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4 e Pan 1464 | ce prince déclare : Que ta terre
d'Yvetot a été tenue quitte , franche & exempte
envers lui , & fes prédécejjèurs d'hommage &
autres devoirs , que les feigneurs F Yvetot avoient
en icelle feigneurie haute jufiice , moyenne , &
baffe & hauts jours , 6” que les matières de la
feigneurie prenoient fin fans rejjbrtir ailleurs. Et
autrement , y eft-il dit , duement nous efi apparu
que ladite terre & feigneurie d'Yvetot e f i , &
a été , au temps paffé vulgairement appellée
R o y A u m e . Dans les lettres-patentes dont il
•vient d’être fait mention , la terre d’Yvetot eft
confidérée comme un état feparé 8c hors de
Frâncer, dans lequel la couronne de France-'
n’a aucunes prétentions. On lit dans des lettres-
patentes de Henri II , que de grande ancienneté
nos prédécejjèurs rois de France , auroient, pour
■ certaines bonnes & raifonnables çaufes •& confi-
dèrations -, érigé en principauté la terre & fe igneurie
d'Yvetot, & voulu qu'elle fû t appelléëv ROYAUME , & ce faifant, entre autres beaux
grands privilèges, auroient donné pouvoir en
en ladite feigneurie F Yvetot -, de tenir hauts
jours pour juger en fouveraineté b dernier réjjbrt
les procès & matières des fujets , & outre • ce
l 'auroient nofdits prédéceffeurs exempté de fo i 6*
hommage , 6* donné droit de foires & marché,
francs de- toute ' aide , impàfitions , charges 6’
contributions quelconques ., avec exemption aux-
fujets de ladite feigneurie municipauté de toute
impofidon , quatrième , & gabelle de f e l , emprunt
, taille, foucLge , &c. " *
Louis XJ , da s un arrêt de Ton eonfeil'
xfétat , vérifié par-tout où befoin a été , Confirme
les lettres - patentes de Louis XI , &
.celles des rois qui ont régné avant & depuis
ce prince, f l ajoute , que cette érection en fouve-
raineté , connue dans les premiers temps fous le
nom de R o y a u m e , ayant été changée en principauté
, parce que fans doute les feigneurs
d'icelle n'étoient. pas afiè% puiffans pour foutenir
tin nom f i augufie , avait paru f i vénérable -aux
rois fucceffeurs de Clotaire , qu'ils n'auroient
point voulu toucher aux libertés franchifës , exemptions
&immunités de ladite terre , ni aux droits
des princes & habitans Ficelle. Que les Anglais
même ^pendant qu'ils ont poffédé la Normandie ,
les ont .rejpeclés , & que lui '( Louis X IY ) ne
vouloit pas renverfer un ètdbliffement de 10.06 ans.
Dans eét arrêt du eonfeil , * il eft dit que fa
Majefté & les rois fes prédéceffeurs ont perpétuellement
interpofé leur autorité royale ,
ïorfque les fermiers des droits royaux ont voulu
troubler les princes & • M bit ans d’Yvetot dans
la poffeflion de leurs privilèges , fans fouffrir
«qp’on y donnât aucune atteinte.
A vue des regiftres du eonfeil d’état du
premier juin 1779 , Sa Majefté glorieuferaent
régnante , reconnoît que la princjpauté^d’Yvetot
#,e 46; t m fo i , ni hommage , ni aucune forte
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de droit à la couronne. J’auroîs pu rappoftêt
les témoignages de Baronius , de Sponde , &
de beaucoup d’autres qui tous parlent des feigneurs
d’Y v e to t , comme ayant été revêtus du
titre de R o i. Citons enfin cinq ver^ d’un >de
nos vieux poètes :
Au noble pays de Gaux
Y a quatre abbayes royaux,
Six prieurés conventuauxy
Et fix barons de "grand arro.y,
Quatre comtes, trois ducs, un toy.
Des faits que j’ai énoncés , on ^doit conclure
que' dépiiîs.ïès premiers temps de la monarchie ,
Yvetot èft' une principauté fouveraine , indépendante
, telle que l ’étoient de nos jours
celles de ' Dombes 8c de Bel ls-Ifle , telles que
le font encore aujourd’ hui celle de Mafferano ,
én Piémont, celle de Fés-di-novo , en Toicane.
Aurefte", l’ avidité de la ferme , -que les princes
d’Yvetot ont prefque toujours eu à repouffer ,
n’a porté que trop d’atteintes aux privilèges
qui leur font garantis par la foi des traités,
& dont ils font en poifefiion par la fenètion des
aftes les plus authentiques & les plus fo-
lemnels.
La- terre d 'Y veto t, qui eut autrefois le titre
de royaume , a aujourd’hui non celui de mar-
quifat, comme le difent quelques géographes ,
mais celui de principauté, qui lui fut donné par
Louis XI. Les juges fiégent non fur les li s ,
mais fur les dauphins , qui font les armes du
prince actuel. La capitation , à la vérité, ainfi que.
les vingtièmes , font perçus par le roi fur les
fujets d’Yvetot y mais c’ eft une innovation contre
laquelle les princes réclament. Le roi ou le
eonfeil d’état juge de tous les différends xqui
peuvent s'élever entre le, pripce & les habitans.
Les affaires civiles font décidées à Rouen en
dernière inftance. Les habitans font exempts
d’aides , de taille , de gabelles , d’emprunts ,
aubaine , de droits d’ amortiffementj fubvention,
& c. Ces franchifes ont accru à Yvetot l’induf*
trie & la population y elles y ont répandu le
mouvement & la vie , & l’ont fait paffer affez
rapidement de l’état de fîmple village à celui
de ville , 8c d’une ville même affez confidé-
rable où on ne compte pas moins de iz,ooo
habitans. Le prince y a les droits de foire &
marché , .& il perçoit à fon profit le quatrième
fur toutes les boiffons qui fe vendent en détail.
Il nomme à tous les offices de judiçâture ,
aux -bénéfices-cures de la principauté , 8c aux
canonicàts de la collégiale. Yvètôt eft fitué.à % 11.
de Caudebeç , & à 6 de Rouen , fur la route
de cette ville au Havre. Il s’y tient tous les
ans quatre foires, & le commerce qui s’y fait
en grains & en toiles eft des plus confidéra-
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bîes. On y compte trois paroiffes', dont deux
font hors des murs * la principale a. le titre de
collégiale. Le curé èft revêtu du titre de’ prévôt ;
il porte le manteau v iole t, & la ceinture de
même couleur , le doyen les chanoines ont
le rochet | & le camail violets.
La principauté d’Y v e to t, eft poffédée aujourd’hui
par M. le comte d’Albon , d’une des
plus anciennes & des plus illuftres maifons du.
royaume. Cette principauté eft éntree dans l'a
maifon d’Albon en - 1640 , par mariage avec
l’héritière du maréchal d’Humières ^ qui étoit
prince d’Y v e to t, auffi. par alliance , contractée
dans la maifon du Bellay , qui en a joui
l ’efpace de cent trente-deux ans- Les bénédictins
y ont de grandes poffèfiions par leur abbaye
de S. Vandrîlle.
. fe réfultat de mes recherches relatives
à la principauté d’Y v e to t, mais un hif-
torien fidèle , ami par-deffus tout de- la vérité ,
ne doit point diflimuler l'es autorités qui peuvent
infirmer fon fentiment. Pénétré plus que.' per-
fonne de cette faine maxime infeparable de
l’honnêteté y je rapporterai, en fon entier cé que
le chevalier de Jaucourt a inféré. fur çette-
matiere , dans fon article Yvetot de l’ancienne
Encyclopédie.
« On a raconté- bien dès fables, au fujet de
» ce bourg , qu’on s’eft avifé pendant long-
» temps, de qualifier de royaume d’après Robert
» Gagüin , hiftorien' du féizième fièclë.. Cet
» écrivain , liv. JT , fo l. 17 , rapporte que
» Gautier ou Vautier , feigneür d’Yvetot
» chambrier du. roi Clotaire1 L-r ,, ayant perdu
» fes bonnes .grâces de fon maître , s?en bannit
» de fon .propre mouvement ,. paffa dans, les-
» climats étrangers , où: pendant dix ans il fit
» la guerre^ aux ennemis de :la foi , qu’au bout
»* de ce terme , fe. flattant que là colère' dii
» roi. feroit adoucie , il. reprit le chemin de Ta
» France y qu’il pafla par Rome , où il vit le
» pape Agapet’ ,. dont il obtint des lettres de
» recommandation pour le roi , qui. étoit alors
» a Soiffons., capitale de fes états. Le feigneur.
» d’Yvetot s’y rendit ’ un. jour de-vendredi feint
» de l’année^ 5 36 y & ayant appris que Glotairè
» etoit a Peglife ^y il fut l’y trouver y fe jeta
» a fes pieds & le -conjura de lu i accorder
» fe grâce par le mérité dé celui qui à pareil
» jôur ayoit répandu- fon fan g-pour le felut
» des hommes y mais Clotaire , prince farouche
» & cruel -, 1 ayant reconnu ,.Iui. paffe. fon. épée
» au. travers du corps. ,
» Gaguin ajoute que le pape* Agapet ayant
» appris uriè àdton f i indigne , inenaça le '-roî-
» des foudres de; l’Hgîife y s’ il ne réparok fa
» faute1',. & que Clotaire juftement intimidé ,
» & pour:fetisfeéHô’n 1 du meurtre de fon fujet,.
» érigen la feigneurie d’Yvetot en royaume ’
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» en faveur des héritiers & des fucceffeurs dit
» feigneür d’Yvetot y qu’ il en fit expédier de*-
» lettres fignéds de lui & fcellées de fon feeau ;
» que c’eft depuis ce'temps-là que les feigneurs
» d’Yvetot portent le titre de rois : & je trouve,
» par une autorité confiante & indubitable
»- continue Gaguin , qu’un événement aufli ex-
» traordinaire s’eft paffé en l’an de grâce 5 36.
» Tout ce. récit a été examiné félon le»
» règles de la plus^ exaéle critique , par M. l’abbs
» de Vertot , dans une differtation inférée ei>
». 1714 parmi celles du recueil des Mémoires des
» inferiptions , tom. I F , m-40. Ce fevant abbé"
,j prouve qu’aucun dës- hiftoriens contemporains-
» n’ a fait mention d’-un événement fi fingulier y
'» q.ne Clotaire Ier , qu’on fuppofe fouverain de
» cet endroit de la France où eft fituée la
» feigneurie d’Yvetot , ne régnpit point dans-
» cette contrée y que le pape Agapet étoit déjà
» mort y que ' dans .ce même temps les fiefs-
» n’étoient point héréditaires, y 8c qu’enfin oa
» ne datoit point les aâes de l’an de grâce y
»' comme le rapporte Robert Gaguin.
» Il eft peut-être arrivé- q u e ,. dans, l’efpace de
»„ temps, qui s’ eff écoulé depuis 1370 à 1390,
» le fouverain , par une: grâce fingulière , tourna.
» en franc - aleu 8c affranchit de tout devoir
» d’hommages & de .vaffalité la terre d’Yvetot :
». mais, foppofé qu’on yéuille do-nner à ce franc-
y> al’eu noble le titre.de royaume , les Anglois;
h nos. voifins nous en fourniront un- pareil
» qu’on appelle le royaume’ de ’Man , de la '
petite îlè de ce nom' fituée; dans la mer
» d’Irlande , ~8c au: couchant dé l’Angleterre.
» La feigneurie d’Yvetot jouit encore au-
» jourd’hui dé tbus lés privilèges de francs-aleus
» nobles attachés à'cèèté terre , à laquelle le
^ donrioit autrefois, le nom- de royaüme ,
àinlf qu’il paroit parces veirs d’un de nos
anciens poètes» ‘Suivent les*.1 Quatre vers que
nous Siforis ciŸès a la page p fêtédente;• ; ■
- J-eTeneur:curieux, de confuiter tout ce qui
» regarde le prétendu royaume d’Y v e t o t , peut
» lire.., outre la differtation que nous avons
}) indiquée , le traité de là nobtefie par M. de
» .la-Roque le DicHohiiaire géographique de la
^ F tance,y \ey Mercure du mois de Janvier 172.6 9
». 8c le traite, latin dii royaume d’Yvetot par
».-.Claude Malingre ,, intitulé de f it fd re^ni- Yves
»• totti narratione , ex majoribus commentariis
p in fragmentum. redacta, Paris. 1615 > in-8°. »
_ Nous avons obfervé précédemment,. que les
jugés du prince fiégent dans, leur tribunaux ,
non. fur les fleurs de lis , mais îur lès dauphins y
c èft que le poffeffeur aftuel de cette- princi*-
parité fe;-.prétend' iffu des ancien*fouverains de
DàupHiié. V’oici une anecdote qu’on raconte a
ce fujet. Le Grand-Dauphin , fous. Louis X IV ,
paffoit - lê pont -n eu f, & il y remarqua une