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Tartares mahométans. Leur teint eft fort ba-
fané, & leur taille au-deflbus de la médiocre
efe très-renforcée •, leurs cheveux font noirs 8c
rudes comme des foies de cochon ; leurs chevaux
font fort petits , mais leftes à la courfe,
& adroits à grimper les montagnes -, ils ont
de grands troupeaux de bétail, dont ils abandonnent
le foin à leurs femmes $c à leurs ef-
claves , tandis qu’ils vont chercher à voler, dans
la Circaflie 8c dans la Géorgie , des femmes 8c
des enfans qu’ils expofent en vente à Derbent,
à Erivan , 8c a Ternis.
Ils obéiflent à divers petits princes de leur
nation, qui prennent Je nom de fultans , 8c qui
font tout auili voleurs que leurs fujets •, ils_
nomment leur grand chan fckemkal, dont la
dignité eft éleélive. Ce fchemkal réfide à Boinac.
Tout barbares que font les Tartares Daghef-
tans , ils ont un excellent ufage pour le bien
de leur pays , favoir que perfonne ne fe peut
marier chez eux, avant que d’avoir planté dans
un certain endroit marqué, cent arbres fruitiers ,
d’où vient qu’on trouve par-tout dans les montagnes
du Daghéftân , de grandes forêts d’arbres
fruitiers de toute efpèce.
Ces mêmes montagnes , dont ils' connoiflent
fèuls les fentiérs , ont fervi à conferver jufqu’ici
les Tartares Dagheftans dans l’ indépendance des
puiflàncès voifinès ; cependant la for ter elle de
Saint-André que les Rudes ont bâtie dans le coeur
de leur pays, fur le bord de la mer Cafpienne ,
entre Derbent 8c T e rk i, non-feulement les tient
en bride , mais porte bien la mine de les contraindre
un jour à l’obéiflance de la Ruflie, d’autant
plus que toutes leurs forces ne montent
guère qu’à quinze on vingt mille hommes.
Les Taftaies Roubans habitent au fud de la
ville d’Azof , vers les bords de la rivière de
Koucan, qui a fa fource dans la partie du mont
Caucale , que les Rudes appellent Turki-Gora ,
fe vient fe jetter dans le Palus Méotide , à
/j.6 degré , z ƒ' de latitude au nord-eft de la ville
de Daman.
Ces Tartares font encore une branche de ceux
de la Crimée , 8c étoient autrefois fournis au kan
de cette prefqu’île •, mais préfentement ils ont
leur kan particulier, qui eft d’ une même famille
avec les kans de la Crimée. Il ne reconnoît point
les ordres de la Porte, & fe maintient dans une
entière indépendance par rapport à toutes les
puiflàncès voifinès. La plus grande partie de ces
Tartares ne fiib liftent que de ce qu’ils peuvent
piller fur leurs voifins, & fourniflent aux Turcs
quantité d’ efclaves circafles , géorgiennes 8c
abafles, qui font fort recherchées.
C’eft pour couvrir le royaume de Cafan contre
les invafions de ces Tartares, que le czar Pierre
a fait élever un grand retranchement qui commence
auprès de Zarifta fur le Wolga , 8c vient
aboutir au Don , vis-à-vis la ville de Twia.
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Lorfque les Tartares de la Crimée ont quelques
grands coups à faire, ies Koubans ne manquent
pas de . leur prêter, la main: ils peuvent former
enfemble une armée formidable.
Les Tartares Moungaîes , Mogoules , ou
Mungales, occupent la partie la plus conlidérable
de la grande Tartarie , que nous connoiflbns
maintenant fous le nom de pays des Moungaîes:
Ce pays, dans l’état où il eft à préfent , eft
borné à i’eft par la mer orientale , au fud par la
Chine , à l’ oueft par le pays des Calmoucks , &
au nord par la Sibérie. Il eft fitué entre les 40 8c
So degrés de latitude, 8c les z z-o 8c les Z50
degrés de longitude y en forte que le pays des
Moungaîes n’ a pas moins de quatre cents lieues
d’Allemagne de longueur, 8c environ 150 de
largeur, ~
. Les Moungaîes qui habitent à préfent ce pays ,
font les defcendans de ceux d’entre les Mogoules,
qui après avoir été pendant plus d’ un fiecle en
pofleliion de la Chine , en furent chartes par les
Chinois vers l’ an 1368 -, 8c comme une partie de
ces fugitifs s’étant làuvée par l’oueft, vint s’établir
vers les fouirces des rivières de Jéniféa 8c
Sélinga, l’autre partie s’en-étant retirée par l’eft,
& la province de Léaotung , alla s’habituer entre
la Chine 8c la rivière d’Amur.
On trouve encore actuellement deux fortes
de Moungaîes , qui font fort différens les uns
des autres , tant en langue & en religion , qu’en
coutumes 8c manières -, lavoir les Moungaîes
de l’oueft , qui habitent depuis la Jéniféa jufque
vers les 134 degrés dq longitude, & les Moun-
gales de l’ eft , qui habitent depuis les 134 degrés
de longitude jufqu’au bord de la mer orientale.
Les Moungaîes de-l’ oueft vivept du produit de
leur bétail, qui coniifte en chevaux, chameaux ,
vaches 8c brebis. Ils conlervent le culte du
Dalaï-Lama , quoiqu'ils aient un grand-prêtre
particulier appelle Kutuclita. Ils obéiflent à un
kan, qui étoit autrefois comme le grand kan de
tous les Moungaîes •, mais depuis que les Moun-
gales de- l’eft fe font emparés de la Chine,
il eft beaucoup déchu de fa puiffance : cependant
il peut encore mettre 50 mille chevaux
en campagne. Plufieurs petits kans des Moun-
gales , qui habitent vers les fources de la Jéniféa
& les déferts de Gobi lui font tributaires ,
8c quoiqu’il fe foit mis lui-même fous la pro-
tedion de la Chine pour être d’autant mieux en
état de tenir tête aux Calmoucks, cette foumiftion
n’eft au fonds qu’une foumiiïion précaire &
honoraire. Il ne paye point de tribut à l’empereur
de la Chine, qui le redoute même plus qu’aucun
autre. de fes voifins , & ce n’eft pas fans raifon ;
car s’il lui prenoit jamais fantaifie de s’unir avec
les Calmoucks contre la Chine , la maifon qui
règne préfentement dans cet empire , n’ auroit
qu’à fe tenir ferme fur le trône.
Les Moungaîes de l’eft reflemblent aux Moungales
de l'oueft , excepté qu’ ils font plus blancs ,
fit-tout' le lcxe. Ils ont des demeures fixes -, &
même des villes & des villages ; mais leur religion
n’eft qu’un mélange du culte du Dalaï-
Lama & de celui des Chinois. Us d'efeendent
prefque tous des Mogouls fugitifs de la Chine ;
8c quoiqu’ils aient encore quelques petits princes
qui portent le titre de, kan , c’eft une légère
fatisfa&ion que la cour de Pékin veut bien leur
laifier. Leur langue eft un mélange de la langue
chinoife 8c de l’ancienne langue mogoule , qui
n’a prefque aucune affinité avec langue des Mo un-
gales de l’oueft.
Les Tartares Nogais , Nogaiens , de N a gaï,
de Nagaïa ou Nagaiski ,- occupent la partie méridionale
des landes d’Aftracan , & habitent vers
les bords de la mer Cafpienne , entre le Jaïck
& le Wolga : ils ont les Cofaques du Jaïck pour
voifins du côté de l’orient y les Calmoucks de-
pendans de l’Ajukà-Chan du côte- du feptentrion *,
les Circafles du' côté de l’occident', 8c la mer
Cafpienne les borne vers le midi.
Les Tartares Nogais font à peu près faits
comme ceux du Dagheftan , excepté que pour
furcroît de difformité , ils ont le vifage ridé
comme une vieille femme. Us logent fous de
petites hutt.es , & campent pendant l’été dans
les endroits où ils trouvënt les meilleurs pâturages.
Us vivent de la châffe , de la pêche 8c
de leur bétail. Quelques-uns même s’attachent à
l’agriculture. Us font maintenant fournis à la
Ruflie, mais fans être fujets, à d’autre contribution
que celle de prendre les armes toutes les fois
que l’empereur de Ruflie le demande y & ce
qu’ils font avec plaifir, parce qu’ils ont les mêmes"
inclinations que tous les autres Tartares mahométans
, c’eft-à-dire d’être fort âpres au butin.
Us peuvent armer jufqu’à xo milles hommes , 8c
ne vont à la guerre qu’à cheval.
Les Tartares Ufbecks habitent la grande Bu-
charie & le pays de Çharàfs’m. La grande Bu-
charie eft une vafte province de la grande Tar-
tarie , & elle renferme les royaumes de B alk,
de Samarcande & de Boikkahrah. Les Ufbecks
de la grande Bucharie viennent camper ordinairement
aux environs de la riviere d’Amur, 8c
dans les autres endroits où ils peuvent trouver
de bons pâturages pour leur bétail, en attendant
des occafions favorables de brigandage. Us font
des courfes fur les terres voifines des Perfans,
ainfi que les Ufbecks du pays de Charafs’m,
& il n’y a ni paix, ni trêve qui puifle les
empêcher de piller , parce que les efclàves &
autres effets de prix qu’ ils raviflent, font toute
leur richefl’e. Lorfque leurs forces font réunies ,
ils peuvent armer une quarantaine de mille
hommes d’ aflez bonne cavalerie.
Tous les Tartares tirent leur nom d’ un des
fils d’Alanza-Kan, appelé Tartar, qui le donna
à fa tribu, d’où il a parte aux alliés de cette
tribu , & enfuite à toutes les branches des
peuples barbares de F A fie , qui butinoient fur
leurs voifins, tant en temps de paix qu’en temps
de guerre ; cependant ils ont porté le nom de
Turcs, jufqu’à ce que Genghis - Kan les ayant
rangés fous fon jo u g , le nom de Turcs elMnfen-
fiblement venu à fe perdre , 8c a fait place a cU ui
de Tartares, fous lequel nous les conrioiflons a
préfent. Quand Genghis-Kan eut envahi l’Afie
méridionale, & qu’on eut conçu que ce prince
des Mogoules étoit en même temps le^ fouverain
des Tartares, on choifit de donner à tous les
peuples de ces quartiers le nom de Tartares
qu’ oîi connoifloit, par préférence a celui de
Mogoules dont on n’avoit jamais entendu parler.
Les Tartares tant mahométans que Kalmoucks
Moungaîes, prennent autant de femmes légitimés
qu’ils veulent, ainfi qu’un grand nombre dé
concubines, qu’ils choififlent d’ordinaire parmi
leurs -efclaves, mais les enfans qui naiffent des
unes 8c des autres font également légitimés 8c
habiles à hériter de leurs peres.
Tous les Tartares font accoutumés de tirer la
même nourriture des chevaux que nous tirons
des vaches 8c des boeufs y car ils ne mangent
communément que de la chair de cheval 8c de
brebis, rarement de celle de boeuf ou de vache,
qu’ils n’eftiment pas à beaucoup près fi bonne.
Le lait de jument leur fert aux memes ufages
qu’ à nous le lait de vache , & on aflure que
le lait de jument eft meilleur 8c plus gras. Outre
cela, il eft bon de remarquer que prefque dans
toute la Tartarie, les vaches ne fouffrent point
qu’on les tray*e, elles nourifîent à la vérité
leurs veaux , mais d’abord qu’ on les leur ôte ,
elles ne le laiflent plus approcher , 8ç perdent
inceflamment leur lait y en forte que c’eft une
efpèce de néceffité qui a introduit l’ufâge du
lait de jument chez les Tartares.
Ils ont une manière fingulière de combattre,
dans laquelle ils font fort habiles. En allant
à l’a&ion, ils fé partagent fans aucun rang, en
autant de troupes qu’ il y a de hordes particulières;
qui compolent leur armée, & chaque troupe a
fon chef à la tête. Us ne fe battent qu’à cheval,
8c tirent leurs flèches en fuyant avec autant d’a-
drefle qu’ en avançant -, en forte qu’ils trouvent
toujours leur compte à harceler les ennemis de
loin , en quoi la vîtefle de leurs chevaux leur
eft d’ un grand fecours.
Us ont tous une exa&e connoiflance des
aimacks ou tribus dont ils font fortis , & ils
en confervent foigrieufement la mémoire de
génération en génération. Quoique par la fuite
du temps une telle tribu vienne à fe partager
en diverfes branches, ils ne laiflent pas pour
cela de cumpter toujours ces branches pour être
d’ une telle tribu -, .en forte qu’ on ne trouvera
jamais aucun tartare, quelque groflier qu’il puifle