
le tombeau de Henri V , mort en ï W & cel ui
fis b. Edouard le Confefleur, mort en rofij. Sur
la gauche eft inhumé le brave Edouard I " , mort
on 1308 , & Henri I I I , mort en 1173. Ces tom-
oeaux iont tous accompagnés d’épitaphes.
De la chapelle royale on paffe dans celle de
.Henri V I I , où fe voit le tombeau de ce prince .
en bronze maffif, & où il eft inhumé avec Eli-
labeth Ion époufe. Le roi Edouard V I a fon tombeau
tout près de celui de fon aïeul. La reine
Marie Stuart, mère-de Jacques I " , & la princefle
Marguerite de Richemond, mère de Henri VII
lonz enfevelies au dehors de la chapelle , à la
m m fur. la Sauche on voit la fe'pulture de
I îlluitre reine Elifabeth.
L’églife de Weftminfter eft le lieu où fe fait
ordinairement la cérémonie du couronnement
des rois , & l’on a fuivi cet ufage depuis Guillaume
- le-Conquérant, qui montra l’exemple.
La reine Elifabeth ayant ôté cette églife aux
religieux bénédictins qui la polfédoient, y mit à
leur place douze chanoines avec un doyen. Le
doyen eft d’ordinaire un évêque , lequel a fo.us
certaines reftriâions, une jurifdiaion escl’éfiaf-
tique & civile dans la ville de Weftminfter, &
dans les lieux qui dependoient autrefois de l’abbaye.
Les revenus de cette maifon fervent aâuel-
lement a entretenir trente chanoines, un orga-
nifte , douze pauvres, & quarante écoliers avec
leurs maîtres, & di.vers fuppôts , qui ont tous
de gros appointemens. Il y a dans le cloître
une bibliothèque publique , qui s’ouvre foir &
matin pendant'les féances des cours de iuftice
de Weftminfter. '
C’eft dans l’eglife de Weftminfter qu’on enterre
les rois 8c reines d’Angleterre,les perlbnnes du plus
haut rang , & celles d’un mérite rare ■, mais au mi-*
lieu de tant d’hommes illuftres dont l’églife eft le
tombeau, l’hiftoire nous apprend que Cromwell
y fit enfèvelir fa mère avec beaucoup de pompe
& de magnificence. Elle vécut allez pour le voir
élevé au protedorat, & folemnellèment inftallé , -
en 1653 1 dans ce grand office, équivalent à celui’
de la royauté : cependant elle n’avoit jamais pu
fe perfuader que le pouvoir ou la vie de fon fils
fullent en fureté-, & d’un jour à l ’autre elle dou-
toit qu’il fût vivant, s’il ne l’en affuroit par fa
préfence. C’étoit une femme de bonne famille ,
du nom de Stuart, & d’un caradère décent, qui,
par fon économie & fon induftrie , avoit tiré
parti d’une fortune bornée pour l’éducation d’une
nombreufe famille. Elle s’écoit vue dans la né-
ceffité d’ctabiir une brafferie à Huntington, &
fa conduite lui en avoit fait tirer de l’avantage. 33e là vient que Cromwell, dans les libelles du
temps, eft quelquefois défigné fous Je nom de
BraJJèur. Ludlow le raille du furcroîp confidé-
rable que fon revefru royal alloit recevoir par la
mort de fa mère , qu'l poffédoit un douaire de
60 liv. fterl. fur fon.bien.
1?,!le dc Weftminfter fut conftruite par le
roi Guillaume I I , dit U Roux, vers l’an 1098.
Cette falle eft voûtée, & la voûte eft lambriffée
dune efpece de (lois qui croît en Irlande, &
auquel les araignées n’attachent point leurs toiles.
C e lt dans cette falle ques’afTemble le Parlement
d Angleterre ; & pour emprunter ici la poète de
1 auteur de la Henriade :
Aux murs de Weftminfter on voit paroître enfemble
Trois pouvoirs étonnés du noeud qui les raffemble j
Les députés du peuple , & lès grands, & le ro i,
Divifés d’intérêt, réunis par la loi ;
Tous trois membres facrés de ce corps invincible,
Dangereux à lui-même , à fes voifins terrible.
Heureux , lorfque le peuple inftruit par fon devoir,
Refpefte, autant qu’il doit, le fouverain pouvoir !
Plus heureux, lorfqu’un roi doux, jufte & politique,
Refpefte, autant qu’il doit, la liberté publique !
Quoique cette falle foit longue de 270 pieds ,
arge de 70 v les voûtes ne font foutenues 0 aucuns piliers. On prétend que cette falle n’eft
qu un refte du palais qu’Edouard le Confeffeur
eleva près de l’ abbaye, & qu’acheva Guillaume II.
C.e palais fut réduit en cendres vers le milieu du
leizieme fiècle , fous le règne de Henri V I I I , &
1 on ne put fauver de l’incendie que cette grande
u 6 1 1 1 *e . Par*ement s’affemble , & quelques
chambres voiünes, entr’ autres, celle qu’on nomme
vulgairement la chambre peinte de S . Edouard.
.C’eft à Weftminfter qu’eft né, vers l’an 1575,
Benjamin Johnfon , ou Jonfon , illuftre poète
dramatique , & c’eft dans i’abbaye de ce lieu
qu’il fuç enterré. Il poffédoit tout le lavoir qui
manquoit 3 Shakefpear, ik manquoit de tout le
génie dont l’ autre étoit parragé : tous deux étoient
prefque également dépourvus d’ élégance, d’harmonie
& de çorredion, Johnfon , fervile copifte
des anciens, traduifit en mauvais anglois leurs
plus beaux* paffages ; mais S'hakefpear créa & prévalut
par fon génie fur l’art groffier de fes contemporains.
Johnfon étant né. fort pauvre, & n’ayant pas
de quoi pourfuivre fes études, travailjgit au bâtiment
de Unçolns-Inn avec la truefte-à Ja main,
& un livre en poche : Shaîcefpear ayant v u une
de les pieçes, la recommanda, & cette regom*
mandation jntroduifit Johnfon dans le monde.
< W ^ première édition de fes oeuvres en
1616 , in -folia : elles ont été réimprimées pins
commodément à Londres en 17*6 , en 6 vol. in^8°.
Dans cette colleélion fe trouye une pièce inti-
lee ; Humble requête du pauvre Ben au meilleur
de tous les rois , de tous les maîtres, de tous Us
hommes , le roi Charles. Il y expole à ce prince ,
que le roi fon père juj a donné une peniion
annuelle
annuelle de cent marcs, & le fupplié d’en faire,
des livres fterlings. On fait fa réponle au fujet
du préfent modique qu’il reçut de Charles Ier :
« Je fuis logé à l’étroit (dit ce bel efprit , lorf-
» qu’on lui remit la fomme) , mais je vois par
» rétendue de cette Faveur, que l’ame de Sa
» Majefté n’eft pas logée plus au large. » I am
lodfd in an Alley : but j fee from the extefit o f
this b'ounty, that hers, Majefty’s foui is too lodfd
ih an Alley.
Il parle dans fes découvertes ( difeoveries ) ,
avec une vérité charmante, de toutes fortes de
traverfes auxquelles il avoit été expofé de la part
de fes ennemis. Ils me reprochoient, d it - il, de
ce que je m’ occupois à faire des vers , comme fi
je commettois un crime dans cette occupation :
ils produîfirent contre moi mes écrits par lambeaux
*, odieufe méchanceté 1 puifqué les écrits
de l’auteur le plus fage paroîtront toujours dangereux
, lorfqu’on en citera quelques périodes
hors de leur liaifon avec le refte. Ils m’ont aufli
reproché ma pauvreté *, j’ avoue qu’elle eft à mon
fervice , fobre dans fes alimens , fimple dans les
habits , frugale , laborieufe , & me donnant de
bons confeils qui m’empêchent de tomber dans
les vices des enfans chéris de Plutus. Qu’on
jète les yeux, continue-t-il , fur les plus monf-
trueux exdès, on ne les trouvera guère dans les
maifons de l’indigence. : ce font les fruits des
riches géants & des puiffans chaffeurs *, tandis
que tout ce qu’il y a de noble , de digne de
louange 8c de. mémoire, doit fon origine à de
chétives cabanes. C’eft l’ancienne pauvreté qui
a fondé les palais, bâti les villes, inventé les
arts ^ donné des loix utiles, armé les hommes
contre les crimes *, c’eft elle qui a fait trouver
aux mortels une récompenfe dans leurs propres
vertus , & qui a confervé la gloire & le bonheur
des peuples jufqu’ à ce qu’ ils 1e foient vendus aux
lyrans ambitieux.
Betterton (Thomas) , eftimé généralement le
meilleur aéleur qui ait paru fur le théâtre anglois
avant le fameux Garrik, qui a été fans contredit
le premier de l’ Europe ’> homme unique en fon
genre , & q u i, fous le fiècle d’Augufte , eût partagé
les fuftrages des Romains entre Pylade &
lui. Je viens à Bettertcn : il naquit dans le Tutle-
Street à Weftminfter , en 1634 *, fon père , qui
étoit fous-cüifinier de Charles Ief , voulut en
faire un libraire i mais la plûpart de ceux qui ont
excellé dans les arts, y ont été conduits par leur
génie * malgré, les vues & les oppofitions de leurs
parens.
• Comme la nature avoit formé Betterton pour
le théâtre , il s’y diftingua bientôt avçc éclat,
& enleva tous les fufïrages dès l’ âge dé 22 ans. 21 efl le premier qui ait joué à Londres des rôles
de femmes, & il s’en acquitta avec beaucoup
d’applaudiffement. Il entra d’abord dans la troupe
‘du roi*, mais comme la plûpart des comédiens
Céogr. Tome I I I .
avôiènt été chaffés de leurs trônes imaginaires ,
lorfque Charles Ier en perdit un r é e l, plufieurs
d’entr’eux prirent les armes pour le fervice de
leur fouverain , & firent paroître beaucoup de
valeur pour fa défenl’e. Entr’autres exemples ,
le fameux aéleur Mohun fe conduifit avec tant
d’ intrépidité , qu’on l’honora d’une commiflion
de major , qu’ il remit à la révolution, pour retourner
au théâtre. Le. chevalier Davenant avoit
marqué beaucoup de zê4e pour Charles I I , qui,
en récompenfe de fes fervices, lui accorda une
patente pour former une troupe de comédiens ,
fous le titre de comédiens du duc diYorck ■ & c’eft
dans cette troupe que fe mit Betterton, & dont
il fut le héros.
Quelques-uns croient qu’ il introduisit le pre-'
mier en Angleterre lé changement de décorations.
Quoi qu’il en fo it , il eft certain qu’ il contribua
beaucoup à les embellir & à les perfectionner.
Il époufa mademoifelle Sanderfon , qui joignoit
aux talens naturels , requis pour faire une excel-,
lente aétrice , la beauté, les grâces & la vertu.
Le théâtre anglois iubit di ver fes vieilli tude s
par les changemens de troupes, de lieux & de
directeurs. Ün dïreéteur de théâtre, par le commercé.
confiant qu’il eft obligé d’avoir , foit avec
fâ troupe d’ aélëurs & d’aétrices, foie avec tout
ce qu’il y a de gens frivoles , tant naturels
qu’étrangers, eft proprement dans fon pofte le
Machiavel de l’empire de l’amour. Le théâtre eft
en lui-même l’ image de la vie humaine ; les
hommes qui font la plus grande figure dans le
monde , ne font pas plus ce qu’ ils paroiffent être,
que cet acteur à qui vous voyez quitter fes habits
de parade, n’ eft le héros qu’ il vient de repré-
feiiter.
Au milieu des révolutions du théâtre anglois ,
Betterton en éprouva dans fa fortune *, il perdit ,
par un prêt inconfidéré , la plus grande partie
de ce qu’il avoit gagné, 8 mille liv. fterl. Un
bon acteur n’eft point à Londres dans la misère.
Betterton réuniffoit en lui tous les talens , la
figure, la beauté du gefte 8c de la v o ix , la
netteté de la prononciation , & la fûreté de la
mémoire : fon aêtion étoit jufte , touchante ,
admirable.
Je ne puis trop le louer, dit fauteur du Tatler
car c’ étoit un homme étonnant, q u i, par fon
aétion , m’a fait fentir ce qu’il y a de grand dan*
la nature humaine , bien plus vivement que ne
l’ ont jamais fait les raifonnemens des philofophes
les plus profonds., & les defcripdons les plus
charmantes .des poètes : l’ angoiffe dans laquelle
il paroiffoit, en examinant la circonftance dit
mouchoir dans Othello -j les mouvemens d’amour
que l’innocence des réponfes des Defdémone
éxcitoit en lui , exprimoient dans fes geftes une
fi grande variété de paffions qui fe fuccédoienc
les unes aux autres , qu’ il n’y avoit perfonne qui
n'apprît à redouter fon propre coeur, & qui ne
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