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force : ces travaux, dis-je , doivent être faits
aux frais de l’état , ou tout au moins l’état
doit-venir au fecours de la province qui s’immole
pour la çhofe publique -, ne fût-ce qu’en ordonnant
que le produit de l’impôt additionnel
des deux vingtièmes y foit appliqué. Ce font
des voeux , mais fous un gouvernement paternel
& fortement animé de l’amour du- bien , pro-
pofer des objets eflentiellement utiles., 8c grands-
dans leurs conféquençes , c’eft' leur imprimer le
lpeau de l’exécution.
Difons enfin que. le canal de Languedoc ,
r.’ intérelfoit guères que la province où il s’exécutait.,
8c Louis X IV voulut en partager les
frais , d’ où lui eft venu le nom de canal royal.
On reffentit à Dijon le 6 juillet 1783 , une
fecouffe de tremblement de terre qui dura trois
fécondés. Elle fut accompagnée d’un bruit fouter-
rain, 8ç elle fut affez vive pour renverfer en quelques
endroits des pièces de vaiffelle. mal affifes.
Ce fut vers les neuf heures & demie du matin -
8c dans lç uicine*teiup$ que cette commotion fe fit
fentir à IJeaune | d Genève , & en différentes
autres villes & bourgs de la Bourgogne 8c de
la Franche-Comté. Depuis plus d’un mois , par
un temps chaud 8ç fec , il régnoie , comme au-
mois d’o&obreyun brouillard, une brume qui
indiquoient une maladie une crife de la nature,
ayant-coureurs de eet événement.
Le nombre des naiffanpes à Dijon e f t , apnées
communes > de 800.
On y a remplacé ’ par un arc de triomphe la
porte baffe & gothique qui mafquoit la ville
du côté du couchant. Je ne l’ ai point vue^ 8ç je
ne puis l’apprcçier , ni dans fa maffe générale ,
jii dans fes proportions 8c fes détails.
Le portail de l’églife de Saint - Michel de
Dijon , qui le .cède à celui de Saint-Gervais de
Paris , pour Ja . régularité 4e? 9r4res tIlli
çompofent , l’emporte infiniment fur çelui-çi
par le dévelqp-pement, la beaute des maffes.,
la richeffe' de l’ordonnance l’élégance 8c Ja
fpmptuofitéqui y régnent 3 fans parler des beautés
de détail qui gn rehauffent .encore le mérite.
Ce morceau d’arçhitefture eft compqfé avec une
intelligence admirable. C’ eft un des quatre .portails
les plus magnifiques de l’Europe. Les trois
autres font ceux 4e Saint-Pierre de Rome,,
Sainte-Geneviève., de Paris ,. 8ç de Saint-Sulpiçe
de la même ville. a
Un des beaux monumens du moyen âge elt la
tour, du palais de la province. C’eft dommage
que dans ces dernières années on en ait attaque,
la durée par les voûtes qu’on s’eft permis d’y çonf-
truire dans les falles qui en occupent la partie fu-
périeure , & dont la ppuftée produira immanquablement
l’écartement des murs, les tireront 4e
leur à-plomb, & en accéléreront la ruine. Sure-,
ment on a calculé la pouffée de ces voûtes ,
jpai? op. n’â pas çalçujé jufqu’à quel point gllg çft
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augmentée par le frémiffement & la commotion
imprimés à toute l’économie de la tour , par les
voitures plus ou moins chargées , & plus ou
moins v îte s , qui y caufent des fecouffes , un
ébranlement infenfibles à nos yeux, mais tres-
réels. Ces mouvemens accroiffent dans des pro-,
portions inaftignàbles l’ action des voûtes , qui
devient facilement viétorieufe fur des murs fans
contre-forts , à une hauteur de plus de deux cents
pîeds. On n’a pas calculé l’accroiffement que rece-
vroit Faétion latérale des voûte.s par quelques légères
fecouffes de tremblemens de terre. Si celui
du 6 juillet, qui arriva avant la conftruciion de ces
voûtes, fût arrivé après , à coupfûr la tour fe fût
entr’ouverte.
On a voulu faire des voûtes aux galeries du
Louvre : on en avoit aufïi calculé la poufféç , &
au mépris des calculs elle a produit un éçarte"
ment qu’on a été obligé d’ arrêter par des boulons
& des clefs de fer.
Pourquoi, en un m ot, s’ expofer, par une faute
de calçul, à perdre ce beau refte du palais des
ducs de Bourgogne, ce monument de leur jnagni-
licence. On y a d’ailleurs commis des dégrada,,
tions volontaires -, une baluftrade découpée en
dentelles y faifoit richeffe fur çe comble , on
l’a obftruçe. Les çonftruétions aççeffoires qui
s’élevoiçnt de la plate-forme , qqi ajoutoient à
fon élévation 8c la rendoient plps pittorefque ,
on les a rafée§, & elle paroît jiue depuis çe§.
retranchemens. L’efpèce de hutte qu’on a pratiquée
au-deffus f eft d’un pauvre effet. Ne quittons
point ce chapitre fans défapprouver' ces
lourdes perches plantées verticalement fur leç
combles de l’édifice du palais, 8c fervant dp
lupport à des paratonnerres. Elles déparent, elles
écraferit l’édifice-, elfes Apportent des carreaux argentés
8c dorés qui indiquent qu’on a voulu en
faire parade, 8c en quelque forte défier la foudre 3,
la modeftie convient dans çes préfèrvatifs, & cet
appareil doit le remplacer par une fimple tige
de fer très effilée j argentée à fe pointe fl Bon
veut.
L’églife de Notre-Dame eft conftruite dans des
proportions admirables 3 c’eft un temple d’un
goût exquis, & qui décèle dans l’afchiteâe un
lentiment, une fineffe de taét . inexprimables \
mais il faut fe la figurer rendue à la pureté de
fan arçhjteélure primitive 3 il faut par la penfée
défobftruer les perçés que l’ art lui avoit ménagés,
Elle perd fon effet par le foin barbare qu’on a eu
de murer une partie 4e fes jours , tant dans, le
choeur, que fur les bas côtés. Les grandes fe*
nôtres latérales du pprtail ont difparu, on les a
maçonnées 3 celles de la façade qu’il étoit fl
i effentiel de çonferver , le font aufïi. On gémit de
| voir qu’ il ait exifté des périodes- de temps où
j- l’affoupiffement du goût ait pu permettre d’attenter
gratuitement à la dignité d’un des plus1
beaux
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beaux monumens des a r t s , le chef-d’oeuvre péut-
etre de l’ architeâaire goth ique .
i.-C’ eft une grande faute aufïi- d’ avoir avancé la
tribune- de .l’orgue fur le premier entre-colonne
d e l à n e f -, c’en eft une d’ avoir peint l’architecture
du choeur d’ un autre genre que le -refte de
l’églife *, enfin ^ s’ il y a quelque moyen de parer
aux eaux p luvia le s, il feroit à délirer qu’ on rendît
à la grande tour les percés que l’archite&e lui
ménagea , 8c par l’obftriiétion deïquels elle ne
préfente qu’une maffe pefante. Ajoutons qu’il fau-
droic fubftituer une couverture en plomb à celle
de pierres plates qui e f t au bas du péryftile de la
façade.
Qn a terminé l’aile en retour du palais de
la province , dont l’exécution é toit demeurée fu f-
pendue une fi longue fuite d’années. Mais peut-
e t r e eû t- il été à défirer qu’on l’eût faite fans
dérober la vue du beau portail d e S a in t-M ich e l,
& dans ce cas rien n’eût été fi facile. Il n9étoit
queftion que de prendre un demi-pied fur les
trumeaux , ce qui fû t devenu infenfible fur chacun
de ces efpaces en particulier , & fur :la-longueur
totale de PaiJe.. Le palais fû t refte .fenfibleme nt
régulier , 8c on auroit co n fe rv e , à la place
ro ya le , une perfpeétive fuper.be qu’on y a*përdue,
_ Outre les cinq portes que nous avons indiquées,
•cette v ille en eu t deux autres : la porte aù F e r -
merot , a l’extrémité de la rue de -ce n o n t , 8c la
ponte de Sau lx, près celle de Bourbon -, l ’ une 8c
l ’autre ont_ été murées.
r'Jja Sainte Chapelle , fondée en 117:2. , par
Hugues I I I , fut rebâtie plus magnifiquement
par l e duc P h ilip pe-le-Bon , & terminée par
Louis X I I -, elle fut confacré.e en 1501.
L ’abbaye de Saint-Benigne fut fondée , à ce
qu’on croit généralemen t, vers l’an 5 1 3 , &
elle reconnoît , -finon pour fon fon dateu r, au
moins pour fon bienfaiteur , G on t ran , ro i de
Bou rgo gn e, qui la dota richement. L’ églife fut
rebâtie en 8 70 , p a r l e roi Charles-le-Chauve.
C e lle qui fubfifte fu t commencée en 12,80, 8c
finie , " fuîyant quelques-uns , en 1.288 , & plus
probablement en 12 9 1 . Les reliques de Saint-
Benigne , quifou ffrk le martyre, à D ijon en 173
e u 179 » y font dépofées dans une châffe do ré e ,
«levée derrière le grand a u te l,. & le ch e f du
Saint -fe confervé dans un reliquaire de vermeil 5
couronné & enrichi de pierreries-. On garde aufïi,
dans cette abbaye , deux titres du feptième fiècle
«n papier d’ Egyp te , l’ un du pape Jean V . l’autre
d e Serge I er. . ; . r r *
On. tient comme certain que la rotond e, qui
«ft derrière l’apfide , e ft lç temple dont l ’-empereur 1
Marc-Aurele ordonna la conftruélion en l’ honneur 4e Jupiter, de M a r s , & de Saturne , lorfqu’en
1 année J73 il examina les nouveaux murs dont >1 avoit fa it environner la v ille D ijon . C e c i
prouve, qu’ a ce tte époque cette v ille -a v o it déjà
une certaine- ancienneté.
Géogr. Tome I I I .
D î J J H
La flèche de ï’églife S. Benigrte eft la plus-
belle de l’Europe. Celle de Cambray feule pour-
ro'ît lui être oppofée , mais elle n’eft pas d’une-
aufïl belle* forme. Celle de S. Benigne , indépendamment
de' fon élévation extraordinaire ,
eft co-upée avec une precifion , elle eft filée avec
une pureté , telle qu’il feroit très difficile de
l’égaler , 8c impofîible de la furpaffer. Il conviendrait
de retrancher les couvertures pyramidales
des-deux tours qui font au portail, la
grande aiguille en domineroit avec plus d’avantage.
L’abbaye n’e-xifte plus , 8c la menfe abbatiale
eft unie .a perpétuité à l’évêché..
On voit-.avec plaifir à Dijon le bel hôtel
Dampierre , dont la noble fixnplicité .contrafte
ave.c les chantour.nures mefquines de celui de
l’intendance , qui gagneroit beaucoup fi on dé;
truifoit les deux murs qui font entre -la grande
porte 8c les deux pavillons , pour leur fubftituer
une grille. Le palais des "états , fur la
rue Notre-Dame , eft trop écra-fé , 8c n’a point
la dignité qu’on s’attend à trouver dans un édir
fice publie de- cette -importance. - -
Dijon manque dé jardins publics 3 & il feroit
à.défirer-que la ville acquît Montmufard. Le parc
efl-trop diftant de la ville :. s’y rendre eft un
voyage , on y éprouve la lafïïtude au lieu du dé-
laffement qu’on y cherche. L’ arquebufe eft. trop
loin encore , trop refïerréo, 8c on ne p.eut s’y
rendre que par une grande route incommode 8c
'poudreufe en été,. Il feroit, je ne dis pas feulement
convenable , mais néceftaire que la ville ou-
la province achetaffent une partie des anciens jar- -
dins de Montmufard , jufqu’ au deffus de l’étang ,>
8c qu’on les plantât. Si on ne s’y détermine pas,
il feroit à propos d’ouvrir au public les boulevards
des portes de Bourbon & de S. Pierre.
De la première dé. celles-ci à la porte S. N icolas
, il règne une promenade fort agréable ,
dont te cours , depuis quelques années, eft interrompu
par l’anticipation fubreptice d’un jardin
particulier qui anguftie l’efpace, & qu’il eft aifé
de rappeller à fes limites-
' Joignant le faubourg S. Pierre , eft un vafte
& bel hôtel qu’élevèrent les Jéfuites pour en
faire une maifon de retraite. Il eft comme v a cant
aujourd’h u i, & le meilleur ufage, la plus
utile, -deftination qu’on puiffe lui donner , eft
de la convertir en un corps de caferne à la
décharge des citoyens qui n’éprouveroient plus
la fujétion 8c les incpnvéniens de loger les
gens de guerre. Peut - être feroit - il utile de
liipprimer les compagnies de jeux, dites de l’ arc &:
de l’arquebufe , qui multiplient dans la ville les
exemptions de contributions , à la charge des
autres claffes.
Depuis quelques années le deflîn des jardins
de l’ arquebufe a été changé-, ils ont été planté.»
dans le genre anglois. Le grand peuplier qu’ ea
y voit 5 a 27 pieds de circonférence.
E e e e e