
pas , avec Vopifcus , qui vivoit fous l’ empîré
de Dioclétien , que les murailles de, l’ ancienne
Rome ayoienjc un circuit de cinquante milles ,
parce que je crois que c’ eft une faute des copiftes •,
Je ne luis pas moins éloigné d’adopter les extravagantes
exagérations dé Vollius , qui donne à
l ’ancienne Rome plufieurs millions d’habitans •,
mais en fuppofant que fa population fut de deux
millions d’ habitans , il eft certain qpe Rome moderne
n’en a pas plus de deux cent mille.
On ne comptoit, à la fin du dix-feptième
(iècle, par un dénombrement qui fut imprimé ,
que cent trente-cinq mille habitans dans cette
ville y en y comprenant les Juifs , & ce calcul
fe trouvoit encore vérifié par les regiftres des
nailfances.. Il y naifioit, année commune, trois
mille fix cents enfans ; ce nombre de nailfances,
multiplié par 34, ne donne , à cette époque ,
qu’environ cent yingt-cinq mille habitans , outre
les dix mille Juifs..
Il réfulte de cette obfervation que Rome
n’atteint pas à la quatrième partie de la population
de Paris , qu’elle eft cinq fois moins peuplée
que Londres : elle n’ a pas, la moitié d’habitans
que contient Amftçrdam, dont elle eft encore ■
plus éloignée proportionnellement du côté de l’opulence
, & de là connoiffançe des fources qui la
produjfent ; elle n’ a ni vaiffeaux, ni manufaâu-
res , ni trafic. Il eft vrai que depuis le pontificat
..de Jules II 8c de Léon X , Rome a été le centra
des beaux-arts , jufqu’ au milieu du dernier fiècle ;
mais bientôt, dans quelques-uns , elle fut égalée, ;
£ç dans, d’autres furpaffée par notre capitale. : Londres
a au (fi., fur elle autant de fupériorité par les
fpieneeç que par les richeffes & la liberté; les
palais fi vantés de Rome ne méritent point tous
ipette dénomination faftueufe. La plupart des mai-
fons des particuliers font de peu d’apparence ;
.fon pavé eft fort mauvais, les pierres en font
petites & fans afiiette.
Cette v ille , qui fourmille d’églifes 8c de çou-
y en s , eft peu peuplée à l’ orient & au midi.
Qu’on lui donne tant qu’ on voudra, douze milles ;
„ de tour , ce circuit renferme des efpaces qui ne
font point habj.tés.
Cependant cette Rome , dont la population eft |
‘fi fort déchue , foible par elle-même, fans forti- .
jfications , fans troupes & fans généraux , eft
toujours la ville du monde la plus digne de eu- ;
Jfiofité, par une infinité de précieux reftes d’antiquité
, 8c par les chefs-d’oeuvres des rnodernes ,
en architecture , en peinture & en fculpture. •
Entre les reftes de l’ ancienne Rome , la gran-r
jâeur de la république éclate principalement dans
les ouvrages néceffaires, comme lès grands chemins
, les aqueducs & les ponts de la ville. Au
g-ontpire la magnificence de Rome fous les empereurs
, fe manifefte plutôt dans les ouvrages d’ofi ?
leUtatjpn çu de luxe, que d’utilité publique ;
pU ïgnt }e§ b w ? Je« amphfihéâtres ? les jrâg
ques, les obélifques , les colonnes, les maufo*»
lées , les arcs de triomphe, &c. ; car ce qu’ils
joignoient aux aqueducs, étoit plutôt pour fournir
leurs bains 8c leur naumachie, 8c pour em*
bellir la ville par des fontaines , que pour quelque
befoin effectif. Ces divers reftes ont été ft
amplement décrits par quantité de voyageurs 8c
d’autres écrivains, dont les meilleurs ouvrages ont,
été recueillis dans la vafte colleûion de Grono-
vius, qu’il eft difficile de rien dire de neuf fur un
fujet ft rebattu. Cependant il y a tant de chofes
remarquables dans un champ fi fpàcieux, qu’ il
eft difficile de les confidérer fans faire différentes
réflexions, ou félon fon génie , ou félon les
études que l’.on a cultivées.
En général, parmi les antiquités de Rome , les
ftatuès antiques tiennent un rang diftingué , à
caufe de l’excellence de l’ouvrage. On eft
enchanté de voir les vifages de gens illuftres
qu’on çonnoît tant dans l’hiftoire. On aime h
confidérer la reffemblance qui fe trouve entre
les figures des divinités du paganifme , 8c les
deferiptions que les poètes nous en ont données ,
foit que les poètes aient été les copiftes de la
fculpture grecque , foit que la fculpture ait pris
fes lujets dans les poètes. Rome, maîtréffe de
"d’univers , raffembla dans fon fein les plus beaux
morceaux de la Grèce.
Quoique le.s ftatues qui ont été trouvées parmi
les débris de l’ancienne Rome, furprennent par
leur nombre prodigieux , il ne faut point douter
qu’il n’y ait encore fous terre de grands tréfora
en ce genre. Il y a plufieurs endroits qui n’ont
jamais été fouillés. On n’a point touché à une
grande partie du mont Palatin ; & comme c’ ç-
tpit autrefois le fiége du palais de l’empereur ,
on peut préfumer qu’il n’eft pas ftérile en richeffes
de ce genre.,
II y a des entrepreneurs à Rome qui achètent
volontiers le droit de fouiller des champs , des
jardins ou des vignobles. Ils paient l’étendue de
la furfaçe qu’ils ont à creufer ; 8c après l’ efiai , ,
comme on'fait en Angleterre pour lès mines de
charbon, ils remuent les endroits qui promettent
davantage. ^ & fouvent avec fucces. S’ils font
trompés dans leur attente , ils gagnent ordinairement
affez de briques 8c de décombres pour fe
rembourfer des frais de leurs recherches , parce
que les archite&es eftiment plus ces matériaux anciens
que les nouveaux. Mais on croit, fur-tout
à Rome ,-què le lit du Tibre eft lé grand magafin
de toutes çes fortes de tréfors; cette opinion eft
fi générale, que les Juifs ont autrefois offert au
pape de netoyer cette rivière , pourvu qu’ils
eufïènt feulement ce qu’ ils y trouveroient. Ils
propofèrent de faire un noùveau. canal dans la
vallée jprès de Ponte-Molle , pour recevoir les
eaux du Tibre , jufqu’ à ce qu’ils euffent vuidé 8c
nettoyé l’ancien. Il faljoit accepter une propofi-
tion fi favQjable ; Je pape la refufa par uije yahi^
terreui* *. îl eft certain que la ville de Ronïe récé?-’
vroit un grand avantage d’ une telle entreprife ,
qui releveroit les bords du Tibre, & remedie-
roit à fes fréquens débordemens.
Rome offre un autre fpedacle ; c’ fîft grande
variété d’obélifques & de colonnes de^ granit
dont elle eft décorée, & qui ont été tirées d’Egypte
ou de la Grèce. On conçoit la difficulté
qu’on a dû éprouver pour les tailler 8c leur donner
la forme, la proportion & le poli.
Les obélifques les plus remarquables font celui
de la place du peuple, celui de la place Navonne,
celui du Vatican, celui de Saint-Jean-de-Latran.
Ce dernier l’ emporte en magnificence fur tous les
autres ; il exifta autrefois dans la fameufe Thèbes
d’Egypte. Il a cent quarante pieds de haut, y
compris le piédeftal & la croix qui- le termine.
Le pont Saint-Ange eft celui qu’on appelloit
anciennement Pons-Ælius , du nom de l’empereur
Ælius | Adrianus , qui le fit bâtir ; & il a
pris celui de ponte Sant’Angelo , qu’ il porte aujourd’
hui , à caufe que Saint-Grégoire-le-Grand,
étant fur ce pont, v i t , à ce qu’on d it , un ange fur
le moles Adriani, qui remet.toit fon épée dans le
fourreau , après une grande pefte qui avoit défolé
toute la ville. En jettant les yeux fur la rivière,
on découvre au-deffous 8c à peu de diftance du
pont, les ruines du pont triomphal , par-deffus
lequel tous les triomphes paffoient pour aller au
Capitole ce qui fit que ce paflàge en demeura plus
libre , & que, par un décret du finat, il fut
défendu aux payfans 8c aux laboureurs.
Le château Saint-Ange eft au bout du ponte
Sant’Angelo ; c’ eft ce qu’on appelloit moles
Adriani, parce que l’empereur Adrien y avoit
été enterré. C’eft dans ce château qu’on met les
prifonniers d’éta t, 8c que Sixte V dépofà cinq
millions, avec une bulle qui défend de s’en fer-
vir fans une prenante néceiTité ; apparemment que
quelques-uns de fes fucceffeurs fë font trouvés
dans ce cas ; car les cinq millions de Sixte V
n’exiftent plus. On arrive bientôt après à la'place
dè Saint-Pierre , & à l’ églife de même nom , qui
paffe pour le plus vafte 8c le plus fuperbe temple
du monde.
Le palais du Vatican eft contigu à l’églife
de Saint-Pierre , 8c c’ eft grand dommage ; car
fi l’ églife étoit ifolée, 8c qu’ on la pût voir de
tous côtés en champ libre , l’effet en feroit bien
plus beau. Le Vatican eft un édifice aufli vafte
qu’irrégulier.
Ce palais a une bibliothèque magnifique , grof-
fie par celle de Heidelberg , par celle de la reine
Chriftine de Suède, 8c par la bibliothèque du duc
d’Urbin. Il y a dans cette' bibliothèque un volume
de lettres de Henri V III à Anne de Bouîën ;
il feroit à fouhaiter que celles de Anne de Bou-
ïen à Henri VIII y fuflent auffi , car on en con-
noît quelques-unes qui font admirables. Parmi
ïës manuicrits des derniers fiècles, on y trouve
| quelquès lettres que des cardinaux s’écrivoient y
& dans lefquelles ils fe traitoient de Meffer-Pie-
t r o , Meffer-Julio , fans autre cérémonie. Leur
ftyle a bien changé depuis.
Près de i’ églii’e de Saint-Pierre eft l’hôpital du
Saint-Efprit, l’ un des plus beaux de l’Europe par-
. là grandeur 8c fon revenu. Il y a , dit-on, juf-
. qu’ à mille lits pour les malades, 8c un prélat
qui gouverne toute la maifon. C’eft une elpèce
1 de mont-de-piété où l’ on porte fon argent en dépôt
; 8c comme il y a toujours quelques millions
de fuperflu, l’hôpital en fait profiter le
relai à fes rilques , & ce profit eft beaucoup plus
; que fuffifant pour les dépenfes dont l’hôpital eft
chargé.
De l’hôpital du Saint-Efprit, on paJTe à l’églife
de Saint-Onuphre , où l’ on voit le tombeau du
■ Taffe. Un peu plus loin eft la villa Pamphili,
maifon de plaiiànce , ornée de ftatues 8c de tableaux,
entre lefquels on diftingué Saint Pierre
attaché en croix , 8c Ja converfion de Saint Paul,
par Michel-Ange.
; L’égiife de Santa-Maria-Traftévère eft la première
qui ait été bâtie à Rome , au rapport de
•Baronius. Elle occupe la place des 2'abçrnce
Meritorice , où les anciens Romains donnoient tous
les jours leur fubfiftance aux foldats invalides.
On va enfuite vers l’île de Saint-Barthelemy ,
nommée anciennement infula Tiberina. Elle le
forma dans ce lieu-là , lorlque Tarquin-le-luperbe
eut été chaffé de Rome. Comme on arracha les
bleds qu’il avoit fait femer autour de Rome, on
les jetta dans le Tibre avec les racines , en forte
que la terre qui y étoit attachée, ayant arrêté
l’eau , la vafe s’y amaifa infenfiblement, 8c il s’en
fit peu à peu une île.
On fort de cette île par le pont des quatre tentes
, nommé anciennement pons Fabricius , qui
la joint avec la v ille , 8c à main droite eft le
le pont appellé pons Sublicius , à l’entrée duquel
Horatius Codés foutint lui feul les efforts de
l’ennemi, tandis qu’on rompoit ce pont derrière
lui ; après quoi il fe jetta dans la rivière , & fe
fauva à la nage. Ce pont étoit alors de b ois , 8c
Æmilius le fit faire de pierres. C’eft de ce ponc
que l’empereur Héliogabale fut précipité dans la
rivière avec une pierre au col. Il n’en f ubfifte plus
que des ruines , 8c c’eft pour cela qu’il fe nomme
aujourd’hui ponte Rotto.
Au fortïr du pont, on voit la porte de derrière?
du quartier des Juifs , qui demeurent dans un
coin de la ville , où toutes les nuits on les enferme
à la clef. Ils n’éprouvent point cette ignominie
en Allemagne v en Angleterre , ni en
Hollande. A quelque diftance de leurs fynago-
gues , on v o it , à main gauche., le palais du prince
Savelii , bâti lur les ruines du théâtre de Mar-
cellus, qu’Augufte fit élever en l’honneur de fon
neveu. Plus loin eft le grand égoût de Rome
qui le décharge dans le Tibre , 8c qu’on