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de nos droits ; e l l e ne peut fervir qu’à f a t i s f a i r e la
brutalité du foldat effréné.'
Il y a néanmoins mille autres licences infantes,
& mille fortes de rapines 8c d’horreurs qu’on fouf-
fre honteuï'ement dans la guerre. Les lois, dit-On,
doivent le taire parmi le bruit des armes ; je répons
que s’il faut que les lois civiles, les lois des tribunaux
particuliers de chaque état, qui n’ônt lieu qu’en tems
de paix, viennent à fe taire, il n’en eft pas de même
des lois éternelles, qui font faites pour tous les
tems, pour tous les peuples, & qui font écrites dans
la nature : mais la guerre étouffe la voix de la nature,
de la juïlice, de la religion, & de l’humanité. Elle
n’enfante que des brigandages & des crimes ; avec
elle marche l’effroi, la famine, & la defolatiôn ; elle
déchire l’ame des meres, des époufes, & des en-
fans; elle ravage les campagnes, dépeuple les provinces
, &c réduit les villes en poudre. Elle épuife
les états floriffans au milieu des plus grands fuccès ;
elle expofe les vainqueurs aux tragiques revers de
la fortune elle déprave les moeurs de toutes les nations
, 8c fait encore plus de miférabies qu’elle n’en
emporte. Voilà les fruits de la guerre. Les gazettes nê
retentüfent actuellement ( 1 7 5 7 ) , que des maux qu’elle
caufe fur terre 8c fur mer, dans l’ancien & le
nouveau monde, à des peuples qui devroientrelfer-
rer les liens d’une bienveillance, qui n’eft déjà que
trop foible ,& non pas les couper. (D .J . ) '
G u erre, '(Jeu de la) c’eft une maniéré particuliere
de jouer au billard plufieurs à-la-fois. Le nombre
des perfonnes qui doivent joiier étant arrêté ,
chacun prend une bille marquée différemment, c’eft-
à-dire d’un point, de deux, & de plus, li l’on eft davantage
à joiier. Quand les billes font tirées, chaque
joueur joue à fon tour, & félon que le nombre des
points qui font fur la bille lui donne droit: il eft défendu
de fe mettre devant la paffe fans le confente-
ment de tous les joueurs. Celui qui joue une autre
bille que la fienne perd la bille & le coup.
Qui touche les deux billes en joiiant, perd fa bille
& le coup; il faut remettre l ’autre à fa place.
Qui paffe fur les billes, perd la bille 8c le coup ;
& on doit mettre cette bille dans la beloufe. Qui
fait une bille & peut butter après, gagne toute la
partie ; c’eft pourquoi il eft de l’adreffe d’un joueur
de tirer à ces fortes de coups autant qu’il lui eft pof-
fible. Qui butte deffous la paffe, gagne tout, fût-on
jufqu’à neuf joiieurs.
Les lois du jeu de la guerre veulent qu’on tire les
billes à quatre doigts de la corde.
Il eft défendu de fauver d’enjeu, à-moins qu’on
ne fe foit rcpaffé.
Qui perd fon rang à joiier, ne peut rentrer qu’à la
fécondé partie.
Ceux qui entrent nouvellement au jeu, ne font
point libres de tirer le premier coup fur les billes,
en plaçant les leurs où bon leur femble. Il faut qu’ils
tirent la paffe à quatre doigts de la corde.
Il faut remarquer que lorfqu’on n’eft que cinq, on
doit faire une bille avant que de paffer.
Si on n’eft que trois ou quatre, il n’eft pas permis
de paffer jufqu’aux deux derniers.
Si celui qui tire à quatre. doigts fait paffer une
bille, elle eft bien paffee.
Qui touche une bille de la fienne & fe noyé, perd
la partie ; il faut que la bille touchée refte alors où
elle eft roulée.
Si celui qui touche une bille en joiiant la noyé 8c
la fienne auffi, il perd la partie, & on remet la bille
touchée où elle étoit. Si du côté de la paffe on fait
paffer une bille efpérant la gagner, &c qu’on ne la
gagne pas, cette bille doit refter où elle eft, fuppofé
qu’il y,eût encore quelqu’un à joiier; mais s’il n’y
avoit perfonne, on la remettroit à fa première place.
G U E
Quand un joiieur a une fois perdu, il ne peut rentrer
au jeu que la partie ne foit entièrement gagnée»
Les billes noyées appartiennent à celui qui butte,
les deux derniers qui relient à joiier peuvent l’un &
l’autre fe fauver d’enjeu., '
Si celui qui eft pafle ne le veut pas, il n’cn fera
rien. S’il y çonfent, il doit être préféré à celui qui
n’ eft pas pafle.
Celui qui par inadvertance joue devant fon tour !
ne perd que le coup & non pas la bille, c’eft-à-dire
qu’il y peut revènir à fon rang. Qui tire à une bille
la gagne ; & fi en tirant le billard il touche une autre
bille gagnée, elle eft cenfée telle; 8c la bille de
celui qui a joué le coup doit être mife dans la be-
lôufe.
G U E S T E , f . f. ( Commerce. ) mefure de longueur
dont on fe fert en quelques endroits du Mogol ; elle
revient à une aune de Hollande }. Dictionn. de Commerce
& de Trévoux. (G)
GUET, f. m. (Art milit.) ce mot fignifie'un corps-
de'-garde placé fur quelque paffage, ou une compa-
gnie de gardes qui font la patrouille. Foye[ Garde.
Il y a des officiers qui font exempts de guet ou de
garde. C ’eft dans le même fens que l’on dit guet de
nuit, mot du guet, guet du roi, guet de la ville,
Chambers.
Guet , dans la maifon du Roi, fe dit du fervice que
les gardes du corps, les gendarmes, & les chcvau-j
légers de la garde font auprès du Roi : ainfi être du
guet, c’eft, dans ces différens corps, être de fervice
a la cour.
Chevalier du guet, eft le nom que l’on donne à Paris
à l’officier qui commande le guet, c’eft-à-dire l’eA
pece de milice établie pour la garde & la fureté de
Paris. On dit le guet à pie 8c le guet à cheval : le premier
eft proprement l’infanterie de cetre milice, 8c
l’autre la cavalerie. On dit auffi un cavalier du guet,
pour exprimer un homme du corps de cette cavalerie.
(Q)
Guet, (mot du) Arc milit. des Romains. Il falloit
qu’un foldat de la derniere cohorte pour l’infanterie
ou de la derniere turme pour la cavalerie, vînt au
logis du tribun qui commandoit ce jour-là, prendre
le mot du guet fur une tablette : on écrivoit fur cette
tablette le nom du foldat qui venoit le prendre 8c
le lieu de fon logement; ce foldat rendoit la tablette
qu’il avoit prife, au chef de fa troupe, & en préfen-
ce de témoins ; ce chef remettoit ladite tablette au
chef de la cohorte voifine ; & ainfi de main en main
la tablette revenoit à la première cohorte placée près
de la tente du tribun, auquel elle étoit rapportée
avant la nuit ; par ce moyen le tribun de jour étoit
aftïiré que toute l’armée a voit, le mot du guet; 8c fi
quelque tablette manquoit à être rendue, il étoit facile
de trouver où elle étoit demeurée, 8c dans les
mains de qui. (D . J.')
Guet , (Jurifpmd.) droit dû à quelquesTeigneurs
par leurs hommes. Il eft ordinairement au droit de
garde , c’eft pourquoi on dit guet & garde, quoique
ce foient deux droits différens. Foye^ Garde.
L’origine du droit de guet vient du tems des guerres
privées ; les vaffaux & fujets étoient obligés de
faire le guet, de crainte de furprife ; mais depuis que
les guerres privées ont été abolies, ce droit de guet
a été converti en une redevance en argent, pour tenir
lieu du fervice du guet.
Ce que l’on appelle guet de prévôt dans la coûtume
de Châlons, art. üj. eft la comparution que les fujets
font obligés de faire tous les ans devant le prévôt
du feigneur, en mémoire du fervice d & guet auquel
ils étoient autrefois obligés. Voye{ le glojfaire de M.
Delauriere au mot guet; les coût, de Tours, article
ccvc, Lodunois, c, xxviij. ajt. j , Bourb.onnois, chap.
xxxvj.
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xxxvj. Bretagne, art. ccxcij. Auvergne, ch. xxv. art.
ty. 8c ci-devant au mot G a r d e . (A )
G uet-À-pens , (Jurifp.) eft l’embufcade qu’une
perfonne a faite ponr en affaffiner une autre de def-
fein prémédité.
Ce crime eft beaucoup plus grave que le fimple
meurtre ; il eft condamné dans le Deuteronome, chap.
xxvij. verf. 16. & par nos ordonnances qui ne veulent
pas que l’on accorde de rémiffion de ce crime ;
elles prononcent même peine de mort contre ceux
qui ont confeillé le guet-à-pens , ou qui y ont parti-
cipé.
Le guet-à-pens eft un cas préfidial qui fe juge en
dernier reffort, 8c fans appel. Foye{ l'ordonnance de
tG jo . tit .j. art. x ij. la déclaration du 5 Février 1731
fur les cas prevôtaux ou préfidiaux. Voye{ M e u r t
r e . ( A )
GUÉTARIA, Menofca, (Géog.') petite ville d’Ef-
pagne, dans la province de Guipufcoa, avec un château
& un port fur la mer de Bifcaye. Long. iS. 12.
latit. 43. 2G.
C ’eft la patrie de Cano (Sebaftien), ce fameux navigateur,
qui fit le premier le tour du monde fous
Magellan, 8c rentra dans Séville le 8 Septembre
1521, après trois ans un mois de navigation. (D . J .)
GUETE, (Géog.) ancienne ville d’Efpagne dans
la nouvelle Caftille,dans la Sierra. AlphonfeVI.
roi de Caftille la conquit fur les Maures en 1080.
Elle eft à 6 lieues N. O. de Cuença, 26 S. E. de Madrid.
Long. 15.3 G. lat. 40. 20. (D . J.)
GUÊTRES, f. f. pl. efpece de chauffure faite de
groffe toile ou de coutis, qui s’attache à boutonnière
ou à cordons fur le côté de la jambe qu’elle couvre
toute entière, ainfi que le genou 8c le coup-de-
pié fur lequel elle eft detenue par une courroie de
cu ir, faite en étrier. On en prend pour la chaffe,
pour le voyage, foit à p ié, foit à cheval.
G UET TE, f. f. ( Charpenterie. ) c’eft une demi-
croix de S. André, pofée en contrefiches dans les
pans de bois. Foyeç les figures du Charpentier.
GUETTES, f. m. pi. hommes employés dans les
falines; leur fonction eft de garder à tour de rôle les
portes de la faline, & de remplir tous les devoirs des
portiers.
GUETTON, f. m. ( Charpenterie. ) petite guette
qui fe met fous les appuis des croifées & exhauffe-
mens ,fous les fablieres de l’entablement, fur les linteaux
des portes, &c. Voyelles figures du Charpentier.
GUEULE, f. f. (Gramm.) c’eft ainfi qu’on appelle
dans la plûpart des animaux, l’intérieur de la partie
qui eft armée de dents, où font la langue 8c le palais,
8c qu’on appelle dans l’homme 8c le cheval la
touche.
GUEULE droite & renverfée, (Architecture.) ce font
les deux parties de la cimaife qui forment un membre
, dont le contour eft en S. La plus avancée &
concave s’appelle gueule droite ou doucine, voye{
D o u c in e ; 8c l ’autre qui eft convexe s’appelle gueule
renverfée oufalon; voye{ C im a ise .
G u e u l e b é e , terme de Tonnelier ; c’eft ainfi
qu’on appelle une futaille ouverte qu’on a défoncée
par un bout. Foye^ F u t a i l l e .
G ueule de L o u p , (Bas au métier.) partie du métier
à bas. Voye[ cet article.
G u e u l e s , en termes de Blafon, c ’eft la couleur
rouge ; voye[ R o u g e .
Le pere Monet dit que le mot de gueules dérive de
l’hébreu gulud, ou gulidit, petite peau rougeâtre qui
paroît fur une plaie quand elle commence à fe guérir
: le P. Ménétrier dit que ces mots ne fe trouvent
point dans la langue hébraïque : mais cela n’eft
pas exactement vrai ; car dans les langues orientales,
comme l’hébreu, le chaldéen, le fyriaque, 8c l’arab
e, on dit gheld, pour cutis, pellis, peau, d’où eft
Tome FIL,
G U E 9 9 9
venu le mot arabe gulud: 8c en général le mot de
gueules lignifie la couleur rouge chez la plûpart des
orientaux. Les Arabes 8c les Perfans donnent ce nom
à la rofe.
D ’autres avec Nicod dérivent le mot de gueules de
gula, la gueule des animaux, qui l’ont ordinairement
rouge ; ou du latin eufeulium, qui eft le coccos des
Grecs, ou la graine d’écarlate.
Dans la G ravure, la couleur de gueules s’exprime
par des hachures perpendiculaires, tirées du chef de
l’ecuffon à la pointe. On la marque auffi par la lettre
G.
Cette couleur pafle pour un fymbole de charité,
de bravoure, de hardieffe, & de générofité ; elle repréfente
la couleur du fang, le cinnabre, 8c la vraie
écarlate : c’eft la première des couleurs qu’on employé
dans les armoiries ; & elle marque une fi grande
aiftinCtion, que les anciennes lois défendoient à
tout le monde de la porter dans les armoiries, à-
moins qu’on ne fût prince, ou qu’on n’en eût la per-
miffion du fouverain.
Spelman dans fon afpilogia, dit que cette couleur
étoit dans une eftime particulière chez les Romains,
comme elle avoit été auparavant chez les Troyens:
qu’ils peignoient en vermillon les corps de leurs
dieux, auffi - bien que de leurs généraux le jour de
leur triomphe. Sous le gouvernement des confuls ,
les foldats étoient habilles de rouge, d’où étoit venu
le nom de ruffati. Jean de Bado Aureo ajoute que la
teinture rouge appellée par les Grecs phénicienne ,
& par nous écarlate, fut adoptée d’abord par les Romains
, pour empêcher que l’on ne s’effrayât du fang
qui découloit des plaies des bleffés dans la bataille.
En effet le rouge a toûjours pafle pour une couleur
impériale, & les empereurs étoient toûjours
vêtus, chauffés, & meublés de rouge. Leurs édits j
dépêches, fignatures, & fceaux, étoient d’encre 8c
de cire rouges ; & c ’eft de-là qu’eft venu le nom de
rubrique. Diclionn. étymol. de Trév. & Chambers.
GUEUSE, f. f. ( A rt d'ourdiffage. ) dentelle très-
legere qui fe fait de fil blanc, 8c dont le fond eft de
réfeau, 8c les fleurs de couronnes très-déliées ; elle
fe fabrique fur l’oreillier à l’ordinaire. Foye^ L'article
D entelle.
G ueuse, (Manufaci. en laine.) petite étoffe qui fe
fabrique en Flandres, & qu’on nomme plus communément
Plicole.
Gueuse , (Forges.) dont le diminutif eft gueufillon.
Ces deux termes fe difent dans les groffes forges, des
maffes prifmatiques de fer qu’on a coulées dans le
fable au l'ortir du fourneau de fiifion. Foye^ l'article
Forge.
GUEUX, (les) Hifi. mod. fobriquet qui fut donné
aux confédérés des Pays-Bas en 1566 ; la duchef-
fe de Parme ayant reçû l’ordre de Philippe 11. roi
d’Efpagne d’introduire dans les Pays-Bas de nouvelles
taxes, le concile de Trente & l’inquifition, les
états de Brabant s’y oppoferent vivement, & plufieurs
feigneurs du pays fe liguèrent enfemble pour
la confervation de leurs droits & de leurs franchifes ;
alors le comte de Barlemont, qui haïffoit ceux qui
étoient entrés dans cette confédération, dit à la du-
cheffe de Parme, gouvernante , qu’il ne falloit pas
s’en mettre en peine, 8c que ce n’étoit que des gueux.
Le prince d’orange, Guillaume de Naffau, furnom-
mé le taciturne j 8c Bréderode, chefs de ces prétendus
gueux, furent effectivement chafles d’Anvers l’année
fui vante ; mais ils équipèrent des vaiffeaux, firent
des coürfes fur la côte, fe rendirent maîtres d’Enck*
huyfen, puis de la Brille, & s’y établirent en 1572
malgré tous les efforts du duc d’Albe. Tel fut le commencement
de la république de Hollande, qui d’un
pays ftérile & méprifé, devint une puiffance refpec-
table. (D . J.)
L L L l l t