
par les liens d’une douce fociëté , viennent le
joindre. Un monde de merveilles étale fes charmes
a leurs yeux éclairés, tandis qu’élles échappent
a ceux du vulgaire. Leurs efprits font remplis
des riches tréfors de la philofophie , lumière .
fupérieure 1 La vertu brûle dans leurs coeurs ,
avec un enthoufiafme que les fils de la cupidité
ne peuvent concevoir. Invités à fortir pour jouir
du déclin du jour, ils dirigent enfemble leurs
pas vers les portiques des bois verds, vafte lycée
de la nature. Les épanchemens du coeur fortifient
leur union dans cette douce école , où
nul maître orgueilleux ne règne. Maintenant
aufli les tendres amans quittent le tumulte du
monde, & fe retirent dans des retraites facrées.
Ils répandent leurs âmes dans des tranfports
que le Dieu d’amour entend , approuve , &
confirme.
Enfin :
Le Soleil finit fa carrière,
Le temps conduit fon char ardent ,
Et dans des torrens de lumière
Le précipite à l'occident :
Sur les nuages qu’il, colore
Quelque temps il fè reproduit ;
Dans leurs flots azurés qu’il dore ,
11 rallume le jour qui fuit.
I.*aftre de la nature s’abaiffant, femble s’élargir
par degrés y les nuages en mouvement entourent
fan trône avec magnificence , tandis
que l’air , la terre , & l’océan fourient. C’eft
en .cet inftant , fi l’on en croit les chantres
.fabuleux de la Grèce , que, donnant relâche à
fes courfiers fatigués, Phébus cherche les nymphes
& les bofquets d’Amphitrite, Il baigne
fes rayons , tantôt à moitié plongé , tantôt
montrant un demi-cercle doré y il donne un
dernier .regard lumineux , & difparoît totalement.
Ainfi paffe le jour, parcourant un cercle enchanté
, trompeur, vain, 8c perdu pour jamais,
femblable aux vifions d’un cerveau imaginaire -,
tandis qu’ une aine palfionnée , perd en défirs
les momens y & que l’ in fiant même où elle
défire , eft anéanti. Fatale vérité , qui ne préfente
a l’oifif fpéculateur qu’une vie inutile, 8c
une vue d’horreur au coupable , qui confume
le temps dans des plaifirs honteux 1 Fardeau
à charge à la terre y il diflipe baffement avec
fes femblâbles ce qui auroit pu rendre Pêrre*
à une famille languiffante , dont la modeftie
enfevelir le mérite.
Les nuages s’obfcurciffent lentement y là tranquille
foirée prend fon pofte accoutumé au milieu
des airs. Des millions d’ombres font à fes ordres :
les unes font envoyées fur la terre ; d’autres
d’une couleur plus foncée , viennent doucement à la fuite y de plus fombres encore fuccèdent
en cercle , & fe ralfemblent tout autour pour
fermer la fcène. Un vent frais agite les bois
& les ruifleaux y fon fouffie vacillant fait ondoyer
les champs de bled , pendant que la
caille rappelle fa compagne. Le vent rafraî-
chiflant augmente fur la plaine , 8c le ferein
chargé d’un duvet végétal , fe répand agréablement
-, le foin univerfel de la nature ne
dédaigne rien. Attentive à nourrir fes plus foibles
productions , 8c à orner l’année qui s’avance ,
elle envoie de champ en champ le germe de
l’abondance fur l ’aile des zéphirs.
Le berger leftement vêtu, revient content à
•fa cabane , 8c ramène du parc fon tranquille
troupeau •, il aime , & foulage la laitière vermeille
qui l’ accompagne v ils fe prouvent leur
amour par des foins 8c des fervices réciproques.
Ils marchent enfemble fans foücis fur les collines,
& dans les vallons folitaires , lieux où
fur la.-fin du jour des -peuples de fées viennent
en foule paffer la nuit d’été dans des jeux
no&urnes , comme les hiftoires des villages le
racontent. Ils évitent feulement la tour déferte,
dont les ombres triftes occupent les voûtes y
vaine terreur que la nuit infpire à l’imaginatioh
frappée 1 Dans les chemins tortueux y Sc fu'r
chaque haie de leur route, le ver luifant allume
fa lampe , & fait étinceler un mouvement
brillant à travers Pobfcurité.
La Soirée cède le monde à la Nuit qui s’avance
de plus en plus , non dans fa robe d’hiver d’une
trame malfive , fombre 8c ftygienne , mais négligemment
vêtue d’un manteau fin & blanchâtre*.
Un rayon faible 8c trompeur, réfléchi de la
furface imparfaite des objets , préfente à l’oeil
borné les images à demi, tandis que les bois
agités , les ruifieaux , les rochers, le fommet
des montagnes qui ont plus long-temps retenu
la lumière expirante, offrent une fcène nageante
8c incertaine.
Les ombres , du haut des montagnes,
Se répande'nt fur les coteaux ;
On voit fumer dans les campagnes
Les toits ruftiques des hameaux.
Sous la cabane folitaire
Des Philémons & des Baucis ,
Brûle une lampe héréditaire,
Dont la flamme incertaine éclaire
La table où les dieux font aflïs.
Rangés fur des tapis de moufle,
Le vent -qui rafraîchit le jour,
Remplit d’une lumière douce
Tous les arbuftes d’alentour.
Le front tout couronné d’étoiles ,
La nuit s’avance noblement ,
'Et-l’obfeurité de fes voiles
Brunit l’azur du firmament.
Les fanges traînent en filence
Son char parfemé de faphirs ;
L’Amour dans les airs fe balance
Sur l’aile humide des zéphirs.
La douce Vénus, brillante au ciel de fes
rayons, les plus purs, amène en faveur de ce
cher fils , les heures myftérieufes , qu’elle
eonfacre à fes plaifirs. Son lever joyeux , du
moment où le jour s’efface, jufqu’a. l’ inftant où
il renaît , annonce le règne de la plus belle
lampe de la nuit. Je confidère , j’admire fa
clarté tremblante •, ces lumières errantes, feux
paffagers que le vulgaire ignorant regarde comme
un mauvais préfage y defcendént du firmament ,
ou fcintillent horifontalement dans des "formes
mer veille ufes.
Du milieu de ces orbes radieux y qui non-
feulement ornent, mais encore animent la voûte
celefte , paroît dans des temps calculés , la
comète rapide, qui fe précipite vers le foleil -,
elle revient de l’immenfité des efpaces avec un
cours accéléré -, tandis qu’elle s’abaiffe & ombrage
la terré , fa crinière redoutable eft lancée
dans les cieux , 8c fait trembler les nations
coupables. Mais au deffus de ces viles fuperfilmons
, qui enchaînent le berger timide , livre
à la crédulité 8c à l’ étonnement aveugle -, vous ,
fages mortels , dont la philofophie éclaire l’ efprit /
dites a-cë glorieux' étranger , falut. Ceux-là
éprouvent une joie raviffante , qui jouiffant du
privilège du favoir, ne voient dans cet objet
effrayant- que le retour fixe d’un aftre qui ,
comme tous les antres objets les plus familiers ,
eft dans l’ordre d’ une providence bienfaifante.
Qui fait fi fa queue n’apporte pas à l’univers
une humidité néceffaire fur les orbes que décrit
fon cours elliptique -, fi fes flammes ne font pas
deftinées pour renouveller les feux toujours
verfés du foleil, pour éclairer les mondes . ou
pour nourrir les feux éternels ?
Comètes que l’on craint à l’égal du tonnerre ,
Ceffez d’épouvanter les peuples de la terre j
Dans une, ellipfe immenfe achevez votre cours,
Remontez , defcendez près de l’aftre des jours ;
Lancez vos feux, volez, & revenant fans ceffe,
Des mondes épuifés ranimez la vieilleffe.
Dès que le ligne de la Vierge .difparoît, &
que la Balance pèfe les fâifons avec égalité , le
fier éclat de l’été quitte la voûte des cieux ,
& un bleu plus ferein , niêlé d’ une lumière
dorée , enveloppe le monde heureux.
Le Soleil/, dont la violence
Nous a fait languir quelque temps,
Arme de feux moins écla tans
L es rayons que fon char nous lance ,
Et plus paifible dans fon cours,
Laiffe la célefle Balance
Arbitre des nuits & des jours.
L’Aurore,. déformais ftérile
Pour la divinité des fleurs,
De l'heureux tribut de fes pleut»
Enrichit un dieu plus utile j
Et fur tous les coteaux voifins
On voit briller l’ambre fertile
Dont elle dore nos raifins.
C’eft dans cette faifdn fi belle
Que Bacchus prépare à nos yeux>
De fon triomphe glorieux
La pompe la plus folemnelle.
Il vient, de fes divines mains,
Sceller l’allia'rice éternelle
Qu’il a faite avec les humains.
Autour de fon char diaphane,
Les ris voltigeant dans les airs ,
Des foins qui troublent l’univers,
Ecartent la foule profane.
Tel fur des bords inhabités,
Il vint de la chafte Ariane,
Calmer les efprits agités.
Les Satyres, tout hors d’haleine,
Conduifant les Nymphes des bois,
Au fon du fifre & du hautbois,
Danfent par troupes dans lés plaines ;
Tandis que les Sylvains laffés
Portent l’immobile Silène
Sur leurs thyrfes entrelacés,
L’aftre du jour tempéré s’élève maintenant
fur notre hémifphère avec fes plus doux rayons.
La moiflon étendue & mûre fur la terre , foutient
fa tête pefante -, elle eft riche , tranquille &
haute -, pas un fouffie de veftt ne roule fes
vagues légères fur la plaine c’eft le calme de
l’abondance. Si l’air agité fort de fon équilibre ,
8ç prépare la .marche des vents , alors le manteau
blanc du firmament fe déchire , les nuages
fuyent -épars , le foleil tout à coup dore les
champs éclairés , 8c par intervalle femble chaffer
fur la terre des flots d’une ombre noire. La
vue s’étend avec joie fur. cette mer incertaine y
l’oeil perçe aufll loin qu’ il peut atteindre , &
s’égaie dans un fleuve immenfe de bled. Puiflante
induftrie , ce font là tes bienfaits’, tout eft le
fruit de fes travaux , tout lui doit fon luftre
8c fa beauté , nous lui devons les délices de
la vie.
Auffitôt que; l’aurore matinale vacille fur le
firmament, & que fans être apperçue elle déploie
le jour incertain fur les champs féconds , les
pxoiffonneurs fe rangent en ordre , chacun à
Yyyy îj