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ilate lajéjdité & l’exiftcnce dç,1a révdjatioo^de ce
dogme pour comparer l a certitude ------- de la -
foi à celle
de la raifon, il faut néceffairement comparerla cer*
tirade 4.ÇS p ro f it io n s qijc la raifon nouydécouvre,
à la certitude que nous ayons que les objets de no-
t re /o i'fo n tïé^ é s . Mais la, queftion étant ainfi étab
lie , il n’y reftq plus de difficulté ; & YQW» « s prtn-
cipes qui la décident. .
i.o. La certitude que nous avons que les dogmes
que nous croyons font révélés , eft dans le genre
moral. Les élémens de cette certitude font des laits,
des motifs de crédibilité, &c. Or ces faits, ces motifs
&ÿÀ ’exigence de Jefus-Chrift qui a apporte aux
hommes la révélation, fa v ie , fes miracles, toutes
les preuves de la vérité 8c des livres faints, & de la
divinité de la religion chrétienne ; tout cela eft dans
le genre moral. v o n
20. Cette même certitude eft extreme, oc telle
qu’on ne peut pas s’y refufer fans abufer de la raifon.
Tous les auteurs qui ont écrit en faveur de la religion
, établiflent ce principe. . v
7°. Cette certitude n’eft pas fupeneure à celle
que nous avons des vérités mathématiques, oufim-
plement évidentes dans le genre metaphyfique. Cela
eft clair. ,
' 4° Il y a un fens dans lequel on peut dire que
cette certitude eft inférieure à celle que nous avons
des vérités évidentes, 8c un fens dans lequel on doit
dire qu’elle ,1’égale. .
L’impoffibilité qu’une propofition évidente foit
fauffe, eft la plus grande qu’on puiffe imaginer ; Sc
eu égard à cette impoffibilité fous ce rapport purement
métaphyfique, la certitude que nous avons
qu’un tel dogme eft rév élé, 8c en général toute
efpece de certirude dans le genre moral, elt intérieure
à la certitude des vérités évidentes.
Mais comme on ne peut pas rehuer Ion allenti-
ment aux preuves qui établirent que Dieu a révélé
ce que nous croyons, non plus qu’aux ventés
évidentes ; comme celui qui le refuie à ces preuves
abufe de fa raifon, autant que celui qui me une
vérité mathématique ; comme la certitude morale a
daqs fon genre autant d’aûion 8c de force fur 1 elprit
pour en tirer le confentement, que la démonftration
la plus complété ; comme cette certitude eft très-
analogue à la maniéré dont les hommes jugent ordinairement
des objets, qu’elle nous eft familière,
que c’eft celle que nous litivons le plus communément,
&c. je crois qu’en tous ces fens on peut dire
que la certitude morale, lorfqu’elle eft arrivée à un
certain degré, 8c par confequent la certitude que
nous avons de la réalité & de l’exiftence de la révélation
, que nous fuppofons élevée à ce même degré-,
que cette certitude, dis-je, eft égalé à celle que nous
avons des vérités évidentes &c mathématiques.^
Quant à la certitude que nous avons des vérités
du genre moral, on peut voir par ce que nous venons
de dire, que la certitude des dogmes de foi ne
lui eft pas inférieure, mais égale 8c du même genre.
Il fuffit d’expofer ces principes, 8c ils n’ont pas
befoin de preuves. J’avoue cjue je ne conçois pas
comment on a pu foûtenir ferieufement que la foi
eft plus certaine que la raifon. Les partifans de cette
opinion n’ont pas pris garde qu’ils détruifoient d’une
main ce qu’ils éle voient de l’autre. La foi fuppofe
la raifon, 8c la raifon conduit à la foi. Avant de
croire par le motif de la révélation, il faut en con-
ftater l ’exiftence par le fecours de la raifon même.
Or comme la raifon n’eft pas pour nous un guide
plus sûr, lorfque nous conftatons l’exiftence de la
révélation , que lorfque nous nous en fervons pour
reconnoitre la vérité d’un théorème ou l’exiftence
de Céfar, les vérités que nous croyons d’après la
révélation conftatée, ne peuveat être plus certai«
nés que le théorème 8c l’exiftence de Céfar. Dans
les deux cas, c’eft toujours la même raifon 8c les mêmes
lumières. J’ajoûterai à ceci quelques réflexions.
Dans l’examen de cette queftion, lesThéologiens
ont fait ce me femble deux fautes. D ’abord ils n’ont
comparé que le motif immédiat qui nous fait croire
à la propofition révélée, c’eft-à-dire la véracité de
D ie u , au motif de l’évidence qui nous fait accorder
notre aflentiment à une vérité métaphyfique ou mathématique
: au lieu que pour eftimer la certitude de
la f o i , il falloit néceffairement avoir égard aux autres
motifs fubordonnés, par lefquels on conftate l’exiftence
de la révélation ; 8c demander fi l’enfemble
des motifs qui affûrent la vérité d’un dogme de f o i ,
doit produire une certitude plus grande que celle
qu’engendre l’évidence. |
La raifon de cela eft que le motif de la véracité
de Dieu ne peut agir fur l’efprit, 8c y faire naître la
foi (entant que perfuafion) , qu’autant qu on fe convainc
que D ieu a vraiment révélé le dogme en queftion
; que fi on n’a pour fe convaincre fur ce dernier
point que des preuves douées d’un certain degre de
force, ou dans le genre moral, la certitude de motif
de la foi de ce dogme fera aulfi dans le genre moral,
8c n’aura que le même degré de force ; 8c quand même
on fuppoferoit le motif de la véracité divine s’élever
en particulier à un degré de certitude plus
grand, je ne vois pas que la certitude d’un dogme
& de la foi en général dût en être plus grande. Qu’on
me permette une comparaifon. Ce motif de la véracité
divine eft lié avec plufieurs autres, en fuppofe
plufieurs autres, que la raifon feule fournit. Je
me repréfente ces motifs comme une chaîne formée
de plufieurs chaînons, parmi lefquels il y en a un ou
deux plus forts que les autres ; 8c d’un autre côté je
regarde les motifs qui appuient une vérité évidente,
comme une chaîne compofée de plufieurs chaînons
égaux,8c femblables aux petits chaînons de la première.
Cette première chaîne ne fera pas plus forte que
la fécondé, 8c ne foûtiendra pas un plus grand poids.
Vous aurez beau me faire remarquer la forcé 8c la
groffeur de quelques-uns des chaînons de celle-là.
Ce n’eft pas par-là, vous dirai-je, qu’elle rompra ;
& comme dans fes endroits foibles elle peut fe rompre
aufli facilement que l’autre, il faut convenir que
l’une n’eft pas plus forte que l’autre. C ’eft ainfi que
dans l’affemblage des motifs qui produifent la perfuafion
d ’un dogme de f o i , la certitude fupérieure
qu’on prêteroit au motif de la véracité de Dieu ne
poiirroit pas fendre le dogme de foi plus certain.
Je dis la certitude fupérieure qu'on prêteroit au motif
de la véracité de Dieu, parce que cette fupériorité
n’eft rien moins que prouvée. L’impoflibilité que
Dieu nous trompe étant fondée fur l’évidence même
, n’eft pas plus grande que l’impoflibilité qu’il y
a que l’évidence nous trompe.
L’autre faute qu’on a commife en traitant cette
queftion, eft de l’avoir conçûe dans les termes les
plus généraux, au lieu de la particularifer. Il ne
falloit pas demander, la foi ffi-elle auffi certaine que
la raifon, mais un dogme de foi en particulier ? Cette
propofition, par exemple, il y a trois Perfonnes en
Dieu , eft-elle aufli certaine de la certitude de motif
(en prenant tout l’enfemble des motifs qui la font
croire) que celles-ci, un & deux font trois ? Céfar a
commis les Gaules. Je crois que fi on eût conçu la
queftion en ces termes, on fe feroit contenté de dire
que la foi eft aufli certaine que la raifon ; en effet on
auroit vû clairement que la certitude de ce dogme
dépend de la véracité de Dieu 8t des preuves qui
conftatent que ce dogme eft révélé, 8c que parmi
ces preuves il en entre plufieurs dont la certitude ne
s’élève pas au-deffus de la certitude métaphyfique ,
pour ne pas dire qu’elle demeure au-deffous,
J’épargne aux Ié&eurs les difeuflidns étendues qüe
les fcholaftiques ont fait fur cette matière. Pour décider
une femblable queftion, il fuffit d’un principe
clair; & celui que nous avons donné nous paroît
avoir cette qualité. C ’eft le cas où l’on peut dire,
qu’il ne faut pas écouter des objections contre une
thefe démontrée.
Jufqu’à-préfent nous avons confidéré la foi comme
perfua]ion \ nous avons remarqué que dans la
doctrine catholique elle eft aufli une vertu & une
grâce : nous allons la regarder par ces deux différens
côtés.
La fo i ejl une vertu. C’eft le fentiment unanime de
tous les PP. 8c de tous les Théologiens, qu’elle eft
méritoire ; ce qui ne peut convenir qu’à une vertu ;
ce qu’il nous feroit facile de prouver, fi nous ne
craignions pas d’être trop longs.
Une difficulté fe préfente, qu’il eft néceffaire de réfoudre.
La foi eft une perfuafion de certaines vérités
; la perfuafion eft le réfultat des preuves, fur lesquelles
ces vérités peuvent être appuyées. De quelque
efpece que foient ces vérités, les preuves qui
nous y conduifent font purement jfpéculatives, 8c il
n’appartient qu’à l’efprit d’en juger. Quelle que foit
la force de ces preuves en elles-mêmes, la perfuafion
ne peut qu’être conféquente à l’effet qu’elles
produifent fur l’efprit qui les examine. O r cela p ôle,
quel mérite peut-il y avoir à trouver ces preuves
bonnes,& quel démérite à y refufer fon aflentiment ?
Il n’y a ni crime ni vertu à ne pas croire vrai ce qu’on
ne juge pas aflëz bien prouvé, 8c à croire ce qu’on
trouve démontré. Et il ne faut pas penfer que parce
qu’il eft queftion de religion dans cet examen, l’incrédulité
y foit plus criminelle ; parce que comme les
preuves font du genre moral, on a droit d’en juger
comme on juge dans toute autre queftion. Un homme
n’eft pas coupable devant D ieu de ne point croire
une nouvelle de guerre, fur la dépofition d’un grand
nombre de témoins même oculaires ; on n’a point encore
fait un péché en morale de cette efpece d’incrédulité
; l’inconvaincu, en matière de religionrefufe, fon
aflentiment à des preuves de même elpece ; puifque
celles qui appuient la religion font aufli du genre
moral ; il le refufe par la même raifon, c’eft' à-dire
parce qu’il ne les croit pas fuffifantes-: fon incon-
vi&ion n’eft donc pas un crime, 8c fa foi ne feroit
point une vertu.
On peut confirmer cela par l’autorité des plus
habiles Philofophes : I l n'y a autre chofe, dit S’gra-
vefande (Introd. ad Philofophj) , dans un jugement,
qu'une perception ; & ceux qui croyent que la détermination
de la volonté y ejl auffi requife , ne font attention
ni à la nature des perceptions , ni à celle des juge-
mens. . . . Dés que les idées font préfentes , le jugement
fuit. . . . Celui qui voudroit féparer le jugement
de la perception de deux idées , fe trouverait obligé de
foûtenir que l'ame n'a pas la perception des idées qu'elle
apperçoit.
S. Thomas fe propofe cette même queftion (foc.
fecundoe qucejl.fec. art. $1) en ces termes : celui qui
croit a un motif fuffifant pour croire, ou il manque
d’un femblable motif. Dans le premier cas , il ne lui
«eft pas libre de croire ou de ne pas croire, 8c fa foi
ne fauroit lui être méritoire ; 8c dans le fécond il
croit legerement 8c fans raifon , 8c par conféquent
aufli fans mérite.
Mais fa réponfe n’eft pas recevable. La voici mot
pour mot : Celui qui croit a un motif fuffifant pour
croire ; l'autorité divine d'une doctrine confirmée par
des miracles y & ce qui ejl plus encore , l'injlincl intérieur
par lequel Dieu l'invite. . . . ainfi il ne croit pas
legerement, cependant il n'a pas de motif fuffifant pour
croire ; d'où, il fuit que fa foi ejl toujours méritoire.
Je remarque, t°, que Fjjnftintt auquel S. Thomas
Tçpiç f l l %
a.recolirs, né fait rien ic i, parce que ce n’eft pas un
motif.
1 • ^ y a ici une contradiction : cet homme a lira1
motif fuffifant pour croire, 8c il n’a pas de motiffuf-
nfant : habetfuffidens induÉlivüm ad credendum. . . u
tamen non habet fufficiens induclivum ad credendum à
cela eft inintelligible.
Effayons de réfoudre cette difficulté, qu’on fié
nous acculera pas d’avoir affoiblie.
i . Nous y parviendrons, fi nous faifons com^
prendre que la volonté , ou pour parler plus exactement,
la liberté influe fur la perfuafion-, car cela
pofé, cette même perfuafion pourra être mérltoine i'
8c le refus pourra en être criminel. Or voici ce qu’on
peut dire fur cela.
Quoique les idées qui font jëttées dâns notre âmô'
d’après l’impreflion des objets extérieurs, ne foient
point fous l’empire de la liberté au premier moment
OÙ elles y entrent à mefure qii’eiles nous devien-;
nent plus familières , nous acquérons fur elles lé
pouvoir de les »ppdlcr ou de les éloigner, 8c dé*
i«0 comparer à notre gré, au moins hors des cas de£
grandes pallions ; 8c tout cela tient fans doute erit
grande partie au méchanifme de nos organes. Or dit
pouvoir que nous avons d’appeller, d’écarter 8c dé
comparer à notre gré les idées, fuit martifefténient
1 empire que nous avons fur notre perfuâfion : car,
toute perliialion refulte de la comparaifon de deux
idees ; 8c fi nous écartons les idées dont la com.-
paraifon nous conduiroit à la perfuafion de certaines
vérités, nous fermerons par-là l’entrée de notre
efprit à la perfuafion de ces mêmes vérités.
. Mais, pourra-t-on dire, lorfque noüs*écartons ces
idees, la perfuafion eft déjà entrée dans notre ame ;
car nous ne les écartons que pour ne pas faire là
comparaifon qui nous y conduiroit. Nous fâvons
donc que cette comparaifon nous conduiroit à là
perfuafion; mais cela pofé, nous fommes déjàper-
fuadés, 8c nous ne failons que nous difpertfer dé
réfléchir fur notre perfuafion.
Je répons qu’en faifant cette inftartee, ôn con-
viendroit que la perfuafion réfléchie eft libre. Or
un théologien peut foûtenir avec beaucoup de vraifi
lemblance que la foi eft une perfuafion réfléchie ;
8c on voit que dans ce fentiment il eft facile dé
concevoir comment elle eft méritoire, 8c comment
elle eft une vertu.
Mais lans confidérer ici la foi eh particulier, ort'
peut dire que toute perfuafion en général eft libre „
entant que réfléchie, quoiqu’elle ne le foit pas entant
que direéle. Il y a une première vue de l'ef-
prit jettée rapidement fur les idées & fiir les motifs
de la perfuafion, qui fuffit pour foiipçônner là
liaifon des idées & la lolidité des motifs, 8c qui ne
fuffit pas pour en convaincre. Ce foupçon n’eft rieii
autre chofe qu’un fentiment confus ; c’eft la vûe mal
terminée d’un objet qui nous épouvante dans l’éloignement,
que nous reconnoiffons, 8c que nous crai-;
gnons de fixer. Dans cet état on n’a pas fur la liai-
l'on des idées, le degré d’attention néceffaire pour
former un jugement décidé, 8c pour avoir une perfuafion
réfléchie. Or je croirois volontiers que l’exercice
de la liberté n’a pas lieu dans ce premier
moment : auffi n’eft-cé pas alors que la perfuafiorit
des vérités de la foi eft méritoire. L’incrédule le
plus obftiné peut fentir confufément la vérité des
motifs de crédibilité qui conduifent à la religion, 8£
ne pas en être perfuadé ; 8c les remords & les inquiétudes
dont on dit que ces gens-là font tourmentés
, prennent leur fource dans ce fentiment confus.
z°. Voici encore une autre maniéré d’expliquer
comment la perfuafion eft libre. Les vérités de la
religion font établies par des preuves, 8c combattues
par des qbjçftions, La perfuafion réfulte de la cote
C ÿ