
Europe ; les peines fifcales y font très -'■ févèreS,
C ’eft qu’ en Europe le marchand a des juges qui
peuvent le garantir de l’ oppreflion ; en Turquie lès
juges feroient eux - memes les oppreffeurs •, & le
'tréfor de Conftantinople ne retireroit rien. Que
fera le marchand contre un bacha defpote, qui
confifqueroit fes marçhandifes ?
Lé tribut naturel au gouvernement modéré eft
l ’ impôt fur les marçhandifes dont le commerçant
fait les avances. En Angleterre il en fait de pro-
digieufes pour un feul tonneau de vin -, mais quel
eft le marchand qui oferoit faire des avances fur
les marçhandifes dans un pays gouverné comme
la Turquie ? & quand il ? oferoit , comment le
pourroit-il avec une fortune fufpeâe, incertaine l
Pour que tout ne foit pas perdu dans un état
defpotique , il faut au moins que l’avidité du
prince foit modérée par quelque coutume. Ainfi,
en Turquie, le prince fe contente ordinairement
de prendre trois pour cent fur les fuçcelllons des
gens du peuple'. Mais comme le grand - feigneur
donne la plupart des terres à la milice, 8c en dif-
pofe à fa fantaifie , comme il fe faifit de toutes
les fucceflions des officiers de l’empire , comme
lorfqu’un homme meurt fans enfans mâles , le
grand-feigneur a la propriété , & que les filles
n’ont que l’ufufruit , il arrive que la.plûpart des
biens de l’état font poffédés d’uné manière précaire.
Comme en Turquie on foule aux pieds la fortune,
la vie , l’honneur des fujets, on termine promptement
d’une façon ou d’une autre toutes les
difputes. La manière de lés finir eft indifférente
pourvu qu’on finifl’e. Le baçha d’abord éclairci, fait
diftribuer, à fa fantaifie, des coups de bâton fur
la plante des pieds des plaideurs, 8c les renvoyé
chez eux. Ce n’eft pas là la formalité qui convient
dans l’ordre éternel & immuable de la nature &
de la juftice où l’on ne peut ôter l’honneur &
des biens à aucun citoyen , qu’après Pexamen le
plus fage & le plus réfléchi.
Un des fléaux delà Turquie qui dépend principa-
Tement du climat, eft la pefte , dont le fiége eft
“commiihément en Égypte- On a imaginé dans les
états de l’Europe un moyen admirable p.our arrêter
les progrès du mal s on forme une ligne de troupes
autour du pays infeété , pour, empêcher toute
communication yon fait faire une quarantaine aux
■ yaiffeaux lulpe&s ; on parfume les hard.es -, les papiers
, les lettrés qui viennent du lieu peftiféré.
Les Turcs n’ on t, àNcet égard, aucune pplice-, ils
voyènt les Chrétiens dans la même ville échapper
au danger dont ils font eux fouis la viftime. La
doctrine d’un deftin rigidequi règle tout, fait en
Turquie du magiftrat un fpeftateur tranquille : il
penfe mal a propos que JDieu a déjà tout fait, &
que lui n’ a rien à faire.
i l faut lire fur l’empire Ottoman l’hiftoire qu’en
a donné le chevalier anglois Paul Ricaut, 8c qui
ferme trois volumes in - fo l, Qn peut y ajouter
pour les temps plus modernes Vhijloîre des Turc s i
publiée par le prince Cantemire, 8c les obferva-
tions fur la Turquie , par M. le Baron de Tott, .
C ’eft avec peu de fondement que , parmi les
Chrétiens,les Turcs font regardés comme des barbares
: les Turcs européens qui font un mélange
de Turcs originaires , de chrétiens 8c de juifs
apoftats , doivent moins fervir de bafe pour apprécier
leur caractère S Des voyageurs éclairés pré
tendent que les Turcs afiatiques ont l’humanité &
la bienfaifance à un degré même éminent. Il n’y
a chez eux prefqu’aucun village qui n’ait fon Han
ou Caravanferais où les voyageurs , de quelque
pays & de quelque religion qu’ils foient, peuvent
îéjourner trois jours fans rien payer. En quelques-
uns même ils font nourris gratuitement. Par le
même motif de charité les Turcs creufent des puits
le long des grands chemins. Us jètent des ponts
fur lés torrens, & dans les grandes villes ils éta-
bliffentdes écoles pour l’iriftruétion de la jeuneffe.
Les Turcs font en général de belle taille , &
d’une conftitution robufte. Us font braves , de
bonne foi & fort fobres , mais ils ont peu de
goût pour les fciences & pour les arts; taciturnes,
ils gardent long-temps leur reffentiment qui éclate
même après plufiéurs années par quelque cataf-
trophe. Us portent la robe longue, 8c leur habillement
a plus de dignité que celui des peuples
Occidentaux. Us ont la tête rafée & recouverte
du turban. Les plus qualifiés portent leur barbe
de toute fa longueur ; le peuple au contraire la
çoupe lQrfqp’pile a açquis un certain accroiffement.
Ceux qui fervent dans le férail 8c les gens de
guerre n’ont que des mouftaches.
Suivant la coutume des Orientaux, ils s’affeyent,
mangent & dorment fur le plancher recouvert de
couffins., de tapis, ou de matelats. Us faluent en
inclinant un peu la tête, 8c portant la main droite
fur la poitrine.
Chez eux les femmes vivent fort retirées & dans
une grande contrainte. Le lieu où elles font gardées
fe nomme Harem , 8c c’eft très-improprement
qu’on l.e nomme Sérail , terme qui fignifie un
palais. Un maître y peut impunément ôter la vie
à fes domeftiques, .quoique de condition libre ,pour
la moindre caufe , 8c Ü le peut fans aucun l’ujet
contre fes efclaves.
Le vin eft interdit aux Turcs par un des préceptes
de l’alcoran, cependant ils ne fe font point
ferupuje d’en boire par oceafioff; il y a même des
cabarets .dans tous les villages , 8c dans les faubourgs
de Conftantinople. Ce font des Chrétiens
qui tiennent ces cabarets, mais dans certains temps,
fur-tout pendant la pique' des Turcs , il leur elî'
enjoint de les tenir fermes.
La polygamie eft permife chez les Mufulinans;
ils peuvènt avoir quatre femmes , 8c autant de
concubines qu’ ils peuvent en nourrir ; le divorce
y eft liçite j à condition que le mari pourvoit à
fentjreti^ii
Tentretien de fa femme , jufqu’à çe qu’elle foit.; i
remariée. U ne peut auffi la reprendre qu’elle n’ait
eü un autre mari & qu’elle n’ait été répudiée. Un
Mufulman qui à abjuré, la religion mahométane
eft condamné à la mort, 8c un chrétien qui auroit
converti un mufulman, eft empalé vivant : il en
eft de même s’il eft convaincu d’avoir eu commerce
avec une fille turque.
Le chef de l’églife grecque , dans la Turquie
européenne, eft le Patriarche de Conftantinople.
Son revenu eft de ixôooo florins.
Les Turcs ont pour armes un croiffant: Qiiel-
ques-uns penfent qu’ils l’ont adopté de l’ancienne
Byfance, fur les monnoies de laquelle fe voit fou-
vent la rèpréfentation des lunes ; mais d’autres
dilent qu’ayant la prife de Conftantinople, il eft
foit mention du Croiffant chez les Turcs.
Dans l’Empire, la fuccéffion au trône n’eft point
établie fur le droit d’aîneffe , 8c les Turcs n’ont
guère égard qu’à foire tomber le choix fur un
prince du fang d’Ofman. Les dfnpereurs, depuis
le commencement de ce fiècle ont renoncé à la
politique cruelle.de leurs prédéceffeurs q u i, à
leur avènement au trône , faifoient périr tous
leurs frères ! On ne couronne point l’empereur,
mais on lui ceint le cimeterre du fui tan Ofman,
fondateur de l’Empire, 8c que l’on confêrve dans '
la mofquée d’Yub.
, Les forces de mer de la Turquie fe réduifènt
a bien peu de choie, 8c on peut regarder fa marine
comme encore au néant.
L’année des Turcs eft lunaire. Elle eft moindre
par conféquent de n jours que la nôtre, 8c elle a
fon commencement fucceflivement dans tous les
tfiiips de l’année.
Jean- Michel Franz a publié en 1737 une carte de
tout l’empire Turc, qui n’eft pas fans mérite. (R .) ,
T urquie d’A s ie , contrée d’A fie , foumife à
l’empire Ottoman. Les pays qu’elle re n ferme é toien t
autrefois très-fertiles 8c fort peuplés. Les arts &
les fciences y étoient fur un pied floriffant, & ils
étoient parfémés de villes opulentes & confidé-
rables. Aujourd’hui le joug du Turc les a livrés
à la ftérilité , à la défertion , à l’ignorance, & à la
barbarie. II n’y a que les ports où les nations Européennes
entretiennent encore uç commerce affez
animé. Elles y ont des confuls, des fa&eurs, &
elles en- tirent des cuirs, des maroquins, des tapis
, des étoffes de foie , des étoffes d’or & d’argent,
des perfes, du coton filé, de la rhubarbe,
du café, de l’opium, diverfesfortes de gommes,
8cc.
Ses habitans font mous 8c efféminés : la plûpart
fuivept la religion mahométane. Us font mêlés
de beaucoup de Chrétiens fchilmatiques grecs, de
Juifs, 8c d’Arméniens.
La Turquie - Afiatîque comprend cinq parties
principales: la Natolie , la Syrie, le Diarbeck,
a Turcomanie , 8c la Géorgie, Voyez chacun à
ïon ordre alphabétique. (B.)
Géogr. Tome III,
T-urquie-d’Europe, vafte contrée de l’Europe,
foifant partie de l’empire T u rc , & comprifo entre
■ le trente-quatrième degré 8c le quarante-huitième
de latitude, 8c entre le trente-fixième & le cinquante
huitième de longitude. Elle eft bornée à
l’occident par le golfe de Venife, au midi pâr la
Méditerranée , à l’orient par l’Archipel , la mer
de Marmora, la Mer-Noire , la mer d’A z o f , &
le Don; au nord par la Hongrie, laTranfilvanie,
la Pologne, la Ruffie. Ce fut une partie de l’ancien
empire d’Orlent conquis par les Chrétiens.
L’air en eft fain , mais la pefte s’y communique
fouventde l’Egypte. Le terroir en eft généralement
fertile, fi l’on excepte les pays qui avoifinent la
Mer-Noire au nord 8c nord-oueft. Mais fous un
régime defpotique 8c arbitraire l’agriculture y eft
dans un tel état de langueur 8c de décadence,
que la dilétte des grains s’y fait fouvent fentir ,
8c y jète quelquefois la famine. Les vins de San-
torin 8c de Malvoifie , paffent pour les meilleurs
de la Turquie en Europe Les principaux fleuves
qui l’arrofent font le Danube , la Save, le Drin,
le Marize , le Niefter, le Dnieper & le Don'.
Malgré la fertilité naturelle du f o l , la population
y eft languiffante. L’oppreflion fous laquelle
les peuples gémiffent y a occafionnç de', fréquentes
émigrations. Les Grecs anciens habitans
du pays y vivent parmi les Turcs , 8c y font les
plus nombreux , fur-tout dans le plat pays , & les
îles font même entièrement peuplées de Grecs*
Mais on les défarme lorfque la Porte eft en guerre
avec quelque Puiffance Chrétienne. Il fe trouve
beaucoup de Juifs dans la Turquie-Européenne,
mais après les Grecs , les Arméniens y font la
nation la plus nombreufe, 8c à Conftantinople ,
ils les égalent prefque en nombre. En général ,
ils font plus riches, plus intelligens dans le commerce
, & plus économes.
Une des langues qui y eft le plus ufitée eft la
Turque, mais qui, par difette de mots eh emprunte
beaucoup des langues arabe 8c perfane. Les
Grecs parlene le grec moderne ; les Serviéns , Bosniens,
& Bulgares l’Efclavon ; les Valaques 8c les
Moldaves la langue valaque ; 8c les Tartares ont
leur langue propre peu différente de celle des
Turcs. L’arabe y eft la langue des favans, 8c on.
parle beaucoup italien fur les côtes de la Mer
Adriatique, 8c dans les Echelles du Levant.
On divife la Turquie Européenne en partie
feptentrionale 8c partie méridionale féparées l ’une
de l’autre par les monts Caftagnats.
La Turquie feptentrionale d’Europe renferme
dix provinces : quatre au midi 8c le long du Danube
, la Croatie, la Bofniey la Servie, la Bulgarie:
quatre au-delà du même fleuve , la Va*
laquie , la Moldavie, la Bejjàrabie, 8c une partie
de la petite Tartarie : la Dalmatie fur la Me**
Adriatique 8c laRomanie-fur la Mer de Marmora.
La Turquie au midi, ou Turquie méridionale
d’Europe, eft l’ancienne Grèce. V. ce mot. CR>\
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