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tes dont je me fers font entièrement de fer-blanc ,
j’en ai de plus grandes & de plus petites , & je les
enduis de plu fleurs couches de couleur à l’huile pour
les mettre à l’abri de l’impreflïon de l’eau-forte : ces
fortes de boîtes font peu coûteufes 8c durent toujours
, pourvû qu’on ait foin de leur donner de tems
en tems quelques couches de couleur à l’huile. La
façon la plus commode de fe fervir de la boîte pour
ballotter l ’eau-forte, eft de la pofer fur les genoux
qui forment un point d’appui. On tient les deux côtés
avec les deux mains, & on fouleve un peu chaque
main l’une après l’autre, comme on peut le
.voir fig. 4. de la PL. I. de la grav. en taille-douce.
Cette maniéré me parut Ample, 8c j’ai par la feule
addition du couvercle, remédié au danger réel auquel
le fréquent ufage de l’eau-forte peut expofer les
artiftes qui s’en fervent fouvent : mais ce moyen a
toujoursTinconvénient d’entraîner unepertede tems
affez confidérable pour l’artifte, ou la néceflîté d’employer
un homme dont il faut payer la peine. Pour
ïurmonter cette difficulté, j’ai adapté à la boîte une
machine très-limple qui lui communique le mouvement
qu’on lui donneroit avec les deux mains, 8c
qui rend ce mouvement fi égal, que l’on eft bien plus
à portée de calculer l’effet de l’eau-forte fur la planche.
Voici en quoi confifte cette machine, dont les
figures aideront à bien faire entendre la conftru&ion.
Cette machine dont l’affemblage fe voit PL IL
de la gravure en taille-douce, fig. /. eff compofée d’une
cage de fer formée par deux montans A A y joints
enfemble par deux traverfes B B ; l’inférieure eft attachée
à deux piés C C , qui paffent au - travers de la
table, & y font arrêtés par deux écrous. Cette cage
renferme deux roues 8c deux pignons : fur la première
roue eft rivé un tambour ou barillet contenant
un fort reflort : leur arbre commun porte un rocher,
8c l’un des montans un encliquetage, lefquels fervent
à remonter le grand reffort 8c à lui donner la
bande néceflaire. La deuxieme roue eft enarbrée
fur le premier pignon ; elle engrene dans le fécond,
qui porte fur un de fes pivots , extérieurement à la
cage, un rochet à trois dents.
Ce rochet forme un échappement au moyen de
deux palettes fixées fur un anneau elliptique D D ,
dans lequel il eft renfermé. Sur le prolongement de
fon grand ax e, cet anneau porte deux queues fur
lefquelles font deux couliffes, l’une fupérieure, l’autre
inferieure ; il eft arrêté fur un des montans de la
cage par des tenons à vis qui lui permettent de fe
mouvoir librement de haut en-bas. La queue inférieure
formée en équerre, porte un petit bras de fer
/ , qui lui eft joint au moyen d’une vis par une de fes
extrémités , 8c qui l’eft de même par l’autre à la
branche courte .F du T, marqué E F G. En K eft une
goupille fixée fur un des montans; elle paffe à-travers
une douille rivée fur le T , fur laquelle il peut fe
mouvoir. Sa branche G-paffe par une ouverture faite
à la table en forme de rainure, fuffifamment grande
pour ne pas gêner fon mouvement, & porte une lentille
de plomb affez pefante. A l’extrémité de la branche
longue £ eft attaché un autre petit bras L , fem-
blable à 7, joint par fon autre bout au levier M , lequel
eft fixé invariablement à l’un des tourillons du
porte-boîte. Celui-ci eft fait d’une piece de fer O N,
N O , coudée en N N & en O O oit font deux tourillons
fur lefquels il fe meut. P P font deux doigts
de fer rives fur la barre N N , lefquels entrent dans
deux mains attachées fur la boîte pour l’empêcher
de fé renverfer. Q <2 font deux fupports terminés
par deux tenons qui traverfent la table, 8c font
arrêtes deffous par deux vis ou deux clavettes ; ils
fervent à porter les tourillons du porte-boîte : on y
a? ajoûté deux petits anneaux afin qu’ils ne puiffent
$ échapper, La boîte eft de fer-blanc, couverte d’un
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verre qui permet à l’artifte de voir l’effet de l’eau-
forte , 8c la fituation de fa planche.
Voici maintenant comment fe fait le jeu de cette
machine. Si l’on met le balancier G en mouvement
il le communique par le petit bras L au levier M, 8c
par confequent au porte-boîte ; ce qui produit un
bercement qui agite fans ceffe l’eau-forte contenue
dans la boîte, en la faifant paffer fur la planche 8c
repaffer fans difeontinuer : mais ce mouvement fe
rallentiroit 8c cefléroit peu-à-peu tout-à-fait, fi le
rochet R faifant monter & defeendre alternativement
l’anneau elliptique au moyen de fes palettes ,
ne reftituoit pas le mouvement au balancier, auquel
il communique le fien par le petit bras I.
Pour faciliter l’intelligence de cettemachine, nous
allons développer quelques-unes de fes parties. La
fig. 2. de la PL. II. repréfente le plan de l’anneau elliptique.
D D font les queues fur lefquelles font les
couliffes. P P font les palettes : on voit en R le rochet
renferme dans cet anneau. C ’eft le retour d’équerre
de la queue inférieure qui porte le petit bras 7, joint
de même à la branche courte F du T marqué E F G .
Fig. 3. de la même Planche, K eft la douille fur laquelle
il fe meut ; G eft le balancier ; H la lentille ;
E la branche longue qui communique par le petit
bras L au levier M du porte-boîte.
Fig. 4 j O O font les tourillons ; S S les petits anneaux
pour les contenir ; P P les doigts pour arrêter
la boîte; Q Q les fupports des tourillons..
J’avertirai que comme cette machine n’eft parfaitement
intelligible qu’avec le fecours des figures qui
ne doivent paroître qu’à la fin de l’ouvrage , fi quelqu’un
étoit curieux de la faire exécuter, je ferai toujours
difpofé à faire voir celle dont je me fers, ou à
en envoyer le deffein, fi cela peut obliger quelqu’un
ou lui être de quelque utilité.
Revenons à ce qui regarde l’effet de l’eau-forte.'
Cette liqueur corrofive deftinée à approfondir les
tailles, lorfqu’elle eft répandue fur la planche, la
creufe effectivement en détruifant les parties de cuivre
qui font découvertes, 8c en refpeftant celles qui
font enduites de vernis. Mais il eft néceflaire, pour
qu’une planche foit au point de perfe&ion oîi tend
le graveur, que ces tailles foient approfondies avec
une jufte dégradation : les lointains ou les plans éloignés
ne feront point l’effet qu’ils doivent faire, fi les
tailles dont ils font travaillés font trop approfondies ;
car alors le noir d’impreffion dont on remplit ces
tailles en imprimant la planche, y fera en trop grande
abondance ; ces objets paroîtront trop noirs fur
l’eftampe, & ne feront pas l’illuflon qu’ils doivent
eau fer : il eft donc neceflaire de conduire avec une
grande fagacite 8c beaucoup d’intelligence l’opération
de l’eau-forte fur les tailles. Pour cela, lorfqu’on
a fait mordre fa planche pendant l’efpace de tems
qu’on eftime fuffifant pour les lointains, on fufpend
l’opération de l’eau-forte ; on retire la planche, on la
lave en verfant beaucoup d’eau fraîche deffus ; en-
fuite on la laiffe fechcr ou à l’air ou en l’approchant
doucement d un feu tres-modéré. Lorfque la planche
fera feche, vous vous éclaircirez de l’effet qu’a produit
1 eau - forte, en découvrant le vernis, avec un
grattoir ou un petit morceau de charbon de faule ,
dans quelque endroit des lointains.
Si vous jugez qu’ils foient affez mordus, vous cou*
vrirez tout ce qui doit être du ton de ces lointains '
en vous fervant du mélange que j ’ai déjà indiqué ,
& qui fe fait avec le vernis de peintre 8c le noir de
fumée; vous l’employerez avec des pinceaux plus
ou moins fins, fuivant la fineffe des traits 8c des
maffes que vous voulez couvrir. Enfuite, après
avoir donné le temsà ce vernis que vous venez d’employer,
de fécher,vousremettrez votre planche comme
elle é to it , pour l’expofer de nouveau à l’eau-
forte;
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tbrté ; vous la ferez mordre autant que vous croirez
qu’il eft néceflaire pour les plans qui fuivent ceux
que vous avez couverts; enfuite vous retirerez encore
votre planche, vous couvrirez une fécondé fois ce
que vous voulez fouftraire à l’effet de l’eau - forte :
enfin vous réitérerez cette opération autant de fois
que vous le voudrez 8tque vous croirez qu’il le faut
pour parvenir à un jufte effet de dégradation dans
les plans & dans les objets.
J’obferverai qu’il feroit injufte d’exiger qu’on donnât
des évaluations précifes du tems qu’on doit employer
l’eau-forte chaque fois ; les calculs 8c les ob-
fervations les plus exa&es n’ont pu me fatisfaire;
l’effet de l’eau-forte dépend de trop de caufe« accidentelles,
pour qu’on puiffe le foûmettre à des réglés
invariables*
i ° . L’eau-forte eft plus ou moins agiffante, fuivant
le degré de cuiffon qu’on lui a donné , 8c fuivant
la. qualité 8c le choix particulier des ingrédiens
dont elle eft compofée.
20. Le cuivre par fa nature peut être plus ou
moins docile à l’effet de l’eau forte. Le cuivre mou
dont j’ai parlé dans le commencement de cet article
, réfifte à l’aétion de l’eau-forte“; le cuivre aigre
fe diflbut trop tô t , 8c toutes ces différences font luf-
ceptibles de degrés 8c de nuances infinies.
30. L’effet de l’air influe fenfiblement fur l’effet de
l’eau-forte, le froid retarde fon a&ion, le chaud l’ac-
célere, l’humidité y caufe des différences fenfibles.
40. La maniéré de fe fervir des outils avec lefquels
on grave, 8c la différence des pointes ou émouf-
fées ou coupantes, facilitent à l’eau-forte l’entrée du
cuivre, ou lui laiffent la peine de l’entamer.
Il faut donc que l’ufage accompagné des obferva-
tions particulières de l’artifte, lui donnent les lumières
dont il a befoin pour fe guider : il eft fort difficile
d’arriver à faire mordre une planche à un effet
jufte ; 8c c’eft pour cela que la plus grande partie des
graveurs fe contentent d’obtenir de l’eau-forte un
ton général, g ris, propre, 8c égal, en réfervant de
donner à leur ouvrage avec le fecours du burin un
accord 8c un effet dont ils font les maîtres par ce
moyen : mais cette pratique que le méchanifme de la
gravure favorife, eft fujet à des. réflexions que j’ai
déjà indiquées. Pourfuivons ce qui regarde l’opération
que je viens de décrire.
Lorfqu’après avoir expofé autant de tems qu’il le
faut la planche à l’attion de l’eau-forte , ce qui va
quelquefois à l’efpace d’une heure, d’une heure 8c
demie 8c plus, vous la trouvest parvenue au point
que vous fouhaitez ; vous la lavez une derniere fois
dans une quantité d’eau fraîche, enfuite la chauffant
raifonnablement, vous enlevez avec un linge tout le
vernis dont vous avez fait ufage avec le pinceau,pour
couvrir les différens plans : vous ôtez par le même
moyen la mixtion de fuif & d’huile dont le derrière
de la planche eft couvert; après quoi il refte à enlever
le vernis dur : vous y parviendrez en vous fervant
du charbon de faule que vous pafferez deffus la planche,
en frottant fortement 8c en mouillant d’eau commune
ou d’huile 8c la planche 8c le charbon. Il eft
inutile d’obferver qu’à mefure que vous voyez le
cuivre fe découvrir, il faut ménager le frottement,
pour que le charbon n’altere point les fineffes de la
gravure. Lorfque vous aurez enfin enlevé tout ce
qui refte de vernis dur à la planche, vous la livrerez
à l’imprimeur pour en tirer des épreuves : on don-
nera<z«OTo/lMPREssiON,tout le détail de cette opération,
avec la figure de la preffe 8c fa defeription.
Revenons à la maniéré de faire mordre les planches
vernies au vernis mou, lorfqu’on employé pour
cela l’eau-forte qu’on nomme eau de départ.
Cette eau-forte fe fait avec le vitriol , 1e falpetre,
8c quelquefois l’alun de roche, diftillés enfemble ;
Tome VU,
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t eft celle dont les affineurs fe ferveht jjoi.tr fépafeé
l’or d’avec l’argent 8c le cuivre ; elle fe trouve plus
aifement que l’autre. D ’ailleurs la compofition ert
doit erré détaillée ailleurs; ainfije ne la donnerai
point.
Je remarquerai ic i, pour ne point l’oublier, qu*bn
peut fe fervir pour faire mordre les planches gravées
au vernis mou, de l’eau-forte dont j’ai donné là
compofition, 8c qui eft faite avec le vinaigre, le fet
ammoniac* 8c le verdet ; elle ménage davantage lé
vernis, 8c on la gouverne plus aifément: mais Peau-
forte de départ ne peut fervir pour les planches vernies
au vernis dur ; elle fait éclater ce vernis , 8c
détruit ainfi en trn moment l’ouvrage de plufieurs
jours 8c quelquefois de plufieurs mois.
Venons au vernis mou 8c à l’eau-forté de départ.'
Il faut prendre de la cire molle, rouge ou verte ,
qui devienne flexible en l’échauffant un peu, comme
celle dont fe fervent les Sculpteurs pour modeler.
Vous en formerez en le paîtriffant 8c l’étendant
un rebord autour de votre planche. Ce rebord n’a
pas befoin d’être plus haut que cinq ou fix lignes au
plus ; mais il faut qu’il foit tellement appliqué à là
planche de cuivre, qu’elle puiffe par fon moyen, contenir
l’eau dont on doit la couvrir à la hauteur dé
deux ou trois lignes. La planche ainfi préparée, vous
la placerez horiïontalement fur une table qui foit de
niveau, comme on le voit à la fig. 5. de la I. Planche
de la gravure en taille-douce. Alors vous prendrez
l’eau-forte dont j’ai parlé , vous y mêlerez moitié
d’eau commune, 8c vous la verferez fur la planche ;
vous obferverez fon effet qui fe rend fenfible par le
bouillonnement qui eft excité par-tout oii elle creufe
le cuivre : le refte de l’opération fe rapporte à celle
que j’ai décrite pour l’eau-forte à couler, c’eft-à-di-
r e , que lorfque vous jugez que les lointains 8c les
traits qui doivent être foibles , font affez mordus ,
vous verfez l’eau-forte, vous lavez bien la planche
avec de l’eau commune, vous la laiffez fecher, vous
couvrez ce que vous jugez qui doit être couvert avec:
le vernis de peintre 8c le noir de fumée, après quoi
vous y remettez l ’eau-forte, &c.
Voilà les maniérés connues de graver à l’eau-
forte ; c’eft aux artiftes à les éprouver toutes, 8c '
fur-tout à ne-jamais opérer fans faire des obferva-
tions : c eft ainfi qu’ils pourront découvrir des pratiques
ou plus commodes, ou plus fûres, ou plus convenables
à leur génie 8c à leur goût. Il y a , je crois*
une infinité de recherches à faire fur cette partie ,
dont j’efpere donner un jour les détails, lorfque je
m’en ferai aflïiré par des expériences réitérées. Je
me contente aujourd’hui d’offrir aux artiftes la machine
dont j ’ai donné le détail, comme un moyen fur
d’éviter les inconvéniens que l’eau-forte a pour ceux
qui s’eri approchent. La confervation des hommes
doit toûjours être l’objet principal de ceux qui dans
les arts cherchent à étendre leurs découvertes*
Je vais maintenant emprunter de l’ôuvrage que
j’ai cité au commencement de cet article, la plus
grande partie de ce qui regarde la gravure au burin:
De la gravure au burin. Le Deffein eft toûjours la
bafe fur laquelle on doit appuyer toutes les opérations
de la Gravure ; on ne peut donc trop reconH
mander aux Graveurs, foit à l’eau-forte foit au burin
, de s ’exercer continuellement à defliner ;ils doivent
fur-tout s’appliquer à defliner long-tems des
têtes, des piés, 8C des mains d’après nature, 8c peut-
être aufîi fouvent d’après les deffeins des artiftes qui
ont bien defliné ces extrémités. Auguftin Carrache
8c Villamene font des exemples à fuivre pour cette
partie du Deffein, dans laquelle ils ont parfaitement
réuflï. Un graveur qui aura les ouvrages de' ces artiftes
fous les y e u x , 8c qui fera de continuelles étu-»
des, fe trouvera en état de corriger les deffeins peu