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le libérateur de la patrie en fut proclamé 'unanimement
le fouverain. Avec toutes les prérogatives
de la fouverainete, Louis de Gonzague fe
contenta du titre modefte de-capitaine de Mantoue,
& bientôt après l’empereur Louis de Bavière y
ajouta celui de vicaire de Vempire en Italie, dignité
éminente qui n*a été attribuée en Allemagne qu’aux
éle&eurs de Saxe & de Bavière , 8c en Italié, aux
ducs de Savoie & à ceux de Mantoue.
Sa poftérité lui luccéda au gouvernement de
Mantoue & dans le vicariat de l’empire. Jean-
François de Gonzague obtint en 1432 , de l’empereur
Sigifmond, le titre de marquis de Mantoue,
8c Frédéric II fut déclaré duc de Mantoue par
Charles.-Quint, en 153° • Louis, fon frère-, eut
par fa femme les duchés de Nevers & de Rhetel ;
& Charles de Gonzague , un de fes defcendans ,
réunit en i6 x j le-Montfèrrat au duché de Mantoue
, à la réferve de quelques diftri&s qui furent
abandonnés au duo de Savoie.
A la mort de. Charles I I , roi d’Efpagne, en
1700, Charles I V , duc de Mantoue , appuya les
prétentions de Philippe , duc d’Anjou y à la fuc-
celîion d’Efpagne , & il reçut dans, la capitale
une garni fon de 4000 hommes de troupes fran-
çoifes : il le fallut en quelque forte ; Louis X IV
menaçoit. Ce monarque, alors, Beffroi dé l’Europe
] lui promit de l’indemnifèr des. dommages
qu’il pourroit fouffrir .à raifon de la.guerre , &
lui garantit fon intervention pour lui faire recouvrer
les biens que la mailbn de Gonzague avoir
polfédés précédemment en Italie-,
Cette alliance des ducs de Mantoue avec la
France les.plongea dans.l’abîme. Les Autrichiens
vainqueurs a la bataille de T u r in , envahirent le
duché-de Mantoue & le Montfèrrat. L’fempereur
donna le Montfèrrat au duc de Savoie , & il
garda pour lui leÿuché de Mantoue. Charles IV,
dépouillé de fes états,, paffa d’abord à. la cour
de Louis X I V q u ’une fuite de malheurs 8c de
revers empêcha d’agir efficacement en faveur de
fon ajlié, & il mourut à Padoue en 1.708, fans
1 ailfer de poftérité.
Mais il tranfxn.it' aux autres branches, de fa
maifon des droits, inconteftables fur fes états
wfurpés. Louis XIV qui s’engagea à. les faire
valoir , fut arrêté par la mort, & ce fut fur
l’ affiftance & la foi des fucceffeurs. de ce monarque
, que les princes de Gonzague fondèrent
toutes leurs efpérances. Indépendamment de ce
que leur fpoliation dérivoit de leur attachement
aux intérêts de la France, c’eft à Louis de
Gonzague, duc de Nevers, que la mailbn de
Bourbon doit fa confervation. On lait que la
veille de la Saint - Barthelemi il fut queftion,
dans le confeil d’ une reine languinaire 8c volup-
tueufe, de faire mourir le prince de Condé , &
le roi de Navarre, depuis Henri IV. Louis de
Gonzague feul s’y oppofà, & fon éloquence vic-
toneufe triompha de l’ambition & du fanatifme.
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Mantoue étoit un fief impérial. Les lo ir de
Fempire qui prononcent confifcation des biens-
féodaux contre un vafTal profcrit, établirent en
même temps que ces biens doivent palier &
appartenir aux agnats innocens. La diète d’Aug-
Ibourg,, de l’ an 1548', y eft entièrement conforme
: elle déclare q u e , dans le cas de prof*
cription & de félonie, tes droits d’agtiation refi*
teront inviolables. Un des articles de la capitulation
perpétuelle, porte que le principe félon
lequel on prétendroit que les agnatS* innocens
doivent, à eau je de la félonie du banni, être
frujlrês dès fiefs & autres biens qui , par là , font
tombés en. commife, ne poitrra nullement avoir
lieu. . . . . . .
Aulîl, le z4 décembre 17x1 , le college électoral
déclara jujie la demande que formoit à la
diète de l’empire Vincent de Gonzague , duc de
Guaftalla, pour la reftitution du duché de Mantoue
•, & c’eft contre la difpofttion des. lolx fondamentales
de l’empire , & par une kifraétion
manifefte au lèrment des empereurs , que, depuis.
80 ans, les branches collatérales de la mailbn de
Gonzague reftent dépouillées du patrimoine de
leurs ancêtres., 8c gémifïent dans l’opprelîion.
La' maifon d’Autriche n’a aucun titre légal reconnu
par l’empire pour polféder le duché de
Mantoue. Ferdinand -Charles IV de Gonzague
duc de Mantoue, fut mis en. contumace au ban
de l’empire , de la feule autorité de l’empereur
. Jofeph. I , fans avoir requis le conlentement du
college éle&oral, comme l’exigeoient. le sloix &
les conftitutions de Fempire. La feule & unique
faute qui attira au duc.de Mantoue un pareil dé-
làftre , fut d’avoir admis dans les. états garnifon
Françoife, comme le firent a-ulfi les éledeurs de
Bavière 8c de Cologne, à une époque où la guerre
de la fuccejjhn n’ étoit point encore déclarée guerre
de Vempire. " "
D’ailleurs , il ne fut pouffé à cette démarche
que par les menaces foudroyantes du prince de
Vaudemont & du comte de Teffé ,, q u i à la tête
d’ une armée formidable, menacèrent le duc de
. Mantoue , au nom du roi de France 8ç du roi
d’Efpagne, de bombarder Mantoue, & de porter
; le fer & la flamme dans tous, fes états. Les Au-
> trichiens préfumèrent, à la vérité, qir entraîné
- par fon penchant pour la France, le duc avoit
: cédé à des menaces qui n’étoient qu’apparentes'.
Voilà le crime de lèze-majefté, voilà la félonie
pour laquelle le fils d’ une archiducheffe d’Autriche
, le neveu de l’empereur Léopold,, lé parent
'des plus puiffana princes, de- l’Europe , & fouverain
lui-même , fut d’abord privé de fes états
par Fempèreur Léopold, enfuite profcrit 8c mis
’ au ban de Fempité par un coup d’autorité dé
l’empereur Jofeph I , en violant toutes les formess
judiciaires & toutes les capitulations.
L’empereur Jofeph I demanda aux éle&eurs ce
qu'il deyoit faire des états du banni, Ferdinand-
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Charles , duc de Mantoue : la réponfe des électeurs
fut qu’on obfervât la capitulation Léopol-
•dine , qui veut que les revenus, pendant la vie
fht banni, appartiennent au fife. Dès-lors le duché
de Mantoue fut mis fous adminiftration impériale
, 8c régi au nom de l’empire.
Mais , dans la même année , le duc de Man-
ttoue étant mort, l’empereur fit l’injufte demande
aux éle&eurs , s’ils vouloient donner leur confen^-
tement à ce que la maifon d’Autriche poffédât
pour elle & fës defcendans mâles ledit duché :
la. réponfe unanime des elefteurs fut qu’ils ne
pouvoient adhérer à cette demande , puifque les
droits de l ’Agnation - Gonzague au duché de
Mantoue, étoient dignes de confidération, 8c
qu’il falloit les examiner. Voyez actes de la
paix d’ Utrecht y tom. V ; 8c le collège éle&oral,
après une mûre délibération ; a reconnu & jugé
d ’une manière folemnelle , par fa rélolution du
s.4 décembre 1711 , les droits inconteftables des
Gonzague au duché de Mantoue.
Cependant, au mépris de la première réponfe
que firent les éleâeurs à la demande injufte de
la maifon d’Autriche, au mépris de la réfolution
du College Eleéloral, après la mort de l ’empereur
Jofeph I , le miniftère autrichien força les peuples
de la ville 8c du duché de Mantoue, fous peine
de rébellion, à prêter ferment de fidélité à
Charles V I , comme chef de la maifon d’Autriche.
C e n’eft donc que par un aâe de pouvoir militaire
, 8c par une léfion évidente des droits im-
prefcriptibles du Saint-Empire Romain, que le
duché de Mantoue a été incorporé à Fimmenfe
patrimoine des pays héréditaires de la maifon
d’Autriche, & que les Gonzague furent dépouillés
du leur.
' Vincent ,de Gonzague, duc de Guaftalle, fit
des prote dations de nullité, pardevant l’éleâeur
Palatin, vicaire de l’empire, contre cette violente
prife de poffeflion. Voyez les actes du congres
de Cambrai, an. 1724.
L’opprelîion d’ une maifon fouveraine, alliée
a tous les princes de l’Europe , excita dans l’empire
, ainfi que dans toutes les cours de l’Europe ,
les plaintes les plus vives contre la maifon d’Autriche.
Toutes les püiffances contractantes, & garantes
du traité d’Utrecht, ftipulèrent un article
en faveur des Gonzague : la cour d’Efpagne crut
qu’il étoit de fa juftice d’ inter venir en leur faveur
au congrès de Cambrai -, & la cour de
Verfailles en fit autant dans le traité de Vienne ,
où elle renouvella les ftipulations qu’elle avoit
faites par l’ article 31 du traité de Bade. Il ne faut
l ’attribuer qu’ à des circonftances défavorables ,
fi les loix de l’empire, & les inftances des deux
cours de la maifon de Bourbon, font reftées juf-
qu’ ici fans effet.
L’empereur Léopold qui s’empara de l’hérédité
des Gonzague , étoit fi convaincu lui-même de la
légitimité de leurs droits, que, lorfqu’il céda au
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duc de Savoie le'duché de Montfèrrat, il mit la
condition expreffe qu’il fe chargeroit de dédommager
tous les intéreffés ou prétendans.
Mantoue, érigée en marquifat héréditaire par
l ’empereur Sigifmond, en faveur de Jean-François
de Gonzague, & de fa poftérité, auroit dû
paffer, par droit de primogéniture , à la branche
de Guaftalla, aujourd’hui éteinte, 8c à fon défaut
, à la branche de Gonzague-Caftiglione 8c
Solferino, qui fubfifte aujourd’hui dans la feule
perfonne du prince de Gonzague (Louis I I I ) ,
iffu de mâle en mâle de Jean-François de Gonzague.
A in fi, l’empereur Jofeph I , en confif-
quant le duché de Mantoue , viola Ja capitulation
& le diplôme de l’empereur Sigifmond , qui établit
une fubftitution graduelle 8c perpétuelle ,
en ligne mafeuline , en faveur des princes de
cette maifon.
I.e prince de Gonzague, de la branche de
Caftiglione , légitime héritier des fouveraine tés
de fes ancêtres , eft une antique précieufe découverte
entre des débris, & qui fait défirer fa
fplencjeiir primitive. Il en eft digne fur-tout par
le courage 8c la grandeur d’ame avec lëfquels il
fupporte l’adverfité. Les revers, loin de l’abattre,
n’ont fait que lui donner plus d’énergie ; & , au
milieu de fes défaftres, il a confervé toute la
fierté de fon origine.
La mailbn de Gonzague a des alliances avec
la plûpart des maifons Ibuveraines de l’Europe,
notamment avec celles de Bourbon , d’Autriche ,
de Brandebourg, de Briinfwick, de Lorraine ,
de Saxe, de Bavière, de Savoie , de Modène ,
auxquelles elle a donné des femmes , ou dan»
lefquelles elle «n a pris. Quand un . fang auffi
pur coule dans les veines de tant de fouverains,
la caufe des Gonzague devient en quelque forte
la leur.
Il eft fans doute de l’intérêt des püiffances
d’oppofer une digue aux. invafions. L’Europe
îeroit tranquille aujourd’hui fi on n’èût point
regardé d’ un oeil indifférent le partage de la
Pologne.. Ajoutons que ces occupations illicites
deviennent le fléau de l’humanité , en perdant
les moeurs, en,détruifant les principes, en violant
la propriété, en brifant les liens dans l’ordre
c iv il, en les brifant encore dans la grande fo-
ciété de peuple à peuple, de nation à nation»
C’eft d’après ces grandes confidérations que
Fempire fe détermina, en 17 8 7 , dans l’ affaire
du jeune comte de Lippe-Schawenbourg , encore
en bas-âge. Il venoit de perdre fon père : fes
larmes couloiefit encore , lorfque le landgrave de
Heffe-Caffel fond à main armée fur fes petits
états, dépouillant & la veuve & le jeune prince
fon fils *, le landgrave de Cafle 1 q u i, lui-même ,
avoit reconnu les droits de feu comte de Lippe
à cette hérédité , 8c qui connoiffoit la déciîion
des tribunaux de Fempire en faveur de la maifon
de Lippe. Auffi , dans la même année a