
de toutes fortes de caufes & de procès entre toutes
fortes de perfonnes.-
Les mollas exercent la jurifdiâion de juges} les
tur une .province entière de beglerbegs, &
les autres fur de petites provinces ; ces deux fortes
de mollas commandent aux cadis de leur dépendance.
■ V
Lés imans font des prêtres de paroifiès ; leur
fon&ion confifte à appeller le peuple aux prières,
& a lui fervir de guide dans les mofquées aux
heures prefcrites. Ils font aufli obligés de lire tous
les vendredis des fentences ou des veïfets de l’alcoran.
Il y en a peu qui ofent entreprendre de
prêcher, a moins qu’ils n’aient bien de la vanité,
ou qu’ils ne croient avoir bien du talent; ils laifient
ce loin aux lcheichs , & à ceux qui font profef-
lion de prêcher, & qui paflent ordinairement leur
vie dans les monaftères. Le mufti n’a point de
jurifdiâion fur les imans, pour ce qui regarde le
gouvernement de leurs paroi{fe.s , car il n’y a à
cet egard - la nulle lupériorité , nulle hiérarchie
entr’eux , chacun étant indépendant dans fa pa-
roilfe , mais ils font fujets aux magiftrats dans
les caufes civiles & criminelles.
On peut mettre les émirs au nombre des ecclé-
Jlaftiques, parce qu’ils font de la race de Mahomet.
Pour marque de cette illuftre origine , ils portent
le turban verd, & jouiffent de grands privilèges.
Ils ont deux officiers fupérieurs , l’un fe nomme
nakth-efcheref; l’autre s’appelle alèmdar, & porte
Fenfeigne verte de Mahomet , lorfque le grand-
leigneur fe montre en public. Vbyeç Mufti , C a-
PILESKER, MoiLA, IMAN, SCHEICH , EMIR, & ç.
La religion mahométane a un grand nombre
de feâes particulières, mais il y en a deux générales
qui divifent les mufulmans ; favoir, celle
qui eft fuivie pair les Turcs, 8c pelle qui eft reçue !
par les Perfaris. L’intérêt des prinçes qui gouvernent
ces deux peuples, & leur differente éducation,
contribuent beaucoup à entretenir la haine
que la diverfité de leurs opinions a fait naître. La
fede des Turcs tient Mahomet pour le plus çon-
fidérable des prophètes, & celle des Perfes eftime
qu’Aly lui doit être préféré.
Les Turcs vivent en général fort fobrement,
8c divifent le peu de nourriture qu’ils prennent en
plufieurs repas. Le mouton eft leur viande ordinaire
la plus exquife § ils çonfomment beaucoup de
■ fruits, de légumes , de riz , de froment mondé,
de miel & de fuçre. Leur riz 8c leur froment mondé,
font une nourriture légère , facile à digérer, &
fort aifée à apprêter. Leurs fables font bientôt dref-
fé e s , tout le monde fait qu’ils mangent à terre.
IJs ufent de différentes boiffons pour compenfer 3e. vin qui leur eft défendu par l’alcoran. Ces bouffons
font ou purement naturelles , comme l’eau
de puits, de rivière 8c dé fontaine ; ou artificielles,
qui confifte dans le laitage de plufieurs animaux,
& dans les liqueurs froides & çhaudes ; les plus
ordinaires de celles - ci , font le café 8c le falep
qu’ils font avec de la racine de fatirion. Leur plus
exquife boifion eft le forbet , compofé du fuc de
cerifès & d’autres fruits. Ils boivent toujours affis,
a moins que la néceffité ne les oblige à fe tenir
debout. Ils mettent en été l’eau commune à la glace ,
lorfqu’ils peuvent en avoir, ou en jètent dans les
vafes de verre 8c de porcelaine dans lefquels ils
boivent.
Les Turcs font dans le fonds plus portés au repos-
qu a l’a&ivité ; cependant ce naturel eft plus ou
moins marqué félon les différons climats qu’ils
habitent. Les Turcs afiatiques aiment beaucoup
leur tranquillité ; au contraire , ceux de l’A lbanie
& de quelques autres parties de l’Illyrie ,
trouvent une vie aâive 8c laborieufe plus à leur
goût. Ceux de Conftantinople languiffent dans une
molle oifiveté , fuivant l’ ufage des habitans des
capitales ; les fatigues 8c les travaux font pour les
efclaves , 8c pour les gens réduits à une extrême
pauvreté, comme font les payfans Crées Sc Arméniens.
Le foromeil eft réglé chez les Turcs, de même
que le font les veilles par la diftribution'des heures
pour les prières. Quoiqu’ils cherchent toutes leurs
commodités pour dormir , ils ne fe déshabillent
que rarement tout-a-fait ; ils gardent au lit leur
habillement de défions, & fe couvrent la tête avec
une echarpe plus groflfe que celle qu’ ils portent le
jour. Ils font excès des bains fudorifiques, qu’ils
repetent plufieurs fois la femaine , 8c joignent
dans cet uiage le motif de leur Tante à celui delà
préparation qu’exige la prière, comme fi cette préparation
requéroit de fe procurer une fueur violente
, qu] ne tend qu’ à les affoiblir. Il y a dans
Conftantinople feule, trente - trois bains chauds
fomptueufement bâtis , & qui pendant le jour ont
des heures marquées pour les hommes, & d’autres
pour les femmes. Ils affoiblifient encore leur cor-f*
titution par des remèdes violens qu’ils prennent
pour s’exciter à l’amour, 8c qui ne font que nuire
a leur fanté, & les rendre incapables de foutenir
les fatigues de la guerre.
S’ ils jouiflent d’une grande fortune, ils l’em-
ployent volontiers a élever des mofquées , des fontaines
fur le grand chemin, des ponts, Sc des hôtelleries
publiques qu’on nomme cara.ye.nftrais j mais
ils taçhent de faire ces établifiemens de manière
qu’ ijs puiffent apporter un certain revenu à leurs
defeendans. Un grand motif, outre celui de l’ humanité
, les détermine à çes fortes de fondations ;
ç’eft que fi le capital qu’ ils y emploient reftoit
entre leurs mains, il feroit confifqué au plus tard
après leur mort; au Jieu que dès qu’il eft çonfa-
çré a Dieu , aucune lo i , ni même tout le pouvoir
du fultan ne faurpit l’aliéner.
Dans Conftantinople , il y a pour la prière dp
vendredi quatre-cent quatre-vingt-çinq mofquées,.
dont fept l’ç>nt nommées impériales, parce qu’elles
ênt été bâties par des empereurs turcs à grands
frais. Toutes ces mofquées ont des revenus confi-
dérables. Il y a dans chaque quartier, des endroits
particuliers appellés mefehites, ou mofquées ordinaires
pour la prière. On en compte quatre mille
quatre cent quatre-vingt-quinze, fréquentées uniquement
par les Turcs.
Les inarets, efpèces d’hôpitaux oà l’on donne
à manger aux pauvres , félon l’ordre preferit par
les fondateurs , font au nombre de c en t, 8c il y
a cinq cent quinze écoles publiques. IJ arrive delà
qu’on ne voit poinjt de mendians chez les Turcs,
8c leurs fondations pieufes font innombrables.
Us font par principe de -religion, hofpitaliers ,
même envers les ennemis de leur culte. Ils vont
fe promener fur les grands chemins , avant midi
& vers le foir , pour découvrir les paflagers , &
les inviter à loger chez eux.
Les chrétiens ont tort de les accufer de ne favoir
pas lire , 8c d’entendre à peine l’alcoran , puifqu’ils
n’ont tant d’écoles publiques que pour l’inftruélion.
Il n’eft pas rare chez eux de favoir à fonds le turc,
le perfan 8c l’arabe. Ils s’appliquent beaucoup à la
médecine, à la géométrie, à la géographie 8c à la
morale.
■ La monnoie particulière de l’empire commença
de paroître l’an de l’hégire 65. Abdilmelik , roi
de Damas , fut le premier de tous les mahométans
qui fit battre monnoie ; on ne fe fervoit auparavant
que de monnoies étrangères. La monnoie turque
eft de trois fortes de métaux, d’or , d’argent 8c de
cuivre. Elle n’a point d’autre marque , que certains
cara&ères qui défignent le nom du fultan régnant,
de fon père , & quelques mots à 1a louange , ou
tin paffage de l’alcoran.
Les monnoies d’or 8c d’argent un peu fortes des
différens états ont cours en Turquie , 8c y font
même plus eftiméés que celles qu’on y fabrique , 8c
.qui font altérées par les juifs qui y ont la direction de
la monnoie. Les écus , florins, 8c efpèces d’Allemagne
, les écus d’argent vénitiens , 8c les écus
d’Hollande1 au lion, font les plus recherchés. Au
Caire, & dans les places de commerce de l’Egypte,
on ne reçoit prefque aucune des monnoies turques,
La valeur d’une bourfe eft de 500 rixdales ou
2.000 livres. La grande vénération que les Turcs
ont pour le fultan , eft caufe qu’on ne met point
fon effigie fur la monnoie, parce qu’elle pafle par
les mains de tout le monde ; cependant cette vénération
ne les a point empêché quelquefois de faire
étrangler ce même fultan , pour le portrait duquel
ils ont un fi profond relped.
Le gouvernement turo facilite, protège le commerce
dans l’empire , 8c ne charge point les marchands
de droits exorbitans. La Turquie fournit
quantité de foie , de laine , de poil de chevre 8c
de chameau, de coton brut & f ilé , de lin, de cire,
d’huile, de bétail, de cendres , de bois de conf-
traftion ; on en tire des tapis , des Perfes , des
étoffes de fo îe , des étoffes d’or 8c d’argent des
toiles cirées , des peaux façon de chagrin , des maroquins
bleus, rouges & jaunes , du café, de la
rhubarbe, de la térébenthine, du ftorax, diverfes
efpèces de gommes, de l’opium, des noix de galle,
du maftic , de l’émeril, de la terre figillée, des
éponges, des dattes, des amandes, du v in , des
figues, des raifins fecs, de la nacre de perles , da
buis , du fafran, de bons chevaux. Ajoutons à ce
commerce le trafic confidérable des efclaves des
deux fexes ,, outre celui des belles femmes Circal-
fiennes , Géorgiennes 8c Grecques , achetées fur-
tout par les Juifs , & vendues d’autant plus volontiers
par leur parens , qu’ ils efpèrent qu’elles
parviendront à une grande fortune.
La fituation de l’empire, qui du côté de l’A fie ,
confine avec la Perfe & l’Arabie-heureule , eft
fort avantageufe au commerce. Les Turcs tirent
de ces pays-là beaucoup de marchandifes, qui fe
tranfportent dans les ports de l’Archipel , Sc fe
diftribuent enfuite aux autres nations de l’Europe.
Ces marchandifes font d’un côté des foies ,
des toiles de Perfe 8c des Indes, des draps d’o r ,
des pierreries, & des drogues médicinales ; de
l’autre, ce font des parfums , des baumes 8c du
café qui viennent de l’Arabie - heureufe par la
mer Rouge.
Leurs manufactures font les tanneries, les pelleteries
pour toutes fortes d’ ufages, 8c les chagrins.
La teinture des foies , des laines 8c des peaux y
eft dans la dernière perfection pour l’éclat 8c la
durée des couleurs. C’eft de ces laines dont ils
font leurs tapifleries ; & s’ ils avoient des deffeins
bien entendus, on ne pourroit rien voir au mondç
de plus beau que leurs ouvrages en ce genre.
Les marchandifes que les nations européennes
fourniflent aux Turcs , ne font point d’un afiez
grand prix pour pouvoir être échangées avec les
leurs, fans un retour confidérable en argent comptant.
Les Anglois, les François & les Vénitiens
font dbligés de fournir beaucoup de comptant
pour la balance.
La Porte ayant reconnu l’avantage qu’elle reti-
roit de fon commerce avec les nations de l’Europe
a tâché de le faciliter. Dans cette vu e , elle a accordé
des privilèges par les traités qu’elle a faits
avec leurs fouverains , qui depuis tiennent des
ambaffadeurs à Conftantinople, pour veiller à l’ob-
fervation de leur contenu. Çes ambaffadeurs ont
fous eux des confuls de leur nation dans les échelles
principalement de l’Afie , 8c depuis le Caire juf-
qû’ à Alep, aufli-bien que dans les villes méditer-
fanées & dans les ports de mer, comme àSmyrne
à Tripoli de Sourie, à Saïde , à Alexandrie , &
autres.
On ne lève en Turquie qu’un feul droit d’entrée
fort modique , après quoi tout le pays eft
ouvert aux marchandifes. Les déclarations faufies
n’emportent même ni confilcation ni augmentation
de droit. Tout le contraire fe pratique en,