la congélation : par-là les groffes maffes
de glace qu’on y a entaffées ne fe fondent que très-
lentement , & il en refte toûjours affez pour notre
ufage.
La deftruûion de la glace offre quelques-uns des
phénomènes remarqués dans fa formation; ainfi l’on
retrouve les filets de glace qui fubfiftent encore,
quand les intervalles qui les féparoient font dégelés.
Les angles de foixante degrés reparoiffent aufli dans
ces circonftances, mais toutes ces apparences font
rares dans un morceau de glace un peu épais. Au
refte l’ordre qui s’ohferve dans la fonte de la glace,
n’eft point à tous égards contraire à celui de fa formation.
La glace fe forme par les bords & par la fur-
face de l’eau ; elle commence de même à fe détruire
par fes bords, par fes pointes, fes angles folides, &
enfuite par toute fa furface expofée à l’air.
La glace fe fond naturellement par la diminution
du froid de l’atmofphere, quand la liqueur du thermomètre
qui s’étoit abaiffée au terme de la congélation
& au-deflbus, remonte de quelques degrés
au-deffus. Ce relâchement du grand froid, cet adou-
ciffement qui réfout les glaces & les neiges dans tout
un pays, eft ce qu’on appelle proprement dégel. N >ye[
D é g e l & G e l é e .
5°* La glace artificielle par le moyen desfiels. L’art
qui imite fi fouyent ta nature, a trouvé le moyen
de fe procurer de là glace femblablé à celle qui eft
formée par les caufes générales, & dont nous venons
de décrire les propriétés.' Rien de plus aifé que
d’avoir en peu de tems au fort-de l’été de cette glace
artificielle^ Nous avons vu taYarticle Froid , qu’on
plaçoit pour cet effet dansun vaiffeau de capacité &
de figure convenable une bouteille remplie de l’eau
qu’on vouloit glacer ; qu’on appliquoit enfuite autour
de cette bouteille de la glace pilée ou de la neige
mêlée avec du falpetre ou du fel commun, ou
avec quelqu’autre fel ; que ce mélange entrant de
lui-même en fufion, l’eau de la bouteille fe refroi-
diffoit de plus en plus à mefure qu’il fe fondoit ; &
qu’enfin elle fe convertiffoit en glact ; qu’on pouvoit
hâter tafufion réciproque de la glace & des fels, &
la congélation de l’eau qui en eft une fuite, en pla*
çant immédiatement fur le feu le vaiffeau qui contient
le mélange*
Nous avons fait voir que c’étoit une propriété
commune aux fels de toute efpece, que celle de fondre
la glace & de la refroidir en la fondant ; que-non*
feulement les fels qui font fous forme feehe, mais
encore que les efprits acides, tels que ceux de ni-
tre:, de le l, &c. les efprits ardens, comme l’efprit-
de-vin, &c. opéroient le même effet; que toutes ces
fubftanees mêlées avec la glace donnoient des con*
gélations artificielles, qui, félon la nature & la dofe
des-roatieres qu’on avoit employées, différoient les
unes des autres & par la force & par la promptitu*
de. Le fel marin, par exemple, eftplus efficace que le
falpêtre, I’efprk de nitre eft plus a â i f , & produit un
degré de froid plus confidérable que l’efprit de fe l,
&c. Nous ne reviendrons plus fur ces différens objets
, pour ne pas tomber dans des redites inutiles*
On ne voit rien dans la glace artificielle, qui la
diftingue de la glace naturelle formée rapidement ;
il ne paroît point qu’elle fe charge des particules
des fels qu’on employé-, qui en effet auroient bien
de la peine à pénétrer le vaiffeau qui la contient.
Si au lieu d’appliquer autour d’une bouteille pleine
d’eau un mélange de fel & d & glace, on remplit ta
bouteille de ce même mélange, Sc qu’on la plonge
ainfi dans de l’eau, une partie de cette eau fe glacera
autour de la bouteille.
Que le mélange foit autour de l’eau, ou que l’eau
environne le mélange, la chofe eft très-indifférente
, quant à l’effet qui doit s’enfuivre ; l’effentiel eft
que le mélange foit plus froid que l’eau d’un certain
nombre de degrés: car alors ilia convertira facilement
en glace par 1a communication d’une partie de
fa froideur.
Ce qu’on obferve dans 1« cas où l’eau entoure le
mélange, arrive précifément de la même maniéré,
lorfqu’on fait dégeler des fruits dans de l’eau médiocrement
froide ou dans de la neige qui fe fond actuellement
; car il fe forme très-promptement autour de
leur peau une croûte de glace dure & tranfparente ,
& plus ou moins épaifle, félon la groffeur & la qualité
du fruit.
Nous avons remarqué à l'article Gelée , que les
fruits ou les membres gelés étoient perdus fans rel-
fource, fi on les faifoit dégeler trop promptement.
C ’eft la raifon pour laquelle on employé ici l’eau
médiocrement froide ou la neige, plûtôt que l’eau
chaude, qui par la fonte trop fubite qu’elle produi-
roit, détruiroit abfolument l’organifation qu’on veut
conferver. Vyyeç Gelée.
On a cherché long-tems les moyens de fe procu-.
rer de la glace artificielle par les fels tout feuls, fans
le fecours d’une glace étrangère. Voici comme on y
eft enfin parvenu. Nous avons parlé ailleurs ( voye^
Froid ) de la propriété qu’ont les fels, principalement
le fel ammoniac, de refroidir l’eau, où ils font
diffous fans ta glacer. Si donc on a de l’eau déjà froi