
fabriques, plus florWant autrefois qu’il ne l ’eft
aujourd'hui, confifte en toiles de lin , de chan-
vte & de coton -, en futaines, bazins, ierges ,
toiles peintes , latins -, en épingles, dont elle a
lin bon débit, en papier, bonneterie & bougie ,
dont on vante la blancheur ; eri chandelles de
bonne qualité. On n’y compte pas moins de fix
mille métiers dans les toiles de coton : on y
blanchit beaucoup de toiles qui fe tirent de
Laval : on y faitdes toiles piquées, & des grofles
draperies. On en tire aufli des vins , & elle eft
fituée dans un pays abondant en grains de toute
efpèce, en fruits & en légumes : enfin- cette
ville a une école gratuite de deffin , d’architecture
& de mathématiques.
Les comtes de Champagne y faifoient leur fé-
jour , & ils y avoient trois châteaux , dont le
principal, qui eft celui qu’ils occupoient, fubfifte
encore en partie transformé en fiége de juftice.
Près de ce château , ils avoient fait conftruire 1 églife de Saint-Etienne qui leur fervoit de chapelle
, & c’eft une collégiale dont lés canonicats
l ’ont à la nomination du roi. On y voit quelques
tombeaux des comtes de Champagne : ceux qui
l'ont dans le landuaire font revêtus d’orfèvrerie.
Au milieu du choeur eft celui du comte Henri,
fondateur‘de cette églife qui a un tréfor fort
riche 8c pofsède un grand nombre de manulcrits.
Celle de Saint-Urbain renferme aufli quelques
maufolées de ces fouverains : elle fe fait remarquer
par la fingulièré déîicatefle de fon architecture
gothique, & on regrette qu’elle loit demeurée
imparfaite -, enfin , dans celle de Saint-Jean,
le maître-autel fe fait remarquer par un beau
tableau de Mignard. -
L’hô.tël de ville a quelque apparence : la façade
en eft ornée de colonnes de marbre noir , &
d’une ftatue pédeftre de Louis XIV. L’architeihire
n’en eft pas d’un bon genre , & elle perdroit à
être appréciée d’après les règles de l’art. On voit
les buftes de plufieurs des grands perfonnages qui
font fortis de cette v ille, & un médaillon de Louis
X I V , de la main de Girardon.
Après l’hôtel de v ille, l’hôpital en eft le feul
édifice profane de quelque importance , & quoiqu’il
y ait à Troyes plufieurs fortes maifons de
commerce, elle eft remplie d’un peuple aufli pauvre
qu’il eft laborieux. Aux portes de la ville eft la
très-riche a b b a j r e de Moutiers-la-Celle , de l’ ordre
de S. Benoît , dont la menfe abbatiale eft
réunie à l’évêché.
Le prèmier évêque de Troy es, S. Amarre , vi-
voit l’an 340. L’évêché eft divifé en huit doyennés
fous cinq archidiacres. Longit. fuivant Caflini ,
ai , 32 y 30. Latit. 48 , 23. Il fe tint un concile ,
en cette ville, en 1638.
Trpyes a pris fon nom des peuples Celtes,
Tncajfès ou TrecaJJès, que Céfar n’ a point connus
, mais qu’Augufte a dû établir en corps de
peuple ou de cité, puifqu’il eft le fondateur- de
leur ville principale , qu’il âpfell&^AugttJïobonaou
-diigujîomana, nom qui a été en ufage jufqu’au
cinquième fieclè. Pline fait mention des Tricanes
parmi les Celtes, fans nommer leur ville AuguJ~-
tobonü • mais Ptolémée la nomme. Enfuite. le
nornffu peuple a prévalu , 8c Tricajjes a été corrompu
en Tfecoe , en forte que les écrivains qui
font venus depuis Grégoire de Tours appellent
tou jours, Troyes , Trecce.
Apres la chûte de l’empire romain, cetre ville
paffa au pouvoir des Francs ; & après la divifion
de la France en Auftrafie & Neuftrie , Troyes
fut de la Neuftrie, en forte que les rois-de la
Neuftrie en ont toujours eu la propriété ou la
fbuveraineté. Lorfqu’ on inftitua une quatrième
Lyonnoife fur le déclin de l’empire romain, la .
ville de Troyes fut mile, fous cette province ,
voila pourquoi les évêques de Troyes ont tou-^
jours, julqu’à préfent, reconnu celui de Sens
pour leur métropolitain.
f-e *5 août 1787 le parlement de Paris fut
transféré à Troyes : je m’abftiens d’en préfen- .
ter ici les cailles , l’hiftoire les retracera à la
poftérité. Le 20 féptembre de la même année
fut l’époque de fon rappel.
Troyes eft la patrie du pape Urbain IV r
qui etoitfils d’un cordonnier de cette ville; V e ft
celle de François Girardon, dont le chef-d’oeuvre
fe fait-admirer à la Sorbonne dans le maufolée
du cardinal de Richelieu. Elle a vu naître Pierre
Mignard, qui s’eft fait un nom célèbre entre
les peintres de l’école françoile : M. Grofléi ,
qui a donné le tableau de Londres, le chancelier
Boucherat, connu dans nos annales , MM. Pi-
thou , & c.
Jarchi ou Jarhi ( Salomon ) , autrement
Ifdacites, rabbin célèbre du xij fiècle étoit aufli
de Troyès, félon 11. Ghédalia & la plûpart des
autres chronologiftes Juifs. U commença à voyager
à l’âge de trente ans. Il vit l’Italie , enfuite
la Grèce , Jerufalem 8c toute la Paleftine; puis
il alla en Egypte, 8c s’abqucha avec le rabbin
Maimonides. Il paffa en Perfe, en Tartarie , en
Mofcovie, en d’autres pays feptentrionaux , &
enfin en Allemagne, d’où il revint dans fa patrie ,
ayant employé fix an nées, à ce grand voyage. Il
fe maria, & .eut trois filles qui épousèrent de
fa vans rabbins.
Les commentaires de Jarchi fur l’écriture font
fort éftimos des Juifs, & quelques-uns ont été
traduits en latin par des chrétiens. Genebrard a
publié à Paris en 1563 la verfion du commentaire
fur Joël, 8c en 1570 celle du commentaire fur le
cantique des cantiques. Arnaud de Pontac eft
l ’auteur de la tradudion des commentaires de
Jarchi fur Abdias , fur Jcnas 8c fur Sophonie ,
qui ont été imprimés à Paris l’an 1566 , in-A°i\
Henri d’Aquin publia dans la même ville en iyaaj
le ccwimentaire de Jarchi fur Efther, ayec des
Kotes; On a inféré finalement tous îeà cônimeîi-
tàir’ès de ce rabbin fur l’écriture dans les bibles
de Veftife 8c de Bâle. Enfin on a imprimé, avec
le corps du Thalmud, les glofleS fur ce grand
livre. On met fa mort à l’an 1173. Il eft bon de
remarquer que le rabbin Jarchi, Jarhi, Ifaachi,
Ifaacites 8c Rafci font le leùl 8c meme homme.
. Parlons à préfent de quelques-uns de nos fa-
vans chrétiens, nés à Troyes.
Cauflin ( Nicolas ) , jéfuite 8c confeffeur
de Louis X I I I , s’eft fait de la réputation par
un ouvrage qu’ il intitula , la Cour Sainte ,
imprimé, en 162$ in-8°. ; enfuite , en 16 6 4 ,
en deux volumes in-40. , enfin , en 1680 , en"
deux volumes in-fol. On a traduit cet ouvrage
en latin , en italien , en efpagnol, en portugais,
en allemand 8c .en anglois. Le P. Cauflin favo-
rifa la liaifon du roi pour mademoifelle de la
F aye tte, liaifon qui pouvoit fervir à faire rappelles
la reine mère, & difgracier le cardinal de
Richelieu ; mais le miniftre l’emporta fur la maî-
treffe & fur le confeffeur. Mademoifelle de la
Fayette fut obligée de fe retirer dans un couvent,
& bientôt après en 1637 Cauflin fut arrêté,
privé de fon emploi, 8c relégué en baffe-Bretagne,
Il ne revint à Paris qu’après la mort de fon
éminence, 8c mourut dans la maifon-profeffe, en
165Ï , âgé de 71 ans.
Cointe ( Charles le ) > prêtre de l’oratoire,
naquit en 1611 , 8c mourut en 1681, à 70 ans.,
apres avoir publié en latin les annales- ecclefiaf-
tiques de France, en huit volumes in-fol. imprimés
au Louvre par ordre du roi. Ces annales
commencent à l’an 235 , 8c finiffent à l’an 835.1
Elles contiennent les décrets des conciles de
France , avec des explications , le catalogue des
êvêques 8c leurs vies, les fondateurs , les privilèges
des monaftères, les vies, des faints, les*
queftions de doétrine 8c de difcipline. C ’eft un
ouvrage d’un, prodigieux travail, d’ une recherche
fingulièré, mais dénué de tout ornement, & qui
, ne fe fait point lire avec plaifir. Le premier vo-,
lume parut en 1666 y 8c M. Colbert protégea
l ’auteur tant qu’il vécut.
Henrion ( Nicolas ) , ne en 1663 , mort
en 1720 , s’attacha à l’étude des médailles , 8c à
.la connoiffançe des langues orientales. Il fut
agrégé en 1701 à l ’académie des Infcriptions; ce-
penddnt il n’y a rien fous fon nom dans les mémoires
de cette académie , 8c fort peu de chofes
dans fon hiftoirç.
Noble ( Euftache le ) naquit en 1Ô43 , 8c
fit quantité de petits ouvrages^en profe 8c en
vers, qui eurent un grand cours. Il devint procureur
général au parlement de Metz , où fa
mauvaif'e conduite lui ayant attiré des affaires
fàcheufës , il fut détenu plufieurs années en pri-
fon, & perdit fa charge. Il mourut à Paris en
1 7 1 1 , à 68 ans , fi pauvre , que la charité de la
paroiffe ;d,e Saint-Severin fut obligée, de le. faire
enterrer. Brunet, libraire, a recueilli fes oeuvres,.
& les a imprimées en huit volumes in - iz . C ’eft
un mélange d’écrits f’acrés & profanes , d’hifto-
riettes & de pièces graves, de fables , de contes
■8c de tfaduâions\en vers des pfeaumes, de faty-
res de Perfe, de comédies , & d’epitres morales.
Pafferat ( Jean ) , né en 1534 , fe rendit très-
habile dans les belles-lettres , 8c joignit une
rare politeffe à beaucoup d’érudition. Il fuccéda
à Pierre Ramus dans la chaire d’éloquence , &
mourut en iôc2 , à 68 ans. On a de lui des commentaires
fur Catulle, Tibulle 8c Properce., un
livre de cognatione litterarum, des notés fur Pé- '
trône, 8c d,es poéfies latines , dont les vers marquent
beaucoup de pureté de ftyle.
On ne fait pas le même cas de ceux de l’abbé
Boutard, compatriote de Pafferat, né un fiècle
après , & mort à Paris en 1729, âgé de 75 ans.
Cet abbé ayant compofé en vers latins l’éloge
de M. Boffuet, ce prélat lui confeilla d’en com-
pofer un autre à la gloire de Louis X IV , 8c le
chargea de le préïënter lui-même. Le roi ré-
compenfa l’auteur par une penfion de mille livres 8c M. Boffuet lui procura des bénéfices qui le
mirent fort à. fon aife. L’ abbé Boutard fe trouvant
riche , s’ imagina avoir des- talens extraordinaires
pour la pcéfie. Il ornoit de fes vers tous
les monumens érigés en l’honneur de fa majefté 8c fe' creyoit obligé par état de ne laiffer paffer
aucun événement remarquable du règne de ce
prince , ' fans le célébrer ; cependant le public
méprifa le poète, fa verfification commune , feS
expreflions impropres , 8c fes penfées oblcures.
Mais MM. Pithou frères ont fait un honneur
immortel à la ville de Troyes leur patrie. Pithou
( Pierre ) célèbre jurifconfulte Sc l’un des
plus favans hommes 'du xvj fiècle, naquit en 15 39 ,
& mourut à Nogent-fur-Seine en 1S 9 5 , -,à *7
ans. 9 > /
Perfonne, dit M. de Thon, n’a jamais mieux
fu fes affaires domeftiques, qu’ il favoit l’hiftoire
de France 8c des étrangers. La mort de cec
homme incomparable , ajoute-t-il, avec lequel
je partageois nies foins , & a qui je communi-
quois mes études, mes deffeins, & les affaires
d’éta t, nie fut fifenfible, que je ceffai entièrement
l’hiftoire que j’avois commencée; 8c j’euffe
tout-a-fait abandonné cet ouvrage , fi je n’avois
pas cru devoir cette marque de refpecl à fa mémoire
, que d’achever ce que j’ayois entrepris par
les confeils.
Dans le grand nombre d’ouvrages qu’il a compofé
ou qui font fortis de fa bibliothèque, on
jeftime fipgulièrement fon traité des libertés de
l’églife gallicane, qui fera*de fondement à tout
ce -que les autres en ont écrit depuis. La première
édition de cet ouvrage conçu en 83 articles, parut
a Paris en 1594, avec privilège. Les maximes
qui y font détachées & fuivies par articles, ont
en quelque forte force de -îoix, quçiqn’eJes n’en