
février & mars , où la féchereffe eft continuelle.
Tout cela eft contraire au cours du
loleil ; il' faut donc en rejetter la cauièr fur les
montagnes , les vents réglés ou la mer adjacente.
Le^ débordement des rivières , & les
vents réglés y tempèrent, la chaleur -, & y pro-
dutient une récolte abondante de toutes fortes
de fruits.
En quittant l’Afie -, & traverfant la mer
pacifique", nous arrivons à P Amérique , qui eft
lous la zone torride , tant au nord qu’au fud.
La partie qui eft au fud comprend le Pérou &
Je Brefil , qui quoique fort proches -, ont pour-
tant leurs faifons. en différens temps. Le Pérou
le divilè en pays .maritimes , qui font ceux
où iont les montagnes; & en plaines qui font
au-dela des montagnes. Dans la partie du Pérou
voiline de la mer , il n’y tombe point de
pluies , mais les nuages fe tournant en rofées,
qui chaque.jour humeftent les vallées , & les
iertihfent.
U. X/.quelques cantons fous la zone torride
où il tait un froid confldérable ; car dans la
province de Paitoa , au Popayan, & dans la
vallee dArtifina , Itéré & l’hiver y font ft
froids , que--le blé ne peut pas y croître. Dans
les campagnes-voi fines de Cuico , "'environ au
milieu du chemin de l’équateur au tropique du
capricorne , il y règne quelques gelées , & on I
y trouve quelquefois de la neige. .
| La partie méridionale d’Amérique , nommée
le Brtfil, qui s’étend à. l’eft depuis deux jufqu’à
vingt-quatre degrés de latitude fud , jouit çà
& la. d’une température faine. Dans fa partie
intérieure il règne un vent frais , qui femble
U13 •VTÎlt j. & non pas un vent
d eft périodique. Il rafraîchit les hommes , &
rend iuppojtable la chaleur violente du foleil ,
qui eft-précîiément au deffus de leurs têtes. Si
. la mer flue avec ce v en t} il s’élève dès le
matin ; mais fi la mer s’ éloigne de la côte
°n ne le lent que plus tard. Il ne. fe ralentit
pas le fo ir , comme il arrive dans tous les lieux
de l’ Inde -, mais il fe fortifie avec le fo le il, qui
court avec lui à l’oueft , 8c continue jufqu’à
minuit. 1
La plûpart des campagnes du Bréfil font par-
femées de collines , 8c l’on voit dans l’efpace
de pJufieurs,milles des vallées arrofées de petites
rivièresg qui les rendent fertiles dans le
temps des pluies ; mais les montagnes font deffé-
«hées par l’ardeur du fo le il, au point que l’herbe
oc les arbres y meurent.
9 l’Amérique méridionale nous partons à 1 Amérique feptentrionale , nous trouverons que
dans la grande province de Nicaragua, dont
le milieu eft à dix degrés de latitude nord
il pleut pendant fix mois', depuis le premier
de mai julqu’au premier novembre ; 8c dans les
Êx autres mois , il fait un temps fec b nuit
aufli-bien que le jour : ce phénomène ne s’ac-
corde pas avec le mouvement du foleil; car en mai,,
juin, & c . le.foleil eft au zénith ou bien proche ;
& alors il devroit y avoir de la chaleur & du
temps fec au lieu de pluies : au contraire , il
eft plus éloigné en novembre' & décembre; &
ce devroit être le temps des pluies.
Enfin, de l’examen des diveriès laitons qui
régnent dans la zone torride , on doit conclure
i° . qu’il y a plufteurs endroits où on fent à
peine aucun froid dans aucun temps , & où.
1 hiver ne confifte que dans un temps pluvieux.
. a0. Que dans un petit nombre d’autres endroits ,
le froid eft affez fénftble 3°. Qu’ il fe fait fentir
fur-tout à la fin de la n'uit , le foleil étant,
alors fort enfoncé fous l ’horifon. 40. Que la-
grande raifon qui fait qu’on fupporte la chaleur ,
& qu’on peut habiter ces lieux , eft qu’il -n’y
a point de longs jours ., mais que tous font à
peu près- de même longueur que les nuits ; car
s ita etoient aufll longs que tous la zone tem-
perée & la zone glaciale, on ne.pourrait pas,
y habiter. 50. Les vents y modèrent aufli beaucoup
la chaleur du foleil. 6°. Les différens. lieux,,
quoique près les uns des autres., y ont l’été-.
. .l’hiver en différens. temps. 70. Lés endroits
qui ont la chaleur & la féchereffe contre le
cours du fole il, font fitués. à l’oueft , & - 0nt
une chaîne de montagnes à l’eft , excepté le
Pérou. S°. Les faifons en différens lieux n’y
lutvent pas de règle . certaine. 90. La plûpart
des habitans de la zone torride comptent deux,
faifons , fuivant le rapport des voyageurs,.
lavoir , la sèche Sc l’humide : cependant on
doit en compter quatre , y compris, un printemps
8c un automne ; car, comme le printemps,
chez nous tient un peu de l’été , & /automne:
de 1 hiver-, de même aulTi on peut partager les
faifons seches 8c humides fous, la zone torride*
io°. Il y a dans certains endroits un automne
continuel ; dans, d’autres il arrive deux fois, l’année
; & dans quelques-uns feulement dans une
partie de l’année.
, N ° us craignons que ce d é ta il, tiré de Va-
renius , tout neceffaire qu’il eft en géographie ,
nefoit devenu ennuyeux à la plûpart des ledeurs
mais nous allons les dédommager avec ufurô
de notre féchereffe , par J e tableau poétique
que le célébré Peintre des faifons a fait de ce
climat merveilleux & brûlant , auprès duquel
le firmament que nous voyons e f t , pour ainfi
dire , de glace.
C’eft dans, la zone torride que le foleil s’élève
tourna coup perpendicülairement, & chaffe du
ciel a 1 inftant le .crépufcule- , qui- ne fait que
paraître'. Environné d’une flamme ardente , il
étend les fiers, regards, fur tout l’air éblouiflant.
Il monte fiir fon char enflammé ; mais il fait
fortir devant lui des portes du matin , les vents;
alifés > pour tempérer fes feux , 8c faufiler la
fraîcheur fur un monde accablé. Scènes vraiment
grandes, couronnées d’une beauté redoutable ,
& d’une richeffe barbare , dont le père de la
lumière parcourt continuéUerhent le théâtre ,
88 jouit du privilège de doubler les faifons.
L à , les montagnes font enflées de mines , qui
s’élèvent fur le faîte de l’équateur , d’où plu-
fieurs fources jailliffent, 8c roulent de l’or. Là,
font de vaftes forêts qui s’étendant jufqu’à
l’horifon , offrent une ombre immenfe , profonde
j & fans bornes. I c i , des arbres inconnus
aux chants des anciens poètes , mais nobles fils
des fleuves 8c de la chaleur puiffante , percent
les nuages , portent dans les cieux leurs têtes,
hériffees , & voilent le jour même en plein midi.
Ailleurs , des fruits, fans nombre , nourris au
milieu des rochers , renfèrment fous une rude
écorce une pulpe falutaire ; 8c les habitans
tirent de leurs palmiers un vin rafraîehiffant ,
préférable à tous les jus frénétiques de Bacchus.
La perfpe&ive varie à l’ infini , foit par des
plaines à perte de- vue , l’oit par des prés qui
font fans bornes. De riches vallées changent
leurs robes éclatantes en un brun rougeâtre,,
& revêtiffent encore promptement leur verdure,
félon quelle foleil brûlant, les rofées abondantes
, ou les torrens de pluie , prennent le
deffus. Le long de ces -régions folitaires , loin
des foibles imitations de l’art, la majeftueufe
nature demeure dans une retraite augufte; On
n apperçoit que des troupeaux fauvages qui ne
connoiffent ni maître , ni bergeriè. Des fleuves
prodigieux roulent leurs vagues fertiles. L à ,
entre les rofeaux qu’ ils baignent , le crocodile
moitié caché 8c renfermé dans fes écailles vertes,
couvrant le terrain de fa vafte queue paroît
comme un cèdre tombé. Le flux s’abaiffe , &
l’hippopotarne revêtu de fa cotte de maillés ,
élève fa tête ; la flèche lancée1 fur fes flancs,
fe brife en éclats inutiles -, il marche fans crainte,
fur là plaine, ou cherche la colline pour prendre,
différente nourriture ; les troupeaux. en cercle
autour de lui oublient, leurs pâturages , 8c
regardent avec admiration cet étranger fans
malice.
L’énorme éléphant repofè paifiblement fous,
lés arbres antiques qui jètent leur ombre épaiffe
fur le fleuve jaunâtre du Niger , ou aux lieux
où le Gange roule les ondes facréç-s ,, ou enfin
au centre profond des, bois obfcurs qui lui forment
un vafte & magnifique théâtre. C’eft îè
plus, fage des. animaux , doué d’une force qui,
n’eft pas deftrudive , quoique puiffante. i l voit
les. fiecles fe rènouveller 8c changer la. face de
la terre , les. empires s’élever & tomber ; il
regarde avec indifférence c e 1 que. la- race des
hommes projette. Lrois fois heureux, s’il peut
échapper a, leur méchanceté , 8c préfèrver fes
pas des pièges qu’ils lui tendent , foit par une .
«ruelle cupidité ., foir pour flatter la vanité des
rois> qui s’enorgueilliffent d’être portés fur fon
dos élevé; foit enfin pour abul’er de fa force,
en l’employant , étonné lui-même de nos fureurs
, à nous détruire les uns les autres.
Les oifeaux-les plus brillans s’affemblent en
grand nombre fous l’ombrage le long des fleuves,
1 La main de la nature , en le jouant, prit plaifir
à orner de tout fon luxe ces nations panachées 9
8c leur prodigua fes couleurs les plus gaies.
Mais toujours mefûtéê , elle les. humilie dans
leur chant. N’envions pas les belles robes que
l’orgueilleux royaume de Montézuma leur prête,,
ni ces légions d’aftres volans , dont l’éclat fans
bornes réfléchit fur le foleil : nous avons Phi-
lomele ; & dans nos bbis , pendant le doux lilence
de la nuit tranquille , ce chantre , fimplemenc
habillé, fredonne les plus doux accens.
■ C’eft: au milieu du plein midi, que le fole il,
quelquefois tout à coup accablé, fe plonge dans
l’obfcurité la plus épaiffe y l’horreur règne; un
crépufcule. terrible mêlé de jour & de nuit qui
le -combattent & fe fuceèdent , paroît fortir
de ce groupe effrayant. Des vapeurs continuelles
roulent eh foule jufqu’à l’équateur , d’ou l’ air
raréfié leur permet de fortir. Des nuages prodigieux
s’entaffent , tournent avec impétuofité v
entraînés par les tourbillons de vents, ou font
portes en filence , pefamment chargés des tré-
tors immergés qu’exhale l’Océan. Au milieu de
ces hautes mers eondenfées , autour du fommet
des montagnes élevées, théâtre des fiers enfims
d’Eole , lé tonnerre pofe fon trône terrible»
Les éclairs furieux & redoutables percent 8c,
pénètrent de nuage en nuage ; la malle entière
cédant enfuite à la rage dès élemens , fè précipite
, fè diffout, & verfé des fleuves 8c des
torrens^
Ce font des tréfors échappés à la recherche
des anciens , que les lieux dloù arec une pompe
annuelle le puiffant roi des fleuves., le Nil. enflé 9
fe dérobe des deux ' fources. dans le brûlant:
royaume de Goïam-. Il fort comme une fontaine
pure:, 8c répand fes ondes, encore foibles„
à travers le lac brillant du beau. Dambéa. Là
nourri, par les nayades y il paffe gaiement fa
jeuneffe au milieu des'îles odoriférantes, qui
font ornées d’ une verdure continuelle.. Devenue
ambitieux , le fleuve courageux brife tout obstacle,
& recueille plufieurs rivières grofli de
tous, les tréfors dii firmament , il tourne &r
s’avance majeftueufement ; tantôt il roule fe s
eaux au milieu de fplendides royaumes -, tantôt
iL erre fur le fable inhabité , fâuvage 8c falkake
enfin, content de quitter ce trifte défert, il ver£e
fon urne- le long de la Nubie;, allant avec le
bruit d’un tonnerre de rochers en rochers., i l
inonde 8c réjouit l’Egypte enfe.velie fous fes
vagues débordées.
Son frère le Niger , 8c tous les fleuves dans
lefquels les- filles d’Afrique lavent Leurs pieës -