Une partie de ©es exercices étoit pratiquée par
toutes fortes de perfonnes pour la fanté ; mais les ap-
partemens affe&és à ce dernier ufage, étoient le lieu
des bains, celui oîi l’on fe deshabilloit, ôti Ton fe
faifoit décrafièr, frotter avec des inftrumens faits
exprès, & oindre avec certaines drogues, &c. Chacun
ufoit de ces exercices comme il lui plaifoit ; les
uns ne prenoient part qu’à un feul, pendant que
d’autres s’occupoient fucceffivement de plufieurs.
Les gens de lettres commençoient par oiiir les phi-
lofophes & les favans qui s’y rendoient ; ils joiioient
enfuite à la paume,ou bien ils s’exerçoient de quelque
autre maniéré, & enfin ils entroient dans le
bain : il n’y a rien de plus naturel que cette efpece
de médecine gymnafiique ; tout homme judicieux la
doit préférer à celle qui confifte dans l’ufage des mé-
dicamens , parce que cette derniere eft prefque toujours
palliative, defagréable, &c fouvent dangereufe.
Les Romains ne commencèrent à bâtir des lieux
d’exercices que long-tems après les Grecs; mais ils
les furpaflerent de beaucoup, foit par le nombre
foit par la magnificence des bâtimens, comme on
en peut juger par les deferiptions des auteurs, ôc par
les ruines qui ftibfiftent encore : on en étoit fi fort
épris à Rome, que félon la remarque de Varron ,
quoique chacun eût le fien, à peine étoit - on content.
La gymnajiique médicinale étoit déjà tombée dans
des minuties auffi nombreufes que frivoles, témoins
les confeils des trois livres intitulés du régime, attribués
fauffement à Hippocrate : ils ne roulent que fur
les différons tems propres à s’exercer ; ils indiquent
fi ce doit être à jeun ou après avoir pris de la nourriture
, le matin ou le foir , à l’air , au foleil ou à
l ’ombre ;s’il faut être nud, c’eft-à-dire fans manteau,
ou s’il faut être habillé ; quand il convient d’aller lentement,
& quand il eft néceffaire d’aller vite ou^de
courir : ce même ouvrage traite de plufieurs autres
minuties, comme d’un jeu de main.& de doigts prétendu
très-utile pour la fanté , & qui s’appelloit cïii-
ronomie; il y eft auffi parlé d’une efpece cîe ballon1
fufpendu qu’on nommoit corycus, ôc qu’on pôuftbit
de toute fa force avec les bras.
Mais comme les bains compofoient principalement
la gymnajiique médicinale, auffi bien que la cbûtümè1
de fe faire frotter ôc de fe faire oindre, il arriva que
l’application des huiles , des onguens , & des parfums
liquides dont on fe fervoit,foit avant foit après
le bain, foit dans d’autres conjonctures, occupa chez
les Romains, dans le tems de leur décadence , autant
de perfonnes que les bains mêmes.
Ceux qui faifoient profeffion d’ordonner ces ôn-
guens ou ces huiles aux malades ôc aux gens fàins,
s’appelloient jatralipta, c’eft - à - dire médecins des,
onguens ; ils avoient fous leurs ordres des gens qu’on
nommoit unclores, qui ne ferVôient qu’à oindre,
ôc qu’il faut diftinguer non-feulement des unguenta-
rii} ou vendeurs d’huiles ôc d’onguens, mais encore
des olearii, lefquèls étoient des efclaveS qui portoient
le pot à effence pour leurs maîtres, lorfqu’ils alloient
au bain.
Après avoir oint , & avant qu’on oignît, on frottoir
ôc on racloit la peau ; ce qui étoit Toffice des
frotteurs, fricàtores : ils fe fervpient polif cela d uri
infiniment appellé Jlrigil, fait exprès pour décraffef
la peau, pour en ôter les reftes de l’huile ôc même
de la poufliere dont on fe couvroif .lorfqu’on vôü-
Ioit lutter ou prendre quelque autre exercice. Voye£
St r ig il .
Ce n’eft pas tout, les jatraliptes avoient encore
fous eux les gens qui fe mêlôient de manier doucement
les jointures ôc les autres parties du corps, pour
les rendre plus fouples; on nommoit ceux-ci traclato-
ns, C ’eft de ces gens-là que parlé Séneque, lorfqu’il
dit, indigné des abus qui fe commettoient à cet égardî
* Faut-il que je donne mes jointures à amollir a ces
»efféminés? ou faut-il quejefouffre que quelque
[ » femmelette ou quelque homme changé en femme»
» m’étende mes doigts délicats? Pourquoi n’eftime-
» rai-je pas plus heureux un MuciusScævola qui ma-
» nioit auffi aifément le feu avec fa main, que s’il
» l’eut tendue à un de ceux qui profeffent l’art de ma-
» nier les jointures »? Ce qui mettoit Séneque de
mauvaife humeur contre cette efpece de remed® &
contre ceux qui le pratiquoient, c’eft qu’ils le faifoient
la plupart par mignardife 6c par délicateffe.
Pour dire ici quelque chofe de plus honteux, les
hommes employoient à cet ufage des femmes chôi-
fies que l’on appelloit traclatrices ; je ne veux pour
preuve de cette dépravation, que l’épigramme de
Martial contre un riche voluptueux de fon tems.
Percurrit agile corpus arte traclatrix.
Manumque do et uni fpargit omnibus membres.
Lib. I I I . epigr. S i.
Enfin dans ce genre de luxe, comme les huiles,
les onguens, les parfums liquides, ne pouvoient pas
être commodément adminiftrés qu’on n’ôtât le poil »
on dépiloit induftrieufement avec des pincettes, des
pierres-ponces, ôc toutes fortes de dépilatoires composés
avec art: les hommes quifervoient à cet offic
e , étoient appellés dropacijtoe ÔC alipilariiy ôc les
femmes picatrices ÔC paratiltr'm. Âinfi la medecine
gymnajiique, fimple dans fon origine, devint minu-
tieufe dans la pratique, & finit par dégénérer en ra-
finement de luxe, de mollefle, ôc de volupté. Ar ticle
de M. le chevalier DE J AU COURT.
G ym n ast iq ue mil ita ir e , (JLittérat. greq. &
rom.') feiehee des divers exercices du corps relativement
à l’art militaire.
Les principaux de ces exercices étoient le faut, le
difque, la lutte , le ja v e lo t ,lé pugilat, la courfe à
pié & en chariots ; toits ces exercices furent extrêmement
cultivés, parce que donnant au Corps de la
force & de l'agilité, ils tendoient à rendre les hommes
plus propres aux fondions de la guerre ; c’efi:
pourquoi. Sallufte loue Pompée de ce qu’il couroit,
fautoit; & portoit un fardeau auffi-bien qu’homme
de fon tems ; en effet de l’exercice vient l’aifance à
tout faire & à tout fouffrir ; c’eft l’école de la fou-
pleffe *0? dé la vigueur. La foupleffe rend l’homme
expéditif dans l’àâion ; la force éleve le couragè au-'
deflus des douleurs, & met la patience à l’épreuve
desbefbirii'.'' 5
La gymnajiique militaire procuroit ces grands avan->
tig es , ôc entretenoit les forces de toute une nation ;
elle fut établie chez les Grecs par les Lacédémoniens
& les Cretois ; ils Ouvrirent à ce fujet ces académies
fi célébrés dans fe monde, ôc qui dans le fie-
cle de Platon, fe rapportaient toutes a l’art militaire
: du tèirts d’Epamiùondas, le feul exercice de la
lutté Contribua principalement à faire gagner aux
Thébaïns la bataille de Leü&res. C ’étoit pour perfectionner
ces exercices militaires, & pour effriter
chez ceux qtfi tes cultivoieiit une louable émulation,
que dans les fêtes & les autres cérémonies folenneb
les on célébroitdés jeux publics, connus fous le nom
de cofttbaà gymniques, oit lés'Vainqueurs recevaient
tant d’honneurs & de réconipenfes. Voye^ G ymn iques(
Jeux).
Mais*comme fès coutumes les, plus miles s’altèrent
, il arriva que ce qui n’étoit qù’tiri aiguillon pour
réveiller la valeur martiale & dilpofer les. guerriers
à fe procurer des avantages fôlrdes , en gagnant des
viâoires plus importantes, devint le piir objet des
divertiftemens publics auxquels les peuples accoit-
roient en foule pour couronner les athlètes qui rapportaient
uniquement à ces jeux leurs talens , leûr
m
.genre de v ie , ôc leurs occupations les plus férieufes.
Enfin quand les Grecs n’eurent plus de vertus, les
inftitutions gymnajtiques détruifirent l’art militaire
même ; on ne defeendit plus fur l’arene pour fe former
à la guerre, mais pour fe corrompre : du tems
de Plutarque, les parcs où l’on fe battoit à nud, &
les combats de la lutte rendoient les jeunes gens lâches,
les portoient à un amour infâme, ôc ne faifoient
que des baladins. Dans nos fiecles modernes,
un homme qui s’appliqueroit trop aux exercices ,
nous paroîtroit méprifable , parce que nous n’avons.
plus d’autres objets de recherches que ce que
nous nommons les, agrémens ; c’eft le fruit de notre
luxe afiatique. La danfe ne nous infpire que la
mollefle , ôc l’exercice des armes la fureur des combats
finguliers ; deux peftes que nous ne regardons
point avec effroi, ôc qui cependant moiffonnent la
jeuneffe des états les plus floriflans. (D . J.)
GYMNIQUES, (Je u x , ou C ombats) Littéral,
greq. & rom. Les jeux ou combats gymniques étoient
des exercices célébrés chez les Grecs & les Romains,
qui prirent leur nom de la nudité des athlètes, lef-
quels pour être plus libres, fe mettoient nuds ou
prefque nuds.
On convient qu’Hercule en inftituant les jeux
olympiques , impofa aux athlètes qui dévoient y
combattre, la loi d’y paroître nuds ; la nature de la
plupart des exercices ufités dans ces jeux, jointe à la
chaleur du climat & de la faifon où l’on tenoit ces
fortes d’affemblées, exigeoient néceffairement cette
nudité, qui pourtant n’étoit pas entière ; on avoit
foin de cacher ce que la décence défend de découvrir
» & l’on employoit pour cela une efpece de ceinture
, de tablier, ou d’écharpe, dont on attribue l’invention
à Paleftre fille de Mercure. Nous voyons cet
ufage établi dès le tems d’Homere, qui appelle
cette forte de ceinture, en parlant du pugilat d’Eu-
riale & d’Epeus.
Mais vers la quinziéme Olympiade , s’il en faut
croire Denis d’Halicarnaffe, les Lacédén?oniens s’affranchirent
de la fervitüde de l’écharpe ; ce fut, au
rapport d’Euftathe, l’avanture d’un certain Orfippé
qui en amena l’occafion : l’écharpe de cet athlete s’étant
déliée lorfqu’il difputoit le prix de la courfe ,
fes fiiés s’ÿ accrochèrent, enforté qu’il fe laiffa tomber,
& fe tua, ou du-moins fut vaincu par fon concurrent
, (car on compte la èhofe de deux façons).
C e malheur donna lieu de porter un réglement qui
décidoit qu’à l’avenir les athlètes combattroient fans
écharpe & faefifieroient la pudeur à leur commodité';
0 en retranchant même ce refte d’habillement.
Acanthe le Spartiate fuivit le premier l’ordonnance,
& difputa tout nud le prix de la courfe" àux jeux
olympiques : toutefois les aùtfè's peuples rejetterent
cette coutume , & continuèrent à fe couvrir de l’écharpe
dans la lutte & dans le pugilat ; ce qu’obfer-
vôient encore lès Romains du tems de Denis d’Ha-
licarnaflè* Cependant l’époquê de l’entiere nudité
des athlètes, que cet auteur met à la quinzième olympiade
, eft démentie par Thucydide, qui prétend qu’-
eïïe ne s’ëtôit introduite aiie quelques années avant
le tems où il écrivoit l’hiftoire de la guerre du Pélo-
ponnèfe : or l’on fait que le commencement dé cette
guerre tombe à la prèmierè année de la 87e olympiade.
Quoi qu’il un foit, la nudité des athlètes n’étoit
d’ufagé que dans certains exercices, tels que la lutte
, lè pugilat, le .pancrace, & la courfe à pié ; car il
eft prouvé pat d’anciens mbhumens, que dans l’exercice
du diiqüé, les difcoboles portoient des tuniques
; ôft.ne fe dépouilloit point pour la courfe dès
chars, non plus que pour l’exercice du jUvelot ; Sc
c ’eft pour cette raifon, comme le remarque Euftà-
the, qu’Homere , grand obferyateur des bienféan-
Ves, ne fait paroître Agamemnon aux jeux funèbres
de Patrocle, que dans cette derniere efpece de com-1
bats, où ce prince n’étoit point obligé de déroger en
quelque forte à fa dignité, en quittant fes habits.
Cependant comme dans les gymnafes deftinés à
former la jeuneffe aux combats gymniques9les jeunes
gens y paroiffoient d’ordinaire prefque nuds , il y
avoit des infpeéteurs appellésfophronijles , prépoles
pour veiller fur eux & les maintenir dans la pudeur.
Lycon, félon Pline, inftitua les jeux gymniques en
Arcadie, qui de-là fe répandirent par-tout, firent fucceffivement
les délices des Grecs & des Romains,
& accompagnèrent prefque toujours la célébration
des grandes fêtes, fur-tout celles des bacchanales.
Ces jeux fe donnoierit avec magnificence quatre
fois l’année, favoir i°. à Olympie, province d’Eli-
de, & par cette raifon furent appellés jeux olympiques
, en l’honneur de Jupiter Olympien ; 20. dans
l’ifthme de Corinthe, d’où ils prirent le nom de jeux
ijthmiens, & furent dédiés à Neptune ; 30. dans la forêt
de Némée, à la gloire d’Hercule, & furent appellés
jeux néméens; 40. on les connut auffi fous le nom
de jeux pythiens , en l’honneur d’Apollon qui avoit
tué le ferpent Python. Voyeç Olympiques , Is th *
miens , Néméens , Py th ien s .
On y difputoit le prix du pugilat, de la lutte, de
la courfe à pié, de la courfe des chars, de l’exercice
du difque» & du javelot ; Lucien nous a laiffé de ces
divers combats avec fon badinage ordinaire, un tableau
fort inftru&if dans un de les dialogues, où il
fait parler ainfi Anacharfis & Solon.
Anacharjis. « A qui en veulent ces jeunes gens, de
» fe mettre fi fort en colere, de fe donner le croe
» en jambe, de fe rouler dans la boue comme des
» pourceaux, tâchant de fe fuffoquer ? Ils ’s’huiloient,
» le rafoientd’abord paifiblement l’un l’autre: mais
» tout-à-coup baiffant la tête, ils fe font entrecho-
» qués comme des béliers; puis l’un élevant en l ’air
» fon compagnon, le laiffe tomber à terre par une
» fecouffe violente, ôc fe jet tant fur lu i, l’empêche
» de fe relever, lui preflànt la gorge avec le coude,
» & le ferrant fi fort avec les jambes, que j’ai peur
» qu’il ne l’étouffe, quoique l’autre lui frappe fur
» l’épaule, pouf le prier de le lâcher, comme fe re-
» connoiffant vaincu. Il me femble qu’ils ne devroient
» point s’enduire ainfi de boiie, après s’être huilés »
» & je ne puis m’empêcher de tire, quand je vois
»qu’ils efquivent les mains de leurs compagnons
» comme des anguilles que l’on preffe ; en voilà qui
» fe roulent dans le fable avant que de venir au 00m-
» bat, afin que leur adverfaire ait plus de prife, &
» que la main ne coule pas flir l’huile ni fur la fueur.
Solon. » La difficulté qui fe trouve à colleter un
» adverfaire lorfque l’huile 6c la fueur font griffer la
» main fur la peau, met en état d’emporter fans pei'
» ne dans l’occafion un bleffé -hors du combat, ou
» d’enlever un prifennièf. Quant au fable & à Ja
» poufliere dont On fe frotte, on le fait pour une rai-
» fon toute différente, c’eft-à-dire pour donner plus
» de prife, afin dé s’accoutumer A efquiver les mains
» d’un antagonifte malgré oet obftade ; outre que
» cela fert, non-feulement à effuyer la fueur ôc àdé-
» craffer, mais encore à foûtenir les forces, en s’op-
» pofant à la diffipationdes efprits, & à fermer l’en-
» trée à l’air , en bouchant les pores qui font«ouverts
» par la chaleur.
Anacharjis. » Que veulent dire ces autres qui font
» auffi fcOUverts de poufliere ? ils s’entrelacent à
» coups de pié & de poing, fans effayer de fe ren-
» verlet comme les premiers : mais l’un crache fes
» dents avec le fiable Sc le lang » d’un coup qu’il a
» reçu dans la mâchoire, fans que cet homme vêtu
» de pourpre, qui préfide à ces exercices, fe mette
» en peine de les fépa.rer ; ceux-ci font voler la potif;
I 1
i l