
blique j on lui préféroit les nobles d’ancienne
origine.
Les citadins , qui font les bonnes familles des
citoyens vénitiens, compofent un fécond état
entre la nobleffe & le peuple. On diftingue deux
fortes de citadins : les premiers le font de naif-
fance , étant iffus de ces familles qui, avant la
fixation du grand-confeil, avoient la même part
au gouvernement qu’y a préfentement la nobleffe
vénitienne. Le fécond ordre des citadins eft com-
pofé de ceux qui ont., par mérite ou.par argent,
obtenu ce rang dans la république. Les uns 8c les
autres jouiffent des mêmes privilèges. La, république
feint delà prédileâion pour les vrais citadins
& leur donne toutes les charges qu’on tient au,
deffous d’ un noble Vénitien. La dignité de grand-
chancelier eft le "plus haut degré d’élévation où
puiffe prétendre un citadin. Le rang & la gran-‘
deur de cette charge en rendroient la fonction
digne d’un des premiers fénateurs , fi la répu-r
blique, jaloufe de fon autorité , n’avoit réduit
cet emploi au feul exercice des chofes indifpen-
fables , fans lui donner ni voix ni crédit dans
les tribunaux où il a la liberté d’entrer.
La dignité de grand-chancelier , celle de procurateur
de Saint-Marc, & celle du doge , font
les feules qui fe donnent à vie. Voyelles mots
Doge 8c Procurateur de Saint-Marc.
Comme la république a voulu conferver dans
l ’ordre extérieur de fon gouvernement une image
-de la monarchie, de l’ariftocratie & de la démocratie
, elle offre en apparence un prince dans
la perfonne de fon doge ; une ariftocratie dans
le prégadi ou le fénat •, 8c une efpèce de démocratie
dans le grand-confeil , où les plus puiffans
font obligés de briguer les fuffrages : cependant
le tout ne forme qu’une pure ariftocratie.
Une des chofes à quoi le fénat s’eft appliqué
avec grand foin, a été d’empêcher que les princes,
étrangers n’euffer.t aucune çonnoilfance de fes
.délibérations ni de fes maximes particulières ;
8c comme il eût été plus facile à la cour de
Rome qu’à aucune autre , d’en venir à b out,
8c même de former un parti confidérable dans le
fénat, par le moyen des eccléfiaftiques , la république
ne s’eft pas feulement contentée de leur
en interdire l’entrée , elle n’ a même jamais fouf^~
fert que la jurifdiétion eccléfiaftique ordinaire fe
foit établie dans fes états avec la même autorité
que la plûpart des princes lui ont laiffé prendre,
& elle a exclus fous les eccléfiaftiques, quand
même ils feroient nobles Vénitiens, de tous les
confeils & de tous les emplois du gouvernement.
Le fénat ne nomme aucun Vénitien au pape
pour le cardinalat, afin de ne tenter aucun de
les fujets à trahir les intérêts de la république ,
par l’efpérance du chapeau. Il eft vrai que l’am-
feaffadeur de Veniie propofe au pape les fujets
de l’état qui méritent cet honneur -, mais il fait
fes follicitations comme fimple particulier, & ne
forme aucune demande au nom du fénat. Auffi
le cardinalat n’eft pas à Venife en aulli grande
confidération qu’il l’eft ailleurs.
Le patriarche de Venife eft élu par le fénat;
il ne met à la tête de fes mandèmens , que N.....
divinâ miferatione Venetiarum patriarcha , fans
ajouter, comme les autres prélats d’Italie , Jancla
fedis apojloticoe gracia.
Soit que la république ait eu deffein de dif-
traire le peuple en lui attribuant des pouvoirs
étrangers à l’adminiftration de l’état , foit
qu’elle n’ait eu d’ autre vue que de maintenir
l’ancien ufage de l’églife ; elle a laifTé l’éleâioii
des curés à la difpofition des paroilfiens , qui
doivent choifir celui des prêtres habitués de la
même paroiffe , qui leur paroit le plus digne.
Tous ceux qui pofsèdent des. maifons en propre
dans l’étendue de la paroiffe, nobles, citadins
& artifans , s’affemblent dans l’églife, dans le
terme de trois jours après la mort du curé, &
procèdent à l’ élection à la pluralité des voix ; faute
de quoi la république nomme un curé d’office.
Il eft vrai que l’inquifition eft établie à Venife,
mais elle y exifte fous des conditions qui diminuent
l’atrocité de fa puiffance. Elle eft corn-*
pofée à Venife du nonce du pape , du patriarche
de Venife, toujours noble Vénitien . du père
inquifiteur, toujours de l’ordre de S. François,
8c de deux principaux fénateurs qui font ailiftans ,
8c fans le confentement defquels toutes les procédures
font milles, 8c les fentences hors d’état
d’être mifes à exécution.
L’héréfie ' eft prefque la feule matière dont
l’ inquifition de Venife ait droit de connoître ;
les défordres qui fuivent l’héréfie , ou qui peuvent
l’entretenir', ont des juges féculiers qui prennent
connoiffance de ces matières'. Tous ceux qui font
profefiiôn d’une autre religion que dé la catholique
, ne font point fournis à l’ inquifition ; &
depuis le catalogué des livres défendus , qui fut
dreffé lorlque la république reçut l’ inquifition ,
il n’eft point permis au faint-office d’en cen-
furer d’autres que ceux que la république elle-
même cenfure. Outre cela, le fénat entretient
deux docteurs qu’on appelle confulteurs d’état ;
l’un religieux & l’autre féculier, qui font chargés
d’examiner les bulles , les brefs & lès excommunications
qui viennent de Rome, 8c qu’on ne
reçoit jamais fans l’approbation de ces deux docteurs.
Le college, le prégadi & le grand - confeîl
font mouvoir l’ état. Le collège eft compofé du
doge, de fes fix confeillers , des trois chefs de
la quarantie criminelle , des fix fages-grands , des
cinq fages de Terre-ferme , 8c des cinq fages des
ordres; en tout z6 perfonnes. Foyej Doge,
Qüarantie; Sages-Grands , 8cc.
Mais toute l’autorité de la république eft partagée
entre le fénat ou le prégadi, & le grand-
confeil. Le fen a t, ou le confeil des priés, eft
chargé
chargé de l’adminiftration ordinaire ; il décide
de la paix & de la guerre ; il fait les alliances ;
il envoie les ambaffadeurs : il eft compofé de
300 membres qui font toi^s les ans ballottés pour
une nouvelle éleftion. Ce confeil fe tient trois
fois la, femaine ,v il faut avoir 27 ans pour y
entrer. [Le confeil général eft dépofitaire du pouvoir
fouverain ; il difpôfe abfolument de toutes
les magiftratures ; il a droit de faire de nouvelles
loix , d’élire les fénateurs, de confirmer
les éle&ions du fénat, de nommer à toutes les
charges , de créer les procurateurs de Saint-
Marc , les podeftats 8c les gouverneurs qu’on
envoie dans les provinces : enfin , le grand-
confeil eft l’ affemblée générale des nobles , où
tous ceux qursqnt 25 ans , & qui ont pris la
vefte , entrent avec le droit de fuffrage.
Il eft compofé d’environ deux mille nobles,
y compris ceux qui occupent quelque charge
publique en Terre-ferme. Il s’ affemble ordinairement
les • dimanches 8c fêtes. Le confeil des
dix eft un tribunal redoutable , chargé de
veiller fur la nobleffe & à la fureté de l’état,
de réprimer avec vigueur les abus , & de. punir
les délits contre le gouvernement, fans appel
8c fans en rendre compte à perfonne , quelles
que foient les parties intéreffées , fût-ce même
le doge. Ce confeil, qui fe renouvelle tous les
ans, choifit, entre fes membres, trois inquifiteurs
d’état, qui font dépofitaires de toute fon autorité,
& q u i, tous , les trois mois , font renouvellés par
la voie de l’éleétion. L’avis dés trois inquifiteurs
d’état doit être unanime pour avoir fon exécution :
en cas de partage , ils doivent porter l’affaire au
confeil des dix.
Le collège eft un confeil^de la république , qui
donne audience aux ambaffadeurs, reçoit leurs
mémoires, porte leurs demandes au fénat, & en
rapporte les réponfes. On le nomme aufîi le
confeil des vingc-Jîx feigneurs.
Le doge , qui eft le chef de la république , a
tous les honneurs de la fouveraineté , fans
en avoir le pouvoir ; & à fon éleétion, fa famille
eft obligée de quitter le fénat. Sa dignité eft
à vie , mais la république peut le dépofer. Il
préfide à tous les confeils, & n’ a que fa voix
comme les autres. Tous les jugemens fe rendent
en fon nom.
Les principaux magiftrats font les procurateurs
de Saint-Marc, le chancelier, les fages-grands,
les provéditeurs. Les procurateurs de Saint-Marc
font des officiers commis à la diftribution des
grandes richeffes laiffées à l’églife de Sairtt-Marc
8c aux pauvres. Ils font les tuteurs des orphelins,
& les protecteurs des veuves ils portent la vefte
ducale. Le chancelier tient les fceaux de la république
; il eft le chef des citadins ou bourgeois
de Venife , comme le doge l’eft de la nobleffe ;
il porte la vefte ducale de pôurpre , 8c il a le
titre d’Excellence. Les fages - grands font des
Géogr. Tome III.
officiers au riômbre de f ix , qui préparent les
matières qui doivent être traitées dans le fénat.
Les fages de Terre-ferme ont à peu près les mêmes
fondions. C’eft parmi les uns 8c les autres que
fe prennent les ambaffadeurs que la république
envoie aux foiiverains , en obfervant cependant
que ceux qu’elle envoie à l’empereur, au pape 8c
au grand - feigneur , doivent être pris parmi les
fages - grands. Ils portent tous la vefte ducale
violette ., 8c font traités d’Excellence. Les provéditeurs
font les gouverneurs qu’on envoie dans
les provinces avec un commandement abfolu.
Pour prévenir les défordres du luxe, le gouvernement
de Venife a établi des magiftrats ap-
pellés. fopra-proveditori aile pompe. Ce font des
fénateurs, du premier ordre, qui , par des ordonnances
févères , ont réglé la table, le train, 8c les
habits de la nobleffe Vénitienne..
La république prend aufli connoiffance des
affaires générales 8c particulières des religieux
& dès religieufes. Elle a. établi à cet effet trois
fénateurs avec une autorité fort étendue fur la
difoiplinë extérieure des couve ns. Ces trois magiftrats
ont un capitaine de (birres qui vifite les
parloirs , outre quantité d’efpions gagés -, mais
cette févérité apparente eft plutôt pour empêcher
les fupérieurs eccléfiaftiques de s’én mêler, que
pour guérir un mal qui ne leur paroît pas moins
néceffaire que peu fufceptible de remède, la jeune
nobleffe vénitienne faifant un de fes plus grands
plaifirs du commerce qu’elle entretient avec les
religieufes dans des parloirs fans grilles.
La république gouverne les états de Terre-ferme
par des nobles qu’elle y envoie, avec les titres!
de podeftats , provéditeurs, gouverneurs, 8cc.
Elle envoie aulli quelquefois dans les provinces
trois des premiers fénateurs, auxquels elle donne
le nom 0?inquifiteurs de Terre-ferme, & qui font
chargés d’écouter les plaintes des fujets contre
les gouverneurs, & de leur rendre juftice.
L’état de la république de Venife fe partage
en quatorze provinces , dont il y en a fept.vers'
le midi -, favoir : le Dogado ou duché de V e nife
, le Padouan , le Véronois , le Breffan, le
Bergàmafc, le Crémafc au midi du Breffan , 8c
la Poléfine de Rovigo : cinq au nord-eft du golfe
de Venife, du midi au feptentrion ; favoir: la
Marche Trévifane , le Vicentin, le Feltrin, le
Bellunèfe, le Cadorin. A l’orient de celle-ci font
le Frioul qui lui eft contigu , 8c l’ Iftrie fur le
golfe de Venife, prefque vis-à-vis le Ferrarois.
Le Dogado s’étend en long depuis l’embouchure
du Lizonzo jufqu’à celle de l’Adige, & comprend
les îles des Lagunes, de Venife , de Muràno , &
tout le quartier qui eft vers la côte du g o lfe ,
depuis Carvazère jufqu’ à Grado, ainfi que plu-
fieurs îles qui font aux environs de la capitale.
La République de Venife pofsède d’ailleurs les
îles de Corfou, de Sainte-Maure, de Céphalonie
8c de Zante. Elle pofsède une partie de la Dal-
Y y y