
oueft par le Maine , au levant par le Be-rrî, 8c
•au couchant par l’Anjou.
Sous Honorius , la Touraine fe trouvoit cora-
prile dans la troifième Lyonoifè. De la domination
des Romains , elle parta fous celle des Vifi-
goths y puis des François, & fut gouvernée par
des comtes particuliers qui d’amovibles qu’ ils
étoient d’abord, s’y rendirent héréditaires à condition
deréverfibilitéà lacouronne à défaut d’hoirs
mâles. Ge ofroi-Martel, comte d’Anjou , s’en empara
en 1044 fous prétexte qu’elle avoit fait partie
au domaine de fes prédécerteurs , & la tranfmit
à fes delcendans comtes d’Anjou & rois d’Angleterre.
Mais Philippe-Augufte en prit polfefiion en
-120-2., comme des autres fiefs confifqués, fur Jean
fans-Terre. Jean premier l’érigea en Duché-Pairie
-'en 13 56, en faveur de Philippe fon fils, -depuis
duc de Bourgogne. Elle a été enfuite donnée plu-
fïeurs fois en apanage aux fils de France 8c fut
enfin réunie pour toujours à la couronne après la
mort de François, duc d’Alençon , frère du Roi
Henri ÏÏL
On donne à la Touraine 24 lieues de longueur
du midi au nord , 8c 22 du levant au couchant.
•La Loire la divife en haute 8c baffe ; mais outre
cette riviere, elle eftauroféedu Cher, delà Vienne,
de l’Indre, de la Creule , &c. qui toutes enfemblé.
lui procurent beaucoup de variétés agréables, 8c
beaucoup de commodités pour le commerce 8c
pour la communication avec les autres provinces.
Son climat eft tempéré , 8c fon fol admirable-
Ici font des terres fablonneufes faciles à cultiver,
8- toujours en labour ; elles rapportent du feiglé,
de l’orge, du mil, des légumes, & de la gaiide
pour la teinture ; Là, c’eft un terrain uni dont les
terres font grafles & fertiles en froment. Ailleurs,
font des terres marécagcufes 8c pleines d’étangs
poiffonneux •, les rivières arrofent des prés & des
pâturages pour la nourriture des beftiaux., & les
forêts fournirtént du bois.
Ou y trouve aufli quelques mines de fer 8c de
cuivre. Il y a du falpêtre dans les coteaux de la
Loire expofés au midi. Dans une plaine près de
Ligueil, l’on trouve un banc de 1 30680000 toiles
esibiques de coquillages marins, fans aucun mélange
de corps étrangers. C’eft ce que les habi-
sans du pays nomment falun, y & ils s’en fervent
on guife de marne pour fertilifer leurs terres.
Les coteaux de la Loire & du Cher font chargés
de vignes -, dans d’autres dont le terroir eft plus
gras, l’on recueille d’excellens fruits, noix, noi-
lbttes, amandes , prunes & pruneaux excellons.
En un mot, c’eft une province
Que du ciel la douce influence,
Loin des-hivers & des fri mats,
A fait le jardin de la France.
Toute la Touraine eft du reflort du parlement
te de la cour des aides de Paris. Elle a un grand
maître des eaux & forêts créé en 1689 , pare:«
que le toi pofsede trois forêts dans cette province-,
lavoir celle d’Ainboife , qui contient feize ' milia
arpens de bois, d-ant environ trois mille de haute
futaie-, celle de Loches, qui contient cinq mille
arpens en futaie-, & celle de Chinon, qui contient,
environ lèpt mille arpens , partie en futaie , partie
en taillis.
Cette province s’etirichirtoit autrefois par fes
manufactures de draperie , de tannerie, de fôierie'
& de rubannerie-, mais toutes ces manufacture s
font tombées en décadence-, celles de draperie 8c
de tannerie font anéanties ; la foierie occupoit
dans le feizième fiècle plus' de huit mille métiers,
fept cents moulins à fojerie , & plus de quarante
mille perfonnes-, elle n’en occupe pas aujourd’hui
deux mille. Des trois mille métiers de rubannerie ,
il en refte à peine cinquante.
Plufieurs caufes ont concouru à la deftru&ion
de ces manufacturés , qui attiroient dans la province
plus de dix millions par an. Il faut mettre
entre ces caufes, la cefTation du. commerce avec
les etrangers , la fortie des ouvriers hors du
royaume, l’obligation qu’on a impofée aux marchands
d’acheter à Lyon les foies dont ils ont:
befoin , fyç.
La Touraine a été érigée en gouvernement g é -
néral l’an 1545? & aujourd’ hui elle..a un gouverneur
, un lieutenant-général, & uh lieutenant de
roi. La juftice y eft admitviftrée conformément à
la coutume particulière du p ays, rédigée en 1460,
& revue en 1555?. Il y a deux duchés-pairies dans
ce gouvernement , Montbazon & Luynes. On
compte dans la Touraine huit villes royales dont
le domaine eft engagé, à l’exception de celui de
Tours, capitale.
Les peuples de cette‘province, appelles Tourangeaux
y ont pris leur nom des anciens Turohes ou
Turoni, marqué entre les Celtes dans les commentaires
de Célar. Tacite les nomme Turoni imbellesf
T e Tafle les a peints dans fa Jérufalem, chant I .
Non e gente robufla, ,0 faticofa,
Se ben tutta.di ferro ella riluce :
La terra molle , e lieta, e dilettof*
Simili A fè gli habitator produee ;
Impeto fa nelle battaglie prime -
Ma di leggier poi langue, t Ji reprime.
Ce portrait a été élégamment rendu en vers
latins par un poète de Sicile;
Turba Ucet chalybis cataphraâa horrore nitends ,
Ægra labore tamen , neç vivida robore : mollis
Blahdaque terra , Jibi fmiles educit alumnos ,
Scilicet ; hi fub prima ruunt dijerimina pugna
Précipites , fed rejhnSo mox fulgure torpent.
Gwnme
Comme les Mules aiment'les pays délicieux ,
la Touraine a produit des gens qui les ont cultivées
avec honneur. Dans ce nombre, je ne dois
point oublier MM. Racan & de Marolles.
Racan , ( Honorât de Beuil , marquis de , )
poète françois, lié en 1589, & l ’un des premiers
de l’académie françoife , mourut à Paris en 1670,
à quatre-vingt-un ans.
Il s’eft acquis une grande réputation par fes
Bergeries ouEglogues , & par fes Odes facrées , ou
paraphrafes des pfeaumes. Il avoit un génie fécond,
aifé, un cara&ère doux & fimple > & par conféquent
il ne lui manquoit rien pour être berger. Aurtl
trouve- t-on dans les Bergeries des morceaux pleins
d’agrément & de délicatefle.
Coutelier, libraire à Paris , a donné en 172.4
une édition fort jolie des oeuvres de Racan , en
a. vol. in-z a.; mais il s’eft gliffé dans cette édition
quelques fautes , & des ©millions confidé-
rables. Il y manque une longue ode au cardinal
de Richelieu , qui fe trouve dans un recueil de
poéfies , intitulé : les nouvelles M u j e s Paris 1635,
in-S° ; un fonnet à M. de Puyfieux, 8c une épitaphe
de douze vers qui ont été inférés dans les
Délices de la poéjie françoife, Paris 1621, in-8° .
les fept lettres qui font, dans le receuil de Faret -,
les Mémoires de la vie de Malherbe, 6‘c. manquent
aurtl : voilà des matériaux pour une nouvelle édition.
Le conté des trois Racans , rapporté dans le
Ménagiana , tom.. I I I , pag. 83 , n’eft peut-être
pas vrai-, mais comme il eft fort plaifant, je vais
le copier encore.
Deux amis de M. de Racan furent qu’ il avoit
rendez - vous pour voir Mlle de Gournay. Elle
étoit de Gafcogne , fort vive , & u n peu emportée
de fon naturel 0 au refte bel efprit, 8c comme telle,
elle avoit témoigné , en arrivant à Paris , grande
impatience de voir M. de Racan, qu’elle ne con-
noifloit pas encore. Un de ces Meilleurs prévint
d’une heure ou deux celle du rendez-vous, 8c fit
dire que c’étoit Racan qui demandoit à voir Mlle
de Gournay. Dieu fait comme il fut reçu. Il lui
parla fort des ouvrages qu’elle avoit fait imprimer,
Sc qu’ il avoit étudiés exprès. Enfin, après un quart-
d’ heure de converfation, il fortit, & laiffa Mlle
de Gournay fort fatisfaite d’avoir vu M. de Racan.
A-peine étoit-il à trois pas de chez e lle, qu’on lui
vint annoncer un fécond M. de Racan. Elle crut
d’abord que c’étoit le premier qui avoit oublié
quelque chofe , & qui remontoit. Elle lé préparoit
à lui faire un compliment là-deflus, lorfque l’autre
entra , & fit le lien. Mlle de Gournay ne put
s’empêcher de lui demander plufieurs fois , , s’il
étoit véritablement M. de Racan , & lui raconta
ce qui venoit de le paffer. Le prétendu Racan fit
fort le fâché de la pièce qu’on lui avoit jouée, &
jura qu’il s’ert vengeroit. Bref , Mlle de Gournay
fut encore plus contente de celui-ci qu’elle ne
l’avoir été de l’autre , parce qu’il la loua davantage,
Enfin , il parta chez elle pour le véritable
Géogr. Tome I I I .
Racan , 8c le premier pour un Racan d ; contrebande.
Il ne faifoit que de fortir, lorfque M. de Racan
en, original, demanda à parler à Mlle de Gournay.
Elle perdit patience. Quoi , encore des llacans ,
dit-elle 1 Néanmoins on le fit entrer. Mlle de
Gournay le prit fur un ton fort haut 8c lui demanda
s’ il venoit pour l’ infulter? M. de Racan, qui n’étoit
pas un parleur fort ferré, & qui s’attenaoit à une
réception bien différente , en fut fi furpris , qu’ il
ne putrépondre qu’en balbutiant. Mlle de Gournay
qui étoit violente , fe perfiiada tout-de-bon que
c’étoit un homme envoyé pour la jouer-, 8c défai-
fant fa pantoufle , elle le chargea à grands coups
de mule , 8c l’obligea de fe fauver. « J’ai vu ,
» ajoute Ménage, j’ai vu jouer cette fcène par
» Boisrobert, en prélénee du marquis de Racan ;
» & quand on lui demandoit fl cela étoit vrai :
» ouî-dà, difoit-il, il en eft quelque chofe. »
De Marolles, (Miche l) abbé de Villeloin , 8c
l’un des plus infatigables traducteurs du feizième
fiècle, étoit fils de Claude de Marolles , gentilhomme
de Touraine, & capitaine des Cent-luifles^
connu par fon combat fingulier à la tête de l’armee
d’Henri I V , contre Marivaux. Les fer vices de ce
père , le mérite particulier du fils , 8c le credic
qu’il avoit dans la maifon de Nevers , fembloient
être des aflurances qu’il parviendroit un jour aux
premières dignités de l’Eglife-, néanmoins, comme
il étoit fort ftudjeux, il eut le même fort qu’ont
prefque tous lès gens de lettres fans intrigue y
8c uniquement dévoués aux Mules ; c’eft-a-dire ,
qu’on lui donna de belles efpérances , & qu’il ne
travailla point à en obtenir les effets.
L’abbé de Villeloin continua fi bien au contraire
de travailler pour les lettres feules , qu’ il compofa
foixante - neuf ouvrages , dont la piûpârt étoient
des tradu&ions d’auteurs clafiiques : tradudions
très-utiles dans leur temps , & qui ont dû. lui
coûter beaucoup *, mais on les eftime fort peu de
nos jours , & même fans rendre afl’ez de juftice
à un homme qui a frayé le chemin du mieux. Les
mémoires de fa vie contiennent des choies inté-
rertantes.
N’oublions pas de dire qu’ il eft un des premiers
| françois qui ait eu la curiofité des eftampes. Il
en fit une ample & excellent recueil, & en donna
deux catalogues qui font recherchés. Son“beau
recueil a parte dans le cabinet du r o i, 8c c’eft un
avantage pour le public.
L’abbé de Marolles mourut à Paris en 1681 ,
âgé de quatre-vingt-un ans. ( R. )
TO U R AN , ancien nom du pays de Turqueftan,
qui tire fon origine de Tours, fils de Féridoun
roi dePerfe , de la dynaftie des Piichdadiens. Le
Touran eft une vafte contrée, qui renferme tout
ce qui s’appelle la grande-Tartarie, depuis l’Gxus
jufqu’en Mofcovie , Sibérie & Chine. Timur-Bec
réduifit fous fa domination tout le pays de Touran,
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