
lès chers enfans dérobés par tin ravifleur Impitoyable.
Elle jète fur le fable fa prôvifion
déformais inutile*,fonaile languiffante & abattue,
peut à peine la porter fous l’ombre d’un peuplier
voifin. Là , livrée au défefpoir, elle gémit
& déplore fon malheur, pendant des nuits entières
-, elle s’agite fur la branche folitaire ; fa
voix toujours expirante s’épuife en fons lamentables.
L’ écho foupire à fon chant, & répète
L’a douleur. L’homme ;feul feroit-il infenfible ?
A h ,' plutôt qu’il confidère 411e la bonté divine
voit d’un oeil également compatiffant toutes fes
créatures 1
Que ne puis - je peindre la multitude des
bienfaits qu’elle verfe à pleines mains fur notre
hémifphère dans cette brillante faifop, -, mais fl
l ’imagination même ne peut fuffire à cette tâche
jdélicieufe , que pourroit faire le langage ? Contentons
nous de dire que dans le printemps la
maladie lève fa tête languiffante , la vie fe
.renouvelle , la fanté rajeunit, & fe fent régénérer.
Le foleil pour la fortifier , nous échauffe tendrement
de fes rayons du midi , & même paroit
;g’y plaire.
Le grand alire dont I.a lumière
Eclaire la voûte des cieux ,
Semble .pour nous de fa carrière
Sufpendre le .cours glorieux î
Fier d’être le flambeau du monde,
Il contemple du haut des airs
L ’Olympe, la terre & les mer$ ,
Remplis de fa clarté féconde j
Et jufques au fond des enfers
Il fait entrer la nuit profonde
Qui lui difputoit l’univers.
L’ influente de l’année renaiffance opère également
fur l’ un & l’autre fexe. Maintenant une
rougeur plus fraîche $c plus vive que l’ incarnat
rehauffe l’éclat du teint d’une aimable bergère;
le rouge de fes lèvres devient plus foncé ; une
flamme humide éclate dans fes yeux ; fon fein
Snimé 9 s’élève ^vec des palpitations inégales ;>
un feu fecret f«' gliffe dans fes veines , & fon
2me entière s’enivre d’amour. Le trait vole ,
pénètre P a m a n t& lui fait' chérir le pouvoir
extatique qui le domine. Jeunes beautés , gardez
ôlors avec plus de foin que jamais vos- coeurs
fragiles ’. fur-tout que les fermen,s qui .cachent
Je parjure fous le langage de l’adulation , ne
livrent pas vos doux inflans à l’homme féduc-
feur dans ces bofquets parfumés de rofes , &
tapiffés de chèvrefeuille , au moment dangereux
pù le prépufcule du foir tire Çés rfdeaux çra-
jnoifis -i
Vous dont l’ heureufe fympathie a formé lès
fendres noeuds par dep liens indiffolubles , en
çg&fon.dînt dans un même deftin vos âmes ,
vos fortunes & votre ê tre, jouîflez a l’ombre
des myrtes amoureux dans vos embraffemens
mutuels, dé tout ce que l’ imagination la plus
vive peut former de bonheur, & de tout ce que
le coeur le .plus avide périt former de défirs.
Puiffe un long printemps orner vos têtes de fes
guirlandes fleuries , & puiffele déclin de vos
jours arriver doux & Are in t
Mais l’éçlàtant été vient dorer nos campagnes
, fui vides vents rafraîçhiffans ; les gémeaux
csffent d’ être embrafes , & le cancer rougit des
rayons du foleil. La nuit n’exerce plus qu’un
empire court & douteux ; à peine elle avance
fut les traces du jour qui s’éloigne , qu’elle
prévoit l’approche de celui qui va lui fuccéder.
Déjà paroit le matin , père de la rofée. Une
lumière foible l’annonce dans l’orient tacheté.
Bientôt cette lumière s’étend, brife les ombres,
chaffe la nuit , qui fuit d’un pas précipité.
La belle aurore offre à la vue de vaftes payfages.
Lé rocher humide , le fonimet des montagnes
couvert ffe brouillards , s’.enflefit à l’oeil , &
brillent à l’ âube du jour. Les - torrens fument,
& femblent bleuâtres à travers le erépufcule.
Leâ bois reten.tiffent de phants réunis. Le berger
ouvre fa bergerie , fait fortir par ordre fes
nombreux troupeaux., & les mené paître l’herbe
fraîche.
Des nuits l’inégale courtière
S’éloigne & pâlit à nos yeux ;
(Chaque aftre^ au bout de fa .carrière,,
Semble fe perdre dans les .cieux.
Quelle fraîcheur ! L’air qu’on refaire
;Eft le fouffle délicieux
De la volupté qui foupire
.Au fein du plus jeune,des dieux.
Déjà la colombe amoureufe
-Vole du chênp (ous l’ormeau 5
L’Amour vingt fois la rend heureufe v
Sans quitter le même rameau.
Triton, fur la mer applanie,
Promène' fa conque d’azur ,
Et la nature rajeunie. 1
Exhale l'ambrè le plus pur.
Au bruit des Faunes qui fe jouenst
Sur le bord tranquille des eaux,
Les chaftes Na y ad es dénouent
Leurs cheveux trèfles de r#feaux>
Réyeille-toi, mortel efçlave du luxe fors
de ton lit de pareffe ; viens jouir des heures
baîfajniques , propres aux chants facrés : le fage
te montre l’exemple ; il ne perd point dans
l’oubli la moitié des momens rapid.es d’une
trop courte yie i totale extindion de l’âme
éclairée
Z O N %
éclairée 1 II ne refte point dans un état de
ténèbres , quand toutes les mufes , quand mille
& mille douceurs l’attendent à la promenade
folitaire du matin d’été.
Déjà le puiffant roi du jour fe montre radieux
dans l’orient ; l’ azur des cieux enflammé , &
les torrens dorés qui éclairent les montagnes,
marquent la joie de fon approche. L’aftre du
monde regarde fur toute la nature avec une
majefté fans bornes , & verfe la- lumière fur
les rochers , les collines , & les ruiffeaux errans ,
qui étincellent dans le lointain.
Autour de ton char brillant, oeil de la nature ,
les faifons mènent à leur fuite dans une harmonie
fixe & changeante, les heures aux doigts
de rofes , les zéphirs flottans nonchalamment,
les pluies favorables , la roféê paffagère , & les
fiers orages adoucis. Toute cette cour répand
fucceffivement tes bienfaits , odeurs , herbés ,
fleurs, & fruits , jufqu’à ce que tout s’affumant
fucceilivement par ton fouffle divin , tu décores
le jardin de l’univers. -
Voici l’ inftant où le foleil fond dans un air
limpide les nuages élevés , & les brouillards du
cancer , qui entourent les collines de bandes
-diverfement colorées.
De fa lumière réfléchie
Cet aftre vient remplir les airs,
. Et par degrés à l’univers
Donnerla couleur & la vie.
Bientôt totalement dévoilé , il éclaire la nature’
entière, & la terre paraît fi vafte , qu’elle
fbmble s’ unir à la voûte du firmament.
La fraîcheur de la rofée tombante fe retire
.à l’ombre, & les rofes touffues en cachent les
.reftes dans leur fein. C’ eft alors que je médite
fur un verd gazon , auprès des fontaines de
(criftal, & des ruiffeaux tranquilles. Je vois à •
mes pieds ces fleurs délicates qui , épanouies
ce matin, feront fanées ce foir. Telle une jeune
beauté languit & s’efface , quand la fièvre ardente
bouillonne dans fes veines. La fleur au contraire
qui fuit le foleil, fe referme quand il fe couche,
.& femble abattue pendant la nuit ; mais fitôt '
que l’aflre reparaît fur l’ horifon , elle ouvre Ion
fein amoureux à fes rayons favorables.
Maintenant
Le bruit renaît dans les hameaux,
Et l’on entend gémir l’enclume
So.us les coups fréquens des marteaux;
Le règne du travail commence, ,
Monté fur le trône des airs,
Eclairez leur empire immenfe ,
Soleil, apportez l’abondance ,
Et les plaifirs à l’univers.
Les nombreux habitans du village fe répandent
fur les prés rians -, la jeuneffe ruftique pleine
Gogr. Tome I I I .
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de fanté *& de force, eft un peu brunie par
le travail du midi. Semblables a la rofe d’ é té ,
les filles demi - nues , & rouges de pudeur v
attirent d’avides regards , & toutes leurs grâce»
allumées paroiffent fur leurs joues. L’ âge avancé
fournit ici fa tâche ; la main même des enfans
traîne le rateau : furchargés d-u poids odoriférant,
ils tombent, & roulent fur le fardeau
bienfaifant : la graine de l’herbe s’éparpille tout
autour. Les faneurs s’ avancent dans la prairie,
& étendent au foleil la récolte qui exhale une
odeur champêtre. Ils retournent l’herbe fcchée :
la pouflière S’envole au long du pré ; la verdure
reparaît ; la meule s’élève épaiffe & bien rangée.
De vallon en vallon , les voix réunies par un
travail heureux , retentiflènt de toutes parts ;
l’amour & la joie fociable perpétuent gaiement
le travail jufqu’au foir prêt à commencer.
Le dieu qui doroit nos campagnes
Va fe dérober à nos yeux ;
Il fuit, 8c fou char radieux
Ne.dore plus que les montagnes.
Les nymphes fortent des forêts
Le front couronné d’amaranthes ;
Un air plus doux, un vent plus frais
Raniment le; rofes mourantes;
Et defcendant du haut des monts,
Les bergères plus vigilantes
Raffemblent leurs brebis bêlantes
Qui s’égaroient dans les vallons.
Je perce en ces moniens dans la profonde
route des forêts voifines, où les arbres fauvage» ■
agitent fur la montagne leurs cimes élevées. A
chaque pas grave & lent , l’ombre eit plus
épaiffe ; l’oblcurité , le filence , tout devient
impofant , augufte , & majeftueux ; c’eft les
palais de la réflexion, le fejour où les ancien»
poètes fentoient le fouffle infpirateur.
Repofôns-nous près de cette bordure baignée
de la fraîcheur de l’air humide. Là , fur un
rocher creux & bizarrement taillé , je trouve
un fiége vafte & commode , doublé de moufle,
& les fleurs champêtres ombragent ma tête. Ici
le difque baiffé du foleil éclaire encore le*
nuages , ces belles .robes du ciel qui roulent
fans ceffe dans des formes vagues , changeantes ,
& femblables aux rêves d’une imagination
éveillée. “
La terre fera bientôt couverte de fruits :
l’année eft dans fa maturité. La fécondité-fuivie
de fes attributs , portera la joie dans toute
l’étendue de ce beau olimat ; mais les douces
heures de la promenade font arrivées pour celui
q u i, comme m oi, fe plaît folitairement à chercher
les collines. Là , il s’occupe à faire paffet
dans fon ame par un chant pathétique, le/ calme
qui l’environne. Des amis réciproquement ùni^