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feroi't fans doute inhabitable ; aînfi pendant
l ’ hiver , le foleil étant au midi de la ligne , ou
vers le pôle antaréfique, les vents de nord régnent
tou jo u r s , 8c tempèrent Pair jufiqu’ à le rafraîchir
fenfiblement. Pendant P é t é , lorfque le foleil eft
au nord de la l ig n e , ,& à plomb fur la tête des
Siamois-, les vents de midi qui foufflent toujours,
y caufent des pluies* continuelles , ou du moins
■ «ont que le temps y eft toujours tourné à la pluie.
'C ’ eft ce tte règ le éterne lle. des vents qui fait que
£es vaiffeaux ne peuvent prefque arriver à la
barre de .Siam pendant les fix mois de vents de
mord, & qu’ils ne peuvent prefqu’en fortir pendant
te s fix de mois de vents du midi.
V o ic i maintenant ce qui regarde la monnoie de
€e royaume. Le tfiam , que les étrangère appellent
k a t t i , s’entend de l ’ a rg en t, & pèle deux livres
8 c demie ou v in g t th a ils , ou cinquante, richsda-
l e r s , c’eft-à-dire qu’ il a deux fois la valeur d’un
c a t t i , comme i l a cours à Batavia & dans le
Japon. O n ne frappe point de thails dans ce
•royaume , mais ils y valent quatre maas , ou trente
•fols de Hollande. Chaque maas vaut deux fuangs -,
chaque fuang vaut deux fiampais *, un fiampai vaut
deux puininis *, un puinini contient un nombre
incertain de cauris. Les cauris different beaucoup
en v a leu r , car pour un fuang , on en peut acheter
depuis 500 julqu’ à 800. On en apporte une grande,
.quantité des îles Maldives. T ou te la monnoie
d ’argent de Siam eft faite des écus de H o llan d e,
que l’on bat en Hollande exprès, & que la. compagnie
hollandoife des Indes orientales y tranf-
porte fur le pied d’ environ quatre florins l’écu.
Il me refte à parler des pro du étions du royaume
de Siam , de la v ie des Siamois , de leurs mar
iages , de leurs tribunaux , de leurs rois , des
grands 8c petits officiers de la couronne , & c .
• mais le détail que j’en ferai fera fort court.
La terre y c o u v re , à une légère profondeur, des
jfciines d’or, de cuivre, d’aimant, de fer, de p lomb,
8 c de c â lin , cet étain fi recherché dans toute l’A -
fie. La grande quantité d’idoles de fonte qu’on y
v o i t , juftifie qu’ on a mieux fu y exploiter les mines
anciennement qu’aujourd’hui. L’or dont îafuperfti-
tion a orné leurs idoles prefque fans nombre , les
lambris 8c les combles de leurs temples, prouvent
aufli la richefle de ces mines. Celles de f e r , on
fa it les fondre 8c non les forger. Aufli les Siamois
n’ ont que des ancres de bois pour leurs g a lè re s ,
auxquelles ils attachent des pie rres, pour les faire
couler à fond. Ils n’ont ni ép in g le s, ni aigu illes,
ni clous , ni cifeaux , ni ferrures, & n’employent
par conféquent pas un clou dans la conftru&ion de
leurs maifons, quoiqu’elles foient toutes de bois :
leurs fermetures font des cadenats qui leur viennent
du Japon , dont les uns font de f e r , & fort
bons , & les autres de cuivre très - mauvais.
Les Siamois ont des bois propres a conftruire
des vaifle au x, parce que leurs arbres viennent fi
d r o jjs , fi gros 8c f i hauts > qu’ un feu! fuffit 3 faire
s 1 À
un bateau , ou ba lon , comme dïfent les Portif*
gais , d e 10 à 1 5 toiles de longueur *, ils creufient
l'arbre -, ils relèvent les côtés de l’ excavation
par un bordage d’ une planche de même longueur ,
enfuite ils attachent aux deux bouts une proue 8c
une poupe fort haute, un peu recourbée en dehors ,
qu’ils ornent de fculpture 8c de dorure *, mais
comme ils n’ ont point de ch an v re, leurs cordages
font d’une écorce verte qui eft fur le c o c o tie r , 8c.
leurs voiles font de nattes de gros joncs.
Ils ont aufli du bois propre à bâtir des maifons
a la menuiferie & à la fculpture. I l y en a de léger,
de fort pefant, d’ aifé à fendre , & d’autre qui ne
fie fend point. On appelle ce dernier bois-marie en
Europe, 8c c’eft le meilleur de tous pour les coudes
de navire *, celui qui eft dur & pefant, fie nomme
b o is de f e r , 8c eft affez connu dans les îles de.
l’Amérique.
On ne trouve prefque aucun de nos arbres de
l’Europe, ni de nos plantes dans le pays de Siam i
il n’y a point d’ oign on s , d’ ails , de grofles raves ,
de p e r fil, d’ ofeille , & c . Les rpfes ri’y ont point
d’odeur', mais à la place de nos arbres, de nos
plantes, & de nos fleurs , qui font inconnus aux
Siamois , ils en on t d’autres particuliers que nous
ne connoiffons point. T e l eft , par exemple , leur
arbre topoo* C’ eft* une efpèce de figuier de la
grandeur d’un hêtre , touffu , qui a l’ écorce unie
8c g r ife , & les feuilles rondes , à longue pointe j
il porte un fruit rond, infipide , & qui n’ eft bon
que pour les chauves - fouris. Tou s les Siamois
regardent ce t arbre comme facré 8c agréable aux
d ie u x , parce que leur grand faint Sammana-
Khodum prenoit plaifir à s’afleoir deflous ; 8c
c’eft pour cela qu’ ils aiment à le planter auprès
des temples , lorfque le terroir & le climat le
permettent.
Us attribuent la même fainteté à un autre
f ig u ie r , dont les branches fie courbant vers la
te r re , y prennent racine 8c forment de nouveaux
troncs j de forte qu’ il acquiert un fort grand
contour : fes feuilles reflemblent à celles du
lau rier-cerife, excepté qu’ elles font plus grandes,
& il porte un fru it comme l’ efpèce de figuier
dont nous venons de parler.
Un autre arbre fort extraordinaire , qu’on
trouve dans le royaume de S iam , eft l’ arbre aux
nids d’oifeaux : il eft de la grandeur d’un pommier
-, fbn tronc & fes grofles branches touffues
font pleines d’ excroiflances raboteufes de différentes
groffeurs & figures , & font chargées de
feuilles étroites. A l’ extrémité des petites branches
pendent piufieurs nids d ’oifeaux , faits d’herbes
seches , 8c de quelqu’autre matière , travaillés
avec beaucoup d’ a r t , & de la forme d’ une bourfe
longue qui va en s’étréciflant par le haut. L’ouverture
des nids eft tournée au nord-oueft, de
forte qu’ ils font à couvert du vent du midi &
de la pluie. Kæmpfer a compté plus de $0 de
ces nids fur un feul arbre, 8c n’en a jamais vu
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fu r aucun- au tre . L e s o ife a u x fo n t d’un Brun ]*au- J
n âtre , & r e f lem b le n t au x fe r in s d e canarie , m a is 1
i ls n’o n t qu’ un c r i ap p ro ch an t de c e lu i des mob-
neaux. # (
C e ro y aum e e f t d’ une fe r t i li t é f i p r o d ig ie u fe , ;
qu’ une gran d e pa rtie des terres, c u l t iv é e s . rend
d eux c e n ts pour un ; ï l y en a m êm e q u i , fan s f
aucune cu ltu r e , & fans ê t r e en fem e n c e e s , fo u r - j
n iflen t d’ ab on d an tes r é c o lte s d e r iz . L e s f ru it s |
y fo n t dans la plus g ran d e abond anc e : i l en a j
d e p a rticu lie r s ■, & c e u x q u i lu i fo n t com m u n s |
a v e c d’ autres clim a ts , o n t un pa rfum , une fa v eu r t s
qu’ o n ne leu r tro u v e p o in t a illeu r s : la c am - j
p a gn e e ft tou jo u r s ch argée, d e ces- r ic h e s t re fo r s |
fan s c e fle rena iflans.
L e s te r re s du pa ys d e Siam fo n t p u rem en t |
a rg ilîe u fe s •, à peiné y t ro u v e - 1 - o n un c a illo u , j
L e s lie u x é le v é s fo n t arides & b rû lé s du f o l e i l -, j
^inondation- ann uelle d e la camp'âgne p ro d u it fe u le j
l ’ abond ance de la r é c o lt e du r iz . L e s p â tu ra g e s j
fo n t g ro flie r s .i au fli n’ y a - t - i l dans le pa ys n i j
c h e v a u x , n i m u le ts , & to u t fe réd u it au x boe ufs 1 8c au x éléphans. L a , c h if fe d e s -d e rn ie r s e ft p e r - J
m i f e , mais o n n’ y v a q u e p ou r le s pren dre , J
8c jamais p ou r les tu e r . O n v o i t tou jo u r s un
é lép h an t de g a rd e au palais, du r o i , to u t en h a r naché
8c p r ê t à' m o n te r ; à l ’e n d ro it où i l é ft
m is d e g ard e , il y a un échafaud, qu i e f t à p le in
p ied de l’ ap partement du r o i , afin, q ue , fans-
f o r t i r , le prince puifle m o n te r to u t d e fu it e fu r
Io n éléph an t.
L ’ eau pure e ft la b o if fo n o rd in a ir e de s S iam o is -,
mais c om m e c’ e f t d e l’ eau d e r iv iè r e ch a rg é e de
b o u r b e , on la m e t dans d e gran d s v a fe s p ou r la
laiffe r rep o fe r & f ilt r e r pen d an t un c e r ta in efpace
d e temps : ils b o iv e n t aufli de deu x liq u eu r s
qu ’ ils ap p e llen t tari 8c neri. L e ta r i fe t ir e par
in c if io n d’ une e lp è c e d e c o c o t ie r fa u v a g e -, le
n e r i fe tir e de m êm e d e l’a req u ie r , fo r t e d’ arbre-
d o n t le f ru it fe n om m e areque. U s b o iv e n t en c o re
de s e a u x -d e - v ie de r iz , qu ’ i ls é c la ir c iffe n t a v e c ,
d e la ch aux.
L e u r dépenfë en h a b i t s , e n lo g em e n t & en
am e u b lem e n s , n’ e f t pas co û te u fe : d ’a b o rd ils
ne s’h a b ille n t p o i n t i l s v o n t n u d -p ied s 8c t ê te
n u e , & s’ en to u r e n t feu lem e n t le s r e in s d’ ûne-
piè ce d e to i le pe in te qu ’ on ap p elle pagne. Leurs,
m a ifo n s le s p lu s b e lle s fo n t d e b o is & à un-
ffiiil é t a g e la plupa rt de leu r s lit s n e co n fifte n t
qu’ en u n e n a tte d e jo n c ; le s tab le s fo n t fans-
p ieds.,. fans, nap p e s ., n i f e r v ie t te s , n i c u i l le r s ,
ni fo u r c h e t t e s , n i c o u te au x ", p o in t d’au tre s fié g e s
qu e des n a t te s de j o n c -, leu r v a if fe lle e f t d e p o r ce
la ine g r o f l iè r e , ou d’ â r g i lle *, le b o is firilple ou
v e rn iffé le u r fo u rn it to u t fe re fte . L e u r n o u rr itu re
ordinaire: e ft le r iz 8c le p o iffo n •, la m er leu r
don n e aufli de p e t ite s to r tu e s 8c des. é c r e v if lé s •,
le s fau te r e lle s , le s . lé za rd s ., 8c la plu p a r t des.
in fe é le s , n e d ép la ifen t p o in t à le u r g o û t -, leu r s
fauflëg.. fo n t fa i t e s , a v e c un peu d’ eau , d e f e l , de
petites herbes , & un peu d’ épices , que leu*
fourniffent les Hollandois.
Les formalités de leurs mariages font affeÿ
Amples mais , à caufe de la chaleur du c lim a t ,
on a coutume de marier les filles & les garçons
fort jeunes , de forte que les filles ont fouvent-
des enfans à l’âge de douze ans. Les hommes1
peuvent avoir piufieurs fem m e s, dans le nombre
defquelles il y en a toujours une qui eft la principale
de toutes. Le divorce y eft commun v e a
ce cas , le mari rend à fa femme principale fa-
dot. , 8c ils- partagent leurs enfans également ,
fi. leur nombre eft pair -, s’il eft impair ,• la femme--
en a un dè plus que le mari. Pour les autres'
femmes 8c leurs enfans , le mari a la puiflance
de les vendre. Après le divorce , le père 8c la
mère peuvent aufli vendre les enfans qui leur
font échus en- partage-
I l y a des- tribunaux de judicature pour juger
tous les différends des particuliers *, mais il n’y
a dans chaque tribunal- qu’ un feul officier qui-
ait vo ix délibérative : tous les autres- n’ont que^
vo ix ■ confiai native , félon ,1’ ufage de la C h in e 8 c
autres, états voifins. Les gouverneurs des villes
font les chefs des tribunaux. Dans les procès,
d é lica ts , on admet la preuve du f e u , de l’ eau?
8c des vomitifs. La peine dii vol eft la condamnation
au double & au triplé mais on étend
la peine du v o l fur touteTa pofléflion injufte em
matière réelle : de forte que lorfqu’ bn eft évincé
d’un héritage par procès*, on rend non - feulement
l’héritage à la partie , mais on en p a ie '
encore le p r ix , moitié aux ju g es-, moitié à la
partie. Quand il peut y avoir peine de m o r t ,,
là decifion en eft référvée au roi f e u l , qui
quelquefois feu lem en t, accorde à des juges e x traordinaires
qu’ il envoie\ dans les provinces ,,
le pouvoir d’ infliger une peine capitalé.
Le defpôtîfme le plus affreux rend inutiles les;
dons que là nature verfe à pleines mains fur c e
climat. Un monarque corrompu , .opprime du-
fond de fon fé r a i l,. ou laiffe opprimer par fon;
indolence les peuples de fon empire. A Siam ,
des efclaves 8c point dè fujets. La, feulé différence
qu’ il y a des efclaves du roi a fes fujets
de condition lib r e , c’eft que ceux-là font toujours
occupés a des travaux perfonnels, 8c font-
nourris v au lieu que ceux-ci ne lui doivent de
travail’ que fix mois de l’ année-, & fe nourri fient:
eux-mêmes. Généralement tout le peuple eft une'
milice enrôlée •, mais comme ce prince n’ emploie-
jamais tous fés fiujéts dans fon a rm é e , & que
rarement il met une armée en cam p agn e, il
occupe à tel travail qu'il lui p la î t , pendant fix
mois de l’ ann ée, ceux de fes. fujets qu’ il n’em^
ploie pas à la guerre.
C ’ eft peu que les- hommes, y foient efclaves dè:
l’homme , ils le font même des bêtes. Le roi'
entretient un grand nombre d’ édéphans y ceux de:
fon palais font, traités avec, des•. honneurs- 8c des»